mercredi 31 octobre 2012

L'instit'humeurs tape juste !


Décidément, que j'aime ce blog de "L'instit'humeurs", que je suis depuis longtemps, et dont j'apprécie particulièrement la justesse comme la causticité!

Le dernier billet tape très juste, en dénonçant pêle-mêle clichés et haines infondées. J'aurais pu l'écrire, ce billet. Mais j'avoue qu'il m'a un peu filé le bourdon. On sent chez l'auteur une lassitude certaine d'entendre et de lire toujours les mêmes commentaires haineux, et moi-même, après trente-cinq ans de métier à écouter les mêmes rengaines sur les enseignants, je sature. Mais ça fait aussi du bien de voir si bien décrit ce qu'on ressent...

mardi 30 octobre 2012

Quelques réflexions pour aider M. Peillon...


M. Peillon, Ministre de l’Éducation nationale, veut rénover l'école française. C'est tout à son honneur, car celle-ci ne remplit plus son rôle. Il veut en particulier mettre l'accent sur l'école primaire, cette école que nos amis belges appellent "fondamentale". M. Peillon a raison, c'est au primaire, dès la maternelle, et au sein des écoles, que se joue l'avenir de nos enfants. Tous les enseignants qui n'ont pas d’œillères syndicales ou administratives le savent. Comme ils savent le rôle primordial que peuvent tenir les directeurs d'école dans la réussite éducative.

M. Peillon n'est pas seul à se poser des questions sur ce qu'il convient de faire pour rendre notre école plus efficace et plus équitable. D'autres pays, depuis quinze ans, ont entamé des réflexions similaires avec succès. Et leur première mesure a toujours été de donner à la direction d'école les moyens d'accomplir sa mission d'encadrement au plus près du terrain, en accordant d'abord aux directeurs un statut spécifique, ensuite en tâchant de leur donner les prérogatives nécessaires à leur rôle.

Ceci ne signifie pas que tout va sans heurts. Chaque pays y va en tâtonnant, et si en général les progrès observés sont rapides, on constate tout aussi vite que de nombreux aménagements ou changements -y compris dans les mentalités- sont nécessaires pour accompagner la mutation.

M. Peillon semble vouloir aborder désormais la question primordiale de la direction d'école. Tant mieux, une "refondation" de l'école telle qu'il la désire ne peut pas se faire sans les directeurs d'école. L'imaginer seulement relève d'une utopie que la France ne peut plus se permettre si elle veut conserver dans le concert des Nations la place qui fut la sienne depuis des siècles. Il n'y a guère d'ailleurs que dans notre pays que certains puissent encore imaginer une politique éducative sans le leadership local d'une direction d'école forte. De vieux relents autogestionnaires, sans doute issus de mai 1968, traînent encore leur odeur nauséabonde. Mais notre XXIème siècle qui a débuté de façon si difficile, entre conflits et crises économiques divers, ne peut se payer le luxe d'atermoiements périmés et d'états d'âme chimériques ou idéologiques.

Nos amis belges, que j'évoquais au début de ce billet, ont aussi leurs problèmes. Il semble qu'en 2007, lorsqu'ils ont donné à leurs directeurs d'école un statut spécifique, ils aient oublié que ce statut seul ne pouvait suffire, et de nombreuses mesures d'accompagnement allaient de pair au sein des écoles. Ainsi leur réforme s'est arrêtée en chemin. C'est pourquoi le Conseil de l’éducation et de la formation (Cef) de la Communauté française organisait en février 2012 un colloque intitulé "Le leadership pédagogique, mission essentielle de la direction d’école fondamentale", auquel plus de 500 chefs d’établissement, tous réseaux confondus, prirent part. Ce colloque était animé en partie avec une étude de McKinsey, organisme forcément indépendant donc logiquement neutre, étude dont l'intérêt dépasse largement le cadre de l'école belge. Je vais vous en donner quelques éléments qui sont parfaitement adaptés à notre école primaire française, mais si le sujet vous intéresse vous pouvez trouver ICI le document dans son intégralité.

La mission des directeurs d'école s’articule autour de trois axes: relationnel -avec les élèves, les enseignants, les  familles, les municipalités et autres interlocuteurs institutionnels-, pédagogique -en France par le biais des projets d'école- et administratif. Mais au fil des années cette mission s'est "complexifiée", et le constat ci-dessous destiné aux directeurs belges pourtant statutaires s'applique pleinement aux directeurs français:

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Parallèlement, comme en France, le temps de travail que le directeur peut accorder au fonctionnement pédagogique de l'école comme à la réussite des élèves se réduit à sa portion congrue. Ce qui est un comble quand on sait que les directeurs d'école belges n'ont pas de mission d'éducation au sens strict -ils n'ont pas charge de classe-, contrairement à la grande majorité de leurs collègues français!

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On voit donc bien ici qu'accorder aux directeurs d'école un statut ne suffit pas. Certes les directeurs d'école belges ont depuis cinq ans, pour reprendre les termes du GDID, "l'être et l'avoir", c'est à dire un statut clair et le traitement salarial qui doit l'accompagner, mais la charge administrative ne s'est pas allégée, et leur reconnaissance publique n'est pas avérée. De plus, les directeurs d'école belges, qui ont dans leur mission l'évaluation des enseignants et l'amélioration des pratiques scolaires -pédagogiques ou matérielles-, n'ont pas les moyens de les effectuer.

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Manifestement la réforme belge de 2007 ne s'est pas accompagnée d'une affirmation de l'autonomie des écoles. Je milite pour cette autonomie affirmée depuis longtemps, je considère que les hommes et femmes de terrain que sont en France les directeurs et directrices d'école sont les plus à même de mener à bien une évolution qualitative significative des résultats scolaire des petits français. Mais j'ai bien peur qu'en France les réticences hiérarchiques et l'existence d'échelons intermédiaires comme la Direction des écoles, les DASEN et les IEN n'amènent une forte réaction. C'est bien pourquoi au fil de mes billets j'appelle continuellement à l'éradication des DASEN et des IEN, seuls resteraient les rectorats entre le ministère de l’Éducation nationale et les écoles, et cela suffirait largement.

Effectivement, McKinsey s'est attaché dans son étude à montrer les clefs du succès d'un système éducatif, après en avoir étudié une quarantaine, et l'importance que peuvent avoir des leaders locaux reconnus dans les écoles primaires ou fondamentales. Bien sûr, sur le terrain, c'est une évidence. Mais encore faut-il en convaincre notre ministre rénovateur!

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On peut donc dire qu'il est nécessaire d'accorder aux directeurs d'école français un vrai, un réel statut, qui affirme son importance aux yeux de tous, qui en fasse un interlocuteur juridiquement reconnu par tous. Ce statut doit être accompagné d'un salaire ou traitement particulier à la hauteur de sa mission. Mais il est absolument indispensable parallèlement d'affirmer l'autonomie des écoles dans leur fonctionnement pédagogique!

Quel pourrait être le rôle du directeur d'école dans un tel cadre? On a vu dans le tableau précédent que la priorité du directeur doit être évidemment la réussite des élèves de son école, et l'impact très fort qu'il peut avoir dans ce domaine. Les trois tableaux qui suivent montrent ce que McKinsey imagine pour nos amis belges. Je regrette que la France semble prendre la voie d'un statut non-hiérarchique. Je sais que M. Peillon veut ménager quelques syndicats arc-boutés sur une vision fraternelle du fonctionnement enseignant de l'école, et préfère ne pas déterrer la hache de guerre. Néanmoins il est nécessaire de se poser la question. Il est de bon ton de râler en France contre le "caporalisme", et on peut penser que le risque pourrait exister dans nos écoles primaires. Mais je dois rappeler ici que les directeurs d'école belges ne sont plus primus inter pares, qu'ils reçoivent une formation spécifique de deux ans, et qu'ils sont aujourd'hui de fait des directeurs à part entière et le supérieur hiérarchique des enseignants de leur école. La spécificité française dans ce domaine sera fatalement à terme un obstacle pour l'efficacité de toute réforme structurelle d'importance, et freinera toute réelle amélioration des résultats de nos élèves jusqu'à ce qu'on y mette fin, n'en déplaise aux tenants de la "gouvernance partagée" des écoles, qui n'a jamais existé que dans leur imagination. Je suis persuadé que si on demandait réellement leur avis aux enseignants de terrain, nombreux sont ceux qui ne verraient aucun inconvénient à avoir leur supérieur hiérarchique à portée de main.

Voici donc ci-dessous ce que McKinsey pense des missions prioritaires d'un directeur d'école efficace pour "améliorer les résultats des élèves". Vous n'y lirez que des mesures et des idées d'une imparable logique, dont il serait certainement séant de s'inspirer pour la France:

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J'ai voulu donner dans ce billet quelques pistes de travail et de réflexion pour ce qui va advenir -bientôt?- des directeurs d'école. Une quelconque "certification" telle que la réclame un syndicat comme le SNUipp est une plaisanterie qui ne changera rien au fonctionnement des écoles. C'est une réforme en profondeur qui est nécessaire, tous nous le savons, même ceux qui font semblant du contraire. Ce qui motive les directeurs d'école, en dépit de la difficulté croissante voire aujourd'hui quasi insurmontable de leur mission, c'est bien la réussite des élèves, et pas une quelconque volonté de pouvoir qui n'existe que l'imagination perverse de quelques attardés. Mais un statut ne suffira pas si on ne s'attaque pas au reste en même temps. C'est ce que j'ai tenté de montrer ici. J'espère être entendu.

lundi 29 octobre 2012

Il faut des sous pour l'école primaire!


J'ai longtemps fustigé les syndicats qui, dans les années 90, réclamaient des "moyens" pour l'école, alors que l'investissement de la Nation pour l'école publique était à l'époque au plus haut. Mais je dois reconnaître que c'est aujourd'hui un leitmotiv que je dois reprendre à mon compte.

Dominique Gambier, universitaire et Conseiller régional de Haute-Normandie, a commis sur son blog un excellent article, court mais clair, pointant les faiblesses structurelles du système. Il y reprend ces lignes de la fondation Terra Nova:

« La réduction continue des moyens alloués à l’école primaire est un contre-sens sur tous les plans: elle est injuste moralement (l’école primaire accueillant tous les élèves dans une même filière démocratisée), désastreuse scolairement (les élèves en difficulté dans le primaire sont sujet à l’échec scolaire dans le secondaire), et contre-productive financièrement (la prise en charge de l’échec scolaire est moins coûteuse si elle est précoce ). »

En fait, les chiffres de l'OCDE sont clairs: depuis quinze ans la France investit de moins en moins dans son éducation publique, contrairement aux pays que régulièrement les exaltés qui veulent abattre l'école française nous citent en exemple en brandissant les chiffres de PISA. Et depuis longtemps notre pays commet aussi la dramatique erreur de moins investir dans son école primaire que dans le secondaire ou le supérieur, ce qui revient, pour ceux qui considèrent -avec raison- que l'école est un "ascenseur social", à en bloquer l'accès au rez-de-chaussée...

Il faut l'avouer, le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été sur ce plan une catastrophe, au point d'ailleurs que pour cacher la cruelle vérité du désinvestissement public et des monstrueuses erreurs des gouvernements Fillon, le ministre Chatel était obligé de cacher les rapports de plus en plus alarmants concoctés par son propre ministère pourtant à la botte. Ce qui permettait aux plus monstrueux menteurs que l'UMP ait jamais portés de persister à brailler en dépit de la plus claire évidence les plus éhontés mensonges quant aux dépenses publiques de la France dans l'éducation. Aujourd'hui la part de PIB que notre pays y investit n'est plus qu'une mauvaise plaisanterie. Merci à ces messieurs qui ont si longtemps cherché à nous faire croire le contraire.

Monsieur Gambier, dans son billet, reprend un clair graphique de l'OCDE, que je vous livre également:


Les commentaires que fait M. Gambier de ce graphique sont parlants, les voici:

Le graphique ci-joint, qui retrace la dépense moyenne par élève de l'école élémentaire, l’illustre cruellement, et on comprend que le gouvernement en face aujourd’hui une priorité dans la refondation de l’école. Dépenser près de deux fois moins pour un écolier que pour un lycéen est une marque de fabrique typiquement hexagonale : en France, le "coût" d'un élève de primaire est inférieur de 17 % à celui de la moyenne des pays de l'OCDE, alors que le "coût" d'un lycéen est, à l'inverse, supérieur de 15 %.

Le nombre d'élèves par enseignant est de 21,5 en maternelle, 18,7 en élémentaire, 15 au collège et 9,7 au lycée. Dans l'Union européenne, en revanche, il y a en moyenne huit élèves par enseignant de moins qu'en France en maternelle, quatre de moins en élémentaire, trois de moins au collège et trois de plus au lycée.

On voit combien il est nécessaire d'inverser la tendance, et de réinvestir dans l'école primaire ce qu'on lui a enlevé depuis deux décennies:

  • vous voulez des enseignants de qualité à l'école primaire? Commencez par mieux les payer! N'oublions pas que la France est le seul pays de l'OCDE dont les enseignants se sont paupérisés depuis quinze ans (avec le Japon il est vrai, mais les enseignants japonais sont nettement mieux payés qu'en France!); donner un traitement de misère après Bac+5 n'est pas forcément le meilleur moyen d'attirer ceux qui deviendront des enseignants de qualité.
  • vous voulez une école à l'écoute des besoins des élèves et des familles? Donnez aux directeurs d'école un statut clair et aux écoles l'autonomie qui n'existent pas actuellement: comment voulez-vous qu'une école gouvernée à distance par des IEN incompétents fonctionne? Qui mieux qu'un directeur, acteur local par excellence, saura ce qui est le plus efficace pour les élèves de son école? Et comment voulez-vous qu'un directeur d'école sans statut, qui n'a aucune autonomie et encore moins d'autorité sur quiconque, puisse faire ce qui convient pour que TOUS les élèves acquièrent les compétences qui leur sont nécessaires, et à la vitesse qui leur correspondra individuellement le mieux?

Il semble que M. Peillon, après quelques atermoiements et hésitations, et malgré les difficultés budgétaires du pays, veuille prendre la bonne voie. Faut-il rappeler, ce que j'ai déjà fait dans d'autres billets, que l'éducation est un investissement et non une dépense à fonds perdus comme l'UMP a voulu le faire croire aux français pendant des années? La Nation doit investir massivement dans l'éducation, au mieux à hauteur de ce que font les pays les plus avancés en la matière. Et ne pas hésiter à aller au-delà des desiderata syndicaux qui n'ont jamais fait qu'amplifier les problèmes de l'école publique française. Il faut un statut pour les directeurs d'école, qui leur permettra d'exercer sereinement leur mission. Il faut arrêter de sous-payer les enseignants du primaire (maternelle et élémentaire), qui ne connaissent pas les heures sup' mais en font pourtant à satiété. Il faut rendre aux écoles leur autonomie en limitant le rôle des IEN voire en les supprimant -ils ne servent à rien!-. Il faut refaire de la sacrifiée école maternelle ce qu'elle fut il y a trente ans (j'ai connu, c'était une merveille, ça ne l'est plus). Il faut... il faut... Relisez les billets de ce blog -celui-ci est le centième-, vous y trouverez largement de quoi faire!

dimanche 28 octobre 2012

L'instit'humeurs a déménagé...


L'excellent blog "L'instit'humeurs", que je suis depuis longtemps, a déménagé chez FranceTVinfo. Mettez vos raccourcis à jour! Et pensez aussi à tripoter vos pendules, nous sommes passés à l'heure d'hiver...

samedi 27 octobre 2012

Le SNUipp se fout du monde!


Je suis en rogne contre le SNUipp depuis quelques jours. Cela tombe mal, moi qui commençais à en penser un peu de bien.

D'abord, la façon dont le SNU se rattrape aux branches pour n'être pas distancé par le SE est d'une totale indignité. Ces gens-là se sont faits doubler par l'action récente du SE envers les directeurs d'école, qui a amené le résultat que l'on sait et les récents propos de M. Peillon. Du coup, voilà nos braves syndicalistes du SNU qui essayent de faire croire que tout le mérite leur en revient. Ils veulent faire croire ça à qui? Ce serait très drôle si ce n'était plutôt tragique et représentatif de l'état total de déliquescence dans laquelle est tombé ce syndicat avec Aschieri et d'autres. Le SNU n'est plus que l'ombre de lui-même... RIP!

Ensuite, je tombe, et ce coup-ci je me suis fais bobo, sur cet article ridicule dans le Café pédagogique qui décidément ne nous sert plus que de la lavasse de la FSU. Enquête vérité, tu parles. Pour l'extérieur, ça peut marcher, mais qui dans le métier peut croire que les enseignants du primaire travaillent 43 heures par semaine? C'est minable! Même lorsque j'étais jeune instit et que j'avais eu pour la première fois un CM1/CM2, jamais je n'ai dépassé deux heures de boulot de préparation et de correction par jour de classe, soit environ, à la louche, 35 heures ou un peu plus. Quant aux réunions, je rappelle qu'elles sont incluses dans les 27 heures que doit l'enseignant à son administration. Alors, l'informel, hein, il a bon dos, et laissez-moi m'esclaffer!

Ceci écrit, si vous bossez quand même 43 heures par semaine, alors changez de métier, vous n'êtes pas fait pour ça.

Mais cette ridiculerie a certainement pour le SNUipp un grand mérite, c'est celui de faire croire que les directeurs d'école ne travaillent, eux, qu'une heure par semaine de plus que leurs adjoints. Et ça... ça me fout en pétard! J'en connais certains en élémentaire qui font, entre leur travail de classe et leur direction, environ 45 heures par semaine, et 60 heures les semaines particulières de l'année que nous connaissons tous. Moi, ce n'est pas mon cas, mon école maternelle est petite et avec l'habitude ma direction roule toute seule; je passe plus de temps pour ma classe que pour la direction.

Il est parfaitement inadmissible qu'un syndicat qui se veut sérieux comme le SNUipp et un organe comme le Café pédagogique répandent des chiffres aussi fantaisistes. "Mais ce n'est pas nous!", me répondront-ils, ce sont les collègues que nous avons sondés qui... Pour faire un sondage, braves gens, on s'adresse à ceux qui savent le faire, comme le GDID, tiens, l'avait fait il y a quelques années avec l'IFOP.

Mais que peut-on attendre d'autre d'un syndicat en totale perte de vitesse et de crédibilité? J'imagine la fourmilière affolée...

Bref, tout ça pue un peu.

Une hirondelle ne fait pas le printemps...


Le mercredi 24 octobre dernier, M. Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, a fait une déclaration au sujet de l'avenir de la direction d'école devant la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l'Assemblée nationale, déclaration qui évidemment a fait un certain bruit auprès des directeurs d'école ainsi qu'auprès des syndicats, qui s'en sont -certainement trop tôt- fortement réjouis, alors que les directeurs d'école du GDID et certaines centrales étaient d'ores et déjà prêtes au rapport de force. M. Peillon a donc en quelques mots lénifiants cassé une dynamique qui pouvait lui être néfaste. Mais qu'en est-il réellement?

M. Peillon répondait à deux questions, dont l'une en particulier avait été posée par M. Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin bien connu des lecteurs de ce blog pour un rapport qui à l'époque où il était sorti avait fait beaucoup de bruit, M. Reiss y réclamant une reconnaissance claire de notre métier.

Voici la vidéo -courte, 4'35 mn- de ces interventions, mise en ligne par votre serviteur: Frédéric Reiss, Virginie Duby-Muller, Vincent Peillon.


Dont acte. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps, et trop s'enthousiasmer reviendrait peut-être à croire en des lendemains qui chantent, alors qu'il ne s'agit peut-être que de surlendemains, et encore très hypothétiques. Discuter n'est même pas promettre, et si on peut penser que M. Peillon est sincère, il ne faudrait pas non plus prendre ce philosophe de formation pour ignorant de la portée de quelques mots judicieusement et opportunément placés.

Car que dit M. Peillon, en somme? Que des discussions s'engageront en janvier prochain avec le GDID et les syndicats quant à notre avenir. Pas moins certes, mais pas plus non plus. Or la Loi d’orientation aura déjà été a priori votée... et les directeurs d'école ne seront pas dedans. Donc point de statut, qui réclamerait une armada de décisions législatives fortes, mais une vague "certification", idée avancée par le SNUipp qui, dépassé par les évènements et les avancées obtenues par le SE-Unsa et le GDID, tente de se raccrocher aux branches. Je regrette de le faire savoir à M. Peillon, mais les directeurs d'école ne sont pas des enseignants spécialisés, ils exercent aujourd'hui un nouveau métier qui est celui de directeur d'école, métier qui diffère totalement de celui d'enseignant. Ce métier doit être reconnu non comme une possible opportunité mais comme une mission qui n'a plus rien à voir avec une mission d'enseignement, car elle fait appel à d'autres compétences et amène d'autres responsabilités. C'est cela que le GDID devra faire comprendre à Monsieur le Ministre lors de la rencontre qui aura lieu le 30 octobre. Car j'imagine mal ce que quelques sucettes octroyées par notre administration pourraient changer à notre inexistence juridique ou institutionnelle, à nos rapports compliqués avec une hiérarchie souvent impérieuse ou des principaux de collège qui ne sont pas plus compétents que nous. Je comprends mal ce que cela pourrait changer aux responsabilités légales ou face à la Justice qui sont devenues les nôtres. J'imagine tout aussi difficilement ce qu'une "certification" pourrait nous apporter face à des adjoints parfois ingérables, face à un public ou des élus locaux pour lesquels rien ne serait changé. J'ai du mal à voir également de quelle façon nous pourrions être réellement valorisés à la hauteur de la mission que nous remplissons actuellement et du sérieux avec lequel nous l'accomplissons, financièrement d'abord, mais aussi aux yeux des familles comme à nos propres yeux. Délaissés nous sommes, délaissés nous resterions.

Il ne faut pas nier l'avancée que démontrent les propos de M. Peillon. Le GDID a, en un peu plus de dix ans, gagné la bataille des idées. Elle était loin d'être facile, les réticences syndicales -moqueries, insultes, dédain- et les obstacles que les centrales mirent dans nos roues furent nombreux. Mais les directeurs d'école n'ont jamais baissé les bras, et aujourd'hui plus personne ne nie que notre mission soit primordiale pour le fonctionnement de l'école publique. Il ne faut pour autant pas croire que tout soit terminé, loin de là. Nous ne voulons pas être distingués parmi les enseignants, nous ne voulons pas être primus inter pares, nous voulons un statut particulier et clair qui nous permette d'exercer sereinement une mission qui n'est plus une mission d'enseignement mais un métier spécifique.

mercredi 24 octobre 2012

Trois mesures pour les directeurs d'école à prendre d'urgence... et qui ne coûtent rien!


Si le ministre veut faire preuve de bonne volonté envers les directeurs d'école, et ne pas passer pour une buses obtuse, il peut prendre immédiatement trois mesures qui ne coûteront rien à l'Etat, et seront donc forcément bien accueillies aussi bien par le gouvernement que par les directeurs sur le terrain qui n'en peuvent mais... en attendant évidemment que la question soit définitivement réglée par la délivrance aux directeurs d'école d'un statut particulier qui leur permettra d'exercer sereinement leur difficile mission.

Mesure 1: la suppression totale de l'aide personnalisée pour tous les directeurs d'école.

Cette aide personnalisée, instituée par le non-regretté Xavier Darcos, n'a non seulement aucune efficacité, mais s'avère même dans de nombreux cas particulièrement nocive pour certains élèves des plus faibles; il est largement temps de la supprimer, et c'est bien l'objectif, entre autres, que vise la réforme des rythmes scolaires. Mais en attendant cette réforme qui risque d'être moins facile à élaborer et mettre en place que l'imaginait M. Peillon, on peut toujours en dispenser totalement et définitivement les directeurs d'école qui ont charge de classe, puisqu'ils sont actuellement sensés faire de l'aide personnalisée en plus de tout le reste. L'avant-dernier ministre a voulu le faire, mais malheureusement cette mesure équitable n'a pas été appliquée, certaines centrales syndicales montant aux créneaux en hurlant qu'elle était discriminatoire. Évidemment, cette mesure est au contraire d'une parfaite équité, puisqu'elle donne aux directeurs d'école plus de temps pour gérer leur école. Généraliser et imposer cette mesure ne coûterait rien, cela serait simplissime à faire dès demain, et cela serait un geste fort envers les directeurs d'école. Merci d'avance, M. Peillon.

Mesure 2: généraliser le point supplémentaire accordé aux directeurs d'école pour l'accès à la hors-classe.

Actuellement, l'accès des enseignants à la hors-classe des instituteurs ou des professeurs des écoles se fait de la même façon pour tous, en mélangeant note et ancienneté dans le métier. Il y a quelques années, afin de montrer sa bonne volonté, le ministre de l’Éducation nationale de l'époque avait décidé que les Directeurs Académiques auraient la possibilité d'accorder un point supplémentaire aux directeurs d'école pour cet accès à la hors-classe. Malheureusement, cette mesure équitable n'a pas été appliquée partout, certaines centrales syndicales montant aux créneaux en hurlant qu'elle était discriminatoire. Évidemment, cette mesure est au contraire d'une parfaite équité, puisqu'elle souligne et récompense d'une façon non aléatoire et très équilibrée le rôle important que jouent les directeurs d'école dans l'animation de leur équipe pédagogique, dans leurs rapports avec les familles et leurs interlocuteurs, comme dans la gestion de leur école. Généraliser et imposer cette mesure ne coûterait rien, cela serait simplissime à faire dès demain, et cela serait un geste fort envers les directeurs d'école. Merci d'avance, M. Peillon.

Mesure 3: demander aux IEN et aux DASEN de respecter et de valoriser l'autonomie des écoles dans leurs projets et leurs pratiques pédagogiques.

Ces dernières années de nombreux fonctionnaires intermédiaires de l’Éducation nationale ont cru bon de plus jouer au policier qu'au conseiller, et ont littéralement et franchement "fliqué" leurs troupes au lieu de les soutenir ou de les aider à approfondir leur réflexion pédagogique. En première ligne, les directeurs d'école, sommés de remplir régulièrement diverses tâches inutiles et autres tableaux Excel superflus, ont passé plus de temps à le perdre qu'à remplir efficacement leur mission. Il serait temps de réclamer des IEN et des DASEN qu'ils respectent le travail de leurs directeurs d'école, qu'ils les soutiennent, qu'ils les valorisent, et arrêtent de les assommer de consignes parfois contradictoires et surtout parfaitement inutiles à l'accomplissement de leur mission. Écrire aux IEN et aux DASEN des instructions en ce sens ne coûterait rien, cela serait simplissime à faire dès demain, et cela serait un geste fort envers les directeurs d'école. Merci d'avance, M. Peillon.

Voilà, Monsieur le ministre, j'espère par ce billet vous avoir montré un chemin facile à prendre, économique budgétairement, et qui montrerait que vous ne souhaitez pas que perdure la désastreuse situation des directeurs d'école qui a été encore récemment dénoncée par messieurs Debarbieux et Fotinos. Monsieur le ministre, sachez en faire  bon usage. Ce fut un plaisir.

dimanche 21 octobre 2012

Feu de paille...


En quelques jours cette semaine ont fleuri dans les médias -radios et quotidiens- de nombreux articles quasi similaires sur les difficultés des directeurs d'école. J'écris "quasi similaires" car à part quelques-uns -comme celui-ci, pour lequel le journaliste a fait l'effort particulier de se renseigner, ce dont je le félicite-, tous les journaux ont repris quasiment in extenso une dépêche AFP calquée sur un communiqué de presse du SE-Unsa. On appelle ça de l'information?

Cette floraison automnale est tout de même une double bonne nouvelle. D'abord parce qu'il est rare que la question de la direction d'école fasse l'objet d'un quelconque article dans les médias. Ensuite parce que dans le cas présent le SE-Unsa a parfaitement joué sa partie. Certes je ne suis pas d'accord avec les revendications assez vagues du SE-Unsa, qui semble abandonner l'idée de réclamer un statut pour les directeurs d'école, mais je suis assez honnête pour rappeler que cette centrale syndicale est la seule à nous avoir signalé que Vincent Peillon refusait d'aborder le sujet, et d'autre part la seule à envoyer des fusées en clamant que ne pas vouloir traiter cette question était suicidaire pour le ministre de l’Éducation nationale.

Effectivement -combien de fois l'ai-je écrit ici?-, vouloir "refonder" l'école en imaginant qu'une quelconque réforme de l'école primaire pourra se faire sans les directeurs est une pure bêtise.

Le SNUipp doit se sentir un peu morveux d'avoir laissé le SE-Unsa se tailler un tel succès (je rappelle que ces deux centrales syndicales sont nées du même père, le défunt et non-regretté SNI). D'autant plus que le SNUipp fait depuis quelques semaines un effort méritoire pour se rapprocher des directeurs d'école, avec des propositions somme toute intéressantes, plus intéressantes en tout cas que celles du SE. Pour l'instant tout du moins, puisque le GDID doit rencontrer le SE-Unsa et le SGEN-Cfdt le 24 octobre prochain, soit une semaine avant l’entretien du GDID au ministère de l’Éducation nationale. Nous verrons alors sur pièces ce qui ressortira de la discussion. Mais actuellement c'est le SNUipp qui va le plus dans mon sens. Il faut croire qu'ils ont fait en partie chez eux le ménage que je réclamais depuis longtemps en virant de leurs conseils syndicaux quelques vieux retraités qui avaient conservé un peu trop d'attachement à une école communisante largement périmée.

Aujourd'hui il y consensus pour dire que la situation des directeurs d'école n'est plus tenable et qu'il est absolument indispensable de régler la situation. Le GDID n'y est pas pour rien, ce qui ne signifie pas qu'il faille baisser les bras, bien au contraire. Car les solutions proposées sont diverses, et certaines continuent à n'être que des cautères sur une jambe de bois. Tant que les directeurs d'école n'auront pas une reconnaissance institutionnelle particulière qui leur permette d'acter ou de diriger sereinement leur école de façon autonome et responsable, l'école primaire française ira à vau-l'eau. Tout le monde le sait, même le ministre Vincent Peillon, tout le monde le dit, sauf le ministre Vincent Peillon. Et si ce n'est pas clair pour lui, il faut trouver le moyen de le lui faire comprendre. Il s'est assis sur un baril de poudre en voulant nous écarter des décisions qui seront prises, il va désormais lui falloir éteindre la mèche.

Malheureusement, ce florilège d'articles récents ne constitue qu'un feu de paille. Il y aura toujours un fait-divers particulièrement sanglant ou pervers pour remplir les journaux et faire oublier notre situation largement dénoncée ces derniers jours. Il ne faut donc rien lâcher. Le GDID ne lâche pas, mais il faut absolument que les directeurs des écoles primaires de France prennent le relais. Nous avons une occasion historique, si nous la laissons passer nous serons doublement responsables de l'enlisement de notre situation. Doublement car nous sommes déjà largement responsables d'avoir continué vaille que vaille, en dépit des difficultés, à accomplir notre mission du mieux que nous pouvions, ce qui entérine depuis des lustres l'idée que puisque ça fonctionne quand même il n'y a aucune raison ni aucune urgence à changer quoi que ce soit. Vous savez comme moi que sur le terrain nous sommes exsangues. Nous devons le faire reconnaître. Alors profitez de votre premier Conseil d'école de l'année pour y faire un petit laïus en direction des familles, du DDEN et des élus, sans le faire entrer dans le compte-rendu -je vous suggère d'inclure dans l'ordre du jour une rubrique "perspectives de l'école publique"-. Contactez votre Maire, le Conseil municipal, votre député. Contactez votre quotidien régional. Bref démenez-vous un petit peu, il y va aujourd'hui, je crois, de notre bien à tous. Et bon courage.

mercredi 17 octobre 2012

Aveugle, sourd, et muet...


Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, se comporte tel Mizaru, Kikazaru et Iwazaru, les trois singes de la sagesse: il ne voit rien, n'entend rien, et ne dit rien. Ce symbole bouddhiste est parait-il bénéfique, à celui qui suit cette maxime il n'arriverait que du bien. Je ne suis pas certain que M. Peillon s'en tirera à si bon compte.

M. Peillon est aveugle, il ne voit rien de la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui les directeurs d'école de la Nation qu'il est en partie sensé gouverner. Il ne voit pas notre travail quotidien, nos efforts constants pour faire grandir nos élèves et année après année remplir au mieux la mission qui nous a été confiée parce que nous l'avons choisie. Il ne voit rien de nos longues heures non rémunérées passées avant ou après la classe à faire tourner nos écoles. Il ne voit rien de nos dialogues permanents avec les familles, les municipalités, et tous les interlocuteurs de l'école. Il ne voit rien de l'ambiance de travail que chaque jour nous veillons à maintenir dans nos écoles, pour que nos collègues s'y sentent bien et puissent y travailler sans se poser toutes les questions que nous nous posons à leur place. M. Peillon ne voit rien de tout cela, ou sûrement fait-il semblant de ne pas le voir, car il n'est pas aveugle. Mais il est tellement plus facile de se boucher la vue.

M. Peillon est sourd, il n'entend rien de nos revendications les plus simples. Il n'entend pas quand nous lui réclamons juste quelques mots de considération, un encouragement, un compliment. Il n'entend pas quand nous lui demandons d'être dispensés de l'inopérante "aide personnalisée" que nous devons faire en même temps que notre travail de direction d'école. Il n'entend pas quand nous réclamons une oreille attentive, un peu d'écoute, soit ce que nous tâchons, nous, d'accorder quotidiennement à tant d'enfants et tant d'adultes. Il n'entend pas quand nous lui demandons d'être reconnus par l’État comme nous le sommes par les élus locaux. M. Peillon n'entend rien de tout cela, ou sûrement fait-il semblant de ne pas l'entendre, car il n'est pas sourd. Mais il est tellement plus facile de se boucher les oreilles.

M. Peillon est muet, il ne dit rien. Il profère quelques borborygmes indistincts, dans lesquels on peut éventuellement percevoir que "ce dossier n’est pas ouvert dans le cadre de la refondation". Est-ce ce qu'on attend d'un ministre qui disait vouloir "refonder l'école"? M. Peillon ne dit pas que ce sont les directeurs d'école de France qui devront appliquer ses fameuses décisions. Il ne dit pas que sans les directeurs d'école sa réforme restera bancale, comme l'ont été les précédentes. Il ne dit pas que nous sommes indispensables, alors que les municipalités, elles, le savent. Il ne dit même pas que nous devons attendre un petit peu, voire un peu plus, mais que nous aurons un statut clair, parce que c'est devenu indispensable. Non, M. Peillon ne dit rien, mais sous-entend que nous n'avons aucune importance, et que nous continuerons certainement à faire ce que nous avons toujours fait, c'est à dire appliquer les directives ministérielles sans protester. M. Peillon ne rien de tout cela, ou sûrement fait-il semblant de ne pas savoir parler, car il n'est pas muet. Mais il est tellement plus facile de fermer la bouche. Et de ne l'ouvrir que pour parler de choses qui ne concernent en rien l'école.

M. Peillon, les directeurs d'école ne sont pas des imbéciles, les directeurs d'école ne sont pas vos esclaves, les directeurs d'école ne sont pas corvéables à merci. Alors ils n'appliqueront pas vos directives, parce qu'ils ne le pourront pas, en énergie comme en temps... comme en intention peut-être. Ou ils feront semblant de le faire, comme ils ont fait semblant d'appliquer nombre de mesures depuis quinze ans. M. Peillon, les directeurs d'école ne sont pas un accessoire de l'école primaire comme vous semblez le penser, ce n'est que par eux qu'une "refondation" telle que vous la souhaitez -avec honnêteté peut-être- pourra être un succès. Sinon, comme vos prédécesseurs, vous risquez de ne laisser aucun souvenir dans l'histoire de l'éducation de notre pays, ou d'en laisser un épouvantable. Est-ce donc vraiment ce que vous cherchez?

Fin de non-recevoir...


« On va devoir en reparler... ce sujet est devant nous. Mais ce dossier n’est pas ouvert dans le cadre de la refondation. »

Ces derniers propos de M. Peillon, ci-devant ministre de l’Éducation nationale, au sujet des directeurs d'école, ont été accordés récemment au SE-Unsa et rapportés par ce syndicat.

Cela s'appelle une fin de non-recevoir. Comme je le pensais, le GDID qui sera reçu le 30 octobre prochain au ministère s'y entendra susurrer des paroles lénifiantes -"nous ne vous oublions pas"- mais se fera aussi proprement rembarrer. J'ai vu suffisamment de ministres depuis plus de trente ans que j'exerce ce métier pour ne pas avoir rapidement cerné la personnalité du dernier en date. Au passage, comme ses récents prédécesseurs, M. Peillon n'a pas appris à se taire quand il le devrait...

Le GDID est en quête d'une action  signifiante pour établir un meilleur rapport de force d'ici son rendez-vous dans quinze jours. Si vous avez une idée...

Comment le ministre peut-il imaginer que sa "refondation", qui remplace de plus en plus à un simple replâtrage, voire à une vague couche de peinture, pourra être mise en place sans les directeurs d'école de France? Qui imaginera et organisera le nouveau fonctionnement des écoles dans le cadre des étranges nouveaux "rythmes" qui semblent nous être concoctés? Vers qui se tourneront les parents d'élèves et les municipalités? Ces dernières d'ailleurs sont déjà inquiètes, comme les collectivités locales en général, car personne n'y comprend rien tellement les informations qui nous parviennent sont parcellaires. Mais elles ont bien compris qu'elles devront mettre la main au portefeuille, et l'addition risque d'être salée. C'est maintenant que sont élaborés les budgets 2013 des communes, il y a urgence!

Le plus curieux dans cette fin de non-recevoir de M. Peillon n'est pas tellement ce qu'il dit, qu'il avait déjà avancé en juillet dernier ("pas de sous dans la caisse!") et qui peut éventuellement être entendu, mais sa prétendue surdité au sujet de la direction d'école, et son choix de ne pas vouloir conforter la clef de voûte du fonctionnement de l'école primaire que sont les directeurs. Alors que le Président de la République et M. Peillon lui-même clament depuis des mois que l'école primaire est pour eux la priorité du quinquennat. Les enseignants qui ont voté en mai dernier ont-ils été roulés dans la farine? On peut légitimement se poser la question.

Depuis des années les rapports divers s'accumulent pour expliquer que le problème premier de l'école primaire est sa "gouvernance" ou son "pilotage". Il ne passe pas une semaine sans que tombe un nouveau dossier qui dénonce la position insupportable de la direction d'école primaire en France. Sans arrêt on nous propose les exemples réussis de nations qui ont fait de leurs écoles des organes autonomes parfaitement capables de s'autogérer sous une direction reconnue et estimée. Les médias s'y mettent, les spécialistes aussi, les syndicats l'ont compris, la société civile également. J'ai lu avec plaisir hier un entretien avec Cédric Villani, célèbre mathématicien, directeur de l'Institut Henri-Poincaré, médaille Fields -ce n'est pas n'importe qui. Il dit:

« L'autre grand problème tient à l'organisation même de l'école, en ce qui concerne tant les questions de management que d'évaluation. (...) Le système ne fonctionne pas bien : il est lent à la réaction, trop pointilleux dans son contrôle, ne fait pas assez de place aux initiatives personnelles et ne laisse pas les bonnes idées se répandre librement. C'est un problème de gouvernance. »

Alors pourquoi refuser de l'admettre? Qu'est-ce qui peut légitimement justifier qu'on repousse aux calendes grecques cette question cruciale, centrale, primordiale, de la direction d'école? Rien. C'est tout bonnement injustifiable. Et il est clair que les décisions prises dans la prochaine loi d'orientation ne pourront que rester lettres mortes, comme celles prises par ses prédécesseurs depuis vingt ans, si le gouvernement ne se donne pas les moyens de les faire appliquer par une direction d'école revigorée, autonome, clairement identifiée et reconnue pour sa compétence.

dimanche 14 octobre 2012

Le JDD parle des directeurs d'école...


Le JDD a sorti aujourd'hui simultanément deux articles sur la direction d'école, l'un exprimant notre désarroi, le second l'illustrant avec la courte relation de la journée d'une directrice d'école de Garches.

J'ai plusieurs choses à exprimer quant à ces deux articles. La première est bien entendu que ce genre de propos est trop rare dans les médias, alors que tous les français sont concernés par l'école. La seconde est que dans le premier article j'ai constaté avec joie que la mission des directeurs d'école est qualifiée de "métier" -le titre de l'article est "Directeur d'école, un métier "épuisant, décourageant"-.

Combien de temps aurons-nous attendu ce type de reconnaissance? Il serait heureux que d'autres quotidiens ou magazines français s'intéressent enfin à notre sort. Nous sommes des "oubliés de la République", comme l'écrivait Olivier Caremelle, ce qui est fort juste. Oui, la mission du directeur d'école est aujourd'hui un autre métier que celui d'enseignant.

En ce sens, je suis d'ailleurs dubitatif quant à une phrase de l'article:

La plupart d’entre eux se sentent noyés sous les tâches administratives et, faute de temps, de plus en plus éloignés de leur mission première : l’encadrement des élèves et l’animation d’une équipe pédagogique.

Notre mission de de directeur d'école n'est plus aujourd'hui "l'encadrement des élèves" au sens strict, ou du moins ce n'est plus uniquement cela, même si 18000 écoles de ce pays ont un directeur sans aucune décharge de direction, qui doit donc remplir sa mission en dehors de ses horaires d'enseignement... quand il le peut, car comme je l'ai déjà décrit dans de nombreux billets de ce blog, il est impossible de faire deux métiers en même temps, et celui de directeur se fait forcément en lésant les élèves.

Il nous faut choisir: encadrer les élèves, et donc ne plus avoir la lourde responsabilité de la direction d'école, ou devenir directeur à plein temps car il n'est plus possible de faire autrement. L'exemple donné par le JDD dans le second article est d'ailleurs à ce titre frappant: notre collègue de Garches a une dizaine de classes, elle a donc une demi-décharge, soit deux jours par semaine... et elle n'y arrive pas puisqu'elle est contrainte de remplir sa mission en dehors de ses heures normales de travail. Ce que ne dit pas l'article, c'est que cette directrice ne touche pas d'heures supplémentaires, alors qu'elle fait certainement 2 heures de plus quotidiennement pour venir à bout de toutes les tâches qui lui incombent. Qu'en est-il des dix-huit mille directeurs sans aucune décharge, qui doivent faire grandir et instruire une trentaine d'élèves, et accomplir leur mission de direction en sus? Comme si de plus cela était facile après une journée entière de classe... et moi qui travaille en maternelle, je peux vous garantir qu'à 17h le bonhomme qui tape ces lignes n'est pas beau à voir.

La journaliste du JDD -Adeline Fleury- dit à peu près bien ce qu'il en est, même s'il est difficile d'être exhaustif dans un article si court. Mais ce n'est pas son objectif. Nous la sentons qui admet la difficulté de notre métier, je l'en remercie. D'autant qu'elle boucle son billet avec entre autres cette petite phrase:

Le ministère ne devrait sûrement pas laisser en l’état un dossier qui concerne le fonctionnement quotidien de près de 50.000 écoles.

Nous sommes tous d'accord, Mme Fleury, la situation est intenable. Mais je n'ai pas votre optimisme. Je ne suis en aucun cas persuadé que des décisions importantes seront prises en ce qui nous concerne par M. Peillon qui, pour se "hâter lentement" et ne froisser personne, va prochainement à mon avis... ne rien faire. Nous en saurons plus le 30 octobre prochain après la rencontre du GDID au ministère de l’Éducation nationale. Mais quoiqu'il advienne, Mme Fleury, j'aurai lu votre article avec plaisir et quelque soulagement, tout en regrettant que vous soyez pour l'instant la seule dans les médias à qui importe notre métier décrié et ignoré, alors qu'il est si nécessaire, si particulier, et si riche.

samedi 13 octobre 2012

Tu avances ou tu recules...


...comment veux-tu comment veux-tu... que j'y comprenne quelque chose?

Je parle bien entendu du SNUipp. Autant je me fais le devoir de souligner l'avancée proposée par certains textes de cette centrale syndicale, autant je dois avec tout autant de franchise dénoncer le recul ou la stagnation proposés par certains autres. C'est ainsi que le SNUipp des Alpes-Maritimes réclame un statut pour la "direction d'école" -j'ai déjà exposé ce que j'en pense plusieurs fois-, alors que le SNUipp du Cantal en refuse totalement l'idée:

Pour le SNUipp, c’est très clair. Des moyens : OUI. Un statut : NON. L’urgence est à l’allègement des injonctions, du temps de décharge, de la formation et de la reconnaissance. Les sirènes du “statut” apporteront plus de problèmes de gouvernance et de positionnement (clivage au sein des équipes) que de solutions.

J'apprécie d'autant plus ce dernier texte que le SNUipp y réclame moins de décharge, moins de formation et moins de reconnaissance. Il va falloir apprendre le français à nos collègues auvergnats. Au passage, cela ne donne pas une très haute idée de la capacité à enseigner de ces gens-là. Mais bon...

Ainsi, les fédérations départementales du SNUipp avancent en ordre dispersé, clamant à haute voix tout et son contraire. Il est peut-être temps que le Conseil national de ce syndicat donne le LA et indique quelle partition il faut jouer, parce que les musiciens de l'orchestre jouent pour l'instant chacun dans leur coin une mélodie différente. C'est la cacophonie, et c'est assez désagréable. Les directeurs d'école méritent mieux que ça. Surtout qu'il est temps de sonner clair aux oreilles de M. Peillon, avant que le loi d'orientation soit finie d'imprimer (car je la crois écrite depuis belle lurette): il faut un statut clair pour les directeurs d'école publique de France, afin de leur permettre d'exercer sereinement et efficacement leur métier et leur mission particulière.

J'espère que M. Peillon n'est pas sourd...

vendredi 12 octobre 2012

La lente cuisson du directeur d'école maternelle...


La recette est très répandue, le nombre d'écoles maternelles publiques de moins de quatre classes étant extrêmement important en France. Je vous la rappelle néanmoins ici.

Ingrédients:
  • un directeur (ou une directrice, le sexe ne genre rien à la cuisson) d'école maternelle, non déchargé;
  • une trentaine de loulous et de louloutes entre trois et cinq ans;
  • des élections de parents d'élèves
  • quelques consignes administratives superfétatoires pour pimenter la recette.

Commencez à préparer votre matière principale (le directeur) à six heures le lundi matin, pour qu'il prépare le travail de ses élèves.
Mettez-le dans le bain rapidement, si possible dès 7h30, en allumant l'ordinateur du bureau.
A 8h30, incorporez vos loulous et vos louloutes; vous pouvez dès cette étape ajouter si vous le souhaitez quelques parents d'élèves, mais vous devrez les enlever rapidement afin qu'ils ne gâtent pas trop vite le jus de cuisson. A cette heure-là, votre directeur est encore tendre.
Dès 11h le lundi matin, les loulous et les louloutes étant en général assez excités après un week-end pluvieux, votre matière principale aura commencé à cuire.
A 17h, le directeur est nettement moins tendre, la cuisson est déjà bien avancée.

Reprenez le mardi les mêmes étapes, en y adjoignant régulièrement coups de téléphone foireux, pannes informatiques diverses, consignes hiérarchiques idiotes, et autres ingrédients à votre idée (chaque région, voire chaque commune, a sa propre recette). N'hésitez pas à incorporer un parent d'élève hargneux ou un doublon dans le courrier électronique -ou encore une pièce jointe oubliée-.

Le mercredi, vous devrez laisser reposer. Dans certaines régions, on recommande d'ajouter ce jour-là une conférence pédagogique pour accélérer la cuisson.

Recommencez le jeudi matin comme le lundi, avec des loulous et des louloutes excités par la pleine lune ou par le vent ou par un mercredi passé à regarder la télé. Vous constaterez dès le jeudi soir que la cuisson est déjà très avancée. Parfois, le directeur fume déjà. Mais vous devrez tout de même parfaire votre recette en reprenant le vendredi toutes les mêmes étapes quotidiennes. Pour que la matière soit parfaite, il est temps d'ajouter au jus existant, déjà fortement épicé et très odorant, des élections de représentants de parents d'élèves: vous constaterez alors une puissante accélération de la cuisson.

Vous pouvez à tout moment ajouter pour parfaire la recette tout ce qui vous passe par la tête: adjoint malade, ATSEM qui pleurniche, accident de loulou, etc. Tout est bon.

Si vous respectez bien toutes ces étapes, vous constaterez qu'à 20h le vendredi soir la cuisson du directeur (ou de la directrice) est parfaite! La matière principale est totalement molle, presque inerte, sa réactivité est nulle. Faites attention, c'est alors une matière fragile dont la dégustation doit se faire avec grand soin, en parlant doucement, avec des gestes lents et de grands sourires rassurants.

Bon appétit!

jeudi 11 octobre 2012

Une épine dans le pied...


Les vestes se porteront retournées cet automne. Si vous voulez être à la mode...

Le SE-Unsa, qui jusqu'à présent semblait plutôt d'accord avec l'idée portée par le GDID d'un statut particulier pour les directeurs d'école, retourne sa veste avec allégresse dans son dernier supplément concernant la direction d'école, et n'évoque plus ce statut pourtant nécessaire que pour dire que les avis à son sujet sont partagés. Partagés au sein de la centrale syndicale, je n'en doute pas. Partagés parmi les directeurs d'école qui n'en peuvent plus, certainement pas! Le SE admet tout de même que la direction d'école est devenu un métier à part entière. Grâce lui en soit rendue. Mais je ne peux me contenter de ça ni d'un vague "il faut en discuter".

Je subodorais récemment cette forfaiture suite à la signature conjointe avec le SGEN-Cfdt d'une tribune dans laquelle les deux centrales vantaient "l'école du socle", quitte à mettre l'école primaire à la merci des collèges. Je ne suis pas persuadé que la tactique adoptée par le SGEN et le SE leur soit pleinement profitable. Mais le SE en a l'habitude. Avoir signé en 2006 avec de Robien le fameux protocole qui a été ressenti par toute la profession comme une trahison lui aura finalement coûté très cher lors des élections professionnelles suivantes. Croire que les enseignants ont la mémoire si courte que ça, c'est les prendre pour ce qu'ils ne sont pas. Si le SE et le SGEN tiennent tant que ça à tresser les cordes avec lesquelles ils seront pendus, cela les regarde, après tout.

A l'inverse, et c'est bien le plus étonnant, c'est le SNUipp qui aujourd'hui pourrait s'avérer un précieux allié pour les directeurs d'école. Bien sûr, tout n'est pas encore très clair, mais les signes sont là qui ne trompent pas. J'avais il y a quelques semaines senti que le vent faisait mine de tourner en notre faveur, mais une méfiance atavique réfrénait mon enthousiasme. Il y a une dizaine de jours encore, un texte du SNUipp attirait mon attention, qui requérait pour le direction d'école un statut. Pas pour les directeurs, notez bien, mais pour la direction d'école, ce qui est déjà un phénoménal progrès quand on se rappelle comment cette importante centrale syndicale snobait le GDID il y a encore quelques semaines. Y aura-t-il un jour une rencontre officielle? J'en doute. Mais le soutien du SNUipp, syndicat puissant et redouté, ne peut que nous être favorable, surtout face au dégonflage minable du SGEN et du SE.

A propos de ce dernier texte, j'ai peut-être compris pourquoi le SNUipp réclame un statut pour la direction et non pour les directeurs. Cela permettrait de ne pas avoir à créer de corps spécifique, et autoriserait un directeur d'école à retourner s'il le souhaitait à des fonctions d'adjoint. L'idée est simple, intéressante, et demande à être creusée pour ne pas avoir un statut au rabais, simple rustine sur notre inexistence administrative et sociale présente.

Je suis d'autant plus content de ce que considère comme un revirement du SNUipp que je considère cette centrale comme politiquement plus intelligente que le SE ou le SGEN. Il ne faut pas que nous nous fassions d'illusion: le GDID doit rencontrer M. Peillon, Ministre de l'Education nationale, le 30 octobre prochain. Mais ce ne sera que pour s'entendre dire ce que M. Peillon a déjà dit en juillet dernier, soit qu'actuellement il est budgétairement impossible de donner un statut aux directeurs d'école. Nous devrons déjà nous estimer heureux si dans la loi d'orientation qui doit être prochainement pondue les mots "directeurs d'école" apparaissent quelque part. Le SNUipp lui-même évoque la question dans un rapide compte-rendu de la réunion du 11 octobre de M. Peillon avec le Conseil Supérieur de l’Éducation, où il est écrit:

Certaines préconisations posent problème, que ce soit sur le statut pour les directrices et directeurs d’école ou l’obligation des Projets Éducatifs Locaux par exemple. 

J'ai comme l'impression que les directeurs d'école, dont le rapport de la Commission pour la refondation de l'école soulignait clairement l'importance et la nécessité de leur accorder "enfin" un statut, sont une épine gênante dans le pied du ministre. Dans cette optique, la tactique du SNUipp est la bonne, puisqu'ils ne risquent rien à soutenir une proposition qui ne pourrait être mise en place. Il leur sera éventuellement possible au moment opportun de changer leur fusil d'épaule. Mais pour l’instant cela leur permettra -peut-être- de se mettre un certain nombre de directeurs dans la poche (il sera toujours temps pour nous d'en sortir, les poches du SNUipp sont largement trouées), et pour l'instant cela fait bien aussi mon affaire.

Bref, ne nous leurrons pas sur les intentions des uns ou des autres. Mais sachons rester vigilants. Et surtout n'abandonnons pas: accorder aux directeurs des écoles publiques de France un statut clair leur permettant d'exercer leur mission sereinement est une nécessité urgente. Nous le savons, ils le savent. Alors pourquoi ne pas le faire?

mercredi 10 octobre 2012

Chat échaudé craint l'eau froide...


Cela fait plus de trente ans que je suis entré dans la carrière, comme on dit, dont un tiers comme "remplaçant" et un autre tiers comme directeur d'école. Autant dire que j'ai vu passer du monde! Des élèves en veux-tu en voilà, des collègues à la pelle, cinq présidents de la République, dont Mitterrand deux fois et Chirac deux fois, quinze ministres de l' Éducation nationale -dont Jack "je ne fais rien" Lang deux fois-, et tout autant de réformes de ce fameux ministère du type "vous allez voir ce que vous allez voir".

J'ai vu... ce que j'ai vu.

J'ai le grand bonheur de vous faire savoir qu'heureusement, quasiment inamovible dans mes convictions, je continue à travailler avec mes élèves -expérience mise à part- comme au premier jour. J'écris "heureusement", car s'il m'avait fallu suivre toutes les circonvolutions absurdes ou simplement illogiques des directives concoctées par la Direction des écoles -ou DGESCO, Direction Générale de l'Enseignement SCOlaire-, j'aurais certainement transformé mes petits élèves (j'ai quasiment toujours travaillé en maternelle) en zombies irresponsables et incompétents. Certes j'ai abandonné au cours des ans certaines pratiques inutiles, comme j'ai aujourd'hui à mon âge du mal à jouer avec eux à quatre pattes en salle de jeux -j'ai joué aux écureuils avec eux hier, je ne vous dis pas l'état de mon dos ce matin-. Mais le fond de mon enseignement est quasiment resté le même, qui vise à faire de mes élèves des enfants heureux de venir à l'école, fiers de leurs progrès, et autonomes dans leur travail quotidien.

Autant vous dire qu'échaudé comme je le suis, les rodomontades ministérielles me laissent froid. Après la fameuse "concertation" dont tout le monde cause depuis deux mois, voir les syndicats exulter -on se demande bien pourquoi- et les médias jubiler -on se demande bien pourquoi aussi-, alors que les mesures annoncées frôlent le néant absolu, j'aurais tendance à rigoler.

Mais rigoler jaune.

Je rejoins Emmanuel Davidenkoff dans cet excellent billet que j'ai découvert ce matin: l' Education nationale n'est pas réformable. Je l'écris d'ailleurs depuis pas mal de temps: ce n'est même plus un coup de balai qui est nécessaire pour nettoyer les écuries d'Augias qu'est devenu ce ministère, il va falloir détourner le cours des fleuves Alphée et Pénée pour décrasser le haut fonctionnariat sclérosé et sûr de lui qui mène la barque.

Seulement, j'ai un doute: est-il opportun de comparer Vincent Peillon avec Hercule?

Quand le directeur est contraint de sacrifier ses élèves...


Tous les directeurs d'école le savent: accomplir correctement sa mission de direction d'école amène quotidiennement à sacrifier l'enseignement apporté aux élèves. Le directeur est directeur 24h/24, et surtout quand quelqu'un a besoin de lui, qu'il s'agisse d'un fournisseur, d'un élu, d'un agent municipal, d'un parent, que ce soit en contact direct ou au téléphone...

Vous voulez un exemple récent? Les élections des représentants des parents d'élèves sont vendredi prochain, et le bureau de vote doit être ouvert quatre heures de suite. Voici ce que je viens de recevoir de mon administration:

En pratique, le directeur ne pouvant être déchargé de sa classe pour tenir en permanence le bureau de vote, sauf si son jour de décharge éventuel coïncide avec le jour du scrutin, il convient de confier la tenue du bureau de vote aux membres de la commission (parents d'élèves, DDEN...). Toutefois lorsqu'un électeur se présente au bureau de vote, le directeur devra être en mesure de se rendre rapidement sur place pour veiller à la régularité du vote et éviter toute contestation ultérieure.

Difficile de faire plus clair: le directeur doit laisser sa trentaine d'élèves se dépatouiller seuls pendant qu'il observe avec un intérêt certain un parent d'élève mettre sa petite enveloppe dans l'urne... Je me demande tout de même, en cas d'accident à ce moment-là (coup de ciseaux, crayon de papier dans l’œil, simple chute...), ce que diraient l’Éducation nationale, les familles ou la justice en sachant que le directeur n'était pas en présence de ses élèves -dont la surveillance doit être effective et continue- mais assistait contraint et forcé à cette opération purement démagogique que sont les élections des parents d'élèves...

Je crains fortement, au lu des préconisations de la commission pour la "rénovation de l'école" et à l'entendu du discours du président de la République mardi matin, que la prochaine loi d'orientation fasse un vague pssschittt sommaire avant de lamentablement s'effondrer devant la réalité du fonctionnement catastrophique du ministère de l’Éducation nationale. Entendre les syndicats trépigner de bonheur à l'énoncé de mesurettes ridicules est tout aussi déprimant. Je n'évoquerai également que pour mémoire la profonde ignorance des médias, ou leur indifférence, voire l'exaltation qu'ils mettent à répéter tels de joyeux mainates les propos du ministre ou du Président de la République, sans la moindre once d'esprit critique.

Je ne suis pas sûr que mettre trois pansements sur la jambe de bois de l'école publique la fera avancer plus vite.

mardi 9 octobre 2012

Souris...


Après la concertation, discours de M. François Hollande, ce matin, sur l’Éducation nationale...

Les français parlent aux français: la montagne a accouché d'une souris. Je répète: la montagne a accouché d'une souris.

lundi 8 octobre 2012

Timeo Danaos et dona ferentes...


Iphigénie est directrice d'école à Troie. Les troyens lui confient volontiers leurs enfants pour qu'elle les éduque de façon constructive. Malheureusement, les autorités de Troie reconnaissent difficilement son implication dans son apostolat, et Iphigénie a aujourd'hui beaucoup de mal à diriger son école.

Lorsqu'un messager lui a apporté les tablettes gravées par les prêtres du temple du SNUipp, elle n'en est pas revenue! Passés les atermoiements et les circonvolutions cabalistiques du texte, il semblait que le clergé de Troie commence enfin à prêter attention à sa mission jusque là si peu reconnue.

Puis elle a reçu par un autre messager la nouvelle comme quoi les sages de Troie, réunis en assemblée, semblaient vouloir enfin reconnaître l'importance de son rôle. Elle en a presque pleuré de joie.

Depuis longtemps Iphigénie fait partie du GDID de Troie, un groupe d'hommes et de femmes assumant les mêmes fonctions qu'elle, et dont l'objectif est d'obtenir du clergé et des autorités troyennes le moyen statutaire d'accomplir sereinement leur mission. Les chefs de son groupe lui ont annoncé que le grand-prêtre responsable de l'éducation au gouvernement de Troie voulait les voir rapidement, suite aux préconisations de l'assemblée des sages.

Mais Iphigénie est inquiète: ce rendez-vous est-il destiné à communiquer au GDID la décision du pouvoir troyen d'enfin accéder aux demandes du GDID et de donner aux directeurs d'école un statut clair, ou s'agit-il de leur annoncer qu'en dépit des préconisations des sages de l'assemblée le pouvoir ne fera rien pour l'instant, faute du budget nécessaire?

Iphigénie craint fort d'être une fois de plus sacrifiée...

dimanche 7 octobre 2012

Pédagogie de la réussite et dimension pédagogique du directeur d'école...


Parmi les choses qui me chagrinent dans le rapport remis vendredi au Ministre de l’Éducation nationale par les membres du comité de pilotage de la "Concertation pour la refondation de l'école", il y a le fait que la pédagogie de l'enseignement n'y est abordée que par le biais de la difficulté scolaire, ou du handicap.

En effet, rien n'y est dit ou presque de la nécessaire évolution pour les enseignants de leur conception de l'enseignement. Je suis un "vieux" dans ce métier, et mon expérience me montre que beaucoup de professeurs des écoles ont une vision magistrale de leur métier, qui consiste à faire une démonstration au tableau ou pire une explication orale, puis à immédiatement donner un ou des exercices écrits qui sanctionnent l'élève sans attendre. J'ai vu ce fonctionnement avec de jeunes enseignants dès l'école maternelle!

Il est logique que les enseignants formés dans des IUFM universitaires, ou pas formés du tout, ne sachent que reproduire ce qui leur a été donné pendant leurs propres années d'étude au collège, en lycée ou en fac, où les enseignants font des cours magistraux. Ils ne peuvent évidemment se rappeler la façon dont eux-mêmes ont été instruits à la maternelle ou en élémentaire, un être humain normalement constitué n'ayant que peu de souvenirs de ses dix premières années.

Ceux qui comme moi enseignent depuis plus de trente ans ont été formés différemment, avec pour la plupart de nombreux stages dans d'autres écoles, et ils sont souvent entrés dans ce métier par choix. C'était également une époque où la formation continuée existait et permettait de voir des instituteurs chevronnés pratiquer leur métier de façon différente. Bref, il y avait moyen de comprendre qu'un enfant avant dix ans a besoin, pour intégrer une notion ou acquérir une compétence, de manipulations, d'actions motrices, de répétition dans des situations variées. L'expérience a fait le reste.

Il est nécessaire aujourd'hui que chaque enseignant remette ses pratiques en question. Or cela n'apparait dans le rapport de la Concertation qu'à titre lacunaire, dans cette phrase:

(...) l’école élémentaire doit repenser ses programmes jugés trop lourds, faire évoluer ses pédagogies, prévenir les difficultés et les traiter en apportant à chaque élève une réponse adaptée à des besoins clairement identifiés.

Certes tout y est dit. Mais j'ai bien peur que cela passe au second plan, voire reste inaperçu, alors qu'il s'agit à mon sens du problème majeur de notre école. Nous avons vu en quelques années nos programmes enfler de manière exponentielle, avec des missions normalement dévolues aux familles qui nous échouaient. Nos programmes doivent revenir aux fondamentaux, et surtout notre façon d'enseigner doit redevenir une pédagogie de la réussite.

De quoi s'agit-il? Tout simplement de comprendre qu'une notion ou une compétence abordée en classe ne doit être lâchée avant que TOUS les élèves l'aient comprise ou acquise. Cela nécessite de prendre son temps, cela nécessite d'y passer un nombre d’heures qui peut-être plus important que prévu, cela nécessite de ne pas zapper pour passer à un autre point du programme tant que TOUS les enfants n'auront pas intégré ce qui a été abordé. Cela signifie qu'un exercice écrit, oral, manipulatoire, ne peut en aucun cas servir de sanction pour une quelconque évaluation ou un contrôle, il reste un exercice nécessaire peut-être pour que l'enseignant puisse vérifier une acquisition, mais il est surtout un moyen supplémentaire d'aide à la compréhension et à l'acquisition.

Si l'enseignant fait abstraction de la totale compréhension par tous ses élèves de ce qui a été enseigné, alors il est évident que commence le "décrochage" d'un élève, qui n'aura pas toutes les armes qui lui sont nécessaires pour la suite des apprentissages. Il est donc indispensable que tous les enfants réussissent ce qui leur est demandé à mesure que cela leur est demandé, d'où le nom de "pédagogie de la réussite".

Certes, nous savons que les enfants sont inégaux devant les apprentissages, pour diverses raisons qu'il ne m'appartient pas d'évoquer ici (pauvreté culturelle du milieu familial, etc), mais trente années d'enseignement me permettent de refuser l'idée qu'à part cas extrême tous les enfants n'ont pas les capacités nécessaires aux acquisitions scolaires. Certains enfants auront besoin de plus de temps, de plus d'aide de la part de l'enseignant, c'est pourquoi je salue cette préconisation du rapport:

Affecter plus de maîtres que de classes pour permettre aux équipes pédagogiques de travailler autrement et mieux, en développant le travail en commun, en apportant, dans la classe, un accompagnement personnalisé aux élèves qui en ont besoin et en facilitant l’engagement des familles dans le projet de réussite scolaire de leurs enfants. Cette mesure doit concerner en priorité les territoires en difficulté, bénéficier d’abord aux premiers niveaux d’enseignement – CP-CE1 – et être généralisée progressivement.

Je l'ai déjà écrit dans mon billet précédent, mais c'est ce que fait la fameuse Finlande depuis des années, qui a mis dans les classes des adjoints d'enseignement qui accompagnent les élèves les moins assurés au sein de la classe et pendant les heures de cours. Les élèves en difficulté ne sont pas séparés de leurs camarades comme peuvent le faire en France les réseaux d'aide -j'ai toujours considéré ceci comme une erreur très grave-, mais reçoivent simplement pour le coup une "aide personnalisée" qui là justifie son nom.

Malheureusement, il semble que la concertation ait entériné l'idée qu'une "aide personnalisée" puisse rester complémentaire et soit ajoutée aux heures normales de présence d'un élève à l'école, au lieu d'être systématiquement intégrée au temps d'enseignement normal. J'en prends pour preuve cette préconisation du rapport:

Intégrer l’aide personnalisée dans le temps scolaire et organiser l’accompagnement du travail personnel à l’école même, dans le cadre d’une réforme des rythmes. Ceci signifie la suppression effective des devoirs à la maison. 

Je peux me tromper, mais cette phrase signifie pour moi qu'un temps de travail personnel serait exigé de tous les élèves en fin de journée, et les enfants les plus en difficulté seraient alors encadrés par leurs enseignants pour y être aidés. Cela existe déjà, c'est "l'étude". Je n'ai rien contre le réinvestissement à titre personnel de ce qui a été appris dans la journée, au contraire, mais... pourquoi attendre ce temps-là pour aider un élève en difficulté? J'écris cela car les deux dernières citations que j'ai faites ne se trouvent pas au même endroit dans le rapport de la Concertation. Si cela avait été le cas, la recommandation aurait été claire, mais ce n'est pas le cas. Et puis... tant que ces satanés programmes n'auront été mis au régime sec, ni les adjoints d'enseignement effectivement mis en place, ni la pédagogie de la réussite mise en avant, je persiste à penser qu'il n'y aura que de vieux professeurs des écoles, anciens instituteurs, pour la pratiquer. Comme je le fais. Lorsque j'explique à mes parents d'élèves en début d'année qu'ils ne trouveront dans les travaux écrits de leurs enfants aucun ratage, ils sont généralement étonnés tellement on les a habitués à un enseignement qui ne sait que sanctionner. Mais ils comprennent vite, apprécient, et je peux vous assurer, chers collègues, que c'est aussi personnellement une grande satisfaction professionnelle de savoir qu'aucun élève n'est a priori -je ne suis pas parfait- passé au travers.

Malheureusement, notre hiérarchie n'est pas toujours apte à saisir toutes les subtilités d'une telle démarche pédagogique. Nos inspecteurs aussi ne savent généralement que sanctionner, au vu d'ailleurs souvent d'un cahier-journal qui, de même que les devoirs écrits sont interdits depuis cinquante ans, est pourtant considéré comme inutile depuis la fin du XIXème siècle. Ah, ce fameux cahier-journal, refuge des IEN incompétents qui ne savent pas jauger autrement la maîtrise de son enseignement par un professeur des écoles... Mais c'est un autre débat.

Alors, comment peut-on aujourd'hui en France institutionnaliser la pédagogie de la réussite? Une piste est donnée dans le rapport du comité de pilotage de la "Concertation pour la refondation de l'école":

Faire toute leur place à des praticiens en activité (professeurs du primaire et du secondaire mais aussi inspecteurs, chefs d’établissement, associations…) aux côtés des universitaires dans les équipes de formateurs des ESPE.

Donner dans la formation des futurs enseignants une place aux gens comme moi, à des praticiens chevronnés, serait déjà une bonne chose. Mais faire confiance aux gens de terrain n'est pas dans les habitudes du ministère, je suis donc dubitatif quant aux choix qui seront éventuellement faits. Je le suis aussi quant à la présence des IEN, dont les conférences pédagogiques montrent surtout un éloignement des réalités de l'enseignement qui s'avère souvent confondant. En revanche, les directeurs d'école ne sont pas cités, à moins qu'ils ne tiennent dans les trois petits points entre parenthèses. Pourtant, le rôle de la direction d'école devrait devenir important si la préconisation du rapport était effective:

Définir enfin un véritable statut des directeurs d’école et leur donner les moyens pour qu’ils puissent accomplir l’ensemble de leurs missions et devenir les interlocuteurs reconnus de leurs partenaires.

Car enfin, cette petite phrase lapidaire, si elle est fort satisfaisante pour quelqu'un qui comme moi se bat depuis des années pour la reconnaissance effective du métier particulier du directeur d'école, laisse tout de même totalement de côté la forte dimension pédagogique du rôle de la direction d'école dans le fonctionnement de l'école. Car qui depuis quinze ans élabore, formalise et met en place les projets d'école, sinon le directeur? Qui est reconnu par de nombreux enseignants comme pouvant apporter une aide précieuse en terme de pédagogie de classe, sinon le directeur? Un directeur ne fait pas qu'animer une équipe, il l'entraîne souvent sur des pistes inexplorées, et tente souvent avec succès d'apporter à ses adjoints un regard pédagogique différencié et distancié.

Il est donc nécessaire de rappeler l'importance de la dimension pédagogique des directeurs d'école, et ne pas les transformer en simple courroie de transmission administrative ou seulement en interlocuteur privilégié des institutions et des familles. Le rôle que peut jouer un directeur d'école chevronné dans la généralisation de la pédagogie de la réussite ne doit pas être négligé, ce serait rater une opportunité historique alors qu'il ne reste plus beaucoup d'anciens instituteurs qui ont pu la pratiquer ou la pratiquent encore. La nouvelle définition qui devrait être donnée à la mission de la direction d'école dans le cadre d'un statut nécessaire ne devra faire aucune impasse.

samedi 6 octobre 2012

Ecole et concertation: la serpe dort...


Les membres du comité de pilotage de la "Concertation pour la refondation de l'école" ont donc rendu public hier leur rapport. La recommandation que les directeurs d'école publique de France attendaient y est bel et bien inscrite, noir sur blanc, je la rappelle ici:

Définir enfin un véritable statut des directeurs d’école et leur donner les moyens pour qu’ils puissent accomplir l’ensemble de leurs missions et devenir les interlocuteurs reconnus de leurs partenaires.

C'est fort bien, évidemment. M. le Président de la République en parlera peut-être mardi, puisque c'est lui qui présentera à la Sorbonne les grandes orientations en débat pour la loi. J'écris "peut-être" parce qu'il n'est pas certain que cette recommandation là convienne au gouvernement, qui par la voix de M. Peillon a déjà exprimé en juillet dernier qu'il n'avait pas les moyens budgétaires pour la mettre en œuvre.

J'étais déjà perplexe face à cette machinerie complexe de la "concertation" qui a mobilisé pendant plusieurs semaines le ban et l'arrière-ban de tous ceux qui sont persuadés d'avoir des choses à dire sur l'école. Les acteurs de terrain, eux, n'ont pas été consultés, ou si peu qu'il ne me semble pas utile de l'évoquer.

Je suis encore plus perplexe face aux recommandations du rapport, surtout celles qui concernent l'école primaire qui m'intéresse et m'occupe au premier chef. Certes, on y trouve des choses logiques, mais alors qu'il eût fallu tailler à la serpe dans le fonctionnement de l'école publique, je ne peux guère lire que des propositions qui visent à ne fâcher personne, qui restent vagues ou qui me semblent peu propices à une réelle rénovation du système que pourtant sur le terrain nous appelons de nos vœux. C'est ainsi par exemple qu'au lieu de supprimer quelques strates de l'abominable mille-feuilles administratif qui étouffe l'école, le rapport fait la recommandation suivante:

Renforcer les missions des corps territoriaux d’inspection en matière d’animation pédagogique. Pour qu’ils puissent remplir leurs missions au plus près des enseignants et des établissements, leur nombre devrait être augmenté.

Et allez donc, ajoutons encore quelques personnes de plus qui pour justifier leur propre existence s'amuseront à pondre pour des agents de terrain déjà surbookés quelques tableaux Excel et quelques Powerpoint supplémentaires. Avons-nous réellement besoin de cela? Certainement pas!

La grande nouveauté, si on peut dire car elle est annoncée depuis si longtemps qu'il ne s'agit plus que d'une proposition de polichinelle, serait de changer les rythmes scolaires. Vous parlez d'une innovation! Il s'agit simplement de revenir au régime antérieur à la stupide réforme voulu par Xavier Darcos il y a quelques années et qui a institué la mortifère "aide personnalisée". Où est la "refondation" là-dedans? Ah oui, il s'agira de travailler le mercredi matin. Personnellement je demande ça depuis trente ans, afin de ne pas rompre le rythme de travail -j'ai depuis longtemps constaté, travaillant en maternelle, que les élèves sont toujours perturbés et perturbants les lundi et jeudi matins-... mais à condition de très sérieusement alléger la journée de classe et surtout son organisation. Le rapport propose de ne pas dépasser 5 heures de cours par jour en primaire (élémentaire et maternelle), mais précise que les élèves devront être accueillis quand même jusqu'à 16h30 ou 17h!

En primaire, le nombre d’heures de cours ne doit pas excéder 5h par jour. La journée doit obligatoirement prévoir une pause méridienne d’1h30 minimum. Au collège, le nombre d’heures de cours par jour doit être limité à 5h en 6e et en 5e, puis à 6h en 4e et en 3e. En primaire et durant les deux premières années du collège, tous les enfants doivent être accueillis au moins jusqu’à 16h30, voire 17h. Au-delà des horaires d’enseignement, la journée doit comprendre, d’une part, une aide au travail personnel et, d’autre part, des activités culturelles, artistiques et sportives.

Je ne saisis pas vraiment l'adéquation entre ces deux propositions: il faudra commencer l'école une heure plus tard le matin? Faire une pause méridienne de 3 heures? Le rapport précise:

Intégrer l’aide personnalisée dans le temps scolaire et organiser l’accompagnement du travail personnel à l’école même, dans le cadre d’une réforme des rythmes. Ceci signifie la suppression effective des devoirs à la maison.

Ne vous y trompez pas, chers collègues: tels que proposés, les nouveaux rythmes scolaires vous demanderaient de continuer à vous occuper de vos élèves au-delà des cinq heures de cours. Simplement ils feraient des devoirs ou recevraient une nouvelle "aide personnalisée" pendant la dernière heure. Pourquoi alors faire croire que les enfants de France ne resteront plus que cinq heures à l'école? C'est d'un jésuitisme confondant. A moins que les plus méritants, soient ceux qui n'ont aucun problème d'apprentissage, ne soient accueillis effectivement dans les locaux scolaires par du personnel municipal qui leur fera pratiquer des activités sportives ou autre chose. Voilà de quoi de nouveau stigmatiser les élèves les plus faibles privés de ce qui leur conviendrait le mieux pour faire des maths ou du français après cinq heures de présence. Ce sera toujours pour tous de la vie collective, et il n'y a rien pour un enfant, surtout s'il a cinq ans ou moins, de plus fatiguant.

Mais peut-être n'ai-je rien compris. Car on peut lire dans le rapport deux autres propositions qui posent encore un problème d'heures pour les enseignants du primaire:

Reconnaître la dimension collective du métier (travail en équipe, échanges sur les pratiques, partenariat avec les parents ou les divers acteurs territoriaux, innovation) par des temps institutionnels dédiés et une formation adéquate.

Rompre avec la rigidité des emplois du temps hebdomadaires en se donnant la possibilité de globaliser un certain nombre d’heures, dans une fourchette précise et négociée, pour faire évoluer les pédagogies, permettre le travail inter et pluridisciplinaire. 

Je me demande bien où on peut trouver des heures à "globaliser" et des "temps institutionnels dédiés" si les enseignants font déjà leurs 27 heures. Sauf si les heures dues aux élèves pour "l'aide personnalisée sur le temps scolaire" sont incluses dans les cinq heures de présence quotidienne des enfants, ce qui effectivement du coup libérerait 4 heures hebdomadaires pour les enseignants... mais demanderait aux communes d'acquitter une facture très salée d'intervenants sportifs ou culturels qui ne pourraient alors intervenir que dans les écoles, les élèves devant y rester jusqu'à "16h30 ou 17h". Bref, quel flou! Et quelle masturbation intellectuelle que ces prétendues "échanges sur les pratiques" que réclament certains syndicats à cor et à cri depuis des lustres et dont ma bonne connaissance du milieu enseignant me donne matière à rigoler...

Pense-t-on aux enseignants dans ce dispositif? Non. Leur vie de famille, tout le monde s'en fout. Car il faut bien comprendre que si les enseignants doivent pour leur service 27 heures de présence effective à l'école -ce sera le cas dans le cadre présenté-, il y perdront leur précieux mercredi matin sans compensation aucune. Je ne suis pas sûr que les familles, les communes et les enseignants eux-mêmes marchent dans ce jeu qui risque de leur coûter très cher. Surtout si comme le rapport le préconise également:

Peut être également envisagé d’allonger d’une à deux semaines la durée de l’année scolaire. Il conviendrait également, pour respecter l’alternance sept semaines de cours/deux semaines de vacances, d’envisager soit la suppression du zonage de certaines petites vacances soit le zonage de toutes les vacances.

Les familles recomposées de la France d'aujourd'hui n'accepteront jamais un zonage de vacances d'été, et les professionnels du tourisme la suppression du zonage des "petites vacances". Reste la possibilité de bouffer deux semaines des "grandes vacances". Or le métier de professeur des écoles est déjà peu attrayant: difficile, épuisant, stressant, mal considéré et mal rémunéré. Si on lui enlève son dernier attrait vu de l'extérieur, c'est à dire les nécessaires quatre mois de repos -oui, nécessaires, celui qui ne travaille pas avec de jeunes enfants ne pourra jamais comprendre-, j'ai bien peur que les candidatures pour notre apostolat s'amenuisent encore un peu plus. Ce qui va à l'encontre d'un besoin de recrutement beaucoup plus élevé que jusqu'à présent si le gouvernement suit la recommandation suivante -leitmotiv syndical depuis des décennies, mais celui-ci se justifie-:

Affecter plus de maîtres que de classes pour permettre aux équipes pédagogiques de travailler autrement et mieux, en développant le travail en commun, en apportant, dans la classe, un accompagnement personnalisé aux élèves qui en ont besoin et en facilitant l’engagement des familles dans le projet de réussite scolaire de leurs enfants. Cette mesure doit concerner en priorité les territoires en difficulté, bénéficier d’abord aux premiers niveaux d’enseignement – CP-CE1 – et être généralisée progressivement.

La Finlande qui nous est donnée en exemple depuis des années ne pratique pas autrement, en mettant dans les classes des "adjoints d'enseignement". Les résultats sont là. Un tel système obligerait d'autre part les enseignants à accepter dans leur classe un regard extérieur, que nombreux sont ceux qui le refusent, par crainte irraisonnée d'un jugement qui serait selon eux forcément malveillant. Pour moi qui travaille porte ouverte depuis trente ans, et admire toujours l'investissement personnel de mes collègues, il n'y aurait là rien que de très normal.

Je m'arrête là, ce billet à la taille déjà conséquente deviendrait obèse, et je laisse de côté de nombreuses autres propositions lénifiantes, ou intéressantes, ou nécessaires, ou que j'estime de graves erreurs comme l'apprentissage d'une langue étrangère dès le CP -il faudrait déjà que les petits français sachent parler leur propre langue-. J'attends avec curiosité ce que nous dira M. le Président de la République mardi prochain, même si je ne me fais pas vraiment d'illusion, ce n'est pas le genre de la maison.

J'attends également, et avec impatience cette fois-ci, ce qu'il en sera du statut des directeurs d'école. La direction d'école a été tellement laissée en jachère depuis quinze ans que la situation peut difficilement être pire. Ceci écrit, je ne crois pas -plus- au père Noël. Au contraire de la plupart de mes petits élèves.