dimanche 31 janvier 2016

Le temps du découragement...

L'ambiance générale n'est pas bonne dans l'enseignement aujourd'hui. Quand on discute un peu avec des collègues, à l'école ou lors d'une réunion, pendant une conférence quelconque, sur les réseaux sociaux, on peut constater un désenchantement généralisé qui n'est pas loin de la déprime.

Il faut dire que la transformation de l'école n'est pas facile. Les médias posent la question avec une régularité inquiétante: peut-on réformer l'école? La réponse varie évidemment selon le fond politique qui sous-tend la question. Pourtant...

Pourtant depuis vingt ans nous sommes sur la sellette. À raison. Je suis le premier à déplorer les faillites de notre système éducatif, qui laisse de nombreux élèves quitter l'école sans bagage sérieux, voire avec des lacunes monstrueuses et un avenir social compromis. Pour autant les enseignants n'en sont pas à mon sens responsables, c'est l'organisation de l'école française elle-même qui crée cet état de fait. Notre système éducatif est lourd, monstrueusement lourd, extrêmement centralisé, très directif; la pyramide institutionnelle est descendante, rien quasiment ne peut remonter, et les efforts quotidiens des agents de terrain sont totalement ignorés malgré une "innovation" dont on nous rebat constamment les oreilles. D'où d'ailleurs une désaffection de plus en plus grande de l'école publique au profit des écoles privées et surtout des écoles dites "alternatives" que je vois pousser comme champignons en automne. Je comprends totalement cet abandon des familles, du moins de celles qui ont les moyens de se tourner vers d'autres formes d'enseignement qui investissent plus l'équilibre éducatif que l'instruction. Mais il faut que chacun comprenne que les enseignants du public n'y sont pour rien! Nous n'avons pas dans ce pays de mauvais professeurs, loin de là. Je vois quotidiennement des gens intimement investis dans leur boulot, qui s'échinent pour leurs élèves, font du mieux qu'ils peuvent et cela en soi est déjà énorme. Les jeunes enseignants que je croise montrent une richesse extérieurement insoupçonnable d'idées et d'envie de faire progresser leurs élèves.

Tout est fait pour nous décourager. Depuis vingt ans les mesures, réformes, tentatives de changement se suivent et ne se ressemblent pas, ou se ressemblent trop. Tous les trois ans on nous pond un texte qui exprime plus ou moins le contraire de ce qui nous a été imposé trois ans auparavant. Si nous attendons un peu, nous sommes presque sûrs après huit ou dix ans de retrouver des textes similaires. Pour retomber peu ou prou dans les mêmes travers.

Car jamais ces instructions qui nous sont données ne tiennent compte de l'avis des agents de terrain. Nos gouvernants et nos législateurs se font le malin plaisir de chercher de soi-disant "spécialistes" ou "chercheurs" qui, s'ils ont enseigné, l'ont rarement fait dans le primaire ou le collège qui parait-il méritent que l'on s'y intéresse, et pas depuis vingt-cinq ans quand ils ne sont pas cacochymes. Tous les trois ans nos dirigeants nous pondent avec enthousiasme un bidule foireux "vous allez voir ce que vous allez voir", qui passé au crible des obsessions politiques de ceux qui tiennent la barre, devient vite un imbroglio incompréhensible et ingérable. Lequel devra néanmoins être mis en place sur le terrain par des gens comme moi qui n'en peuvent plus de constamment faire et refaire et refaire. Tenez, je viens de lire le nouveau "document de synthèse des acquis scolaires" qui devra être mis en place en fin de scolarité maternelle; il ressemble furieusement à celui que l'on m'avait imposé il y a quelques années, sauf que les items ont une forme légèrement différente. Mais voilà, moi qui avait réussi tant bien que mal à en automatiser la gestion grâce à l'informatique je vais devoir tout refaire. Ces gens-là s'en foutent.

Car le nœud gordien de l'affaire est là: si nos gouvernants se préoccupent de rendre l'école efficace pour tous, ce qui est une bonne préoccupation, jamais ils ne se posent la question de la façon dont les agents de terrain vont devoir s'emparer de nouvelles instructions, de nouveaux textes, de nouveaux documents de bilan ou de suivi. Cela réclame du temps, de l'attention, de la discussion, c'est un investissement lourd lorsqu'on a une classe plus ou moins facile à gérer avec parfois des effectifs imposants, une mission de direction à remplir, des familles à accueillir et rassurer.

Et puis, nous sommes si peu considérés. Quand on ne nous met pas des bâtons dans les roues! Les directeurs d'école d'aujourd'hui ont une foule de responsabilités nouvelles dont personne ne tient compte, en plus d'un labeur devenu écrasant. Les enseignants sur lesquels on fait porter le poids des échecs du système n'en peuvent plus d'être considérés comme des moins que rien ou des feignants, ou de n'être pas seulement rémunérés à la hauteur de leur tâche. On s'étonne que ce boulot soit en dernière place dans les visions d'avenir de la jeunesse de ce pays? Comme on s'étonne aussi souvent que les changements réclamés soient si lents à se mettre en place... Venez-y donc, venez le faire. Et on dira ensuite que l’Éducation nationale est irréformable, on le déplorera et on se lamentera, avant de nous sortir du chapeau un nouveau lapin.

Clairement, personne dans ce ministère, personne à la tête de l’État, personne chez les représentants de la Nation - ou si peu - ne se préoccupe des personnels. Huit cent mille enseignants laissés pour compte, dont on se contentera de pleurer la charge qu'ils représentent dans le budget de notre pays. Alors même que cette charge, d'ailleurs mal répartie, est inférieure à celle de certaines nations voisines et amies.

C'est tout de même étonnant, non? Quand les "nouveaux rythmes scolaires" sont arrivés, de nombreuses voix discordantes ont souligné que les profs du primaire allaient devoir se déplacer plus qu'avant et faire garder leurs mômes, ce qui représentait une charge financière supplémentaire importante dans le budget d'une jeune enseignante mal payée. Peine perdue. Et on retrouve aujourd'hui cette critique dans des rapports divers, de la Cour des Comptes ou autre. Pourquoi n'avoir pas écouté avant? Quand Xavier Darcos a imposé la suppression du travail le samedi matin une précédente année, les instits du primaire ont exprimé que les rapports avec les familles s'en trouveraient compromis. Peine perdue. Et on retrouve... Comment ne pas être désenchanté?

Il faudra un jour que la pyramide institutionnelle soit fortement tronquée. Pour d'une part que les remontées du terrain ne s'égarent pas dans les couloirs des Directions Académiques ou des Rectorats. Pour d'autre part que les instructions ministérielles ne soient pas dévoyées ou ignorées, comme peut l'être par exemple le "référentiel-métier" des directeurs d'école. Pour enfin que l'école publique et ses entités locales que sont les écoles prennent une autonomie qui seule aujourd'hui peut sauver nos élèves qui méritent mieux qu'un mammouth du XIXème siècle pour les aider à construire leur avenir.

lundi 25 janvier 2016

Petit dirlo 3 classes...

J'ai eu une journée horrible. Mes élèves étaient abominables, couraient, criaient, se battaient... j'en passe et des pires. Même leur boulot a été lamentable. Une journée catastrophique, qui m'a laissé lessivé, sur les rotules, exsangue.

Après, je suis allé dans mon bureau. Pas le choix, j'ai mes élèves toute la journée tous les jours, sauf une journée par mois. Donc pour faire mon travail de directeur, c'est avant, ou après. J'ai reçu un courriel de mon IEN. Inutile de vous dire que je n'y ai compris que couic. Je n'arrivais même plus à lire.

Alors je suis parti. Je suis rentré chez moi en voiture, en essayant de rester éveillé. Je n'ai même pas allumé la radio, je ne pouvais plus supporter le moindre bruit. Chez moi il fait chaud, il fait doux, c'est calme.

Hier, j'ai écrit un billet dans lequel j'exprimais tout mon optimisme quant à l'avenir des directeurs d'école. Parce que beaucoup de choses sont en bonne voie. Il y a quelques semaines j'ai écrit un autre billet dans lequel j'exprimais que je ne pouvais plus continuer et que j'allais lâcher la direction d'école. Ce n'est pas antinomique. L'idée, c'est qu'effectivement je ne peux pas continuer ainsi. Est-ce que c'est une question d'âge? Est-ce que je n'ai plus le feu sacré - si je l'ai eu un jour - ? Toujours est-il que je ne peux plus aujourd'hui faire en même temps classe à 25 loupiots excités et exigeants, et assumer proprement ma mission de directeur d'école. Je vais finir par en crever, parce que je me bouffe chaque jour que Dieu fait.

Alors, que vais-je devenir, moi, petit dirlo trois classes? Je n'ai finalement, des deux missions que j'assure quotidiennement, que les emmerdements, et plus aucun plaisir. Et quand j'écris "aucun", c'est vraiment ça. Qu'est donc devenu ce métier? A être dirlo d'une petite école je ne gagne rien, je ne fais que perdre: mon temps, mon énergie, ma santé. Des sous? Blagueur!

Il me faudra donc bien choisir dès le prochain "mouvement", comme je l'ai déjà écrit. Soit reprendre un poste d'adjoint, soit rester directeur. Dans cette alternative, il faudrait que le métier de directeur d'école prenne dès septembre prochain une autre dimension. Pas des clopinettes, hein? Mais je crains fort que ma position de tout petit dirlo n'intéresse que très peu le ministère. Nous sommes vraiment nombreux à ne diriger qu'une petite entité. Qu'allons-nous devenir? J'ai peur. Franchement. Parce que malgré tout je l'aimais bien, cette mission. Avant.

dimanche 24 janvier 2016

GrAF, PPCR, Charte de confiance... koikessa ?



J'ai comme dans l'idée que la plupart d'entre vous sont perdus dans l'accumulation de textes qui nous pendent au nez ces derniers et prochains temps. Je ne parle pas des programmes destinés à nos élèves ni de la réorganisation du collège, mais bien des textes qui vont changer nos parcours professionnels, nos carrières, notre rémunération, ou notre statut.

Nous sommes fonctionnaires, à ce titre nous ne dépendons pas uniquement de l’Éducation nationale mais également du Ministère de la Fonction publique, tenu actuellement par Mme Marylise Lebranchu. Celle-ci travaille depuis de longs mois sur une réorganisation et une simplification de nos métiers. Ce n'est certainement pas un mal tant les grilles indiciaires, statuts et autres indemnités sont devenus d'une complexité qui ferait rigoler si personne ne s'y perdait.

Si nous prenons l'exemple de ce qui me concerne au premier chef, soit la mission de directeur d'école, nous pouvons préciser que nous sommes actuellement et techniquement des fonctionnaires de catégorie A, chargés de mission d'enseignement et en plus d'une mission de direction d'école; en tant que directrices ou directeurs nous percevons deux indemnités, l'ISAE et l'indemnité de direction qui varie selon le nombre de classes que nous gérons; nous avons également des points d'indice en plus en quantité variable selon le nombre de classes. Autant dire que même au sein de notre mission de direction il y a autant de rémunérations différentes qu'il y a de dirlos! Ce qui à gérer doit être un beau foutoir, et je pense aux courageux et courageuses secrétaires et chefs de service qui s'en occupent...

Notons également que l'ISAE du primaire est le tiers de celle du secondaire, ce qui est historique mais pour autant mérite largement d'être changé afin qu'il y ait équivalence à une époque où la qualification des uns comme des autres est strictement identique. Je ne parlerai pas des concours ou des diplômes spécifiques comme l'agrégation ou le doctorat qui normalement amènent à enseigner en "prépa" ou en fac, et dont je considère qu'il peuvent - légitimement? - entraîner une rémunération spécifique; on peut le discuter, mais ce n'est pas mon propos.

Le projet PPCR (Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations) a comme optique de simplifier les grilles de rémunération et de les unifier du plus qu'il est possible au sein de chaque catégorie de fonctionnaires (A, B, C) en commençant  dès janvier 2016 pour la catégories B, et les textes seront rétroactifs. Cette simplification va vers le haut, les ratios d'avancement sont modifiés, les primes et indemnités sont progressivement et en partie pour l'instant intégrées au salaire, ce qui signifie concrètement une revalorisation - certes modeste - mais surtout un avancement plus rapide dans les échelons et une revalorisation des retraites. Ce n'est pas rien, le plan est ambitieux et progressif. Pour les enseignants et directeurs d'école, de catégorie A, les premières mesures entreraient en vigueur en janvier 2017 et janvier 2018.

Mais parlons des directeurs d'école, puisque je suis directeur d'école, et après tout c'est certainement pour ça que vous lisez ce billet, chère ou cher collègue de misère! L'idée de créations d'un "grade" spécifique fait pleinement partie du projet PPCR, et pas uniquement pour les directeurs d'école, certains autres fonctionnaires sont concernés au même titre que nous. Il va être créé un Grade d'accès Fonctionnel (GrAF) dont feront partie les directeurs d'école, et peut-être les Conseillers pédagogiques. Cela a été rappelé il y a quelques jours dans un courrier que Mme Vallaud-Belkacem a adressé à Christian Chevalier, secrétaire général du syndicat SE-UNSA:

" ... la création d'un grade d'accès fonctionnel, qui pourrait notamment être accessible aux enseignants qui exercent des fonctions de directeur d'école, participera également de cette logique de convergence. "

Mme la Ministre évoque la convergence entre le primaire et le secondaire, avec l'augmentation du ratio d'accédants à la hors-classe, et également l'augmentation de l'ISAE:

" ... Dans cette continuité et dans le cadre de l'enveloppe catégorielle triennale 2015-2017, je souhaite poursuivre le rapprochement du montant de l'ISAE et celui de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) dans le second degré. "

Ce qui nous intéresse au premier chef, comme tenants de la gouvernance des écoles, c'est bien entendu la création du GrAF. Cette création, son cadre, qui y accédera, son échelle de rémunération, tout cela sera discuté dès le mois prochain dans le cadre du projet PPCR. Ce fut long, mais on y arrive. Car n'oublions pas qu'il s'agit bel et bien, n'en déplaise aux esprits chagrins et aux déprimés, d'une reconnaissance statutaire de notre métier, qui déjà fait l'objet d'un texte spécifique soit le "référentiel-métier" dont beaucoup d'entre nous hélas ignorent la portée de ce texte opposable, voire même son existence dans certaines académies qui ont tout intérêt à traîner les pieds, quand ce ne sont pas quelques IEN qui préfèrent l'ignorer pour des raisons de pouvoir qui m'échappent. On met sa virilité où on peut. Moi j'ai passé l'âge de montrer ma quéquette pour voir qui a la plus longue.

Je suis profondément reconnaissant au GDiD du travail de fond qu'il a engagé depuis quinze ans, et surtout de la conviction qu'il a su emporter de ses partenaires depuis cinq ans. Sans son travail sans fin et sans état d'âme, les directeurs d'école ne seraient certainement pas aujourd'hui reconnus comme des interlocuteurs valides et responsables, comme des professionnels au service de la réussite des élèves. Si je commence à percevoir un peu de rose dans un avenir qui se présentait morose, c'est bien au GDiD que je le dois. J'ai le ferme espoir de prendre ma retraite dans peu d'années en étant reconnu administrativement comme localement pour mes compétences. Certes c'est déjà le cas pour mon IEN, qui est quelqu'un de bien, pour mes parents d'élèves, pour la municipalité et les services avec lesquels je travaille depuis quinze ans. Mais il me manquait cruellement une reconnaissance institutionnelle qui enfin pointe son nez, avec son cortège de droits et de prérogatives.

C'est ainsi également que le GDiD a su profiter de son entregent pour signer, avec les partenaires fidèles que sont le SE-UNSA, le SGEN-CFDT et le SIEN-UNSA, une "Charte" de bonnes relations et de confiance entre directeurs d'école et IEN. C'est une manière de reconnaître que nos rôles sont complémentaires pour la bonne administration de l'école et la réussite des élèves. Cette charte qui peut aussi nous soulager de certaines obligations supplémentaires trop lourdes quand on doit cumuler les rôles d'enseignant avec charge de classe et de directeur  d'école, sera présentée au Ministère dans quelques jours, et certainement mise en avant par la Ministre et notre haute hiérarchie qui doivent bien être contents de nous voir nous dépatouiller pour également de notre côté améliorer la gouvernance de l'école. Restent freins syndicaux, pesanteurs administratives locales, réticences de quelques recteurs ou DASEN ou IEN qui ne voudront pas en entendre parler... A nous de convaincre, voire de nous imposer si nécessaire, en commençant évidemment par nous approprier les textes et surtout le référentiel-métier trop ignoré.

Je suis confiant, je vois les choses bouger, elles vont se concrétiser rapidement car il faut pour ce gouvernement devancer les prochaines élections présidentielles avec des textes et protocoles inattaquables. Cela ne devra pas bien sûr en rester là, la pesanteur de notre mission de direction en termes de temps ou de complexité ne peut subsister. Il faut encore simplifier nos tâches pour éviter paperasses inutiles ou redondantes, et tant d'autres choses. Il faut faudra certainement nous battre localement pied à pied. Mais nous sommes sur la bonne voie pour que dans peu d'années la mission de directeur d'école devienne une mission enviable qu'on recherchera pour son intérêt et non par pis-aller.

jeudi 21 janvier 2016

Charte fonctionnelle de confiance...



Charte fonctionnelle de confiance entre les IEN
et les Directeurs ou Directrices d’école

Cette charte a été écrite en collaboration entre G.D.I.D (Association nationale des directeurs et directrices) et les syndicats SI.EN-UNSA, SE-UNSA  et SGEN-CFDT (IEN et directeurs et directrices d’école).

La Refondation de l’école s’est donnée comme priorité, la réussite de tous les élèves. Le primaire en constitue un des axes essentiels. Ceci nécessite la reconnaissance de tous ses personnels et notamment les directeurs d’école.
Un ensemble de mesures est venu consolider le décret de 89 et préciser le rôle essentiel du directeur d’école.
Un référentiel-métier vient enfin de reconnaître et de préciser ce rôle (annexe 1). Il détaille les missions du directeur ou directrice, ses actions propres et les compétences spécifiques attendues. L’objectif est de favoriser le travail en équipe dans le cadre d’une autonomie pédagogique propice à une meilleure efficacité du système éducatif.
Dans le prolongement de ce référentiel, le ministère s’engage à organiser la simplification des tâches administratives de directeur ou directrice d’école. Il s'agit bien de le recentrer sur ses missions de responsable local de l'école et de pilote  de l’équipe pédagogique. Sa mission pédagogique prime sur son rôle administratif. Son métier se définit plus par des « missions » que par des « tâches ».
Pour cela, les circonscriptions, tout en s'appuyant sur la réglementation en vigueur, doivent axer leur pilotage sur la confiance faite au directeurs et aux équipes. Cela implique de mieux articuler les relations entre les directeurs d'école et les IEN.

Cette charte doit permettre :

  • un pilotage collaboratif par la confiance ;
  • une véritable simplification des tâches par une répartition claire des missions de chacun; 
  • une évolution vers un fonctionnement optimal de l'école au service des enfants, des élèves.


ENGAGEMENT N°1
Pour un pilotage en confiance, les IEN et les directeurs ou directrices respectent les compétences et les attributions dévolues par les textes à chacun.
Les textes réglementaires confient aux directeurs et directrices d'école la responsabilité de missions et l'accomplissement de tâches : attribution des classes, répartition des moyens, organisation des services, relations avec les communes, etc. De même, ils confient aux IEN un certain nombre de missions et de tâches qui ne se confondent pas avec celles des directeurs.

ENGAGEMENT N°2
Pour un pilotage en confiance, les IEN et les directeurs ou directrices gèrent les conflits en collaboration  étroite.
La multiplication des partenariats, le flux administratif, la judiciarisation de la société… sont autant de sources de conflits qui affectent l’école. Les conflits se gèrent dans un respect mutuel des compétences des IEN et des directrices ou directeurs. Il convient de les anticiper. A cet effet, dès qu'il l'estime nécessaire, le directeur discute avec l'IEN des situations potentiellement à risque. De même, si les IEN sont interpellés au sujet d'une école, ils contactent les directeurs et directrices pour discuter de la situation. L’objectif commun est l’anticipation, la régulation, la médiation et le règlement apaisé du conflit.

ENGAGEMENT N°3
 Pour un pilotage en confiance, les tâches des directeurs doivent être simplifiées.
La circulaire ministérielle visant la simplification des tâches administratives des directeurs et directrices d'école doit se concrétiser. Au delà des obligations administratives, cela suppose que les IEN anticipent dans la mesure du possible les demandes faites auprès des directeurs et directrices, de façon à limiter le caractère urgent des informations à transmettre. Cela suppose la mise à disposition d'outils numériques performants pour une gestion directe au niveau des écoles sans nécessairement mettre en place un contrôle a priori. Cela suppose travail en amont au niveau de l’administration centrale puis dans les circonscriptions pour rationaliser la transmission d’informations afin d’établir un calendrier des réunions de pilotage et une programmation des enquêtes …

ENGAGEMENT N°4
Pour un pilotage en confiance et une meilleure communication, des rencontres régulières, entre l'IEN et les directeurs ou directrices sont mises en place afin de permettre les échanges et la mutualisation nécessaires.
Pour permettre aux IEN d'assurer le pilotage du système mais aussi aux directeurs et directrices de prendre toute leur place dans celui-ci, cela implique :

    • des directeurs et directrices informés, en amont, des priorités académiques, des projets de circonscriptions afin de pouvoir transmettre régulièrement les éléments nécessaires au pilotage du système ;
    • des IEN qui associent les directeurs pour établir les outils communs de pilotage ;

ENGAGEMENT N°5
Pour un pilotage en confiance, l'évaluation des directeurs ou directrices doit s'appuyer sur des objectifs partagés entre eux et les IEN
L’évaluation du directeur ou directrice d’école doit nécessairement porter sur son métier de directeur et ses missions (pilotage pédagogique, pilotage administratif, relations avec les partenaires). Un entretien professionnel permet de faire le point à partir de critères définis en commun et de programmer les différentes actions de formations éventuellement nécessaires pour l’équipe et lui même.
Cet entretien se déroulera sur les bases d’un échange professionnel, avec un regard croisé sur les points mis en discussion, et dans un souci de faire progresser l’école vers les objectifs énoncés dans son projet d’école qui doit être le véritable porteur de l’action éducative de l’école.

Pour le G.D.I.D. Alain Rei Président
Pour le SIEN Unsa  Patrick Roumagnac Secrétaire général
Pour le Sgen-CFDT Frédéric Sève Secrétaire général
Pour le SE – Unsa Christian Chevalier Secrétaire général 

dimanche 17 janvier 2016

L'école: un chapelet d'occasions ratées...

Le rapport du 13 novembre dernier du "Comité de suivi pour la loi d'orientation" sur la "refondation" de l'école a été rendu public. Le constat présenté par le député socialiste du Nord Yves Durand - qu'on aurait légitimement du mal à qualifier de "partisan" - est sévère: manque de visibilité ou d'équilibre, incompréhensions, cassures, manque de soutien des acteurs... bref la litanie habituelle des erreurs, retards et ratés des réformes du système éducatif depuis plusieurs décennies, ou l'illustration typique de l'incapacité de l’État à réformer en profondeur un monstre tentaculaire centralisé qu'il ne maîtrise plus depuis belle lurette.

L'histoire de l’Éducation nationale depuis quarante ans n'est qu'un chapelet d'occasions ratées.

Pourtant les constats justes et vérifiables sont légion. Nous ne devons jamais oublier que le premier objectif de l'école est la réussite des élèves. Or l'école est en faillite durable, et exclut avec constance depuis trop longtemps des milliers d'enfants et d'adolescents qui restent sur le carreau et auront d'énormes difficultés à trouver une place dans notre cruelle société. Je ne veux pas être méchant avec une "refondation" qui semblait vouloir prendre la question globalement et à bras-le-corps. Mais nous devons bien constater qu'elle a été maladroite, que son calendrier a été illogique, qu'elle n'a pas été expliquée, que les moyens n'ont pas suivi. Encore une fois on est parti du sommet pour redescendre à la base, au lieu de partir de la base et du consensus réel chez les enseignants de l'inopérance du système; encore une fois on est allé chercher des "solutions" chez de soi-disant spécialistes généralement issus de l'enseignement supérieur ou de la société civile fort éloignés des réalités de l'enseignement sur le terrain; encore une fois on ne s'est pas adressé aux praticiens, ou fort peu, alors qu'existent de nombreuses associations et organisations qui travaillent depuis longtemps sur le sujet de l'efficacité de l'école et y cherchent des remèdes.

Nous avions en 2012 de nombreux sujets majeurs qui interpellaient le monde enseignant: la pyramide éducative jacobine et centralisée, celle que Claude Allègre appelait le "mammouth"; la gouvernance de l'école et ses acteurs locaux, des DASEN aux directeurs d'école; les programmes pléthoriques de l'élémentaire; la "primarisation" de l'école maternelle et le rejet des "deux ans"; le point faible représenté par un collège exclusif plutôt qu'inclusif; l'absence d'interdisciplinarité; etc. Les rythmes scolaires n'étaient pas, loin de là, en tête de nos préoccupations. C'est bien pourtant par cet axe clivant et discuté que Vincent Peillon a voulu débuter la réforme. C'était une erreur fatale, un piège qui prendra temps et argent, qui dressera les uns contre les autres pendant plusieurs années et accentuera les multiples inégalités territoriales, pour un résultat final plus que discutable qu'il faudra bien mettre à plat prochainement tant ça ne fonctionne pas ou mal. Écrire également ici que mettre sur le même pied des enfants de trois ans et de dix ans est une absurdité ne me parait pas incongru. Mais baste! M. Peillon s'est accroché à ses rythmes comme une sangsue sans vouloir entendre que la priorité était ailleurs, dans les programmes ou le collège. Tant pis. Encore une occasion ratée. Car si la "refondation" a bien tenu compte des programmes et de l'interdisciplinarité au collège, elle l'a fait selon un calendrier absurde, mettant la charrue avant les bœufs et faisant la sourde oreille. Combien avons-nous été à avertir le Ministère, de trente-six façons? Mais il n'est pire sourd...

C'est même à un ribambelle de maladresses que nous avons pu assister. Comment pouvait-on imaginer en haut lieu qu'un changement quelconque pouvait être compris et appliqué s'il n'était expliqué, commenté, et surtout assisté financièrement? Ne pas prévoir qu'il est nécessaire de renouveler la formation des agents de terrain, et surtout la formation continue aujourd'hui quasi inexistante, est une profonde bêtise qui ne peut entraîner que le refus voire dresser contre soi des enseignants humiliés, infantilisés, négligés.

Nous observons donc aujourd'hui une "refondation" avortée, brinquebalante, des mesurettes inopérantes, malgré les réels efforts des professionnels qui ont tenté vaillamment de s'approprier la réforme. La gouvernance de l'école n'a pas changé, le collège ne bougera que très peu, les programmes... ah non, pas arrivés les programmes. Tant de gesticulations pour si peu. Tant d'argent dépensé pour un résultat si mince. Les personnels sont exsangues, leur travail s'est compliqué, leurs missions se sont alourdies, chacun est désabusé, dégoûté, fatigué. Les directeurs d'école sont épuisés car rien n'a changé, si ce n'est en pire. Les IEN ne savent plus où donner de la tête alors qu'ils sont contraints de négliger leur mission première, soit la pédagogie. Le collège continuera à exclure toujours autant. C'est un ratage, malgré les déclarations exubérantes d'une ministre certes courageuse mais qui n'a fait qu'hériter d'un soufflé informe et totalement dégonflé.

Quant à la bête immonde, le diplodocus éducatif, le mammouth à la couche de graisse de plus en plus épaisse... la chose est toujours là, arrogante et dépensière, mais ne se déplace plus que par intermittence, lorsqu'elle arrive à lever une patte. J'espère pouvoir prendre ma retraite avant qu'elle ne s'effondre totalement sous sa propre suffisance.

samedi 9 janvier 2016

Le grand bazar...

L'âge moyen d'un professeur des écoles est de 40 ans. Je me considère comme un "vieux" dans le métier, et j'y entame ma 37ème année. J'ai également derrière moi une quinzaine d'années de direction d'école (j'ai la flemme de compter). On peut donc légitimement dire de moi que j'ai "une certaine expérience" des deux missions qui me sont dévolues. Une expérience certaine.

Sur cette base, je constate une extrême complexification de ce qui m'est réclamé, aussi bien comme enseignant que comme directeur d'école. Concrètement, plus on déclare en haut lieu vouloir me simplifier la tâche, plus elle devient compliquée, au point aujourd'hui que dans ma classe comme dans mon bureau c'est un embrouillamini, un emberlificotage, comme personne ne peut l'imaginer de l'extérieur. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?

Je ne peux plus faire un pas, dans mon enseignement comme dans ma gestion d'école, sans être obligé de suivre une procédure de préférence alambiquée, voire parfois absconse même pour un routier dans mon genre. Il faut élaborer un projet, le formaliser sous forme écrite, le numériser pour l'envoyer à qui de droit qui a son tour le fera parvenir à qui de droit avec son visa, et le tout dans le meilleur des cas redescendra après quelques jours ou semaines avec la signature ou le tampon d'un "burelier" quelconque, comme l'aurait dit Zézette épouse X. Le directeur d'école nage dans le bonheur.

J'ai six exemples, qui me prennent ma petite tête de directeur d'école à double casquette et m'occupent pendant des mois chaque année scolaire. Six choses qui furent si simples vingt ans en arrière, et qui maintenant ont le caractère burlesque de l'amphigouri: j'ai un projet pour mon école, j'accueille des élèves handicapés, j'ai des gamins en difficulté, j'ai des pitchounes qui suivent un traitement médical, je veux aller à la piscine avec mes gosses. Cela ne fait que cinq? Je laisse le dernier exemple, dernier en date également, pour la bonne bouche et la fin de mon billet.

Les premiers projets d'école étaient enthousiasmants. Pour nous soutenir dans notre ambition notre administration nous octroyait un budget, tout le monde allait dans le même sens, c'était la fin du chacun pour soi et du repli de certains. Cela n'a pas duré. Les subventions se sont éteintes en deux ans, puis on nous a demandé d'inclure ceci puis cela dans notre projet d'école, et... aujourd'hui je ne vois plus guère de marge de manœuvre fédératrice là-dedans. Ne parlons même pas de l'élaboration, qui exige constat écrit, et patati et patata, le tout visé, approuvé, rejeté, biffé, par des gens qui n'ont pas fichu les pieds dans une école depuis leur sortie de l'IUFM ou de je ne sais quoi d'autre, quand seulement ils ont eu ne serait-ce qu'une année des élèves. Bon, admettons.

J'accueillais des enfants handicapés dans ma classe et mon école avant que l'on nous l'impose. Comprenons-nous bien, j'estime important leur scolarisation, et l'imposer me semblait logique et raisonnable, d'autant que cela permet de passer outre les réticences, qu'elles viennent des enseignants, des municipalités ou des autres familles. Le souci, c'est qu'un accueil de ce genre amène son lot de réunions, pour préparer la scolarisation ou pour son suivi. Et puis, lorsqu'il faut du matériel spécifique, comme une table à hauteur réglable et inclinable pour un enfant en fauteuil... Ce n'est pas un mal, certes, puisqu'ainsi nos besoins et les limites de notre action sont clairs pour tout le monde, mais avec deux, trois, quatre élèves handicapés ça devient rapidement lourd à gérer. Bon, admettons.

Il y a vingt ans, quand un parent arrivait avec une ordonnance du médecin pour refiler un antibiotique, on ne se posait pas de question, en emboquait. D'accord, c'était limite question responsabilité, mais cela arrivait une ou deux fois par an. C'est fou aujourd'hui le nombre de gamins asthmatiques que nous pouvons accueillir! C'est la maladie du siècle, ça. Chaque enfant malade a désormais droit à son Projet d'Accueil (PAI) qu'il faut élaborer avec le médecin scolaire. Oui, comme on dit, nous sommes "couverts" par notre administration. Mais le cumul des réunions nécessaires et l'empilage des machines à refiler de la ventoline... Bref, nous voilà avec 10% d'enfants concernés dans nos écoles (gros pourcentage? C'est comme ça "chez moi"). Bon, admettons.

Les enfants en difficulté... Là, on touche au sublime éducatif. Il fut un époque où le nombre d'enfants en difficulté scolaire était à peu près stable. J'écris ça, j'ai bossé en ZEP à l'époque où il y avait des ZEP, en rural aussi où le mot "indécrottable" n'était pas vain pour certains. On s'en occupait en classe, chaque instit faisait de son mieux, et vaille que vaille nos élèves grandissaient. Les moins vaillants se retrouvaient en classe de "perfectionnement" en groupe restreint, qui devinrent plus tard des classe d' "adaptation" - remarquez le splendide glissement sémantique -. J'y ai vu des enseignants motivés, des gamins heureux, des résultats remarquables. Aujourd'hui nous avons des classes d' "inclusion", pardon des "unités d'inclusion" - ce n'est plus un glissement, c'est un dérapage -, qui mélangent tout et n'importe qui et ne fonctionnent pas vraiment. Mais l'administration donne ainsi l'illusion de se préoccuper de ces enfants en déshérence. Les résultats scolaires de la Nation n'en sont pas meilleurs, loin de là. Et puis, beaucoup de nos élèves ont désormais des Plans de Réussite (PPRE) dont l'élaboration et le suivi dont de véritables poèmes administratifs d'une complexité sans nom, qui prennent un temps fou à élaborer, à faire accepter par les familles, à suivre ou à coordonner. C'est pour moi une image de l'enfer. Est-ce que ça marche? .... euh... Bon, admettons.

Il y a vingt ans, j'accompagnais des classe à la piscine. On s'éclatait bien, avec les gosses. En maternelle, on passait quarante-cinq minutes à jouer comme des perdus. On apprenait à nager aux plus grands. J'ai un élève à qui j'ai appris à nager en CM1 et qui plus tard est devenu plongeur à la COMEX. J'en ai toujours été très fier. Aujourd'hui, il nous faut des accompagnateurs, qui doivent être "agréés" par l’Éducation nationale pour être "couverts". Un agrément, c'est une formation théorique et un contrôle des compétences natatoires. Sauf que les parents libres et prêts à m'accompagner quand je vais à la piscine ne sont pas forcément disponibles au jour et à l'heure dite de la formation. Je m'arrache les cheveux depuis plusieurs semaines pour faire agréer des gens qui au début étaient enthousiastes à l'idée de jouer dans l'eau avec un petit groupe de mes élèves. L'enthousiasme retombe vite devant la formalisation forcenée de leur bonne volonté. Bon, admettons.

Le directeur d'école accumule ainsi des heures de travail et de prise de tête dont 80% sont inutiles. Qu'il ait une classe en charge, le système s'en fout. Que tout irait dix fois plus vite et plus simplement si le directeur d'école avait la responsabilité totale de la gestion de son école, le système s'en balance, pire semble s'en inquiéter, n'en veut pas de toute façon tant il aime ouvrir des parapluies de toutes tailles et de toutes couleurs. Mais le meilleur vient tout de même des interprétations locales des recteurs et des DASEN, qui quand ils ne freinent pas des quatre fers à la moindre idée d'autonomie des écoles, s'ingénient à compliquer encore les choses avec des exigences ahurissantes en paperasses complémentaires, en délais ahurissants, en exigences contraires aux textes qui régissent nos missions. La "simplification administrative" suscitée par le GDiD, soutenue par certains syndicats, voulue par le ministère et réclamée par les directeurs d'école, me fait bien rigoler aujourd'hui quand je lis les déclinaisons qui en sont faites dans certaines académies. Enfin, j'écris le mot "rigoler"... Il y aurait plutôt de quoi pleurer.

C'est quand même incroyable de voir à quel point tout est devenu compliqué. L'école il y a vingt ans ne fonctionnait pas forcément plus mal, même si certaines mesures furent les bienvenues et ont fini par s'imposer dans les écoles parce qu'elles étaient nécessaires. Néanmoins la mission de directeur d'école empire d'année en année, sans pour autant que cette dégradation soit de quelque façon compensée par une réelle prise en compte du temps de travail nécessaire, une amélioration salariale quelconque, une reconnaissance particulière. On nous joue du pipeau depuis la "grande consultation" de Vincent Peillon et sa définitivement grotesque "refondation". Le ministre d'ailleurs avait été en définitive clair dans ses propos lorsqu'il y avait déclaré d'emblée que la question des "directeurs d'école" n'était pas à l'ordre du jour. Grossière erreur, juste déclaration d'incompétence et d'ignorance crasse du fonctionnement de l'école. Mais on ne peut pas refaire l'histoire. J'ai tout bonnement l'impression de m'être largement fait entuber depuis quatre ans.

L’Éducation nationale a toujours été un grand bazar. Et chaque année qui passe nos gouvernements successifs s'ingénient à y mettre plus de bordel qu'il y en avait déjà. Mais en fin de compte ce sont nos élèves qui payent.

J'avais laissé de côté un dernier exemple. Vous vous rappelez, il y a quelques lustres, de cet exercice annuel d'évacuation en cas d'incendie? C'est un danger réel, même si je n'ai pas souvenir d'une école qui ait brûlé en journée en présence d'élèves (je ne parle pas du collège Pailleron, hein...). En revanche j'en ai connu plusieurs dans mon coin qui ont allègrement cramé de nuit ou en week-end suite à des courts-circuits dans des réseaux électriques obsolètes. S'entraîner à mettre les voiles est donc une réelle nécessité. Cet exercice est devenu triple, un fois par trimestre donc, dont un qui doit être inopiné, et de préférence selon les textes dans les pires conditions (pendant la sieste en maternelle, si c'est en février et qu'il fait deux degrés et qu'il pleut comme vache qui pisse c'est encore mieux...). Je préfère m'abstenir de dire ma pensée. Bon, admettons.

Depuis le début de cette année, suite aux circonstances particulières que nous connaissons, j'ai sur ordre - je suis un fonctionnaire bête et discipliné - déjà fait deux exercices d'évacuation pour l'incendie et deux exercices de confinement parce que pour une fois malheureusement j'avais pris de l'avance sur le premier. Comme m'a dit un de mes élèves lors du dernier exercice: "Encore?" Je ne sais pas ce qu'il me dira lorsque cette semaine je procéderai sur ordre et avec un délai fort court à un nouveau type d'exercice, celui de l'évacuation totale de mon école hors de l'enceinte scolaire "en cas d'intrusion". Les gamins, entre trois et six ans, seront en tee-shirt (il fait chaud dans l'école) et en chaussons. J'ai regardé Météo-France, il va faire six degrés et il va pleuvoir toute la semaine... Conditions réelles, qu'ils disaient. Mais c'est qui qui va se faire engueuler?

Soyez d'emblée prévenus, chers collègues: vous serez certainement amenés à réitérer cet exercice en fin d'année. En mai, fais ce qu'il te plait. Avec du bol, j'aurai donc fait sept alertes dans l'année. Abondance de biens nuit, me disait ma mère, je ne suis pas persuadé qu'instiller la peur en permanence soit une bonne politique. Et puis cela me donne trop l'impression que quelques individus dérangés armés de pistolets-mitrailleurs ont d'ores et déjà gagné cette guerre. Vous me direz, j'aurais peut-être intérêt à directement faire classe sous les cerisiers de ma cour de récréation. Quoique... non, les cerises ça tache, et les petites robes claires de mes fillettes n'y résisteront pas.