dimanche 30 septembre 2012

Le SGEN et le SE-UNSA lâchent les dirlos...


Voilà, c'est entériné. Dans une tribune du 28 septembre, signée par Thierry Cadart (Secrétaire Général du Sgen-CFDT), Laurent Escure (Secrétaire général de l’UNSA Éducation) et Jean-Pierre Obin (Inspecteur général de l’Éducation nationale honoraire), on peut lire:

Un troisième facteur de réussite des enfants des classes populaires est la continuité éducative. Ce sont eux qui pâtissent le plus aujourd’hui des discontinuités entre l’école et le collège, de la confrontation de plus en plus brutale, avec la sélection scolaire, de contenus instrumentaux à des contenus culturels, d’un maître unique à dix professeurs. Il n’y a plus de nos jours de justification à cette séparation arbitraire des cinq premières années de l’école obligatoire des quatre suivantes. Il faut donc construire progressivement l’école du socle commun en commençant par la mise en place d'un réseau, cohérent, associant chaque collège avec les écoles de son secteur.

Devinez qui dirigera un tel réseau? Le principal du collège, bien sûr! Voilà la question de la direction d'école évacuée proprement; plus question de statut ni de quoi que ce soit d'autres, les directeurs d'école deviendront les factotums du collège, au grand bonheur du ministère et avec la bénédiction syndicale.

Ce coup de poignard dans le dos tombe opportunément à la fin de la concertation. Il semble bien que les pompons que certains ont pu agiter au-dessus de nos têtes ne servaient qu'à détourner notre attention. On pouvait s'en douter, j'avais dans d'autres billets évoqué le danger qui guettait. Mais il reste une question: le SNUipp va-t-il marcher dans la combine? De toute façon, il est peut-être temps que les directeurs d'école de France se posent la question de savoir quelle arme ils vont pouvoir utiliser pour contrer ces manœuvres déloyales et cette proposition qui sous couvert d'efficacité risque surtout de donner le coup de grâce à l'école primaire publique française. Chers collègues directeurs, il n'est jamais trop tard pour agir et nous associer dans une action commune qui pourra frapper les médias et l'opinion publique.

La grande illusion... ou les dindons !


La concertation voulue par M. Peillon, ministre de l’Éducation nationale, et qui va bientôt clore ses discussions pour provoquer la ponte d'une loi d'orientation, ne serait-elle qu'une grande illusion? C'est bien entendu ce que je crois, ne serait-ce que parce que les hauts fonctionnaires en charge des écoles, en dépit du changement de gouvernement, sont toujours les mêmes que ceux des années passées. Ce n'est pas une très légère et très récente valse des recteurs qui y changera grand-chose: la politique éducative française n'est pas imaginée par le ministre mais par la Direction des écoles, qui ne peut qu'avoir conservé ses habitudes et ses envies, même si elle fait mine d'apporter aux textes qui nous régissent quelques aménagements cosmétiques.

Tiens, une question me vient soudain à l'esprit: la fameuse "veille internet" du gouvernement précédent est-elle toujours en place? Messieurs, bonjour, et tous mes vœux à vos dames.

La question de la direction d'école en France n'est donc pas prête d'être mise sur la table. M. Peillon lui avait de toute façon réglé son compte rapidement en juillet dernier, déclarant que le gouvernement n'avait pas les moyens d'y changer grand chose. Au moins, c'était clair. Que partout des voix s'élèvent, du terrain comme des divers interlocuteurs du ministre, pour rappeler que les directeurs d'école sont la cheville ouvrière du fonctionnement de l'institution, le ministre s'en bat l’œil. Que chacun lui rappelle également qu'un changement du fonctionnement de l'école ne peut être appliqué sans l'implication des directeurs d'école, le ministre s'en bat l’œil. Ce qui compte, c'est de donner l'impression de faire quelque chose. Ce gouvernement va donc donner la priorité, c'est ce qu'il dit, à l'embauche de nouveaux enseignants qui seront hypothétiquement formés par un organisme qui n'existe pas et dont personne ne sait rien. En soi, c'est certainement une bonne chose. Mais encore faudra-t-il les trouver, ces nouveaux enseignants... Quand vous avez bac+4 ou 5, vous n'avez pas forcément envie de bosser comme un malade dans un coin perdu ou pourri avec des élèves innommables pour toucher des clopinettes. Mais bon.

Les directeurs d'école, qui fonctionnent aujourd'hui on ne sait trop comment, qui font en cette rentrée des journées de 12 à 14h, vont donc continuer en dépit de tout bon sens à faire deux métiers à la fois. J'imagine un pilote d'Airbus faisant en même temps le service en cabine... Mais M. Peillon compte bien entendu sur notre conscience professionnelle, et malheureusement il a raison: nous ferons tous, nous autres directeurs d'école exploités jusqu'à la moelle, tout ce que nous pourrons pour que nos écoles "tournent". Des bons cons, quoi. Nous sommes comme de juste les dindons d'une farce cruelle qui n'est pas prête de finir.

Vous préférez quoi: Renoir ou Feydeau? "La grande illusion" ou "Le dindon"?

Il y a quelques décennies, être directeur d'école était une sinécure consistant en gros à remplir un registre matricule avec les noms des élèves nouvellement admis dans l'école, et à faire les gros yeux à un élève indiscipliné, tant était importante l'aura de la direction d'école. Essayez donc aujourd'hui, tiens, si vous ne vous prenez pas une baffe de l'élève en question ou de son grand frère ou de sa mère ou... vous pourrez vous estimer heureux. Ils ne sont pas fous, les parents d'élèves, ils voient bien comment l' État nous traite! Pourquoi diable en feraient-ils autrement?

Après l'abandon des "maîtres-directeurs" dans les années 80, suite à des grèves et autres manifestations menées par des syndicats rétrogrades aux cris de "Non aux petits chefs!", grèves et manifestations que les enseignants de l'époque ont bien entendu suivies sans réfléchir, c'est la Loi d'orientation de M. Jospin en 1989 qui a changé la donne, en accordant aux directeurs d'école, présidents des Conseils d'école et des Conseils de maîtres, une responsabilité pédagogique qu'auparavant ils ne possédaient pas. Travailler sur projets devenait la norme dans les années qui suivirent, impliquant pour les directeurs un rôle d'animateur d'équipe pour lequel ils n'étaient pas formés, et qui changeait fortement la teneur de leur responsabilité comme son ampleur. Si on y ajoute toutes les mesures sécuritaires qui suivirent, le directeur d'école étant aujourd'hui tenu pour pénalement responsable de la sécurité de ses élèves comme de son école, dans le lieu même comme en déplacement, le rôle des directeurs d'école n'avait plus rien à voir avec ce qu'il était quinze ou vingt ans auparavant.

Les réglementations qui tombèrent dru dans les années 2000 ne firent qu'empirer la situation, les mesures et responsabilités s'accumulant sans qu'aucune autre soit retranchée, asphyxiant peu à peu les directeurs d'école sous une avalanche de devoirs envers les familles et l’État, sans qu'évidemment aucune contrepartie soit accordée, à part peut-être -soyons honnête- une légère évolution des conditions de décharge. En refusant le statut de "maître-directeur", les instits des années 80 s'étaient bien plantés, et ce sont les directeurs d'école d'aujourd'hui qui s'en mordent les doigts. Mangez des raisins verts...

Si on ajoute à tout ça la profonde inertie de nos représentants syndicaux, le bilan est lourd. Oh, je sais bien, certaines centrales disent soutenir l'action menée par le GDID. Mais disons-le clairement: entre le soutien total des tous petits syndicats qui poussent l'idée d'un statut particulier pour les directeurs d'école parce qu'ils n'ont rien à y perdre mais tout à y gagner, le soutien mitigé d'autres centrales qui nous jouaient du pipeau activement avant les élections professionnelles et aujourd'hui se contentent des réclamer quelques aménagements parcimonieux en temps ou en argent qui ne coûtent rien à demander car ils ne seront jamais accordés, et l'absence totale de soutien de certaines autres centrales qui nient notre charge et tiennent absolument contre toute évidence et pour des raisons idéologiques surannées à ce que le directeur d'école ne soit surtout pas distingué d'autrui -nous sommes tous frères-, le choix à faire n'est surtout qu'une absence totale de choix.

Que devons-nous alors attendre de cette concertation et de la Loi d'orientation qui suivra? Pour l'école primaire (élémentaire et maternelle), un changement cosmétique des rythmes scolaires qui nous demandera de travailler le mercredi matin et supprimera mathématiquement la nocive "aide personnalisée" pondue par les hauts fonctionnaires -toujours en place, eux- du ministère alors administré par Xavier Darcos -ministre oubliable et heureusement oublié, qui n'était pas grand-chose et qui n'est aujourd'hui plus rien-. Tout ça pour ça? Oui messeigneurs. Et pour les directeurs d'école? Ah mais, peau de zébie, mes amis. Dans le meilleur des cas, nous aurons une jolie déclaration pleine de bons sentiments à notre égard, soulignant notre rôle important, et mettant en avant à quel point la France compte sur nous pour appliquer toutes les nouvelles mesures... Vous travaillez pour la Nation, mes très chers collègues. Vous êtes les cadres les plus mal payés de l'OCDE, vous bossez comme des malades sans contrepartie ni estime de votre hiérarchie, vous faites deux métiers en même temps, mais il faut que vous vous fassiez une raison: les français s'en balancent, vos parents d'élèves s'en foutent, votre ministre de tutelle n'en a rien à carrer et votre hiérarchie s'en tamponne le coquillard. 

Occupez-vous donc, entre maths et grammaire, ou entre le langage et la salle de jeux, des élections des parents d'élèves qui approchent. Et je n'ai aucun conseil à vous donner, sauf peut-être à tout laisser tomber, et à envisager de demander au prochain mouvement un tranquille poste d'adjoint. Moi, en tout cas, je l'envisage sérieusement.

samedi 29 septembre 2012

De la concertation, et des directeurs d'école...


Vincent Peillon:

Délibérez, jugez ce que ma voix propose,
Et que d'un long malheur l'empire enfin repose.

 Un directeur d'école:

0 vous, roi bienfaisant, qu'on aime et qu'on révère,
Sur nos vrais intérêts votre voix nous éclaire:
Qu'est il ici besoin d'un stérile débat ?
Chacun connait assez les besoins de l’État;
Mais nul n'ose en parler avec pleine franchise.
Que celui dont l'audace ici nous tyrannise
De son esprit hautain rabatte la fierté,
Et rende à nos discours toute leur liberté;
Eh bien, cédons, prenons une voix suppliante,
Demandons-lui la vie, implorons à genoux
Ses bontés pour le roi, pour l’État, et pour nous;
Qu'il nous laisse une part de nos droits légitimes:
Trop longtemps des combats nous fûmes les victimes.
Vous, à qui nous devons tous les maux qu'ils ont faits,
Terminez cette guerre et donnez nous la paix.

Virgile, Énéïde, Livre XI

mercredi 26 septembre 2012

Flac! Une couche pour cacher la misère...


L' Union des cadres de la CGT a rendu public un sondage qu'ils avaient confié à OpinionWay, sondage sur "l'état d'esprit des enseignants" dont les réponses n'étonneront personne dans le milieu, mais qui présente de façon intéressante certains points de vue.

On constate depuis quelques semaines une avalanche de rapports allant dans le même sens, mais dont les répercussions à venir semblent douteuses aux yeux des enseignants eux-mêmes; c'est ce que pointe ce dernier sondage, comme d'ailleurs le dernier et pertinent billet de Directeurs en lutte si on ne tient compte que de la situation particulière des directeurs d'école.

J'ai par exemple lu le rapport sur "les composantes de l'activité professionnelle des enseignants", paru en juillet dernier, dans son intégralité. Il est extrêmement intéressant quant aux constats effectués, froids et distanciés, complets me semble-t-il. Mais hélas on ne trouve à la fin que quelques pauvres préconisations parfaitement idiotes, dont on se demande bien à quel usage elles sont destinées, et en particulier une pure imbécillité de "coordo-coordi-nateur de cycles".

Non, il ne s'agit pas de faire réparer les vélos dont seront bientôt équipés des enseignants appauvris afin d'aller à leur travail, mais d'ajouter une couche supplémentaire de fonctionnaires inutiles, certainement pratiques pour cacher la misère. Le gouvernement actuel semble disposé à badigeonner l' État de multiple façon pour mieux nous pigeonner. Je pense ainsi à la récente déclaration roucoulante de M. Peillon quant à la création d'un organe dédié à la surveillance des faits de violence dans les écoles, organe qui existe déjà en double exemplaire et dont tout le monde se demande bien à quoi ils peuvent bien servir sinon encore une fois à fournir des statistiques inutiles, sauf peut-être pour faire survivre divers médias qui font leur beurre des marronniers de ce genre. L'image de M. Peillon roucoulant perché sur un marronnier me plait, même si elle m'indispose -je pourrai toujours utiliser les feuilles d'automne emportées par le vent pour nettoyer mes coliques-...

Nous avons déjà des DASEN, des IEN, des CPC, des RASED, qui tous tentent de justifier ou préserver leur existence en couvrant les écoles de recommandations, de courriels, d'exigences et de conseils superfétatoires, alors que les écoles en général se suffisent à elles-mêmes, même s'ils elles ont bien du mal à assumer correctement leur mission avec des effectifs par classe surchargés, des élèves difficiles, des complications multiples et quotidiennes. L'idée d'en ajouter une couche ne peut survenir que dans un esprit malade de fonctionnaire parfaitement détaché des réalités du terrain.

Qui fait travailler les élèves? Les enseignants. Qui fait tourner les écoles? Les directeurs. Est-ce donc une réalité si difficile à appréhender? DASEN, IEN, CPC, sont des maillons parfaitement inutiles, dont les missions importantes seraient fort judicieusement remplies sans difficulté sur le terrain par des directeurs d'écoles reconnus, statutaires, et déchargés d'enseignement. Faut-il avoir fait l'ENA pour le comprendre? Alors tant mieux, puisque les anciens élèves de cet établissement pullulent dans les ministères de notre nouveau gouvernement.

Malheureusement, je crains que cette idée de donner un statut clair aux directeurs d'école ne soit pas dans les plans de notre ministre. Concertons-nous, dit-il, ceci me donnera l'onction du peuple pour mon action, qui consistera bien entendu à ne rien faire, ou du moins pas grand chose, à grandes enjambées de coups médiatiques adaptés aux circonstances -comme le prétendument honni précédent gouvernement soit dit en passant- et de "y'a pas d'sous!". Chers collègues directeurs d'école, nous vivons sous une dictature télévisuelle qui prône la présence à l'écran plutôt que l'efficacité, il faut nous y faire! Le pays crève, l'école de France crève, nos gouvernements successifs s'en foutent, tant compte la pérennité de leurs privilèges. J'ai envie de rappeler que ceux-ci ont été abolis en août 1789, soit il y a maintenant 223 ans... Il faut croire que les élites se perpétuent, se reproduisent entre elles, jusqu'à parfaitement ignorer qu'il existe des gens du commun. J'en fais partie. Et certains ont été guillotinés pour moins que ce que nous subissons aujourd'hui.

M. Peillon, il est de votre intérêt de prendre très rapidement, demain, ou la semaine prochaine, un certain nombre de mesures qui nous rassureront un peu quant à votre action, et qui coûtent "peau de zébie" -entendez par là, cher agrégé de philo, "qui ne coûtent rien" : supprimez l'aide personnalisée pour les directeurs d'école -ou pour tout le monde, ce serait aussi simple vue sa nocivité-; citez-nous au moins une fois dans un de vos beaux discours pipeauesques en vantant notre efficacité et la pertinence de notre action; exigez des rectorats le point supplémentaire accordé aux directeurs d'école pour l'accès à la hors-classe (ce point existe dans certains départements, mais pas dans d'autres, ce qui est un comble pour une école publique qu'on prétend "nationale"); et envoyez un courrier à vos lécheurs de bottes d' IEN et de DASEN pour leur rappeler que les maillons indispensables de ce système ce ne sont pas eux mais les directeurs d'école, et pour leur demander de respecter et de valoriser l'autonomie des écoles dans leurs projets et leurs pratiques pédagogique.

Je crains bien que sans tout ça, Monsieur le Ministre, votre action dans l' Éducation Nationale ne laisse que la même trace que celles de vos prédécesseurs, soir une légère et dispensable ligne jaunâtre et légèrement aigre d'odeur. Tenez-vous donc, Monsieur le Ministre, à n'être qu'un nom de plus dans la longue litanie des potiches ridicules du ministériat de l'école de la Nation française?

dimanche 23 septembre 2012

Les chiffres sur l'école qui font mal...


J'ai extrait de l'excellent article de Lucien Marboeuf -voir mon dernier billet- les données qui font mal, celles que les lecteurs du Figaro ne connaissent pas parce que malhonnêtement les rédacteurs du quotidien ou des magazines les leurs cachent. Ces chiffres de 2010, qui sont les derniers disponibles, devraient être livrés à tous les français et discutés partout, afin qu'on cesse par idéologie, bêtise ou ignorance, de vouloir détruire le peu qui reste de l'école publique française.

L’éducation représente 10,4 % des dépenses publiques en France (moyenne de l’OCDE: 13 %). La France est 27ème pays sur 32...

La France investit pour un élève de primaire -maternelle et élémentaire- 17% de moins que la moyenne de l'OCDE, soit 6373 $  (moyenne de l’OCDE: 7719 $).

La France investit 6185 $ pour un élève de maternelle (moyenne de l'OCDE: 6670 $).

En France, un professeur des écoles, qui enseigne toutes les matières, travaille 30% d’heures de plus qu’un professeur de secondaire.

Un professeur des écoles français donne par an 918 heures de cours (moyenne de l’OCDE: 782 heures).

En élémentaire, on compte en France 18,7 élèves par professeur des écoles (moyenne de l'OCDE: 15,8). Rappelons que cette moyenne tient compte de tous les enseignants, y compris des remplaçants, de ceux en congé maternité, en disponibilité, en formation, etc.

En maternelle, on compte en France 21,5 élèves par professeur des écoles (moyenne de l'OCDE: 14,4). Rappelons que cette moyenne tient compte de tous les enseignants, y compris des remplaçants, de ceux en congé maternité, en disponibilité, en formation, etc.

EN France, les enseignants du primaire (maternelle et élémentaire) gagnent 73 % du salaire moyen à niveau de qualification égal.

A prix constants, les enseignants français ont en 2010 gagné 10 % de moins qu'en 2000. Partout ailleurs les enseignants ont gagné 20% de plus pendant la même période, sauf au Japon (où les enseignants sont tout de même payés 30% de plus qu'en France).

Un professeur des écoles français touche au bout de 15 ans de carrière 36 € par heure d’enseignement (moyenne de l’OCDE: 49 €).

Le salaire annuel d’un professeur des écoles français est en début de carrière de 24334 $ (moyenne de l'OCDE: 28623 $), et de 32733 $ après 15 ans (moyenne de l'OCDE: 37603 $).

Vous comprenez pourquoi plus personne ne veut être professeur des écoles? Et je ne parle même pas des directeurs d'école, qui travaillent beaucoup plus encore avec une indemnité dérisoire. Alors? Que disent maintenant tous ceux qui à longueur de temps déblatèrent sans savoir sur l'école française?

samedi 22 septembre 2012

L'épouvantable analyse de Lucien...


Je lis L'instit'humeurs, l'excellent blog de Lucien Marboeuf, depuis très longtemps. J'aime y retrouver à chaque billet son ton très particulier, sa sincérité, comme sa langue acérée qui ne pouvait que me plaire. D'ailleurs, L'instit'humeurs est depuis la création du Confort Intellectuel dans les bonnes adresses que je recommande dans le bandeau de gauche, et ce n'est certes point un hasard.

Lucien Marboeuf consacre son dernier billet aux Regards sur l'éducation 2012, publication de l'OCDE livrée la semaine dernière. Ce document est à chaque parution une mine de renseignements précis sur le milieu scolaire. Malheureusement, la lecture en est ardue: les tableaux et autres nuages de points s'y succèdent, ce qui est rapidement décourageant (l'OCDE publie également une note de synthèse d'une lecture plus simple). Mais lorsqu'on sait les décrypter, ce qu'on y trouve est passionnant!

Lucien Marboeuf en a fait la lecture pour nous. Je ne me donnerai pas la peine d'aller plus loin dans ma propre lecture, que j'avais pourtant commencée, tellement je trouve l'analyse de Lucien Marboeuf pertinente et complète, du moins sur les sujets qui m'intéressent. Mais je dois vous prévenir: si vous êtes professeur des écoles, et plus encore comme moi en école maternelle, cette lecture risque de vous filer un sérieux bourdon.

En effet, qu'il s'agisse des moyens accordés à l'école, du temps de travail, du nombre d'élèves, du salaire ou du moral des enseignants, le bilan présent est catastrophique. Le gouvernement précédent pouvait bien s'appuyer sur les enquêtes PISA pour râler contre nous, il se gardait bien d'évoquer nos conditions de travail. Mais quand on est de mauvaise foi...

Bref, lisez vous-même l'excellente analyse de Lucien Marboeuf dans son dernier billet, dont je vous redonne l'adresse. Mais préparez votre mouchoir.

L'exploit partisan du "Café pédagogique"...


S'il était une fois de plus nécessaire de prouver que le "Café pédagogique" est un site sous-marin de la FSU, il serait largement suffisant d'évoquer leur couverture de l'enquête Debarbieux/Fotinos que j'ai longuement évoquée dans mon précédent billet.

Le "Café pédagogique" commet effectivement l'exploit de ne citer qu'une seule fois les termes "directeur d'école" alors que ceux-ci reviennent longuement dans l'enquête, et en représentent une part importante -relisez mon billet précédent-. Certes, les mots "directeur d'école" sont accolés au mot "statut", mais noyés dans un fatras d'autres sollicitations, et il s'agit dans l'esprit du Café d'en discuter, et certainement pas d'y souscrire...

Le statut des directeurs, et leur mode de nomination, le rôle de coordination des IEN, la remise à plat des pratiques et des finalités de l’inspection pédagogique, l’importance de la recherche et de l’innovation pédagogiques dans les pratiques de classes sont des débats à mener sans a priori.

Je connais cette façon de faire: discutons des choses pour mieux les enterrer dans un semblant de débat démocratique. Debarbieux et Fotinos, eux, évoquent le statut qui nous est nécessaire d'une autre façon:

Le statut des directeurs et leurs responsabilités hiérarchiques vis-à-vis des personnels de tout type (fonction publique territoriale et collègues) doit faire l’objet d’un débat ouvert.

Ces mots là ne recouvrent pas le même désir que celui du "Café Pédagogique" de noyer le poisson! Nous savons, nous, sur le terrain, à quel point nous sommes pieds et poings liés par une multitude de contraintes sur lesquelles nous n'avons aucune prise. Ces contraintes, la grande majorité des adjoints les ignorent, ou font semblant de ne pas les voir, ce que l'enquête Debarbieux/Fotinos souligne également.

Directeurs d'école de France, continuerons-nous indéfiniment à nous laisser faire, à nous laisser dicter ce que nous devons penser et réclamer? Nous avons aujourd'hui l'opportunité rare de nous faire entendre, alors que tous les interlocuteurs et connaisseurs réalistes et honnêtes de l'école vont dans le sens du statut nécessaire de la direction d'école. Sachons en profiter! Joignons nos voix.

vendredi 21 septembre 2012

Retour sur Debarbieux/Fotinos...


Je reviens aujourd'hui sur l'enquête qu'Eric Debarbieux et Georges Fotinos ont sortie hier, et dont j'ai parlé dans mon dernier billet.

Effectivement, ce dossier dense mérite de la part des directeurs d'école une meilleure lecture que celle transversale et lapidaire des médias. Ne serait-ce que parce qu'on y évoque beaucoup les directeurs d'école, dont manifestement le mal-être a certainement beaucoup frappé les deux auteurs du rapport.

Revenons d'abord sur la perception globalement positive que les enseignants ont de leur propre école. Voici ce qu'écrivent Debarbieux et Fotinos:

Ce sont très significativement les directeurs qui ont une vision très positive de leur école, et ce qui est intéressant quelque soit le niveau de décharge de service.Le climat scolaire est décrit comme beaucoup plus positif à partir du moment où l’on est directeur d’école. Ainsi dans les écoles 52% des directeurs jugent le climat bon (note la plus forte) 37,4% de leurs adjoints portent la même appréciation. Ceci est indépendant du fait d’être ou non déchargé de classe : ce n’est pas parce qu’ils sont en face ou non d’élèves que la vision des directeurs est différente, mais probablement car ils s’identifient plus à une dimension « communauté scolaire » dont ils sont les garants.

L'analyse des auteurs est ici la bonne: les directeurs d'école ont une vision des choses moins monocentrée que leurs adjoints, car leur perception du "climat" est liée à un subtil mélange de qualité des apprentissages, de qualité des rapports entre enseignants, de qualité des rapports avec les familles, et enfin de qualité des rapports avec la municipalité. Un directeur d'école passera sans problème sur une difficulté passagère s'il voit que le reste tourne bien.

En ce qui concerne la victimation spécifique des directeurs d'école, voici ce que l'enquête révèle:

Ainsi les personnels se disant les plus insultés (51% vs 36% en moyenne) sont les directeurs avec décharge complète. Ce sont eux aussi qui disent avoir reçu le plus de menaces (30% vs 17% en moyenne) et ils ont même été un peu plus bousculés (7,2 vs 6,2%) ou frappés (4,9% vs 4,1%) que les enseignants. C’est au niveau des auteurs que les différences sont les plus sensibles. Les plus victimes de groupes d’élèves sont les remplaçants. Les enseignants sont surtout victimes des élèves et les directeurs des parents. Malgré leur rareté, les violences physiques par les parents atteignent de manière plus fréquente les directeurs, surtout dans les plus grosses écoles : 2,1% des directeurs avec décharge complète sont bousculés par des parents (1,8% avec demi-décharge, 1% avec quart de décharge et 0,9% sans décharge contre 0,6% pour les enseignants). De même 0,7% des directeurs des grosses écoles sont frappés par des parents, ce qui est peu mais plus fréquent que pour leurs adjoints (0,1%) ou les directeurs des écoles sans décharge (0,0%).

Ce n’est cependant pas au niveau de la violence physique que le problème est le plus fréquent. Le tableau suivant, qui concerne les insultes révèle ainsi très clairement la surexposition des directeurs à une violence verbale par les parents, surexposition qui est fonction de la taille de l’école.

Cliquez pour agrandir l'image.
Il en va de même pour les menaces.


Les fonctions de direction en primaire ne sont donc pas toujours les plus enviables ou les plus simples. Ainsi 17,2% des directeurs s’estiment harcelés vs 13% de leurs adjoints et 7% des personnels de RASED.

L'idée que la possibilité d'être violenté pour un directeur d'école augmente en proportion de la taille de l'école est évidemment facilement compréhensible: il est beaucoup facile d'entretenir des rapports mutuels empreints de respect voire de cordialité avec 50 familles qu'avec 250, d'autant que -comme je l'avais exposé dans un billet précédent- le temps disponible pour les relations avec les familles n'est pas forcément proportionnel à la taille de l'école, certaines configurations étant très difficiles (les écoles à 8, 9 ou 13 classes, par exemple, dans lesquelles le directeur est surchargé). De plus, lorsqu'on a affaire à la majorité d'une population, ce qui est le cas de l'école publique française qui scolarise tout le monde sans tri ni refus, il est évident que la possibilité de croiser un parent violent augmente en proportion du nombre de familles dont les enfants sont scolarisés.

A mesure que l'on s'enfonce dans l'enquête de Messieurs Debarbieux et Fotinos, la question de la direction d'école se montre de plus en plus prégnante. C'est bien en ce sens que j'écrivais en tête de billet que s'arrêter aux formules lapidaires des médias serait fort dommage, et même dommageable.

Voici ce que l'on trouve un peu plus loin:

Exercice du métier : état d’esprit actuel

Au regard des récentes enquêtes sur les risques psycho-sociaux de l’exercice du métier des personnels des lycées et collèges (Fotinos et Horenstein) il nous a semblé cohérent d’approcher ce champ pour les directeurs de l’école primaire. Trois items particulièrement significatifs ont été retenus. Les résultats paraissent très révélateurs d’un certain esprit :

  • 31% ne peuvent s’adresser à personne en cas de problème dans l’exercice du métier (même pourcentage de réponses pour les deux catégories de directeurs). A noter que pour les personnels de second degré, ce taux est de 27%.
  • 84,3% répondent qu’ils ne sont pas formés à la gestion des ressources humaines nécessaire à leur fonction. Réponse plus accentuée pour les directeurs maternelle (88%)
  • 40,4 % déclarent qu’ils pensent souvent quitter leur travail (même taux de réponses pour les deux catégories de directeurs). A noter que ce taux pour les personnels du second degré est de 28%.

D’une façon générale, les éléments de signalétique qui distinguent les directeurs (hors variable “décharge”) des enseignants sont un âge plus avancé et une ancienneté plus importante à l’Éducation Nationale, une faible ancienneté dans la fonction (près d’1 sur 2 a moins d’un an) et un niveau de diplôme moins élevé que les enseignants avec surtout le passage par l’école normale (plus d’1 sur 4). Leur appréciation du climat d’école est plus positive que celle des enseignants et sensiblement égale à 7 ans d’intervalle. Quant à la qualité de vie au travail, bien que l’environnement relationnel apparaisse dans certains domaines positif pour 75% à 95% (relations avec les élèves, valorisation par les enseignants, respect de parents ), elle est marquée par le manque de formation pour ”diriger” (plus de 8 directeurs sur 10), le manque de soutien de la part de la hiérarchie (près d’un directeur sur 2 et surtout – ce qui nous paraît le plus inquiétant - : la solitude professionnelle (1 directeur sur 3) et la tentation de “démission” (2 directeurs sur 5 pensent souvent quitter à leur travail).

Les résultats de l’enquête de victimation permettent de penser que la violence, le sentiment d’insécurité et les agressions participent pour partie à cette “démobilisation” préoccupante. En effet au cours de l’année, seulement une école élémentaire sur 3 et moins d’une école maternelle sur 2 ont déclaré n’avoir eu aucun de problèmes de violence et seulement 6 directeurs d’école élémentaire et 7 directeurs d’école maternelle déclarent ne s’être jamais fait insulter au cours de l’année.

Toutes ces informations conduisent à percevoir l’existence d’une certaine unité de point de vue, un vécu semblable et des appréciations souvent similaires sur l’exercice du métier de la part des directeurs d’école maternelle et d’école élémentaire .La « primarisation rampante »de l’école maternelle relevée par plusieurs études et organisations pédagogiques ne serait-elle pas un des éléments explicatif de cette situation ?

Je n'ai pas trop grand chose à ajouter à ces chiffres ni à leur analyse. Sauf à dire que les directeurs d'école qui me lisent, en particulier ceux du GDID, savent que quelle que soit notre région d'exercice ou notre niveau d'enseignement -maternelle ou élémentaire-, nos problèmes sont les mêmes, ou souvent similaires, à quelques variantes près. Notre ressenti, surtout, est lui parfaitement identique, en particulier notre sentiment d'abandon et de mépris de la part de notre institution de tutelle, alors que nous sommes souvent très bien considérés et respectés par les familles et les municipalités.

Quoique...

Lisant régulièrement les forums privés du GDID, je sais combien de collègues directeurs d'école ont des soucis récurrents avec "leur" mairie. Voici ce qui est écrit dans l'enquête, et qui me réjouit en un sens puisqu'intervient pour la première fois dans le dossier le mot "statut":

C’est d’ailleurs également sur le plan des difficultés avec les mairies, autant que dans celles avec les parents que beaucoup de directeurs réclament, et c’est une forte revendication de leur part, un statut clair. Cela passe par des relations parfois explosives avec les personnels municipaux et l’on a vu dans l’enquête élèves comme dans l’enquête personnels que c’était un point difficile. Ainsi : « j'attends qu'il y ait plus de considération pour la directrice de la part de la mairie quand celle ci se fait insultée par une ATSEM et que le maire soutient cette personne en ne la remplaçant pas et que l'ensemble de l'école y compris les enfants en subissent les conséquences en voyant les conditions detravail dégradées ».

Ils estiment en effet – et probablement à juste titre – être dans une situation intenable. Ils sont vus à l’extérieur comme ayant un pouvoir qu’ils n’ont pas et se sentent pris entre plusieurs feux ». « Les parents sont ultra sensibles et il faut être très diplomate avec eux pour que cela se passe bien. Il ya soixante adultes à gérer dans l'école, presque trois cents enfants et autant de familles (nombreuses sont les familles monoparentales). Le RASED est insuffisant, il faudrait un CPE comme au collège, un secrétaire pour le directeur afin d'avoir un peu de temps pour travailler sur la pédagogie, discuter davantage avec les enseignants et les autres personnels. En tant que directrice, je passe la majorité de mon temps à gérer dans mon bureau les élèves renvoyés de classe par les maîtresses (et parfois par les animateurs) ».

Les directeurs se sentent pour beaucoup seuls et démunis, avec un statut et des fonctions peu claires. Aussi leur principale revendication porte soit sur un vrai statut de directeur – soit au moins sur une définition précise et une reconnaissance y compris salariale de leur métier – le terme métier est en effet employé par eux pour qualifier leur travail. Plusieurs injustices leur apparaissent criantes : le fait qu’à effectif parfois plus important ils n’ont pas ou peu d’aide de secrétariat comparés à leurs collègues de collège, que ces emplois sont précaires et donc souvent peu qualifiés. Il n’est donc pas étonnant que leur revendication n°1 porte sur un tel statut et de telles aides…. qu’ils sont presque les seuls à réclamer. Ainsi 30 % des directeurs avec décharge ou demie-décharge réclament un statut, contre 25% de ceux avec quart de décharge et 15% sans décharge, plus proches en cela des enseignants qui ne sont que 1,4% (et 1,2% en RASED) à évoquer le problème, plusieurs fois d‘ailleurs, en exprimant la peur de voir les directeurs se transformer à leur tour en « petits chefs ». Le fait que seuls ou presque les directeurs évoquent le problème du secrétariat ne signifie pas pour nous qu’ils se désintéressent de la pédagogie, mais témoigne de la bureaucratisation de la fonction, ce que beaucoup regrettent. Cela témoigne aussi d’une coupure avec leurs adjoints qui ne prennent pas en compte leurs difficultés. Cela pose bien sûr tout le problème de l’autonomie, de la répartition des pouvoirs dans les écoles, mais aussi de la nomination des directeurs.

Difficile d'être plus incisif et exhaustif dans une analyse de ce type! Tout y est clairement posé,  les revendications des directeurs d'école comme le fait que les adjoints s'en balancent royalement, seul comptant pour eux que surtout on leur fiche la paix. L'idée des "petits chefs" m'a toujours semblé venir des quelques glandeurs invétérés qu'on trouve encore dans ce métier et qui auraient tout à perdre à avoir leur supérieur hiérarchique quotidiennement dans les pattes. Passons.

Apparait alors la première conclusion qu'il soit possible de tirer des exposés précédents:

La différence entre les propositions des directeurs et celles des enseignants (ou des directeurs enseignants à temps plein) est considérable : les directeurs réclament un statut particulier, une définition de leurs fonctions. La délégation de ces tâches à un personnel qualifié de secrétariat leur paraît nécessaire pour revenir dans le jeu pédagogique et dans celui de l’animation des équipes. Une formation à la gestion des ressources humaines leur semble nécessaire pour y parvenir.

Un débat global sur la hiérarchie, sur la gestion des ressources humaines ou sur la manière de réformer l’éducation nationale est inévitable si l’on veut lever le scepticisme et apaiser bien des souffrances exprimées.

C'est exactement ça. Bravo Messieurs! Mais voici le feu d'artifice final:

Dans la même veine la réflexion doit être entamée avec les collectivités locales pour mettre à disposition des directeurs un véritable secrétariat. Le statut des directeurs et leurs responsabilités hiérarchiques vis-à-vis des personnels de tout type (fonction publique territoriale et collègues) doit faire l’objet d’un débat ouvert. Il est anormal qu’à effectif parfois égal les directeurs du premier degré ne bénéficient pas des aides dont bénéficient leurs collègues du second degré, chefs d’établissements. 

Tout est dit. Ite, missa est.

La sortie d'une telle enquête en pleine "concertation" est pour les directeurs d'école une chance à saisir. Nous avons là une nouvelle pierre pour construire notre édifice, celui d'un statut clair, respectueux, responsable, équitable, pour le direction d'école primaire. Nous ne pouvons nous permettre de laisser passer cette opportunité de franchir l'obstacle qui nous freine dans notre mission depuis des lustres. Espérons que notre ministre saura lui aussi le comprendre.

jeudi 20 septembre 2012

... entre bonheur et ras-le-bol ?


Eric Debarbieux et Georges Fotinos ont présenté aujourd'hui une enquête sur le climat et la violence scolaire dans le primaire, maternelle et élémentaire confondus.

Au delà de la formule originale de leur travail, pour lequel ils ont questionné près de douze mille enseignants, ce qui est déjà remarquable, Eric Debarbieux et Georges Fotinos dressent un constat plutôt curieux mais néanmoins accablant.

Effectivement, plus de 90% des enseignants interrogés estiment le climat de leur école "bon" ou "plutôt bon", ce qui pourrait sembler inattendu si on ne connait pas de l'intérieur les efforts de la plupart des professeurs des écoles et des directeurs pour faire fonctionner la machine malgré les difficultés. Néanmoins, 8,3% se disent «victimes répétées» -de la part d'élèves, de parents ou de collègues- d'injures, de menaces, d’ostracisme ou de harcèlement. Ce chiffre est à mon avis effroyablement haut mais certainement très proche de la réalité. Il faut noter que ce sont les directeurs d'école qui sont le plus victimes des familles, et cela pèse sur leur motivation: 40% d’entre eux, d'après l'enquête, pensent à quitter leurs fonctions.

Ce chiffre vous étonne-t-il, chers collègues? Encore faudrait-il ajouter que la violence subie ou ressentie fait partie d'un tout, avec le manque de reconnaissance de l'Etat pour la qualité de notre mission et la ferveur que nous mettons à l'accomplir.

Les autres points noirs sont nombreux: beaucoup d'enseignants se disent écœurés par l’image qu’on renvoie de leur métier dans le public ou dans la presse; et surtout les rapporteurs présentent une très forte critique de la hiérarchie, notamment des IEN (inspecteurs de l'éducation nationale): les enseignants dénoncent un environnement «malsain, voire pourri», un sentiment d’infantilisation et d'être noyé sous le paperasse.

Cette dernière réponse n'étonnera personne du métier, un directeur d'école est bien placé pour le savoir, le pire étant à mon sens la fébrilité avec laquelle les DASEN (directeurs académiques) et les IEN se sont précipités ces dernières années dans la spirale inflationniste des courriers électroniques redondants, des menaces à peine voilées, des harcèlements injustifiés, des tableaux statistiques ineptes à remplir, ou de l'application bête et irréfléchie de consignes ministérielles absurdes... J'irai jusqu'à dire que le léchage de bottes était ces cinq dernières années une discipline courante dans ces étages hiérarchiques que j'ai déjà donnés dans d'autres billets pour inutiles,et dans lesquels il y aurait un sacré nettoyage à faire. Voire une éradication. Vous voulez faire des économies? Voilà une belle occasion.

Bref, chers collègues directeurs d'école, j'admets que le son de cloche porté par le vent est légèrement différent depuis quelques mois. Ceci étant, qu'attend-on en haut lieu pour affirmer haut et fort la prééminence des écoles dans leurs choix pédagogiques, et rappeler le rôle crucial de la direction d'école?

mercredi 19 septembre 2012

La "concertation" part tous azimuts... mais ne marche pas droit.


Lisant sur le site de la graaaande concertation les contributions des internautes ou celles des participants, j'y découvre sans surprise que les propositions concernant les directeurs d'école partent dans tous les sens. J'y découvre aussi, sans surprise non plus, quelques forfaitures, quelques avancées masquées, et constate que les contributions mettant en avant le rôle primordial de la direction d'école primaire restent clairsemées.

On y trouve très peu par exemple les simples mots "directeurs d'école". Pudeurs de jeune fille? Ou plus simplement les contributeurs n'ont-ils aucune conscience du fonctionnement réel d'une école? Je penche pour cette hypothèse, au lu de quelques propositions fumeuses et bariolées. Mais entrons un peu dans le détail.

Au titre du SE-Unsa, nous constatons une forfaiture supplémentaire, après celle que je n'ai toujours pas digérée du "protocole" de 2006 qui nous a valu ces dernières années une lente agonie du système. Cette centrale syndicale balance d'un côté et de l'autre sans réellement se prononcer. Après un court rappel assez juste:

Les missions du directeur sont nombreuses. Elles recouvrent la gestion administrative, la responsabilité du bon fonctionnement de l’école notamment en termes de réglementation et de sécurité. Le directeur est aussi l’interlocuteur privilégié des partenaires de l’école. Mais c’est son rôle d’animateur pédagogique qui a émergé plus récemment sans pour autant être affirmé. Pour la réussite des élèves, cette mission doit être reconnue et accompagnée. Elle doit aussi être assortie de la capacité à gérer un budget afférent.

... le SE-Unsa se contente de réclamer un peu plus de décharges de direction, un peu plus de sous, une déclaration claire du rôle du directeur d'école, et... un secrétariat. Bref, le Se rejoint son ennemi juré le SNUipp dans son refus d'un statut clair de chef d'établissement primaire. Autant dire que les propositions en question vont bien faire rigoler les autres centrales syndicales, mais que les directeurs d'école vont rester sur leur fin. Ridicule. Adieu le SE.

Second point flagrant des contributions mises en exergue par le site de la "refondation" -j'ai toujours des sueurs froides quand j'écris ce mot-, la mise en avant de l'école du socle, c'est à dire concrètement la prise de pouvoir des principaux de collège sur l'école. Il faut dire que le gâteau est tentant, le gouvernement insistant lourdement sur l'idée de miser financièrement sur le primaire. Je demande déjà à voir la concrétisation de cette belle formule. Les principaux de collège ont partie belle à vouloir croquer l'école primaire, celle-ci remonterait certainement sérieusement leurs statistiques de réussite... avant de faire s'effondrer tout le château. Car si maillon faible il y a, c'est bien du collège qu'il s'agit, celui-ci exacerbant les difficultés des élèves faibles pour mieux les laminer, tout cela bien sûr en rejetant la faute sur l'école primaire avec la traditionnelle formule qui consiste à dire que "tant d'enfants sortent du primaire sans savoir ni lire ni écrire"; l'idée est tellement acceptée que personne ne se pose la question de savoir si c'est vrai, sur quoi on s'appuie pour le dire, et s'il ne serait pas possible de prendre mieux en charge ces enfants au collège... par exemple en travaillant avec eux comme travaille l'école primaire! Je m'insurge totalement contre l'idée qu'un enfant de dix ans puisse être déjà à cet âge condamné par la société et le monde enseignant à ne plus se voir offrir la possibilité de grandir. Mais c'est tellement pratique pour le collège de ne pas se remettre en cause...

Ce phagocytage de l'école primaire par les principaux de collège s'avance souvent masqué. Il suffit de lire le nombre de fois que "l'école du socle" est vantée, tant par le Ministre Peillon, qui aimerait bien se débarrasser du problème de la direction d'école, que par les autres contributeurs, institutionnels ou non. C'est ainsi que Maya Akkari, militante active dans des cercles de réflexion sur l'enseignement proches du pouvoir, jette discrètement ces mots:

Il est également évident que la réflexion sur le collège est intimement liée à celle sur le primaire et le socle commun. Nous travaillons donc sur la question de la liaison primaire/collège.

Vous n'y voyez pas grand mal? Grossière erreur, c'est de cette façon que l'explorateur se fait bouffer. Tenez, encore une contribution:

Le président François Hollande veut rapprocher l’école du collège, il faut aller beaucoup plus loin et rassembler dans un même établissement scolaire, l’école maternelle, l’école primaire et le collège qui constituent la scolarité initiale obligatoire. L’enseignement doit être structuré dans ce cursus unique avec une équipe pédagogique unique qui va suivre l’élève tout au long de ce cursus.

Et qui dirigera cette équipe, hmmm? Croyez-vous vraiment que les enseignants du collège, qui dans leur immense majorité méprisent les enseignants du primaire, accepteront de travailler sous l'autorité d'un directeur d'école? Allons, soyez réaliste.

Bref, les mots "directeurs d'école" et "statut" sont sur le site de la concertation des mots tabous. Sauf peut-être pour l'ANDEV, l'Association Nationale des Directeurs de l’Éducation des Villes, qui connait bien la question pour avoir quotidiennement des échanges constructifs avec la direction d'école primaire publique. Ces spécialistes au sein des municipalités savent très bien eux ce qu'ils perdraient à n'avoir plus comme contact que des principaux de collège parfaitement éloignés des réalités du terrain et du contact avec les familles. Voici ce qu'écrit l'ANDEV:

La nécessité d’une nouvelle gouvernance.

Il est nécessaire de refonder le système de pilotage et de gestion de l’éducation, en dépassant l’organisation de l’éducation et ses différents niveaux de collectivités locales, trop nombreux, aux compétences mal définies et mal articulées avec celles de l’État, pour revenir sur un projet reposant sur un intérêt éducatif local, s’inscrivant dans l’espace d’un territoire. L’établissement public ne doit cependant pas être une simple déconcentration de l’Éducation nationale, basée sur le bassin d’un collège, qui verrait l’établissement public local d’enseignement constituer la base d’un regroupement premier et second degré : il doit être l’expression d’un partenariat équilibré dans lequel l’État et la collectivité mettent en commun des moyens au service de la réussite scolaire et éducative.

L’articulation entre le directeur et l’équipe éducative est à construire dans un équilibre efficacité/implication de tous. Le rôle spécifique du directeur doit être reconnu comme celui d’un chef de file fédérant les différentes composantes et assurant la cohérence de l’ensemble.

Le statut et l’appartenance métier du directeur d’établissement fait débat : si l’on considère qu’il n’est pas souhaitable d’avoir des regroupements trop importants, la séparation des fonctions entre un directeur d’école et un directeur EPEP n’est pas possible pour des raisons économiques évidentes. L’ANDEV juge logique que le poste de directeur revienne à un directeur d’école complètement déchargé qui doit toutefois faire preuve d’aptitude à une fonction managériale et bénéficier des formations complémentaires lui permettant d’exercer cette fonction.

On doit passer progressivement de l’enseignant isolé à l’équipe pédagogique et à l’équipe éducative. L’école a besoin de tous ses professionnels dont les rôles complémentaires sont reconnus

Voilà qui est clair, propre, et précis. Merci à l'ANDEV de garder la tête froide et de rester consciente des enjeux de la question. Il serait souhaitable que tous les directeurs d'école de France soient aussi conscients. Parce qu'il sera peut-être bientôt trop tard.

mardi 18 septembre 2012

Je suis pour une grève administrative...


La "concertation" pour la "refondation" (brrrr, ces deux mots me font froid dans le dos) est en cours. Le GDID y a été invité. D'après les informations que cette association nous a récemment données, les discussions sont difficiles. Mais il semblerait également que beaucoup au sein de cette concertation soient convaincus de la nécessité de ne pas laisser les directeurs d'école, chevilles ouvrières de l'école française, dans la situation actuelle.

Je ne crois guère aux bons sentiments, et les belles paroles me laissent de marbre. Comme moi chers collègues vous êtes en train de vous débattre de votre rentrée, coincés entre vos élèves, votre IEN qui vous assomme de consignes inutiles sur un ton menaçant, la préparation des élections et autres billevesées. Comme moi vous faites en ce moment des journées de 10, 12 ou 14 heures -14 heures, ce fut mon cas aujourd'hui-. Alors j'imagine que vous avez des doutes sérieux quant à notre avenir.

J'ai suffisamment exposé dans mes derniers billets les risques de voir les principaux de collège ou les IEN pointer leur nez dans nos écoles, et surtout y mettre le foutoir que depuis des années nous nous évertuons à éviter. Je n'y reviendrai donc pas aujourd'hui. J'ai également déjà écrit que je faisais partie du GDID, parce qu'il est plus que nécessaire à l'heure actuelle de nous serrer les coudes.

J'attends avec impatience les résultats de la "concertation", les recommandations qui seront faites concernant la direction d'école, et surtout les suites qui seront données. Mais même si je conserve un soupçon de confiance je ne me fais guère d'illusion.

C'est pourquoi je suis aujourd'hui presque convaincu que notre ultime arme pour nous faire entendre est la grève administrative. Pourquoi? Pour que les médias s'emparent de notre problème, qu'ils ignorent superbement et avec conscience, y compris les soi-disant journalistes "spécialisés" qui s'attardent sur les déclarations lénifiantes, adaptées à l'instant, et cache-misère, de M. Peillon sur la "morale" ou la violence. Pour que les familles de ce pays sachent qu'elles perdront leur directeur d'école de proximité attentif à leurs demandes. Pour que les municipalités sachent qu'elles perdront l'interlocuteur privilégié qui est jusqu'à présent le leur, et qui souvent est aussi le dernier représentant de l'Etat dans les petites communes françaises.

Je le dis: si rien ne sort de cette "concertation", j'appuierai de toutes mes forces une grève administrative perlée. Si je suis seul à vouloir la faire, alors je démissionnerai de mes fonctions de directeur d'école. Mais j'arrêterai les dégâts. Je ne vais pas me tuer pour les beaux yeux de la marquise si peu d'années avant ma retraite.

lundi 17 septembre 2012

La prise de pouvoir par les principaux...


La menace se précise, chers collègues.

Même s'il semble qu'au sein des groupes de travail de la "concertation" nombreux soient ceux qui pensent que les directeurs d'école devraient avoir un statut, les principaux de collège, eux, discutent entre eux de leur prochaine mainmise sur les futurs "écoles du socle" et donc sur l'école primaire.

Certaine centrale syndicale qui nous refuse l'idée même du statut que sur le terrain nous réclamons risque de se sentir morveuse. Mais elle n'aura peut-être pas le temps de se moucher. 

Il me semble que la proximité des directeurs d'école avec les enfants, les familles et les municipalités fut toujours un atout majeur pour faire grandir nos élèves, et plus encore en maternelle. Une gestion jacobine par les collèges, concentrée et phagocyte, nous fabriquera un monstre tentaculaire incapable de se mouvoir et de réagir, sourd aux sollicitations, et le petit doigt sur la couture du pantalon ministériel. Ce n'est pas pour après-demain, chers collègues, c'est pour tout à l'heure.

Qu'attendez-vous pour faire entendre votre voix?

dimanche 16 septembre 2012

Rébus...



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Directeurs en lutte...


Le blog Directeurs en lutte, qui se bat de puis des années pour que le métier de directeur d'école soit enfin reconnu, et clarifié par un statut spécifique, est de retour après deux mois de silence avec un article intitulé "Les directeurs d’école : grands oubliés de la refondation".

Pour Le Confort Intellectuel, Directeurs en lutte est un grand frère qui nous manquait cruellement. Ses analyses sont toujours pertinentes et je suis ravi de le retrouver après cette lourde rentrée.

J'en remercie les auteurs pour la gentille petite phrase d'accueil que j'ai trouvé en exergue du blog: elle signifie pour moi que je suis lu et a priori apprécié. Alors... bonne lutte! Si les directeurs d'école doivent disparaître du paysage scolaire français, nous partirons au moins les armes à la main et l'honneur sauf.

samedi 15 septembre 2012

Ainsi le destin frappe à la porte...


Il n'est pas nécessaire d'écouter la 5ème de Beethoven pour lire ce billet. Pourtant l'attente est lourde pour les directeurs d'école. C'est notre destin qui se joue actuellement dans la concertation pour la "Refondation" de l'école publique... et notre existence. Y aura-t-il encore des directeurs d'école à la rentrée 2013? Et dans l'affirmative, quels seront leurs devoirs, quelles seront leur prérogatives, seront-ils reconnus... ou définitivement laminés?

Le GDID participe depuis quelques jours -enfin! pourrait-on dire- à certaines tables rondes de la concertation. Pour l'instant rien ne filtre, mais nous aurons certainement sous peu quelques nouvelles. Seront-elles porteuses de promesse? Ou seront-elles le chant du cygne de notre métier si dédaigné et pourtant indispensable au lien fort qui existe entre la population de ce pays et son école?

Quelques gestes simples pourraient montrer la volonté gouvernementale de remarquer notre mission, des décisions faciles à prendre, à effet immédiat, et qui ne coûtent rien à l'état, mais qui nous mettraient un peu de baume au coeur:

  • la suppression totale de l'aide personnalisée pour tous les directeurs d'école;
  • la généralisation du point supplémentaire accordé aux directeurs d'école pour l'accès à la hors-classe (ce point existe dans certains départements, mais pas dans d'autres, ce qui est un comble pour une école publique qu'on prétend "nationale");
  • une lettre aux IEN et aux DASEN pour leur demander de respecter et de valoriser l'autonomie des écoles dans leurs projets et leurs pratiques pédagogiques...

Il y aurait certainement d'autres possibilités, mais les trois que j'ai citées permettraient aux directeurs et directrices d'école de France de reprendre confiance en l'avenir. Sans geste clair, pour ma part, je considère que les nuages noirs s'accumulent au-dessus de nous, quoi que prétendent certains syndicats qui pour d'étranges raisons jubilent depuis le mois de mai dernier. Ce n'est pas mon cas. Les directeurs que je croise et avec lesquels je discute ne jubilent pas non plus. Et croyez-moi, cela n'est pas bon pour l'ambiance déjà morose dans les écoles de la Nation.

vendredi 14 septembre 2012

Les Sabines...


Il y avait à Montmartre, dans la rue de l'Abreuvoir, une jeune femme prénommée Sabine, qui possédait le don d'ubiquité. Elle pouvait à son gré se multiplier et se trouver en même temps, de corps et d'esprit, en autant de lieux qu'il lui plaisait souhaiter.

C'est ainsi que débute "Les Sabines", une magnifique et très drôle nouvelle de Marcel Aymé parue en 1943 dans le recueil "Le passe-muraille". Ceux qui ont apprécié le titre de ce blog peuvent deviner à quel point j'aime Marcel Aymé, qui pour moi est un de plus grands auteurs français.

"Les Sabines" se termine tragiquement. Marcel Aymé n'est pas un moraliste, mais un penseur qui sait cacher le fruit de sa réflexion derrière un humour éclatant. Chaque Sabine ressent ce que ressentent les autres Sabines, et les excès finissent par toutes les unir dans un final dramatique, ironique, et logique.

Pourquoi je vous raconte tout ceci? Simplement parce qu'au cours de cette journée le directeur d'école que je suis a soudain ressenti une forte similitude entre Sabine et lui. Aujourd'hui je me suis multiplié, aujourd'hui je fus en même temps enseignant avec une progression des apprentissages à organiser, père putatif de ma trentaine d'élèves de quatre et cinq ans qui réclament tous individuellement attention et affection, conseiller en parentalité pour mes familles inquiètes, responsable de locaux qui exigent d'être rénovés, consolateur d'ATSEM à la vie familiale perturbée, conseiller auprès d'une municipalité attentive mais qui réclame mon opinion sur de nombreux points, gestionnaire administratif d'une école dont on me réclame le plus vite possible -on ne vous en laisse jamais vraiment le temps- effectifs et noms et adresses des familles et autres détails, organisateur de scrutin compliqué avec justificatifs divers à fournir à une hiérarchie qui doit certainement s'ennuyer, photocopieur forcené des documents les plus divers, prévisionniste de réunions et conseils divers dont on doit six mois à l'avance -comme si c'était possible- prévoir dates et contenus, nettoyeur de vomi impromptu, soigneur de bobos au genou et à l'âme, raconteur d'histoire, chanteur, rangeur de perles répandues sur 25 m², réparateur d'imprimante avec bourrage de papier, habilleur et monteur de fermetures éclair et boutonneur et laceur de chaussures, coureur de fond pour attraper un téléphone portable oublié dans une salle lors d'un précédent passage, preneur de rendez-vous divers, expliqueur des arcanes de l’administration pour un public de parents attentifs auquel il faut donner les moyens de contacter un médiateur de l'éducation nationale ou le RASED ou le référent pour le handicap, colleur d'affiche moche pour ce même handicap, récupérateur et imprimeur de Circulaire administrative de neuf pages dont neuf pages d'exigences menaçantes pour une ligne de vœu de bonne rentrée, sourieur pour tout le monde même pour ceux qu'on n'aime pas, lecteur de courriel académique avec 15 pièces jointes -je ne blague pas!-, pied-de-grue pour attendre un parent qui arrive une demie-heure en retard pour récupérer son enfant parce qu'il était au cinéma et que le film était plus long que prévu -véridique!-,  et j'en oublie certainement la moitié parce que je suis rentré à la maison à 20h15 et que je suis fatigué.

Aujourd'hui, j'étais une Sabine.

Monsieur le Ministre, les directeurs d'école sont des gens de bonne composition. Mais moi, là, franchement, sincèrement, je fatigue, je sature, j'en ai marre. C'est quelque chose comme ma trente-cinquième rentrée et je n'en peux plus de voir chaque année, malgré tous les beaux discours et tous les bons sentiments, notre charge de travail s'aggraver et se précipiter. Faites quelque chose, dites un mot pour nous montrer que vous savez ce que nous faisons pour l'école. Supprimez l'aide personnalisée, déjà au moins pour les directeurs d'école -ça ne coûte rien, Monsieur le Ministre!-, avant de la supprimer totalement pour tout le monde. Demandez à vos DASEN et vos IEN de ralentir la machine, demandez-leur d'arrêter de nous broyer sous les exigences les plus diverses et les plus ahurissantes. Demandez-leur de nous respecter, et respectez-nous vous-même. S'il vous plait.

jeudi 13 septembre 2012

Le SNUipp quitte sa burqa...


Le SNUipp, syndicat important dans le primaire, quitte sa burqa et dévoile des dessous peu affriolants, et surtout portés depuis trop longtemps pour ne pas sentir très mauvais. Quelques textes récents m'avaient laissé espérer une légère avancée dans la pensée proto-communiste de cette étonnante centrale syndicale, mais le SNUipp vient de se dénuder sans pudeur dans un texte fleurant très fort des relents bien connus... Vous avez deviné? Ils parlent des directeurs d'école (en nous appelant, ce qui est réellement hilarant, des "maîtres-directeurs"!) et nous replacent le sempiternel et vain couplet du "conseil des maîtres", non pas cette fois "décisionnaire", mais carrément "souverain"! Costaud, le SNUipp. Difficile de faire plus ringard. En revanche, s'il s'agit de renifler les godillots de SUD, de FO ou de la CGT, j'ai bien peur que cet effort sovkhozien rate son but, et enterre définitivement les pauvres restes du défunt SNI sous le tombereau des immondices de l' Histoire.

Bref, voilà ce malheureux extrait de texte, trouvé ici:

Le SNUipp FSU rappelle son attachement au fonctionnement collégial des écoles sanctionné par la souveraineté du conseil des maîtres. Nous sommes opposés à un changement de statut des maîtres directeurs. Le SNUipp-FSU a toujours valorisé la notion d’équipe entre conseil des maîtres et direction d’école sur la base d’un fonctionnement démocratique. Il a toujours eu le souci de ne pas diviser les personnels et donc de ne pas céder à la tentation de donner à la direction un statut et un rôle hiérarchiques relevant d’une conception managériale.

Joli salmigondis jouant sur la peur, sur les idées toutes faites, sur l'ignorance crasse -le comble pour des représentants du personnel- du fonctionnement des écoles, sur la négation de la réalité du métier de directeur d'école, sur des utopies qui ont depuis belle lurette montré leur inanité. Il est clair que les directeurs d'école sont là fort bien défendus. Il en reste encore qui sont syndiqués au SNUipp?

Ce qui me rassure, c'est que ce texte a été pondu pour la graaaande concertation sur la "refondation" (ce mot décidément me fait frémir) de l'école. Vus les lourds nuages bien noirs qui s'annoncent pour la direction d'école à l'horizon de cette pseudo-discussion rigoloto-démocrabouseuse, le SNUipp ne risque pas grand chose à jouer sur son pipeau son petit air favori. Mais ils auront l'air bien plus bêtes que moi quand les directeurs d'école n'existeront plus, expulsés au profit des principaux de collège... et au bénéfice du SNES. Dormez bien, bonnes gens.

mercredi 12 septembre 2012

Un mot d' Oeillet-Rose...


Œillet-Rose, quel que soit son vrai nom (mais le pseudo est charmant), a posé un commentaire édifiant sur mon précédent billet, commentaire que je ne peux me retenir de vous livrer ici in extenso tellement il est représentatif de l'état d'esprit de la plupart d'entre nous, les directeurs et directrices d'école primaire... et je ne ferai moi aucun ajout à ce texte parlant:

Bonjour,

2 classes de l'école que je dirige (6 classes) correspondent avec 2 classes d'une école du Sud de l'Angleterre. L'année dernière, dans le cadre du jumelage, la directrice de cette école est venue visiter la nôtre avec quelques élèves accompagnés d leurs familles. Son école a 165 élèves donc à peu de choses près la même taille que celle dont je suis directrice, mais elle n'est pas chargée de classe. Par contre, elle fait de l'enseignement, en prenant des petits groupes d'élèves à droite à gauche.

Jusqu'en juin dernier, nous avions un EVS qui prenait en charge par demi-classes, le suivi du B2i et les séances dans la salle info. Fin du contrat, plus personne en salle info. Je n'ai qu'une journée de décharge déjà insuffisante pour le boulot administratif. Mais si j'étais entièrement déchargée, je pourrais m'occuper de ça, et du soutien aux élèves en difficulté. Et avec quel plaisir je le ferais! Par contre, une classe (CE1/CE2) avec tout ce que ça implique et la direction, il y a des moments où je me demande si je ne vais pas abandonner...

Et la gouvernance de l'école?


Je suis en rogne. Décidément cette consultation pour la "refondation" de l'école me tape sur le système!

Une page est apparue sur le site de la consultation, page exposant un certain nombre de "comparaisons internationales" sur certains points du fonctionnement des écoles. C'est là que la bât blesse: on nous évoque un certain nombre de questions annexes certes importantes, comme la scolarisation des élèves handicapés ou la prétendue violence scolaire -comme si la violence était un point spécifique aux écoles à notre époque!-, mais RIEN n'est dit des trois principales questions qui permettront de sauver l'école française, sinon en filigrane:

  • la gouvernance des écoles primaires (maternelles et/ou élémentaires);
  • l'organisation de l'école;
  • le fonctionnement de l'école.

Le fonctionnement de l'école est primordial: l'enseignement qui y est dispensé doit-il ou non être basé sur une pédagogie de la réussite? Oui, bien sûr, aucun enfant ne doit quitter l'école primaire sans y avoir acquis les mêmes bases que ses camarades. Pour cela, tout doit y être pensé pour faciliter les acquisitions: fonctionnement en groupes de niveau -ceci avait été effleuré par l'organisation en cycles-, abandon des programmes quantitativement démentiels au profit des bases afin de pouvoir y consacrer tout le temps nécessaire à leur acquisition par TOUS les élèves, etc.

Un tel fonctionnement implique une organisation différente de l'école primaire en France, avec certainement en fonction des contraintes sociales du lieu d'implantation -et donc du niveau socio-professionnel des familles- la possibilité pour les écoles d'organiser elles-mêmes une partie plus ou moins importante des programmes nationaux. C'est déjà ce qui se fait dans les pays qu'on nous montre en exemple, comme la Finlande: s'il faut deux fois plus de temps à Pétaouchnok qu'à Trifouillis pour y apprendre aux élèves les bases du programme, il faut que les écoles de Pétaouchnok aient la possibilité d'y consacrer deux fois plus de temps! Nous devons décentraliser, je l'avais déjà écrit dans un autre billet, notre jacobine Éducation Nationale. D'autre part, plus personne n'a le droit de passer sous silence le taux d'encadrement des élèves. Si la Finlande n'a guère moins d'élèves par classe que la France (approximativement 20 pour 23 chez nous), ce chiffre ne tient pas compte des auxiliaires d’enseignement ni des enseignants spécialisés -en maths, en langue...- qui y sont pléthore! Il y a en général deux adultes par classe de 20 en Finlande.

Toutes ces rénovations impliquent une gouvernance rénovée des écoles. Qui peut croire qu'un directeur d'école française, aujourd'hui chargé d'enseignement avec une classe, assailli de sollicitations diverses, -parentales, hiérarchiques, enfantines, communales, commerciales...-, submergé de demandes administratives redondantes ou contradictoires, pourrait gérer correctement une école organisée comme il serait souhaitable qu'elle le fût? En revanche, qui pourrait être mieux placé qu'un directeur d'école, familier des contraintes du terrain et excellent connaisseur des capacités et des besoins des élèves de son école, pour accomplir cette tâche? Le principal du collège, comme M. le Ministre voudrait nous le faire accroire? L' "école du socle" est une fumisterie qui enterrera définitivement l'école primaire de notre Nation.

Il est aujourd'hui nécessaire de transformer les directeurs d'école en professionnels qui se consacreront uniquement à la mission de direction d'école. Il est nécessaire de donner aux directeurs d'école un statut de chef d'établissement primaire. Ce statut, avec des devoirs, des contraintes, des responsabilités et prérogatives parfaitement définis, permettra seul de transformer l'école primaire française dans le sens qui est souhaitable pour les enjeux du  XXIème siècle.

dimanche 9 septembre 2012

Un grand moment comique...


J'ai ri tout seul comme une baleine en découvrant ce soir la question du 3 septembre dernier sur le site de la Graaaaaande Concertation.

Je dois vous avouer que si je viens régulièrement y lire les contributions des internautes, je ne m'attarde pas en général sur le reste, qui ne vaut souvent pas tripette. Je ne réponds donc pas aux questions qui sont posées. Mais celle-ci vaut son pesant de grattons!
  
« Les rythmes pratiqués à l’école primaire vous semblent-ils adaptés aux besoins des enfants? » 

C'est le genre de question que nous ne posons jamais à nos élèves, nous autres enseignants, car la réponse en est induite! En effet, pourquoi poser la question s'il n'y avait pas un problème? D'autant que les médias ne parlent que de ça depuis deux mois.

Eh bien j'ai le plaisir de vous informer, chers amis, que plus de 1800 personnes ont répondu à la question quand même, et qu'évidemment elles ont répondu "non" à 72%.

Si c'est avec ça qu'on veut "refonder l'école", nous sommes mal barrés.

Le Principal, l'IEN, et le Directeur d'école...


Si le titre de ce billet ressemble à celui d'une fable, ce bon M. de la Fontaine n'a hélas rien à y voir.

Les directeurs d'école râlent depuis au moins trois lustres, parce que leur mission est devenue impossible à remplir de façon satisfaisante. Pourtant ils continuent vaille que vaille à l'accomplir, avec abnégation, en s'occupant prioritairement de la "petite gestion d'école", soit tous ces actes quotidiens qui permettent de regrouper familles et enseignants autour de l'éducation des enfants.

Rendons à César ce qui est à César. C'est grâce à l'action du GDID qu'aujourd'hui personne n'ignore à quel point la fonction de direction va mal. Les mots "directeur d'école" et "statut" reviennent avec régularité dans la plupart des revendications syndicales et des discours sur l'école, sauf peut-être pour une centrale syndicale particulière -qui éventuellement commence un léger aggiornamento- et dans les médias qui continuent à nous ignorer superbement. Il faut dire que pour ces derniers seule compte la nouvelle quotidienne et le "scoop" -suicide d'un directeur, arrestation d'un pédophile présumé, etc- au détriment évidemment du fond du problème. Nous sommes une civilisation du zapping et de l'immédiat, il faut aller vite, ce dont l'école elle ne peut se contenter, qui doit travailler sur la durée et la qualité.

Le gouvernement présent est devant un choix difficile, je l'admets. Même s'il évite soigneusement d'évoquer le problème, il sait pertinemment que la mission de direction d'école est le centre névralgique du fonctionnement de l'école primaire. Face à un problème, il existe deux solutions: le résoudre, ou le contourner.

Résoudre le problème de la direction d'école primaire coûte de l'argent, ou du moins ces gens-là le croient-ils, car ils n'ont pas intégré l'idée que l'éducation est un investissement à long terme, dont on sait pourtant l'importance: l'investissement dans l'éducation augmente les taux de rendement et donc la richesse d'une nation, c'est un loi bien connue en Sciences économiques. Non, le problème majeur du système éducatif français n'est pas son coût réel, faible en pourcentage du PIB si on le compare à d'autres pays que pourtant on nous donne constamment en exemple, mais son excessive centralisation et son administration pléthorique.

Décentraliser l'éducation nationale demande donc de s'appuyer sur les acteurs locaux de l'école, et prioritairement sur ceux dont l'action est incontestée par les élus municipaux, c'est à dire les directeurs d'école, et de démanteler des étages intermédiaires qui n'ont fait en quelques décennies qu'enfler le dinosaure qu'est devenue l'éducation nationale. Donner un statut de chef d'établissement primaire aux directeurs d'école permettrait de se passer des Inspecteurs de l’Éducation Nationale (IEN) et des Directeurs Académiques des Services (DASEN), au profit d'un rapport direct entre les rectorats et les écoles. Évidemment, cela supposerait de supprimer aussi tous les services liés à ces deux étages administratifs, qui engluent l'école, ralentissent tout de façon stupéfiante et diminuent l'efficacité générale du système, chaque fonctionnaire intermédiaire devant justifier sa propre existence en inventant des circonvolutions administratives inutiles qui évoquent le Principe de Peter.

Malheureusement, les gouvernements qui se succèdent depuis trente ans dans notre pays -et je ne donne cette durée que parce que c'est aussi celle de ma présence dans le métier- ont une trouille bleue des fonctionnaires de l'éducation nationale. Il faut dire que la bête, si elle fait piètre figure, reste impressionnante ne serait-ce que par ses dimensions, et que son cuir pourtant fin est épaissi de nombreuses couches de graisse. Alors, pour ne fâcher personne on n'enlève rien, on ne coupe rien, on ne supprime rien, on ne dégonfle rien... L'état jacobin préfère rester centralisé et tenir à sa merci une armée de fonctionnaires d'opérette, quitte à faire crever l'animal sous son propre poids. Pour les politiques il est vain d'imaginer que l'on pourrait supprimer tous les superfétatoires "bureliers" -comme disait Zézette- et éliminer tous les intermédiaires qui comme dans le commerce font gonfler la facture.

Reste donc la possibilité de contourner le problème, et voilà bien ce qui me soucie, car le présent gouvernement semble emprunter cette voie dangereuse qui ne résoudra rien, mais plutôt certainement assénera à l'école primaire publique son coup de grâce.

Les directeurs d'école se plaignent de la charge administrative qui alourdit leur travail quotidien? Il suffit de les en délivrer, et à ce titre les discours de M. Peillon, ministre de l’Éducation Nationale, en disent long. M. Peillon n'évoque JAMAIS les directeurs d'école, en revanche il ne manque pas une occasion de vanter "l'école du socle" ou les principaux de collège, et de louanger les rapports primaire/collège. L'école du socle, sortie de l'esprit torturé d'un haut fonctionnaire, c'est l'idée qu'il soit absolument nécessaire de faire du primaire et du collège une seule entité. Le socle de quoi? Aucune idée, ce n'est qu'un mot. La France politique crève sous les mots. Citons quelques extraits d'un très récent entretien avec le ministre:

Dans un collège de Trappes, où j'étais avec le Président de la République, nous avons vu travailler ensemble professeurs du secondaire et professeurs des écoles. Les professeurs des écoles vont dans le collège et les professeurs du collège vont dans les écoles. Ils construisent des projets communs.
(...)
Je souhaite donc soutenir les initiatives de terrain, aider les professeurs à mutualiser leurs pratiques, à bousculer les cloisons entre disciplines, entre corps, entre école et collège. Il faut leur donner les moyens, au-delà des injonctions, de travailler ensemble, de renforcer les liens entre eux, de donner une consistance aux équipes éducative. Tout cela est à construire mais si nous arrivons à avancer dans cette direction, nous aurons fait quelque chose de très utile au pays.

Ite, missa est. La messe est dite, braves gens, vous savez ce qui attend l'école primaire. Cette idée absurde va compliquer encore un peu plus la machine, qui ne tardera pas à gripper complètement. Lorsque les principaux de collège auront pris en charge la partie administrative de la gestion de l'école primaire, on va bien rigoler. Et cela n'allègera que très peu la charge de travail des directeurs d'école, auxquels il restera bien entendu leur classe, et toute la "petite gestion" quotidienne qui fait le principal de la mission. Il nous restera aussi les engueulades et les coups quand il faudra expliquer aux parents qu'ils doivent désormais contacter le collège du secteur pour avoir un certificat de scolarité, ou pour gérer un accident, ou... ou... j'en pleure d'avance. Alors qu'on chante partout qu'on veut investir massivement sur le primaire, l’assujettir au collège qui est depuis 1975 le maillon le plus faible de la chaîne ma parait si absurde que je demande quand même qui a bien pu avoir cette idée suicidaire. Je suppose que M. Peillon nous accordera l'extrême-onction, et que le gouvernement chantera un beau De profundis sous la direction chorale de M. le Président de la République.

J'évoque pour mémoire la seconde façon de détourner le problème de la direction d'école, qui consisterait à donner aux IEN la gestion administrative des écoles. Sachant que la plupart des IEN furent des enseignants incompétents qui n'eurent comme choix que de passer un concours administratif pour échapper aux tortures enfantines, cela pourrait promettre une belle rigolade, avant un effondrement massif ou une révolte gratinée devant les excès d'autorité dont ne tarderaient pas à faire preuve tous ces frustrés de pouvoir qui n'aiment que se faire lécher les bottes par les fonctionnaires de terrain.

Bref, si les directeurs d'école de ce pays ne se réveillent pas, si dans chaque réunion ou chaque information syndicale le mot n'est pas passé, si massivement les directeurs d'école ne hurlent pas qu'il leur faut un statut, et que rien d'autre ne passera par eux, alors demain le réveil sera difficile. Vous ne viendrez pas vous plaindre, chers collègues, car vous ne pourrez pas dire que vous n'aviez pas été prévenus.

Adhérez donc au GDID, tiens. Il faut nous regrouper pour faire entendre notre voix. Ou si vous ne le souhaitez pas, faites-vous entendre dans toutes les réunions, syndicales ou autres, que personne n'ignore ce qui nous pend au nez. C'est l'école de France qui crève.

vendredi 7 septembre 2012

Peut-on "refonder l'école" sans les directeurs d'école?


Vous vous doutez bien, avec l'esprit caustique qui parait-il me caractérise, que si je pose la question c'est que j'y répondrai par la négative.

C'est pourtant le tour que semble prendre la graaaande concertation voulue par M. le Président de la République et M. Peillon, Ministre de l’Éducation Nationale. Plein de grosses têtes -chenues, en plus- qui papotent et papotent et repapotent en s'imaginant sous les auspices des mânes de Diderot et d'Alembert.

Toutes les mesures qui finalement jailliront des crânes géniaux de tous ces grands penseurs devront être au final appliquées dans les écoles... Par qui? Le Ministre enverra ses instructions aux recteurs, qui enverront leurs instructions aux Directeurs Académiques, qui enverront leurs instructions aux IEN... Les IEN? Ah ah ah. Nous sommes surpris quand nous en voyons un dans notre école: "Bonjour Madame, qui êtes-vous? L'inspectrice? Oh, je suis charmé de vous rencontrer! Désolé, madame, j'aimerais bien discuter le bout de gras avec vous, mais j'ai une classe de 30 loupiots sur le feu, ils sont en train de s'entretuer à coups de crayons, alors quand j'aurai le temps peut-être... Après la classe? Ah, mais j'ai deux rendez-vous avec des parents d'élèves, une réunion à la Mairie, et je dois faire en même temps l'aide personnalisée. Un jour, peut-être, au revoir Madame, bien le bonjour à Monsieur le DASEN!"

On l'a bien vu ces dernières années: faute de temps et de disponibilités, les directeurs d'école étaient bien incapables de faire respecter seulement la moitié des instructions émanant  des portes de Saint Pierre, ce qui n'était d'ailleurs pas plus mal quand on y pense étant donnée la bêtise de la plupart d'entre elles. Les rapports officiels du ministère ne disent pas aujourd'hui autre chose.

Qu'elles arrivent par courrier électronique ou par les mains du facteur, les instructions qui nous viennent du Ciel sont données aux enseignants, éventuellement appliquées ou surveillées, par les directeurs d'école... quand ils le peuvent, car ils n'ont pour cela ni autorité, ni temps.

Bref, on demande à cul-de-jatte de courir un 5000 m steeple.

Alors, il me parait fort curieux que quelques beaux esprits puissent seulement une seconde imaginer que l'école de la Nation pourra être réformée, ou refondée, ou ce que vous voulez, sans que les simples mots "directeurs d'école" aient seulement été évoqués par qui que ce soit. Ah, désolé, je me trompe, notre Ministre a déclaré récemment qu'il ne pouvait rien faire.

Je crains que que moi non plus, je ne pourrai rien faire. Et ce n'est pas forcément une menace, non, c'est un simple état de fait. Refondons, refondons.

Révolution syndicale?


Moi qui à l'âge que j'ai ne m'étonne plus de grand chose, me voilà épaté par un texte officiel du SNUipp, qui reste jusqu'à présent le seul des grands syndicats d'enseignants à refuser de discuter avec le GDID -et ne répond même pas aux courriers, ce qui est d'une incorrection rare-. Je vous livre ce texte du 3 septembre dernier in extenso, tel que je l'ai déniché sur le site du SNUipp de la Gironde:

Direction et fonctionnement d’école

La fonction de direction d’école est en constante mutation, les tâches qui lui sont attachées sans cessent se multiplient et s’alourdissent (enquêtes administratives variées, mise en place et gestion de l’accompagnement éducatif, base-élèves, délégation de l’inscription en 6ème via le logiciel Affelnet…), les missions deviennent plus complexes, les responsabilités s’accroissent.

Le manque de temps, de formation, d’outils, d’aide deviennent criants et laissent la plupart des directeur-trices seul-es face à leurs difficultés. Malgré tout cela, rien ne bouge.

Les sollicitations sont chaque jour plus nombreuses de la part de la hiérarchie bien-sûr mais aussi des collectivités locales, des familles, des collègues. Pourtant la question de la direction d’école n’est jamais au centre du débat, Elle est même bien peu évoquée dans le cadre du projet de refondation de l’école.

Le 11 juillet, la commission des affaires culturelles a auditionné Vincent Peillon et George Pau-Langevin. Le ministre a reconnu la complexité du travail de direction, il n’envisage pas pour le moment le statut de direction, mais promet le renouvellement des aides administratives. D’autre part, le Ministre ne remet pas ici en cause la mise en place de l’école du socle qui inclue les écoles primaires dans un fonctionnement de type second degré, et développent l’autonomie avec tout ce qui en découle en termes de déréglementation ( postes à profil, etc…). Une conception de la direction d’école bien éloignée de la réalité des écoles, des besoins sur le terrain, éloignée des enseignant-es qui veulent contribuer à faire vivre une école à visage humain, éloignée des directeur-trices qui sont majoritairement réticent-es à assumer des responsabilités de gestion de la ressource enseignante et tiennent à rester des enseignant-es exerçant une fonction particulière au sein de l’équipe pédagogique.

La question de la direction d’école doit faire partie intégrante du projet de refondation de l’école. Une réflexion sur cette fonction doit avoir lieu. Des textes clairs doivent enfin préciser ses missions, ses responsabilités, ses compétences et celles du conseil des maîtres. Des outils d’aide doivent être élaborés. Un nouveau métier d’assistant administratif doit être créé. Une réelle formation doit enfin être proposée aux directeur-trices et non plus une simple information.

Le moment est venu d’agir pour que le Ministre augmente rapidement le régime des décharges et pour une revalorisation de la fonction. Le SNUipp-FSU, comme la majorité des directeurs, défend l’idée d’un-e directeur-trice qui continue à mener une action pédagogique dans son école pour la cohésion de l’équipe, et qui n’est pas un relais hiérarchique dans l’école. Les enjeux sont de taille. Les orientations à venir seront déterminantes. Le SNUipp-FSU33 vous attend nombreux à ses côtés pour faire évoluer ce dossier.

Je suis époustouflé! J'aurais pu, certes avec quelques variantes, écrire ceci moi-même. Surtout la partie qui rappelle que la question de la direction d’école n’est jamais au centre du débat. Les propos sont mesurés, justes, sans acrimonie, exposent une réalité qui jusqu'à présent semblait échapper au SNUipp. Il est réclamé ce que réclament depuis des lustres le GDID et les directeurs d'école exsangues, soit une définition claire de notre rôle et de notre mission. Même le mot jusqu'ici honni statut est présent. Voilà ce qu'on appelle un sacré aggiornamento de la part du SNUipp. Assistons-nous à une révolution syndicale? Pouvons-nous avoir l'espoir d'être -enfin- soutenus dans nos justes revendications par cette centrale qui reste historiquement comme numériquement un des grands syndicats d'enseignants?

Les mouches doivent se méfier du miel, pour ne pas s'y engluer. Je demande donc quand même à voir. Mais qu'est-ce que ça fait du bien! Même s'il est devenu évident que l'école ne pourra plus se contenter d'une simple remise à plat de nos devoirs, de nos responsabilités, de nos indemnités, ou de nos décharges. C'est une redéfinition du fonctionnement de l'école qui est nécessaire, et du rôle de chacun de ceux qui y travaillent, des Directeurs académiques aux IEN, des directeurs aux enseignants. C'est un statut de chef d'établissement primaire qu'il nous faut, pour ne surtout rien laisser perdurer de la présente situation, et pas quelques pansements sur notre présente jambe de bois. C'est pourquoi cet appel ressemble aujourd'hui fort à un vœu pieux pour que les directeurs se rallient au SNUipp. Néanmoins, comme aurait dit mon père: "Bel effort!"