Je ne sais pas comment je suis arrivé au bout de cette année scolaire. Certes il reste au directeur d'école que je suis du travail pour la semaine à venir, mais chaque jour m'apporte son lot de tâches terminées, de décisions prises, de choix bouclés... Bref, je m'achemine doucement mais sûrement vers des vacances qui rarement je crois m'auront été aussi nécessaires.
La faute en revient en partie à mon âge, je le suppose, qui s'il m'autorise avec l'expérience accumulée à remplir avec rapidité et efficacité de nombreuses missions, par ailleurs fait que j'ai un mal de chien à récupérer de la fatigue malgré des nuits de huit heures. Et puis je m'avoue fort las de répéter à date quasi fixe des actes similaires depuis trente-six ans que j'enseigne et quinze ans que je dirige des écoles.
La faute aussi, je l'affirme désormais, à un rythme scolaire que j'ai du mal à supporter: je pouvais auparavant passer quelques heures tranquilles le mercredi matin à travailler ma direction d'école, je n'en ai plus l'opportunité aujourd'hui. D'autant que je m'effondre le mercredi après-midi dans une sieste certes réparatrice mais qui ne me laisse aucun temps d'activité personnelle ou professionnelle. Travailler le soir après la classe? Je le fais, contraint et forcé, mais sans aucune réelle efficacité et en perdant un temps fou, simplement parce qu'après les heures passées avec mes loulous et mes louloutes je n'ai plus de jus. Bref, il serait temps que je passe la main, si on ne m'obligeait pas à bosser encore quelques années. Personne ne parle de la pénibilité de ce travail, qui est réelle. J'imagine difficilement dans quel état je serai d'ici les quatre ou cinq ans qui me restent... pour l'instant!
Je suis également exaspéré par les constats que je suis contraint de faire quant à mon métier de directeur d'école. La parution en décembre dernier d'un référentiel qui souligne mes devoirs et responsabilités m'avait enchanté: enfin mon métier était clairement défini, le référentiel allait s'imposer et faire force de Loi. Enfin il était clairement exposé que le directeur d'école, aux nombreuses prérogatives, est de facto le supérieur hiérarchique de proximité dans l'école (répartition des moyens, des élèves, des classes, gestion et organisation de la sécurité, autorisations de sortie, etc). Mais bernique! Les résistances sont nombreuses et énergivores, quand elles ne sont pas illégales ou abusives. Oh, je ne parle pas pour moi. Mais beaucoup de mes collègues directrices et directeurs d'école se retrouvent en cette fin d'année -comme si rien n'avait changé- dans les mêmes situations inextricables ou absurdes que nous pouvons avoir connues les années précédentes: adjoints qui refusent une décision d'attribution de classe alors qu'ils n'en ont pas le droit -rappelons pour la bonne bouche qu'un enseignant est nommé dans une école, pas sur un poste quelconque-, et en appellent à des syndicats ou des IEN qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas alors qu'ils devraient systématiquement appuyer les décisions du directeur qui est le seul maître à bord; IEN qui veulent imposer des répartitions alors que ce n'est en aucun cas de leur ressort, ou qui demandent à les valider, ce qui ne les regarde pas... Bref, c'est kif kif bourricot, et le référentiel tout le monde s'en fout.
J'ai déjà écrit ici que la faute en incombe en partie aux directeurs d'école qui ne prennent pas ce référentiel à bras-le-corps. Mais comment s'imposer face à des adjoints nombreux dont la rage infantile et égocentrique fait tache d'huile et s'estiment harcelés par le méchant directeur qui ne les aime pas bouh ouh ouh... ? Comment s'imposer face à un IEN qui ne répond pas à un courriel rappelant la Loi, ou fait la sourde oreille, ou pire répond qu'effectivement c'est la Loi mais qu'il s'en tamponne? A moins d'avoir encore en cette fin d'année une énergie suffisante pour s'élancer sur la sentier de la guerre...
Depuis le temps que le ministère marmonne dans sa barbe, il va falloir désormais qu'il articule. Oui, le directeur d'école est un supérieur hiérarchique dans son école. Oui, ses prérogatives sont inaliénables sauf décision du DASEN. Non, un IEN n'a pas à s'immiscer dans l'organisation des écoles qui incombe au seul directeur. Non, un IEN n'est pas membre du Conseil de maîtres, et s'il assiste de droit au Conseil d'école il n'en est pas membre non plus.
Il faut que le ministère mette également franchement fin au flicage permanent que subissent les directeurs d'école de la part d'IEN qui pour certains ont une vision très particulière de leur mission de veille, d'évaluation et de conseil. Pour un inspecteur bienveillant qui déborde de confiance envers "ses" directeurs, combien de bourreaux frustrés ou de tortionnaires en puissance? Il faudrait éplucher les statistiques des CHSCT, si elles existent, pour le comprendre pleinement. Il est nécessaire que le ministère donne -enfin!- aux directeurs d'école la pleine maîtrise et sans contrôle lourdingue et chronophage a posteriori des fameuses 108 heures dues par les enseignants du primaire. Contre les syndicats? Lesquels? Ah oui, on s'en fout non?
Qu'on nous fasse confiance, merde!
Et qu'on nous laisse le choix de faire ou non appel aux conseils d'un IEN qui de toute façon n'y connait que couic en direction d'école. Quand je n'ai besoin ni de son avis ni de ses conseils généralement foutraques, qu'il ne vienne pas me les imposer: j'ai autre chose à faire... gérer mon école, organiser les enseignements, veiller à la sécurité, discuter avec la municipalité, et forcément hélas m'occuper de mes élèves puisqu'en 2015 un directeur d'école a encore charge de classe en plus d'un déjà lourd métier.
Allez, encore une semaine. Et de canicule en plus, on va se marrer...