samedi 13 juin 2015

Autorité et hiérarchie dans l'école...

L'organisation administrative française est basée sur l'idée d'une hiérarchisation descendante: le Premier Ministre est le chef du gouvernement, son Ministre de l’Éducation nationale applique les choix du Premier Ministre et nomme trente-un recteurs et quatre vice-recteurs qui seront les représentants politiques de l’État dans les académies françaises, chargés de l'application des textes comme de les expliciter ou veiller à leur strict respect.

Viennent ensuite les DASEN, ou Directeurs Académiques, qui ne sont plus des politiques mais bien les premiers "organisationnels" de la hiérarchie. C'est à eux d'organiser l'école pour qu'elle respecte les choix du gouvernement, suivant en cela les consignes du Recteur qui les chapeaute.

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On comprend bien ici ce que signifie le terme "hiérarchie": il ne s'agit pas d'une question de pouvoir au sens propre du terme, comme on pourrait le comprendre dans une organisation strictement hiérarchisée comme l'armée et comme certains aimeraient qu'on le croie, mais d'une question de compétence. Si chaque échelon de la hiérarchie est bien subordonné à celui qui le précède, en revanche les compétences exercées sont totalement différentes. Le recteur est un transmetteur, le DASEN un organisateur, qui met en place les éléments matériels nécessaires à l'application des choix gouvernementaux.

C'est à ce même titre que les échelons suivants de la hiérarchie, soient les IEN ou Inspecteurs puis les Directeurs d'école et enfin les enseignants de base, sont également des organisateurs, qui ont chacun des compétences différentes à exercer dont certaines sont exclusives. Les programmes de l'école par exemple traversent directement les couches hiérarchiques pour aller du Ministre aux enseignants, qui auront à s'en emparer de la manière qui leur convient le mieux. Personne n'a rien à leur dire sur ce point, à deux conditions: qu'ils les respectent, et qu'ils soient efficaces.

C'est ainsi que leur travail va être dans une certaine mesure surveillé par leur DASEN, qui en fonction de la qualité de leur travail va agir sur leur carrière en les nommant sur un poste, en leur accordant une note et éventuellement une sanction, en influant leur avancement... Le DASEN est bel et bien, dans l'organisation hiérarchique de l'école, le chef de service des enseignants.

Le rôle de l'IEN est congru, mais on peut comprendre son existence. Dans la mesure où un DASEN a plusieurs milliers d'enseignants dans son académie, il ne peut tous les "inspecter". Il délègue donc ce rôle à un IEN qui exercera ce devoir d'inspection à sa place, mais ne pourra que proposer une note qui sera acceptée... ou non -j'ai vu des DASEN diminuer une proposition-. En revanche, s'il constate un dysfonctionnement mineur, l'IEN pourra mettre en place localement une formation généralisée ou individuelle (Animation pédagogique, observation de classe...), ou proposer une formation pour tous les enseignants de l'académie. L'IEN est de fait un formateur, auquel est en plus délégué un certain nombre de pratiques organisationnelles locales (autorisations d'absence, remplacements...). Si l'IEN est stricto sensu un supérieur hiérarchique, c'est parce qu'il a des compétences particulières qui lui sont dévolues par défaut, mais il est en aucun cas le chef de son service, et il devra référer à son DASEN s'il constate un dysfonctionnement majeur.

Le directeur d'école est dans le même cas. Des compétences particulières lui sont réservées, et clairement sont beaucoup plus importantes que celles d'un IEN. Le directeur d'école a une autorité fonctionnelle -au sens d' "attachée à sa fonction"- très stricte que nul ne peut remettre en cause; personne ne peut discuter ses choix lorsqu'il s'agit de l'admission des élèves, de la sécurité des adultes ou des enfants de son école, de la sécurité des biens meubles et immeubles, de l'emploi du temps des ATSEM de son école, de la répartition des élèves, des classes, ou des moyens financiers mis à la disposition de chacun. Sauf évidemment s'il ne respecte pas les textes ou crée dans son école des iniquités flagrantes, ou encore prend des décisions exagérées. L'IEN s'il est mis au courant devra informer alors le DASEN des dysfonctionnements, et celui-ci comme chef de service prendra les décisions qui s'imposent selon la gravité des problèmes, quitte au pire à déplacer un personnel ou à relever un directeur d'école de sa mission. C'est son droit, le DASEN en a l'autorité. Pas l'IEN.

Le directeur d'école est donc un bien un échelon hiérarchique de l'éducation nationale. La charge de travail est d'ailleurs si bien définie et si ample que le législateur, avec la parution récente d'un "référentiel-métier", a décidé qu'être directeur d'école est désormais un "métier" à part entière, et non plus une simple mission donnée à un enseignant qui en ferait la demande. D'où un recrutement spécifique -car ce métier réclame des compétences particulières- et une formation plus poussée qui devrait débuter l'année scolaire prochaine si les DASEN ne traînent pas les pieds. D'où un grade particulier qui sera bientôt mis en discussion. D'où également les doutes des IEN aujourd'hui, qui voient leur rôle -du moins celui qu'ils s'étaient eux-mêmes donné- diminuer si drastiquement qu'ils se demandent ce qu'ils vont devenir, car ils n'ont pas de compétences spécifiques autres que pratiques ou déléguées, contrairement aux directeurs d'école qu'ils voudraient savoir sous leur coupe. Mais ce n'est pas le cas.

Je ne peux donc aujourd'hui que réitérer aux directeurs et directrices d'école le conseil que je donne ici avec une régularité de métronome, soit celui de saisir leur métier à bras-le-corps. Le bifteck des IEN est roussi sur les bords, mais ce n'est pas aux directeurs de leur donner à manger. Votre école, chers et chères collègues, dépend de vous, pas d'une puissance imaginaire qui telle l'étoile noire de "La guerre des étoiles" menacerait quotidiennement de fort loin vos prérogatives ou pourrait les remettre en cause. Bien sûr un IEN peut être un allié. Mais jamais il ne pourra être votre ennemi, il n'en a pas les armes. Vous avez parfaitement le droit dans le cadre de votre métier de le remettre à sa place s'il a le toupet d'y empiéter. Je vois suffisamment depuis deux ans d'IEN cloués au pilori par les CHSCT pour vous l'affirmer. Mais je comprends parfaitement que pour l'instant certains IEN qui se prennent pour ce qu'ils ne sont pas puissent vous gâcher la vie, alors sachez aussi faire preuve de diplomatie. Tant que le moribond bouge encore...

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