vendredi 31 août 2012

Les directeurs d'école n'existent pas, M. le Ministre?


Lisant avec allégresse (si!) le "dossier de rentrée" long comme un jour sans pain que nous livre M. Peillon, ci-devant Ministre de l’Éducation Nationale, j'y découvre ces lignes ahurissantes:

Le travail en équipe doit être encouragé. C’est notamment ainsi que les équipes pédagogiques s’attacheront à confier le cours préparatoire à des professeurs volontaires dotés d’une expérience d’enseignement.

Il faut croire que M. le Ministre, soit ignore les textes qui régissant le fonctionnement des écoles françaises, soit omet volontairement de nommer les directeurs d'école... et je penche pour cette seconde option!

Je vous rappelle, M. le Ministre, que c'est le directeur d'école, celui dont vous évitez sciemment de parler, qui répartit les classes dans une école après avis du Conseil des maîtres, et non une quelconque et inexistante "équipe pédagogique":

Circulaire du 14 janvier 1930.
Décret n° 89.122 du 24 février 1989.
Circulaire n° 81.379 du 07 octobre 1981.
Circulaire n° 91.220 du 30 juillet 1991.
Décret n° 76.1301 du 28 décembre 1976 Article n° 17.

Le directeur veille au bon fonctionnement de l'école et au respect de la réglementation qui lui est applicable.
Il procède à l'admission des élèves sur production d'un certificat d'inscription délivré par le maire.  
Il veille à la fréquentation régulière de l'école.
Il répartit les moyens d'enseignement. 

Après avis du conseil des maîtres,
•il répartit les élèves entre les classes et les groupes.
•il fixe le service des instituteurs et professeurs d'école.
•il fixe les modalités d'utilisation des locaux scolaires pour les heures et périodes au cours desquelles ils sont utilisés pour les besoins de l'enseignement et de la formation.

Alors, M. Peillon, nous n'existons donc pas? Qu'il faille faire appel à un organe légalement inexistant (il y a un "conseil des maîtres, un "conseil de cycle", un "conseil d'école", et c'est tout) au nom du "travail en équipe", c'est nier la responsabilité des 50000 directeurs et directrices d'école de ce pays qui se sacrifient quotidiennement pour le bien-être des enfants de la Nation.

Cela augure mal des prétendues "discussions" quant à la direction d'école qui doivent avoir lieu en décembre prochain. M. Peillon, vous devriez un peu moins écouter les sirènes de la FSU, beaucoup se sont laissés prendre à leur chant mortel.

jeudi 30 août 2012

Repères et références statistiques...


L'édition 2012 des RERS (Repères Et Références Statistiques) est parue! Ce document édité par la DEPP, le service des études du ministère de l’éducation nationale, est l'annuaire statistique de référence sur l'école. Il est fiable et contient une foule de renseignements aisés à déchiffrer, et généralement extrêmement édifiants.

C'est ainsi que l'on apprend qu'il y a en France 915251 enseignants (privé et public) et 68766 aides-éducateurs ou assistants d'éducation, pour... 178566 administratifs! Soit tout de même 19,5 %. Faut-il vraiment en France une personne à temps plein pour gérer 4 enseignants? Il y a là un réservoir d'économies qui permettrait d'augmenter sans difficulté le nombre d'enseignants sur le terrain sans gonfler le budget de l’Éducation Nationale.

Ce document ne donne évidemment pas le nombre d'employés de la Fonction Publique Territoriale qui s'occupent des écoles, mais le chiffre serait certainement fort édifiant. Si on donnait aux directeurs d'école le statut leur permettant d'acter au nom de l'école, cela allégerait d'autant les responsabilités assumées par les communes... ainsi que la facture!

On apprend aussi qu'il y a dans le 1er degré (école primaire, soit maternelle et élémentaire, du privé et du public confondus) très peu d'hommes qui enseignent: nous sommes... 13,7 % ! Bonjour la parité. On sait depuis longtemps que la féminisation d'un métier est surtout liée à la pauvreté de la rémunération. Qui vient me parler de vocation? Surtout en un temps où l'acte magnifique d'enseigner est parfaitement dévalorisé socialement. Mais c'est un autre débat.

Bref, parcourez ce document, c'est une mine.

mercredi 29 août 2012

Une nouvelle architecture pour l'école...


M. Jean-Claude Carle, à l'époque vice-président du Sénat, avait déposé le 21 juin 2011 un rapport d'information fait au nom de la "Mission commune d'information sur le système scolaire". M. Carle y prône "l'école du socle commun", que pour ma part je dénonce comme une dangereuse utopie qui donnerait à l'école de notre Nation un ultime coup de poignard. L'idée de mettre les écoles primaires à la solde des principaux de collège, qui n'y pannent que couic, me semble le comble de l'absurdité! Faire l'inverse aurait plus de sens.

En revanche, M. Carle, en ce qui concerne la direction d'école, voit clairement ce qui coince à notre niveau d'enseignement. Le constat comme la solution sont clairvoyants.

En voici en extrait:


La question du pilotage local de la politique éducative est cruciale tant pour la réussite de la réforme entreprise que pour l'avenir à plus long terme de l'accroissement des performances, de l'équité et de l'efficience financière du système éducatif.

L'OCDE indique ainsi, en s'appuyant sur de récents travaux valant aussi bien pour le primaire que le secondaire, que : « la direction d'établissement joue un rôle clé dans la qualité de l'enseignement scolaire, en créant les conditions organisationnelles et éducatives propices à l'efficacité et à l'amélioration.» (...)

La direction des écoles maternelles et élémentaires est assurée actuellement par un directeur d'école appartenant au corps des instituteurs ou à celui des professeurs des écoles. Les directeurs d'école sont régis par les dispositions du décret n° 89-122 du 24 février 1989 modifié. Primus inter pares, le directeur est un professeur comme les autres qui n'exerce pas de pouvoir hiérarchique. L'un des maîtres de l'école est nommé dans l'emploi de directeur par l'inspecteur d'académie, en principe après son inscription sur une liste d'aptitude. La seule autorité hiérarchique est l'IEN de la circonscription, dans un milieu dont M. Bruno Racine, président du Haut Conseil de l'éducation, a relevé « la culture individualiste très prégnante ».

Le directeur d'école exerce des missions très diverses : il doit non seulement veiller à la bonne marche de l'école et au respect de la règlementation, assurer la coordination entre les enseignants et animer l'équipe pédagogique, mais il est aussi l'interlocuteur des autorités locales, des parents d'élèves, du monde économique et des associations périscolaires. Pour faire face à l'ensemble de ses tâches, le directeur dispose de peu de moyens. Les témoignages de responsables académiques du rectorat de Caen sont à cet égard très éclairants. L'IA-DSDEN du Calvados estime que « son efficacité repose sur son charisme, son engagement, sa bonne volonté, donc limitée dans un univers restreint dominé par un fort « égalitarisme ». Il n'incarne pas une autre culture susceptible de mettre en question les représentations dominantes freinant l'innovation et le changement. Dépourvu de toute autorité hiérarchique, il n'est pas en mesure de faire valoir efficacement les intérêts, les besoins et les orientations des politiques éducatives, d'où la lenteur du changement observé dans le premier degré (par exemple, la politique des cycles) (...). Par ailleurs, la multiplication des charges et responsabilités dévolues au directeur, sans modification du régime de décharge, atteint sa limite et contribue à la « sous-organisation » du 1er degré, cause de son déficit d'efficacité. »

Son homologue de la Manche confirme les inconvénients de la faiblesse structurelle des directeurs et les difficultés concrètes qu'elle fait surgir au quotidien, indépendamment de leur engagement personnel : « L'absence de chef d'établissement (ou de statut de directeur) suppose avec l'IEN et l'équipe de circonscription un travail en lien très étroit, voire sous le signe de ce qui peut être considéré comme une certaine « dépendance », mal vécue dans certains cas. Dans une équipe dynamique, qui accepte d'être pilotée, l'absence de relation hiérarchique peut parfois favoriser, d'une certaine manière, la cohésion du groupe. Mais, on en voit aussi les limites : tout enseignant peut, en l'absence de « supérieur » au sens strict, user d'une liberté qui peut éventuellement nuire à un fonctionnement optimisé de l'école. Par ailleurs, pour les partenaires, les parents, notamment, il y a là un manque de lisibilité et donc de compréhension : un directeur est quelqu'un qui dirige, et qui a donc autorité sur les adjoints. (...) Une clarification du statut, demandée depuis longtemps, constituerait sans nul doute une avancée à bien des égards. »

L'extension importante des responsabilités qui sont confiées aux directeurs d'école avec la mise en oeuvre de la réforme du primaire depuis 2008 vient aggraver une situation déjà difficile qui se traduisait notamment par une pénurie de candidats. Selon les statistiques fournies par le ministère de l'Éducation nationale à la Cour des comptes, 4 196 directions d'école étaient vacantes à la rentrée 2005, la continuité du service étant assurée, par un enseignant chargé de l'intérim. Pour les écoles de deux à quatre classes, souvent situées en zones rurales, les vacances représentaient 70 % des postes.

(...) Les directeurs d'école bénéficient d'un quart de décharge entre quatre et neuf classes, et d'une demi-décharge pour dix à treize classes. Au-delà, ils sont totalement déchargés de leur enseignement. Le problème demeure cependant et la désaffection persiste. 42 % des directeurs ne bénéficient d'aucune décharge spécifique, que ne compense pas la décharge de rentrée scolaire de deux jours fractionnables à prendre dans les quinze jours qui suivent la rentrée des élèves. Les inspections générales relèvent que « le système de décharges devient obsolète et sans doute inéquitable du point de vue de l'adaptation de la décharge à la réalité des fonctions exercées.»

(...) Le régime indemnitaire des directeurs comprend, outre l'ISS revalorisée, une nouvelle bonification indiciaire uniforme de 8 points et une bonification indiciaire d'un montant de 3, 16, 30 ou 40 points, selon le nombre de classes dans l'école.

À l'heure actuelle, le régime indemnitaire total annuel des directeurs d'école s'échelonne donc de 2 100 euros environ pour les directeurs d'école d'une classe à environ 4 540 euros pour ceux qui dirigent une école de 10 classes et plus.

En conséquence, votre mission estime que la rénovation du statut des directeurs d'école devrait être très rapidement entreprise, afin de leur attribuer un plein statut de chef d'établissement en adéquation avec leurs nouvelles responsabilités.


C'est moi qui ai mis en gras cette dernière phrase. Comme je l'écrivais dans un autre billet, on sait les problèmes de l'école, on en connait l'une des solutions. Pourquoi ne pas l'admettre et enfin accorder leur dû aux directeurs d'école? C'est, comme l'écrivait M. Carle il y a plus d'un an, une question cruciale pour la rénovation de notre système scolaire, dont le directeur d'école est la pierre angulaire.

lundi 27 août 2012

Direction d'école et gouvernance démocratique...


La Direction Générale de l'Enseignement Scolaire (DGESCO) a demandé à son conseil scientifique un rapport sur le "climat scolaire", entendez le climat qui règne dans les écoles, et les moyens de l'améliorer.

La raison en est simple, et le groupe de chercheurs qui a travaillé sur ce rapport sous la direction d'Eric Debarbieux l'expose clairement dans son préambule:

Le lien très fort entre « climat scolaire », qualité des apprentissages, réussite scolaire et victimation à l’école est largement établi par la recherche. Travailler sur la notion de « climat scolaire » est donc bien travailler sur des questions touchant à la construction et à la transmission des connaissances, ce n’est pas un simple ajout plus ou moins utile aux missions « fondamentales » de l’école.

Le rapport qui vient de sortir montre les enjeux liés à la qualité de ce climat: il insiste fortement sur la formation des personnels et la stabilité des équipes, réclame l'approfondissement des rapports entre l'école et la famille, dénonce les excès autoritaires de la hiérarchie dans les projets d'établissement, et réclame une "gouvernance démocratique des établissements". Mais là où certains verraient facilement imposer un système dans lequel le Conseil des Maîtres deviendrait seul responsable du fonctionnement de l'école, le rapport exprime avec clarté qu'une équipe sans leader n'a aucune légitimité ni efficacité, et assène l'importance de l'effet "chef d'établissement", ce que savent et clament depuis longtemps les directeurs d'école:

Le chef d’établissement apparaît comme un pivot du climat scolaire. L’effet chef d’établissement est confirmé par l’ensemble de la recherche. La qualité de sa formation ne saurait donc être négligée, non tant dans ses tâches administratives que sa gestion des ressources humaines, sa capacité d’écoute et ses compétences d’animation des équipes. Cela est vrai autant dans les écoles primaires que dans le secondaire. Un vrai statut des directeurs d’école serait alors souhaitable.

Il est agréable de lire de nouveau exprimé si simplement ce que les fossoyeurs de l'école publique et des syndicats sclérosés persistent à nier continuellement. Nous sommes loin des appels à la peur d'une "caporalisation" de l'enseignement primaire et des "petits chefs" qui n'existent que dans l'imagination obtuse des nostalgiques de l'époque où les syndicats acquis aux mirages communistes gouvernaient l’Éducation Nationale. La direction d'école mérite mieux qu'une position inconfortable, sans reconnaissance juridique ni administrative, sans traitement digne, au point que plus personne ne veut remplir cette mission devenue si ingrate au cours des décennies écoulées. Un vrai statut des directeurs d'école est non seulement souhaitable, il est devenu indispensable. Espérons simplement que le gouvernement récemment élu saura écouter, et ne cédera pas à des chantages d'un autre temps.

dimanche 26 août 2012

...disponible, compétent, reconnu, valorisé et soutenu...


Un Charentais, patron d’une PME multiservices a mis sur le tapis ce que, peu à peu, j’avais perçu comme le fonds de toute réussite de collectivité organisée.
- Une école ouverte, terrain fertile pour un enseignement efficace et pour des rénovations bien admises, a besoin d’une équipe solide. Chacun de ses membres doit avoir reçu une formation qui le prépare à cette interaction communautaire. Il doit bien saisir tous les paramètres intérieurs et extérieurs qui influent sur la vie d’un établissement scolaire. Monde protégé, certes, mais pas imperméable ni étranger à son environnement.
Il a insisté sur la direction d’école devenue si administrée.
- Une équipe pédagogique, comme tout groupe organisé, a besoin d’un animateur disponible, compétent, reconnu, valorisé et soutenu.
De fait, la direction est l’axe de l’institution. Sa défaillance n’entraîne pas celle de l’établissement mais compromet sa cohésion. Un responsable d’école est amené à réagir rapidement et efficacement aux aléas nombreux et variés du quotidien d’une école...

Ce texte vous a plu? Il est extrait de "...et l'école renaîtra de mes cendres!", d'Alain Valeau.

La différence entre Carrefour et l'Education Nationale...


La société Carrefour va baisser les effectifs de ses cadres du siège de 8%. La maison a compris que si ça va mal, c'est la faute de ceux qui ne mettent jamais les mains dans le cambouis, et que ceux qui comptent sont les trimards sur le terrain... ou plutôt sur le carrelage.

Quand l’Éducation Nationale se décidera-t-elle à faire de même, et à virer 8% de ses chefs, sur-chefs et co-chefs de la rue de Grenelle et des rectorats qui précipitent la maison dans le marasme et l'incompétence? Pourtant, depuis le nombre d'années qu'on veut nous convaincre de "manager" l’Éducation Nationale comme une entreprise...

La "graaaaande concertation", foire aux bestiaux...


J'ai déjà ici-même plusieurs fois exprimé mes doutes, pour ne pas dire plus, quant à la "concertation" voulue et impulsée par M. Peillon, récent ministre de l’Éducation Nationale. Dans un article sur Educavox, M. Frackowiak, bien connu de mes lecteurs, exprime également sa perplexité. Le témoignage est plus qu'intéressant car il vient de l'intérieur de cette pseudo "concertation" -Dieu, que je déteste ce mot!-. Voici un premier extrait:

Tout le monde semble d’accord, aujourd’hui, sur la nécessité d’une refondation de l’école. Pourtant, une bonne proportion des intervenants dans les différents groupes défend vigoureusement de fait le maintien du système en l’état, ou le retour au système antérieur à 2005/2007, en l’améliorant aux marges, en le corrigeant, en le dépoussiérant formellement, en lui restituant les moyens qui ont été supprimés massivement au cours des années passées. 

Dans certains débats, on en viendrait à se demander si l’on parle encore de refondation. Dans la matinée de cette journée, par exemple, le recteur de l’académie de Clermont Ferrand et les élus régionaux et départementaux de la région Auvergne, s’auto-déclarant pionniers dans le domaine du numérique, ont expliqué longuement qu’en fait, ils avaient commencé à refonder l’école en 2002, donc dans le cadre des politiques que l’idée de refondation remet en cause… fondamentalement.

Il faut ajouter au tableau noir toutes les interventions dans tous les groupes qui tentaient de démontrer qu’il n’est pas nécessaire de toucher aux missions des enseignants, aux sacro saintes disciplines scolaires universelles et éternelles, à l’architecture des établissements, au modèle pédagogique dominant – celui de la transmission magistrale - au scolaro centrisme traditionnel, etc.

Voilà qui n'a rien de bien étonnant. A partir du moment où l'on regroupe un certain nombre de hauts fonctionnaires, ceux-ci défendront avec vigueur leur pré carré, attendu qu'il sera difficile pour certains d'entre eux de retourner aussi allègrement leur veste et clamer haut et fort l'inverse de ce qu'ils ont braillé pendant ces dernières années. Au passage, cela va être pire sur le terrain! J'attends avec une certaine impatience les déclarations de rentrée de mon IEN...

Second extrait:

Le second paradoxe est que pour refonder, il faut mobiliser les acteurs du terrain.

Or la base n’est pas du tout associée réellement au débat et la procédure choisie renforce en elle-même le fonctionnement pyramidal du système qui est pourtant l’une des fondations anciennes à abattre pour laisser la place à la démocratie participative dans le système et sur les territoires, et à la force de l’intelligence collective des acteurs.

Pour les enseignants dans les écoles, par exemple, le sentiment général est que rien ne change et rien ne changera. Rien ou presque n’a été suspendu ou abrogé. Mieux ou pire, pour ne prendre que cet exemple, alors que le ministre a renoncé à la remontée des résultats des évaluations nationales, les inspecteurs ont très majoritairement exigé de les recevoir, pour leur permettre –ont-ils dit- de piloter le système.

Insuffler l’idée de la refondation sans mettre un terme clair aux pratiques hiérarchiques autoritaristes et sans associer les acteurs sera un obstacle majeur au changement éventuel.

Il est vrai qu’il est difficile aux cadres d’affirmer aujourd’hui le contraire de ce qu’ils ont imposé durant 4 ans.

Nous voilà donc bien d'accord. Cette "concertation" n'est que poudre de perlimpinpin et gesticulations inutiles. Tant que le ménage n'aura pas été fait dans la haute administration de l’Éducation Nationale -comme elles se fait pourtant dans d'autres administrations comme la police ou le corps préfectoral- et que la mini-hiérarchie de terrain n'aura pas été mise au pas, au profit des propositions de la base et des écoles, rien ne bougera; tant qu'on ne donnera pas aux directeurs d'école le statut qui leur est nécessaire pour faire bouger les choses et rendre à l'école son efficacité, rien ne changera; tant qu'on n'aura pas rendu aux enseignants la confiance que leur doivent l’État et la Nation, les grands discours n'apporteront rien.

Je citerai pour finir une réponse à l'article de M. Frackowiak. M. Boso y exprime en partie ce que je pense:

La suppression de l’aide personnalisée et des stages de remise à niveau dont le rapport Guillarmé à démontré l’inefficacité (tout au moins la relative efficacité puisque seulement pour un élève sur cinq), est urgente et nécessaire.
Dans le même temps, je n’ai lu nulle part, dans le cadre de la concertation, qu’une réflexion aurait été engagée sur l’aide et l’accompagnement des élèves en difficulté(s). Quels dispositifs ? Quels personnels ? (faut-il supprimer les RASED pour les remplacer par autre chose ou leur donner enfin les moyens de leurs actions ?).
Il semblerait donc qu’on reparte tout au moins pour cette année scolaire en reconduisant l’aide personnalisée et les stages de remise à niveau alors qu’on sait qu’ils sont inefficaces, qu’ils stigmatisent les élèves qui sont supposés en bénéficier, et que dans le cadre de la réflexion sur les rythmes scolaires, ces deux dispositifs vont justement à l’encontre de ce qui est preconisé par tous afin de respecter les rythmes biologiques des enfants. L’annonce de la suppression de ces deux dispositifs, à l’instar de celle des évaluations nationales CE1 et CM2, aurait été un signal fort donné en direction des enseignants qui vont donc, contraints et forcés, devoir pendant une année supplémentaire mettre en place une aide qu’ils savent inefficace.

Certaines décisions auraient été faciles à prendre dès le mois de juin dernier, je suis d'accord avec M. Boso, et effectivement auraient été un vrai et fort signal d'une réelle volonté de changement. Mais que peut-on attendre d'une gauche qui depuis deux décennies n'a su montrer que sa frilosité, ou parfois se montrer plus réactionnaire que les pires de ses adversaires politiques dans certains domaines? Il est pourtant simple de mettre fin à une ânerie. Encore faut-il avoir une vague idée de ce qu'est l'école.

jeudi 23 août 2012

Le four et le moulin...


Ma grand-mère le disait, pourtant:

"On ne peut être à la fois au four et au moulin,
la farine est gâtée et on brûle son pain!"

C'est pourtant bien ce que font les directeurs d'école aujourd'hui. Et comme de juste, c'est quotidiennement que les choix que nous faisons sont au détriment de l'un ou de l'autre. Vaut-il mieux laisser sa classe à vau-l'eau, ou gérer sa direction par dessus l'épaule? Car autant il y a seulement trente ans faire les deux était possible sans aucun souci, autant aujourd'hui l'enseignement et la direction d'école sont deux métiers différents. Il faut dire qu'on ne demandait pas à l'époque à un instituteur de faire de l'histoire de l'art à ses élèves tout en leur apprenant à traverser la rue et à utiliser internet, tout cela bien évidemment abondamment "évalué" lors de grand-messes normées par le ministère. Il faut dire qu'on ne demandait pas à l'époque à un directeur d'école de remplir dix fois par an diverses bases de données à l'utilité scolaire contestable mais destinées à alimenter copieusement des statistiques ahurissantes et superfétatoires à l'aide desquelles certains hauts fonctionnaires incompétents et superflus tenteront de justifier leur existence.

Le GDID, qui réclame justement pour les directeurs d'école la reconnaissance statutaire de ce qui est devenu un autre métier, va bientôt faire sa rentrée. Soutenez l'association, ça ne coûte pas cher, et ça finira par payer. Car s'il est une chose certaine, c'est que depuis plus de dix ans que le GDID existe sa stratégie paye, puisqu'aujourd'hui n'est plus un tabou l'expression de l'idée que le directeur d'école est autre chose que simplement un enseignant chargé d'une mission supplémentaire. L'époque où le meunier pouvait être aussi boulanger est révolue. Ceux qui vous disent le contraire vous mentent.

mardi 21 août 2012

... en attendant...


M. Rémi Delatte, député de Côte d'Or, a posé le 7 août dernier une question à M. le Ministre de l’Éducation Nationale:

M. Rémi Delatte attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation des salariés en CUI recrutés sur les emplois de vie scolaire dans l'éducation nationale en lien avec l'aide administrative aux directeurs d'écoles. Le Gouvernement a annoncé dès sa prise de fonction le renouvellement de 15 000 contrats aidés à la rentrée 2012, avec le principe du réemploi des salariés occupants ce type de contrat et n'ayant pas atteint la durée maximale juridique des 24 mois. Or on constate que, malgré cette décision, beaucoup d'ayants droit sont écartés systématiquement du réemploi, ce qui ne fait qu'aggraver leur situation déjà précaire. Les EVS occupent diverses fonctions dans l'éducation nationale (assistance handicap, aide administrative, aide à la surveillance...). S'il est normal de maintenir à un haut niveau l'assistance au handicap, il est regrettable que l'aide administrative aux directeurs d'école risque de connaître dès la rentrée prochaine une dégradation des moyens préjudiciable au bon exercice de la fonction de directeur. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui dire ce que le ministère entend faire pour la sauvegarde de ces emplois plébiscités sur le terrain en attendant un réel statut pour les directeurs d'école.

Vous savez ce que je pense de ces EVS inutiles, emplois précaires payés à coups de lance-pierres, à la formation inexistante (comme si un directeur déjà chargé de classe et surbooké pouvait former correctement un emploi de ce type!) ... Ce n'est donc pas la persistance de ces bouche-trous qui m'intéressent. En revanche, les derniers mots de la question de M. Delatte m'interpellent:

en attendant un réel statut pour les directeurs d'école

N'est-ce pas là la réelle question? En revanche, ce que je me demande, c'est pourquoi attendre. Si la volonté y est, on ne me fera pas croire que les atermoiements divers depuis dix ans sont justifiés par quelque raison que ce soit, en particulier par des raisons budgétaires... qu'il est si facile de régler en dégraissant le diplodocus de ses fonctionnaires de bureau inutiles et incompétents.

dimanche 19 août 2012

La réalité du directeur d'école... (MAJ: 11/12/2013)



Pourquoi réclamer un statut particulier pour les directeurs des écoles publiques de France?

Il faut comprendre qu'aujourd'hui comme il y a un siècle les directeurs d'école ne sont que des enseignants qui ont accepté d'assumer une mission supplémentaire; ils ne sont rien d'autre, et en aucun cas les chefs de quiconque ou les supérieurs hiérarchiques de leurs collègues. Juridiquement, les directeurs d'école ne sont rien, leur signature ne vaut rien, même si dans l'esprit des français le directeur d'école a une aura particulière. Ou du moins... avait...

Parce que la mission de direction d'école a beaucoup changé en un siècle. Là où l' État ne réclamait qu'une gestion sommaire des écoles, aujourd'hui il a donné aux directeurs d'école une phénoménale responsabilité, tant dans l'accueil des familles qu'en terme de sécurité, ou d’administration. Le directeur d'école de 2012 est responsable de tout ce qui peut arriver dans son école, aux yeux de sa hiérarchie comme à ceux de la commune qui l'accueille, comme à ceux des parents d'élèves ou aux yeux de la Loi. Le directeur est aujourd'hui pénalement responsable du moindre incident, on l'a vu de nombreuses fois depuis deux décennies. Quant à sa charge de travail administrative, on aurait pu croire qu'avec l'informatique elle se serait allégée. Que nenni! Elle s'est au contraire franchement amplifiée, au point qu'un directeur d'école aujourd'hui passe des heures devant son écran à remplir des bases de données ou des enquêtes administratives fort diverses et en général redondantes ou parfaitement inutiles à sa mission quotidienne.

L' État a-t-il tenu compte de ces changements? Non. La mission du directeur d'école réclame aujourd'hui des heures de travail dont personne ne tient le compte. La mission du directeur d'école réclame aujourd'hui des compétences dont l' État ne tient pas compte puisque la formation des directeurs a leur mission est ridiculement sommaire et jamais renouvelée (la formation en gestion de conflit est par exemple inexistante). Ce que les familles d'élèves attendent des directeurs d'école est aujourd'hui en parfaite contradiction avec le fait que les directeurs ne sont pas les supérieurs hiérarchiques de leurs adjoints. Ce que les communes attendent des directeurs d'école est en parfaite contradiction avec notre inexistence juridique. Parlerai-je du respect autrefois attaché à la fonction? Au sein même de l’Éducation Nationale les directeurs d'école étaient considérés par leurs inspecteurs comme des pairs, aujourd'hui ils ne reçoivent que mépris et volées de bois vert; quant à celui que leur accordaient les familles, s'il fut grand, il est désormais presque inexistant.

Vous me direz que le directeur d'école est payé pour sa mission... Non, le directeur d'école est "indemnisé" (et la majeure partie de cette indemnité n'est pas comptabilisée lors de la retraite, puisqu'il s'agit d'une prime). Cette indemnité est dérisoire, inadaptée, elle est même si peu attrayante que chaque année depuis vingt ans 10% des directions d'école -c'est un pourcentage énorme- ne sont pas pourvues lors de la rentrée, et qu'un enseignant y est nommé d'office (il peut refuser, mais gare alors à ses fesses! L'administration peut aller jusqu'à la réquisition).

Mais le directeur d'école a du temps pour faire son travail... C'est vrai pour quelques directeurs, qui ont ce qu'on appelle une "décharge de direction", c'est à dire qu'un autre enseignant vient prendre leur classe en charge pendant une journée, ou plus. Parce que, j'oubliais de le préciser, le directeur d'école français étant d'abord un enseignant, il a une classe en charge. Comme s'il était facile de faire les deux en même temps! Quand vous êtes directeur, c'est à plein-temps (coups de téléphone, plaintes diverses des parents ou des adjoints, soucis variés, personnel municipal qui passe ou hiérarchie qui vous réclame une info pour l'avant-veille dernier délai, etc...). Alors c'est forcément la tenue de classe qui en souffre. Ce temps de décharge est donc une nécessité. A condition d'en avoir un. C'est seulement à partir de cinq classes à gérer que vous recevez une décharge, en-dessous vous pouvez vous brosser. Et comme plus de 52% des écoles françaises ont moins de cinq classes, cela signifie que 52% des directeurs et directrices d'école n'ont aucun temps particulier prévu pour cette charge qui s'est considérablement amplifiée depuis des lustres. Chaque soir, après sa journée bien remplie à tenter de sortir ses élèves de l'ornière, le directeur d'école remplit donc sa mission de direction en plus de la préparation de sa classe.

Pour que vous compreniez mieux, je vous ai fait un tableau. Vous y trouverez le montant total de l'indemnité que reçoit un directeur d'école en fonction du nombre de classes qu'il administre, ainsi que le temps qui lui est spécifiquement accordé pour le faire. Vous constaterez que l'indemnité royalement accordée à chaque directeur n'est en aucun cas proportionnelle au nombre de classes. Le temps de décharge non plus, alors que mathématiquement vous avez plus de travail pour gérer par exemple neuf classes plutôt que cinq. Bref, le système est absurde, et certaines configurations d'écoles sont nettement moins favorables que d'autres. Voici le tableau (cliquez dessus pour l'agrandir):


Note du 2 septembre: on m'a fort justement fait constater une erreur, le régime des décharges ayant récemment changé pour les écoles à quatre classes; j'ai donc rectifié le tableau ci-dessus.

J'ai inventé pour ce tableau la notion de Part Incompressible de Travail (PIT): celle-ci représente la partie administrative liée la mission de direction dont on ne peut réduire la quantité (tenue des registres d'élèves, plans de sécurité, etc.). Qu'il ait une, deux ou quatorze classes dans son école, le directeur est tenu d'accomplir cette partie de son travail. En revanche, cette part incompressible va augmenter en fonction du nombre d'élèves, d'à peu près 10% par classe supplémentaire. Cette quantité est parfaitement subjective, mais par expérience je la sais assez juste. Remplir une base de données, cela fait partie de la PIT, mais quand vous avez plus d'élèves cela vous demande plus de temps. La dernière ligne du tableau montre donc le temps que les directeurs d'école doivent investir pour leur mission de direction après leur temps de travail, qu'ils aient une décharge de direction ou non. Lorsque j'ai fait ce tableau, j'ai constaté avec une certaine satisfaction qu'avoir cinq classes était aujourd'hui une des meilleurs configuration d'école possible. Pourquoi avec satisfaction? Parce que j'ai connu personnellement ce cas, et que je peux en confirmer la réalité.

Pour que vous compreniez le montant de l'indemnité des directeurs d'école, je vous donne l'exemple du directeur à deux classes: il touche au total 2929,14 € par an en plus de son traitement d'enseignant -et ce n'est pas cher payé! comme disait M. de Robien, alors ministre, en 2007-, mais seuls 1333,52 € lui seront éventuellement comptabilisés pour sa retraite, les 1595,62 € qui restent étant une prime ("indemnité de direction").

Voilà, j'espère que ce billet vous aura donné une meilleure idée, même partielle, mais non partiale, des raisons qui me font réclamer à cor et à cri un changement de situation, et particulièrement la reconnaissance administrative, juridique, technique et financière attachée à un statut particulier pour les directeurs d'école.

samedi 18 août 2012

Est-ce bien nécessaire?


Le Journal Officiel du 11 août dernier nous apprend que M. Peillon crée par arrêté 100 nouveaux postes d’Administrateur de l’Éducation Nationale d'ici septembre 2014. Est-ce bien nécessaire? L’administration de ce ministère pléthorique croule déjà sous le nombre des "bureliers", comme disait Zézette. Faut-il vraiment en ajouter d'autres?

Le site du ministère nous apprend que les administrateurs de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (AENESR) exercent des fonctions- impliquant un haut niveau de qualification- d’animation, de coordination, d’expertise ou de conseil au sein de l’administration centrale, dans les services à compétence nationale, dans les services déconcentrés ainsi que dans les établissements publics à caractère administratif ou scientifique, culturel et professionnel, y compris dans les EPLE.

Bref, voilà encore de hauts fonctionnaires qui vont abreuver le terrain de prose indigeste, de recommandations funestes, d'exigences superfétatoires, alors que dans les écoles françaises les directeurs d'école meurent déjà d'une indigestion de circulaires administratives.

Ce n'est plus un mammouth, c'est un diplodocus.

vendredi 17 août 2012

Oubliés de la République?


Il est amusant de voir certains tourner autour du pot, souvent de plus de façon maladroite.

Olivier Caremelle signe chez Educavox un billet, daté du 16 août 2012, dans lequel fort justement il réclame, au nom des communes, un statut juridique pour l'école primaire:

Trente ans après les premières lois de décentralisation, il est temps d’entamer un nouveau virage en évitant de faux débats. Nos écoles ont moins besoin d’un statut juridique que de politiques éducatives locales et en premier lieu celles des communes et des départements.

M. Caremelle a raison. Mais ce qui est comique, c'est que M. Caremelle manifestement ne voit pas qu'un  tel statut implique que les directeurs d'école aussi aient un véritable statut, différent de celui de leurs adjoints. A peine effleure-t-il le sujet en fin de billet, presque à contrecoeur:

Enfin, il paraîtrait normal d’accorder aux directions d’écoles pour leur engagement au quotidien, pour leur travail et leur compétence au sein des écoles, une meilleure reconnaissance de la République en leur attribuant une rémunération et un temps de décharge plus importants qu’aujourd’hui.

Vous remarquerez que M. Caremelle ne parle pas des hommes et des femmes qui font ce métier, en leur donnant leur nom de directeur ou directrice, mais qu'il évoque avec pudibonderie une "direction d'école" impersonnelle, utilisant en cela la même rhétorique que les syndicats qui nous ignorent, SNUipp en tête.

Désolé, M. Caremelle, mais la "direction d'école", cela n'existe que dans les textes officiels qui abordent le sujet de façon générale. Étant de la "famille", vous ne pouvez l'ignorer. Alors vous contenter de réclamer temps et rémunération comme vous le faites, c'est faire preuve de bien peu de considération pour les hommes et les femmes qui font ce qui aujourd'hui est devenu un véritable métier. Ou alors, et c'est malheureusement ce que je subodore, vous jouez le jeu dangereux de la négation de notre existence et de notre investissement, quitte -car c'est ce qui vous pend au nez- à lâchement abandonner l'influence et l'importance d'une action municipale au profit de la sujétion aux principaux de collège que je dénonce dans mes billets précédents, et qui est manifestement fortement désirée par la FSU. Votre discours aurait donc l'effet inverse de celui que vous appelez de vos vœux, que je pense sincères.

Soyez logique, M. Caremelle, et soutenez donc les directeurs d'école dans leur combat pour obtenir un statut.

jeudi 16 août 2012

La "Gauche" va-t-elle créer un statut pour les directeurs d'école?


La réponse est bien évidemment "non". Vincent Peillon l'a clairement exprimé récemment, et déjà en juillet 2011 Bruno Julliard, à l'époque Secrétaire Général du PS en charge de l'éducation et aujourd'hui conseiller auprès du ministre de l'Éducation nationale, l'exprimait tout aussi nettement au micro lors d'un intéressant débat organisé par aufeminin.com:

Pour être très direct, je ne crois pas que la question du pouvoir ou de l’augmentation du pouvoir des directeurs d’école, encore moins la création d’un établissement public d’enseignement autonome soient une priorité. D’abord parce que c’est coûteux, ensuite parce qu’on a probablement d’autres chantiers prioritaires qui vont mobiliser et de l’engagement politique et de l’engagement économique. En revanche, il y a 3 sujets qui doivent être traités dans la gouvernance : 
- Accorder plus de pouvoir d’agir aux équipes éducatives, aux enseignants dans les écoles primaires, quand on met en place la politique des cycles ; ça veut dire qu’il faut qu’on ait des enseignants qui soient en capacité d’avoir cette autonomie pédagogique. 
 - Ensuite, il faut améliorer l’accompagnement des projets éducatifs dans les écoles et ça demande une réforme importante de l’administration et notamment des inspections d’académie. Ça passe par une réorientation du travail des inspecteurs pas en nombre suffisant et aujourd’hui pas formés pour ça. 
- Et puis le dernier élément, je partage ce que vous avez dit, c’est accroître les liens entre l’école primaire et le collège.

Donc, chers collègues directeurs, vous pouvez aller vous brosser! M. Julliard a d'autres priorités... Pire, Bruno Julliard partage cette idée abominable -que je dénonce dans mon précédent billet- de remplacer les directeurs (ces casse-pieds) par les principaux de collège. Il faut dire que Julliard fut de 2005 à 2007 président de l'UNEF, dont les liens avec la FSU ne sont plus à démontrer. Mes amis, l'école que nous aimons sent le sapin...

Comment les syndicats vont tuer l'école...


Certains syndicaux profondément sclérosés -par une vision post-communiste et illusoire d'une école autogérée-, je veux dire ceux affiliés à la FSU, refusent obstinément de voir que les directeurs d'école font aujourd'hui un métier différent de celui de leurs adjoints, et n'admettent pas l'idée d'un statut qui les en différencierait. Soit. Mais ce refus enfonce chaque jour un peu plus l'école française dans la mouise, et porte dans ses bagages une menace beaucoup plus insidieuse et violente, menace qui se précise quotidiennement, et annonce la mort de l'école telle que nous la connaissons. Cette menace porte plusieurs noms, et c'est le sénateur Jean-Claude Carle qui l'a le mieux définie dans son rapport d'information du 21 juin 2011. Certes, me direz-vous, les élections présidentielles sont passées par là. Le problème est que la proposition avancée par M. Carle est simple à mettre en œuvre, économique, et surtout soutenue par des élus de tous les bords politiques! Elle consiste à régler le problème de l'école primaire en soumettant celle-ci aux collèges de leur secteur. C'est pour moi le pire cauchemar que je puisse faire quant à l'avenir de notre école! L'idée de l'inféoder au collège, qui reste le maillon faible de l' Éducation Nationale, me révulse. Quel est donc l'intérêt pour un syndicat de l'école primaire de la laisser s'enfoncer dans un tel caca d'incompétence? C'est un simple calcul politique que je vous dévoilerai en fin de billet. Mais laissons parler M. Carle...

C'est un fait bien connu que les écoles ne disposent pas aujourd'hui du statut d'établissement public, contrairement aux collèges et aux lycées. Dépourvues de personnalité juridique, elles ne disposent ni de l'autonomie administrative, ni de l'autonomie financière. Le budget et la sectorisation relèvent du conseil municipal, tandis que les inspecteurs d'académie et les recteurs gèrent les affectations d'enseignants et les questions pédagogiques. L'autorité hiérarchique sur les enseignants est exercée au plus près par les inspecteurs de l'Éducation nationale, ce qui les rapproche des chefs d'établissement du second degré.
Cette organisation est peu propice au développement d'un effet établissement appuyé sur l'émergence d'une dynamique des équipes pédagogiques autonome, responsable et évaluée, ce que la mission -encore une fois- considère comme essentiel pour améliorer les résultats des élèves et les performances globales du système éducatif.
En outre, elle tend à se traduire par des différences de traitement importantes, en termes de moyens alloués par la collectivité territoriale, les budgets de fonctionnement et d'investissement étant très variables d'une commune à l'autre.
Tant en termes d'efficacité pédagogique, d'efficience financière que d'équité, le défaut de structuration du premier degré et, corrélativement, la faiblesse de l'animation pédagogique locale sont préjudiciables.
Dans le but d'améliorer le fonctionnement des écoles, notamment en milieu rural, et d'instituer un véritable pilotage pédagogique local, susceptible d'accroître la réactivité du système éducatif, l'article 86 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales prévoyait la création à titre expérimental d'établissements publics d'enseignement primaire (EPEP). Les établissements publics de coopération intercommunale ou plusieurs communes d'un commun accord, ou une commune, pouvaient, après avis des conseils des écoles concernées et accord de l'autorité académique, mener, pour une durée maximum de cinq ans, un regroupement d'écoles au sein d'une structure institutionnelle commune.
Il s'agissait ainsi d'accroître les synergies entre les écoles et de mutualiser leurs moyens sans avoir à faire disparaître les sites physiques où se déroulaient les cours. Le conseil d'administration de l'EPEP devait comporter des représentants des collectivités territoriales, des enseignants et des parents d'élèves, sur le modèle des établissements du second degré. L'ensemble des parties prenantes auraient été ainsi associées au fonctionnement du nouvel établissement public, ce qui aurait notamment permis de resserrer la coopération entre les communes et l'Éducation nationale, et de progresser vers l'exercice concerté des compétences de chacun. Cette expérimentation était cependant soumise à la publication d'un décret en Conseil d'État précisant les règles d'organisation et de fonctionnement des EPEP, qui n'a toujours pas été publié. Votre rapporteur a de nombreuses fois déploré l'inaction du ministère de l'Éducation nationale, qui a empêché la mise en œuvre d'initiatives novatrices voulues par le législateur.
Une proposition de loi relançant la création d'EPEP a été déposée à l'Assemblée nationale en octobre 2008, mais elle n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour. Un rapport remis au Premier ministre en septembre 2010 par l'un des signataires, M. Frédéric Reiss, propose de relancer une expérimentation d'établissement public du primaire (E2P) dans les écoles de 14 classes et plus, sans imposer des modalités décidées en amont mais en labellisant des projets portés et façonnés par les acteurs locaux. Cette piste est intéressante, même si votre rapporteur regrette le temps déjà perdu depuis 2004 et espère que cette initiative ne restera pas lettre morte comme les précédentes, alors que l'ampleur de la réforme pédagogique entreprise dans le primaire appelle plus que jamais une redéfinition parallèle de la gouvernance.
Le projet d'EPEP ou d'E2P ne s'est pas encore réalisé sous la conjonction de différents facteurs qu'il faut prendre en considération : l'inertie du ministère qui, longtemps, n'a pas fait du primaire sa priorité budgétaire ni pédagogique ; l'hostilité des professeurs des écoles et des élus rassemblés dans l'Association des maires de France(AMF) qui se sentent directement contestés dans l'exercice de leurs fonctions traditionnelles ; la difficulté de doter les petites écoles de trois classes ou moins d'un statut adapté en réalité adéquat pour des structures plus importantes ; le traitement délicat des regroupements pédagogiques intercommunaux, concentrés ou dispersés, adossés ou non à un EPCI. Ces résistances et ces difficultés réelles incitent bien à rester dans une démarche expérimentale volontaire, en la réservant à des écoles ou des groupements de taille critique, sans l'imposer aux acteurs de terrain, ni trop la normer dans le détail. Ces principes, déjà posés par le législateur en 2004, restent plus que jamais valables et la mission les reprend volontiers à son compte.
Reste que l'expérimentation du statut d'établissement public dans le premier degré ne répond pas au souci de favoriser la porosité et la fluidité des apprentissages entre l'école et le collège. Il ne faudrait pas, au contraire, qu'une nouvelle structure administrative vienne renforcer plutôt que gommer la rupture entre le premier et le second degré, en la cristallisant définitivement. Le renforcement de l'autonomie des écoles par une transformation de leur statut ne doit pas aboutir à l'isolement et au cloisonnement des structures. C'est pourquoi la mission propose de compléter l'expérimentation des EPEP, réservés de toute façon à de grosses structures, par la constitution des réseaux du socle commun.
Sur le modèle des RAR, ces réseaux du socle commun réuniraient un collège et l'ensemble des écoles de son bassin administratif de recrutement. En effet, il ne paraît pas justifié de cantonner cette structuration à la seule éducation prioritaire, puisque l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences concerne tous les élèves. Cette rénovation aurait le mérite de ne pas nécessiter de réforme juridique préalable du statut des écoles pour les doter de la personnalité morale. Elle n'impliquerait que peu de modifications réglementaires, ni de grandes restructurations urbanistiques puisqu'elle n'impose pas de regroupement physique en un seul lieu commun. Elle pourrait donc être mise en oeuvre rapidement à petite échelle.
Un comité directeur rassemblerait le chef d'établissement et les directeurs des écoles du secteur, et associerait les partenaires locaux, tandis que l'IEN de la circonscription et les inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) constitueraient un « pôle externe d'évaluation et d'accompagnement », ce qui reviendrait à une première mouture du projet des RAR. Les réseaux seraient dotés dès leur naissance d'une cible nationale commune, précisément la maîtrise du socle par tous les élèves en fin de 3e, complété par des contrats d'objectifs plus ciblés avec les autorités académiques. Les élèves seraient suivis sur l'ensemble de leur parcours par une même équipe de direction sous la houlette du principal, qui devrait aussi -en concertation avec les directeurs d'écoles- s'engager dans l'animation pédagogique dès le CP. La continuité du parcours de l'enfant deviendrait évidente, sans hiatus. Une pédagogie différenciée et selon des rythmes d'apprentissage différents pourrait se déployer sur le long terme pour résoudre les difficultés scolaires. La stabilité des interlocuteurs sera également précieuse pour les parents, avec lesquels se nouera plus facilement un dialogue dans la confiance réciproque.
En outre, l'échange d'enseignants entre les écoles et le collège, notamment à la charnière CM2-6e, serait facilité. Plus généralement un dialogue sur les pratiques pédagogiques entre professeurs généralistes et spécialistes disciplinaires se nouera, ce qui devrait rendre plus aisée la diffusion de l'interdisciplinarité, de la transversalité et d'une approche par compétences des apprentissages. Ces nouvelles possibilités d'échanges au sein du réseau devraient également se révéler très utiles pour le développement de l'apprentissage d'une langue étrangère en primaire ou l'épanouissement d'activités d'initiation à la démarche scientifique.
La valeur ajoutée d'une meilleure articulation entre école et collège hors éducation prioritaire est d'ores et déjà recherchée par les acteurs de terrain. Ainsi, le recteur de l'académie de Versailles, M. Alain Boissinot, a annoncé que son académie expérimenterait cinq écoles du socle commun à compter de la rentrée 2011 : « Il est essentiel d'avancer sur la relation premier degré-collège. Les dispositifs RAR et Clair ont permis d'aller dans ce sens. Et l'académie expérimentera dès la rentrée prochaine sur cinq sites des « écoles du socle commun » afin que collèges et écoles travaillent le plus étroitement possible, qu'ils puissent échanger leurs enseignants. » Des professeurs des écoles pourront notamment se rendre en collège et être chargés de l'accompagnement éducatif et des enseignants de collège pourront assurer l'aide individualisée, en classes de primaire.

Qui peut sérieusement croire à un "dialogue" entre le primaire et le secondaire, surtout dans un "comité directeur" chapeauté par des IEN et des IA-IPR? D'ailleurs, M. Carle précise sa pensée plus loin dans son rapport, puisqu'il précise que

associés au comité directeur du réseau, ils [NDR: les directeurs] deviendraient les relais du principal de collège dans les écoles et pourraient éventuellement être assimilés à des adjoints du chef d'établissement.

Voilà qui est on ne peut plus clair. Adieu l'indépendance pédagogique, dans le fonctionnement ou dans les projets. Adieu l'attention portée au contexte local. Mettre les écoles primaires sous la coupe des IEN et des enseignants du secondaire, dont l'incompétence pédagogique en général est pourtant notoire, et donc renoncer à l'autonomie de fonctionnement des écoles, voilà pourtant ce que veulent les syndicats de la FSU, et en particulier le SNUipp. C'est logique, le gros des troupes de la FSU est constitué d'enseignants du secondaire qui aimeraient croquer la belle pomme des enseignants du primaire, et ainsi phagocyter leurs syndicats, comme le gâteau de la représentation syndicale l'implique aujourd'hui. L'époque n'est plus à la dispersion, mais au regroupement. Le SNUipp milite donc volontairement, mais surtout sans le dire, pour la disparition de l'école primaire, et pour sa propre dissolution dans le syndicalisme des lycées et collèges...

mercredi 15 août 2012

L' Article 35 ...


Non, ce n'est pas du Courteline. Quoique...


Après la première phrase de l'article L. 411-1 du code de l'éducation, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de recrutement, de formation et d'exercice des fonctions spécifiques des directeurs d'école maternelle et élémentaire. »

Jamais le décret du Conseil d'Etat n'a été rédigé. Sept ans de retard...

Purgon et Diafoirus ...



M. le président: - La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l’amendement n°226. 

M. Pierre-Christophe Baguet: - Cet amendement est très important. Aujourd’hui, 4 000 postes de directeur d’école élémentaire sur 60 000, soit 15 %, ne sont pas pourvus. Cette situation résulte non d’un manque de volonté ou de motivation des enseignants, mais de la complexité de la charge, qui s’est amplifiée année après année. On demande en effet aux directeurs d’école d’assurer le suivi de travaux administratifs de plus en plus lourds, de s’occuper des relations avec les collectivités territoriales ou avec la hiérarchie, de répondre aux problèmes de sécurité, qu’elle soit physique, morale ou alimentaire, de prévoir des exceptions dans l’alimentation... Bref, ils sont en permanence au four et au moulin, sans même bénéficier en retour d’une reconnaissance de leur métier ni recevoir une formation adaptée. En outre, les décharges d’enseignement qui leur sont accordées sont trop peu nombreuses pour leur permettre de devenir de véritables animateurs de leur école, c’est-à-dire lui donner de la vie. Un directeur plus souvent déchargé de ses tâches administratives pourrait très bien aider un jeune instituteur nouvellement arrivé, soutenir un collègue traversant une période difficile, se former et s’informer de ce qui se passe à l’extérieur. Il pourrait indiquer à ses collègues l’intérêt de telle exposition ou de tel livre.Je propose donc que le Gouvernement s’engage à élaborer, avant le 31 décembre 2005, par des décrets en Conseil d’État, un statut pour les directeurs d’école. Ces décrets définiront en particulier le statut, la formation, les missions, les responsabilités et la protection juridique des directeurs d’école et prévoiront la mise en place d’un nouveau système de décharge d’enseignement pour les directeurs. Ils s’appliqueront également aux instituteurs et aux professeurs des écoles exerçant les fonctions de directeur d’école au sein d’écoles à classe unique. Un tel statut, outre qu’il serait une façon de reconnaître le travail de ses bénéficiaires, faciliterait les relations de ces derniers avec les parents d’élèves ou avec les autres institutions.

M. le président: - Quel est l’avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur: - M. Baguet a résumé clairement et avec passion la difficile mission des directeurs d’école. On ne peut que souscrire à ses arguments. De nombreux députés ont d’ailleurs travaillé sur ce problème, dont notre collège Guy Teissier. Mais la commission a repoussé l’amendement, sachant qu’une autre proposition, allant dans le même sens, viendra après l’article 19.

M. Guy Geoffroy: - Tout à fait !

M. le président: - Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche: - Il s’agit d’une question très importante, que le Gouvernement, comme M. Baguet, est attaché à résoudre. Certains de ses aspects peuvent trouver leur place dans ce texte, mais elle est surtout l’objet d’une négociation en cours avec les représentants des directeurs d’école. Or cette négociation doit aller à son terme. Quoi qu’il en soit, monsieur Baguet, votre amendement ne trouve pas sa place dans cette partie du texte. Il conviendrait d’en discuter en même temps que de celui de M. Teissier, après l’article 19, qui traite de l’organisation des écoles.

M. le président: - La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy: - La question de la direction d’école revêt une grande importance pour le groupe de l’UMP. Pierre-Christophe Baguet a souligné le nombre trop important de postes non pourvus, ce qui est déjà un problème en soi. L’administration académique a en effet beaucoup de mal à trouver des candidats prêts à s’investir durablement dans ce rôle, surtout en l’absence de garanties et de certitudes sur la manière dont ils pourront valoriser leur emploi. Par ailleurs, les directeurs d’école poursuivent leur grève administrative. Cela pose un problème à l’institution et aux intéressés eux-mêmes, qui souhaitent ardemment -nous le savons pour les avoir régulièrement rencontrés– sortir de cette situation « par le haut ». Les négociations dont parlait à l’instant M. le ministre sont porteuses d’espoir. Je forme le vœu que tout soit fait –et je sais que le Gouvernement s’y attache – afin que soient trouvées des solutions solides, équilibrées et respectueuses de nos écoles et de leurs directeurs. Je pense que nous n’éprouverons aucune difficulté à nous entendre sur les amendements déposés à ce sujet par certains de nos collègues et qui vont tous dans le même sens.

M. André Schneider: - Très bien !

M. le président: - Je mets aux voix l’amendement n°226.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Moralité? Les négociations eurent lieu, pour donner naissance à un protocole monstrueux d'ambiguïté et porteur des dérives que l'on sait. De statut, point. Comme quoi les beaux discours, comme les promesses de campagne, n'engagent que ceux qui y croient. Que voit-on aujourd'hui? Les mêmes problèmes, qui se sont encore amplifiés, les mêmes questions... et la même absence de réponse. Droite ou Gauche, c'est le même combat, le même désintérêt du fonctionnement sur le terrain au profit de billevesées ministérielles ou des lubies de la Direction des Écoles. Ah, que de braves gens qui ne veulent que notre bien, et s'ingénient en toute quiétude à enterrer chaque jour un peu plus l'école de la République, au détriment du bien-être de millions d'élèves et de centaines de milliers d'enseignants exsangues. Une concertation? Ben voyons! Ne connait-on pas déjà le mal? Faut-il encore que tous ces Purgon et Diafoirus persistent à discuter du diagnostic au chevet du malade, au risque de le voir crever? Qu'attend-on pour administrer à l'école son remède, celui du statut des directeurs d'école?

mardi 14 août 2012

Quelles perspectives pour les directeurs d'école ?


Une note de synthèse de l'Inspection Générale de l’Éducation Nationale, datée de juillet 2011, pointe du doigt de façon claire l'obstacle que constitue aujourd'hui pour l'évolution de l'école l'absence de statut des directeurs d'école. J'espère que M. Peillon, notre nouveau ministre, aura fait de ce texte, comme d'autres qui dénoncent la même aberration, sa lecture de chevet. Mais je ne me fais aucune illusion, et tel Saint Thomas je demande à voir pour croire. Et je ne me contenterai pas de vagues promesses. J'en suis même aujourd'hui à me demander s'il ne serait pas nécessaire de taper du poing sur la table...

Voici une partie de cette note de synthèse:

Débattue depuis plusieurs années, notamment à travers plusieurs rapports importants, la question des capacités d’initiative et d’autonomie de l’école est à nouveau posée. Elle conduit à envisager la mise en place d’un statut pour l’école et une nouvelle définition de l’emploi de directeur.

Les attentes des directeurs rencontrés sont diverses. Plusieurs inspecteurs généraux soulignent l’absence de demande de changement, tandis que d’autres mentionnent clairement une attente assez forte : « tous les directeurs rencontrés souhaitent un statut qui leur permette de prendre des décisions y compris dans le domaine pédagogique »; un directeur regrette « l’absence de véritable statut du directeur qui n’est malheureusement pas un chef »; un autre directeur indique que, dans leur grande majorité, ceux-ci sont « favorables à des organisations type EPEP pour leur permettre de pouvoir fonctionner dans de meilleures conditions ». Il convient de souligner également que, pour bien des directeurs, l’établissement d’un statut apparaît inéluctable : « De manière unanime, l’existence d’un statut leur paraît de plus en plus inévitable et souhaitable ».

L’encadrement apparaît convaincu que les marges de progrès se situent maintenant au niveau de l’école et que le positionnement incertain des directeurs représente aujourd’hui un obstacle à la réalisation de progrès significatifs dans le premier degré [« En vérité la situation est un peu figée en raison d’un ‘positionnement’ qui mériterait d’évoluer et d’être clarifié. On ne pourra, de l’avis général, guère progresser sans avoir préalablement réglé cette question du statut du directeur d’école » (Académie de Dijon)]. Dans l’attente de décisions nationales que la loi de 2005 avait esquissées, les inspecteurs d’académie comme les inspecteurs de circonscription ont ainsi tendance à multiplier des initiatives diverses et complémentaires, mais qui se heurtent aux contraintes statutaires.

L’expérimentation de solutions comme la mise en place du statut d’établissement public d’enseignement primaire (EPEP) ou la constitution « d’écoles du socle avec à la tête un principal, assisté d’adjoints dont un adjoint premier degré » apparaissent séduisantes ; cependant, les difficultés rencontrées pour concevoir les textes permettant l’expérimentation sur les établissements publics du premier degré conduisent certains interlocuteurs à privilégier, dans un premier temps, l’hypothèse d’une évolution du statut du directeur [pour cet IA-DSDEN de l’académie de Grenoble, « le statut de directeur est de plus en plus indispensable, dans l’attente de décisions nationales sur les établissements publics de l’enseignement primaire (EPEP) »]. Une telle option apparaît plus facile à mettre en œuvre dans la mesure où, réglementairement, elle demande un décret en Conseil d’État qui relève principalement d’une initiative du ministère de l’éducation nationale.

Si le besoin est bien identifié, les propositions concrètes pour constituer ce nouveau statut des directeurs d’école n’apparaissent pas dans les propos rapportés, mais les missions actuelles pourraient certainement être enrichies.

Pour ce qui concerne la gestion des personnels, est parfois évoquée la sensibilité des directeurs, souvent réticents « à assumer des responsabilités de gestion de la ressource enseignante ». Cette pratique est cependant largement répandue en Europe.

Concernant la continuité pédagogique, la part du directeur apparaît bien modeste, puisqu’il « prend part aux actions destinées à assurer la continuité de la formation des élèves entre l'école maternelle et l'école élémentaire et entre l'école et le collège ». Peut-on envisager de mieux affirmer la responsabilité du directeur dans l’organisation du suivi des élèves et de la continuité pédagogique au sein de l’école ?

Enfin, afin de renforcer la cohésion des équipes et de mieux coordonner leur action, peut-on imaginer de développer la pratique des évaluations d’école en mentionnant le rôle particulier du directeur ?

Partant du principe qu’ « une direction d’établissement efficace est essentielle pour améliorer l’efficience et l’équité de l’enseignement scolaire », l’OCDE décrit la mission principale de ceux qui dirigent les unités d’enseignement : « Les responsables d’établissement sont chargés de créer un environnement dans lequel élèves et enseignants tirent parti des écoles en tant que communautés d’apprentissage ». Une réflexion sur les missions du directeur permettrait sans doute de progresser dans cette voie.

samedi 11 août 2012

"Refondation" de l'école: quelques contributions ... (MAJ: 13 août)


Je ne crois pas une seconde à l'utilité de la fameuse concertation menée pendant ces vacances à l'instigation de notre nouveau ministre de l' Éducation Nationale Vincent Peillon, je l'ai déjà écrit sur ce blog. Pire, je pense qu'il ne s'agit que d'un écran de fumée destiné à noyer le poisson (jolie image, non?) et à donner un gage démocratique à tous ceux qui -pourtant pour la plupart avec sincérité- réclament une rénovation du système scolaire français.

D'autant que si on se réfère aux déclarations les plus récentes de notre agrégé de philosophie de ministre (études et compétences qui donnent toutes les armes nécessaires à un enfumage de qualité), nous autres directeurs d'école pouvons toujours nous brosser et rester otages de notre lourde et incompétente hiérarchie.

J'aimerais me tromper. Mais ma longue carrière m'incite à rester méfiant devant les manœuvres politiciennes. Néanmoins, je dois souligner que parmi les contributions des internautes mises en exergue sur le site de la "Refondation" de l'école, quelques-unes soulignent l'importance de notre métier. Voici donc quelques contributions des internautes:

18 juillet 2012

Je suis directeur d’une école élémentaire de huit classes. Avec l’évolution des tâches et des responsabilités qui m’incombent, de plus en plus nombreuses, diverses et pointues, je ne me considère plus, et de loin, comme un « enseignant chargé de tâches administratives ». La direction est devenue un vrai métier que j’exerce le plus souvent en dehors des quelques heures de décharge que j’ai normalement pour cela. C’est un métier qui me plaît pourtant, autant que celui d’enseigner, mais il devient trop lourd. Son statut doit évoluer ainsi que les conditions de son exercice : l’École de 2012 n’est plus du tout celle de 1946…

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Cette proposition est fondée sur la conviction, partagée par tous les cadres du système éducatif, que les directeurs d’école sont la pierre angulaire du premier degré. Cette proposition est prioritaire car la mobilisation des directeurs sera un levier important pour rétablir la confiance et assurer la réussite de la refondation de l’École. La responsabilité d’une classe rend la fonction de direction difficile à assumer malgré l’actuel système des décharges. Les directeurs expriment le désagrément de « sacrifier » l’une ou l’autre des fonctions et de manquer de temps pour assurer la direction. Il convient donc d’augmenter les temps de décharge de classe, mais sans forcément diminuer le temps d’enseignement.
 Il y a en effet une grande différence entre l’exercice d’une responsabilité de classe et d’autres activités d’enseignement. Les directeurs doivent ainsi pouvoir demeurer des enseignants proposant des activités diverses au sein de l’école, notamment dans le domaine des aides aux élèves à besoins éducatifs particuliers.

En termes de gestion de postes, cela permettrait aussi, même si ce n’est pas l’essentiel, de répondre en partie à la demande syndicale d’enseignants surnuméraires.

Pour éviter toute dérive, il conviendrait de définir précisément, dans un texte actualisant les fonctions des directeurs, les conditions de mise en œuvre des décharges. On distinguerait d’une part le temps consacré au travail administratif, à l’animation et à l’organisation pédagogiques, et d’autre part le temps réservé à des activités d’enseignement.

Les écoles en réseau prioritaire où cette organisation est mise en place – parce que le directeur bénéficie, par exemple, d’une demi-décharge statutaire et d’un mi-temps de poste surnuméraire – sont la plupart du temps celles qui sont les plus efficaces. Car le directeur y a la disponibilité d’esprit et d’action pour assurer sa fonction.

24 juillet 2012

La direction d’école ne s’improvise pas. Elle demande une conscience claire des enjeux aussi bien nationaux que territoriaux. Une maîtrise des nouveaux outils de l’information et de la communication. Diriger une école, c’est être capable d’évaluer les besoins d’adaptation de la structure et les moyens à mettre en œuvre et de négocier avec les élus dans des débats ou des dossiers faisant apparaître clairement les projets de l’École de la République et la nécessité d’inscrire son action dans le territoire.
La direction d’école, c’est aussi accueillir les personnels et favoriser l’intégration de tous dans une équipe au service des élèves.
C’est, bien sûr, rappelons-le, travailler au moins une semaine après la sortie des classes et reprendre une semaine avant la reprise officielle. Passer des heures au quotidien pour s’assurer de la stabilité de l’organisation et du respect des règles de sécurité dans le fonctionnement.
La direction d’école sera-t-elle enfin reconnue comme le vrai métier qu’elle nécessite d’exercer au quotidien et dont il conviendrait enfin de définir le statut ou bien demeurera-t-elle jusqu’à son extinction, faute de combattants, un sacerdoce que les générations qui montent, ne voudront plus assumer ? Former les personnels de direction et définir un statut de la direction d’école est devenu une impérative nécessité. Si le système doit être juste et efficace, comment le sera-t-il si les responsables eux-mêmes fonctionnent dans l’urgence. Sur quels critères seront définies les priorités? Et que dire de l’égalité des chances pour les élèves si la formation des personnels de direction n’est pas harmonisée pour assurer à chaque mode de gestion la même efficacité?

6 août 2012

Il est temps de redéfinir les missions et conditions de travail des directeurs d’école.
Il y a un manque de formation cruel, une vraie méconnaissance du terrain par nos supérieurs indirects, des demandes hiérarchiques dont nous cherchons encore l’utilité et l’impact sur nos élèves.
J’ose à peine aborder la question des personnels recrutés pour l’aide administrative aux directeurs à qui nous donnons une formation plus que sommaire (quand nous trouvons un peu de temps) et qui sont remerciés au bout de six mois, puis remplacés dans le meilleur des cas (avec à nouveau du temps à trouver pour former la nouvelle personne).
Des propositions émanant des directeurs devraient être entendues, des solutions pourraient être envisagées qui ne grèveraient pas le budget de l’État et qui faciliteraient grandement notre travail au quotidien.


13 août 2012

Un vrai statut de directrice reconnu auprès des collègues, de l’institution avec des missions clairement définies, auprès de chacun de nos partenaires (ien, ia, collectivités, parents).
Au sein de l’école vis à vis de nos collègues, il devient urgent de supprimer ce flou relationnel/professionnel : simple  collègue chargée de tâches administratives ? Organisatrice de la mise en œuvre de projets visant la réussite des élèves  et à ce titre pouvant être reconnue pour évaluer les résultats, l’engagement de chacun…?
Des missions supplémentaires ? Du temps de travail supplémentaire ? Peu importe, si tout cela est précisé avant l’acceptation du contrat, reconnu (financièrement aussi).
Une formation OBLIGATOIRE  tous les 3 ans d’au moins deux semaines, pour se former aux nouveaux défis, échanger, éviter l’enferment dans un fonctionnement  supporté par les habitudes que l’on met malgré soit en place et qui tiennent lieu de règles !
Décharge totale ? Partielle ? Plus importante qu’aujourd’hui ? Je ne sais pas … mais de sûr des directeurs/trices qui connaissent le métier d’enseignant du 1er degré  pour l’avoir exercé …

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Pour un statut des directeurs
Directeur d’une école de 237 élèves, en ZUS -soit l’équivalent d’un petit collège- seul et unique interlocuteur de l’administration, de la municipalité, des parents d’élèves, de l’équipe enseignante et de tous les partenaires de l’École, je fatigue sérieusement… Là où le même petit collège est pourvu d’au minimum quatre personnels administratifs, je gère tout à mi-temps (demi-décharge), classe et direction, avec un sentiment régulier de travail bâclé, mal fait…
Pourquoi ne pas donner un réel statut aux directeurs d’école ? Ajuster les systèmes de décharge aux situations locales ?
Quand tous les directeurs lâcheront prise, comment fonctionnera notre École ?
Un directeur au bord de l’épuisement.

vendredi 10 août 2012

Quelle direction pour l’école du XXIe siècle ?


En 2010, M. Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin, remet à M. le ministre de l’Éducation Nationale un rapport qui fait beaucoup de bruit dans les écoles. Ce rapport, dont le bilan sans faille reste aussi cruel aujourd'hui qu'il était il y a deux ans, pointe de façon exemplaire le rôle primordial des directeurs d'école dans le fonctionnement d'une école et la réussite des élèves, comme l'absurdité de leur situation présente. En voici quelques extraits:  

Tout individu a prononcé, prononce ou prononcera la phrase suivante : « Je veux parler au directeur ! ». 

Quand on rencontre un problème avec une administration, une entreprise, une association, une réaction raisonnable est certes de vouloir s’adresser à un responsable et, dans les cas où l’on ne connaît pas son titre, de faire usage du terme générique : directeur. A ce mot, sont en effet associés un certain prestige, une certaine distance, en tous les cas la capacité de prendre les décisions qui s’imposent… C’est du ressort du directeur.

 Les directeurs des écoles françaises ne sont pas conformes à ce stéréotype, du moins si l’on considère les écoles publiques (...). Et sans doute le profane n’en a-t-il pas conscience.

 (...) 

 Le directeur n’est pas le supérieur hiérarchique de tous les personnels de son école. Cette prérogative, pour les enseignants, échoit à l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’Éducation nationale et, par délégation de celui-ci, aux inspecteurs de circonscription.

Concernant les personnels communaux travaillant au sein de l’école, ceux-ci sont certes placés sous l’autorité du directeur, mais uniquement pendant leur service dans les locaux scolaires. De manière générale, ses attributions en matière de ressources humaines sont limitées.

Parallèlement, le directeur d’école n’a guère de compétence budgétaire, une école n’étant juridiquement qu’un service de la commune, ou de l’intercommunalité, dont le directeur n’est pas un fonctionnaire. Il gère parfois quelque budget, dans le cadre coopératif ou associatif, mais pour des montants et dans des secteurs secondaires en considération de l’ensemble de l’activité qui se déroule dans les écoles, tout en s’exposant au risque de la gestion de fait.

Analyser les responsabilités confiées au directeur aide à appréhender la multiplicité des défis de terrain, jour après jour. Le directeur d'école occupe trois types de fonctions.

1 – Le directeur a vocation à exercer un leadership pédagogique

L’école ayant pour finalité première de délivrer un enseignement, il est naturel que celui ou celle qui en assure la direction se voie confier des prérogatives dans le domaine. C’est ainsi que le directeur assure la coordination entre les maîtres, réunit l’équipe éducative, veille à la diffusion de l’information auprès des maîtres, participe à la formation des futurs directeurs, prend part aux actions destinées à assurer la continuité éducative.

Il préside le conseil des maîtres de cycles, le conseil des maîtres et le conseil d’école, autant d’instances placées au cœur de l’activité pédagogique. Qu’elles prennent des décisions ou rendent un simple avis, elles sont le lieu où doivent s’impulser un dialogue, une dynamique.

Le projet d’école (...) s’élabore sous l’impulsion du directeur : celui-ci a bien une vocation de leader pédagogique.

De plus, il répartit les élèves entre les classes et les groupes, après avis du conseil des maîtres, répartit les moyens d’enseignement et arrête, de nouveau après avis du conseil des maîtres, le service des instituteurs et professeurs. Il est donc décideur en ces domaines.

L’action pédagogique du directeur revêt une dimension supplémentaire quand il s’agit des élèves en difficulté, voire en grande difficulté. C’est en lui que le législateur a placé sa confiance pour repérer les situations à problème et proposer, le cas échéant, aux parents de mettre en place le PPRE. De même, il joue un rôle non négligeable dans le cadre des RASED, en termes d’information, de dialogue avec les familles, de liaison, de concertation entre l’équipe des maîtres et l'équipe du réseau d’aide spécialisée, de bonne intégration de l’aide spécialisée dans la vie de l’école.

2 – Le directeur personnifie l’école pour l’extérieur, il assume des fonctions relationnelles

C’est souvent avec lui et lui seul que les parents conversent au quotidien, le matin quand arrivent les enfants, le soir quand ils repartent. Du reste, le décret de 1989 confie au directeur l’organisation de l’accueil et de la surveillance des élèves et, de manière plus explicite encore, le dialogue avec leurs familles. C’est souvent vers lui que les usagers du service public se tournent en cas de conflit, de réclamation, de demande d’explications.

Parallèlement, il représente l’institution auprès de la commune et des autres collectivités territoriales. Il a des relations à assurer avec les intervenants extérieurs de l’école, dont les associations.

Mais le directeur n’a pas explicitement la possibilité de représenter l’école dans toutes les circonstances, pas plus qu’il ne représente l’État au sein de l’école et il ne peut représenter le maire, alors que l’école est un service communal. Les partenaires de l’école en sont réduits à regretter l’absence, plus que d’un interlocuteur, d’un véritable partenaire, avec lequel monter des projets, desquels obtenir des réponses, à même de décider de son propre chef sans obtenir une autorisation préalable. Or, que l’école puisse nouer des partenariats fructueux est plus souhaitable que jamais. Le directeur a de plus en plus vocation à travailler hors les murs, dans la mesure où il faut considérer les enfants dans leur globalité et non seulement gérer leur temps scolaire.

 (...)

3 – Le directeur assure le fonctionnement administratif de l’école

Le directeur veille au respect de la réglementation, procède à l’admission des élèves, s’assure de leur assiduité, définit le service des collègues, répartit les moyens d’enseignement, fixe les modalités d’utilisation des locaux pendant le temps scolaire, organise les élections, réunit les conseils, rend compte aux autorités académiques.

Dans le même temps, les prérogatives du directeur d'école pour la gestion des ressources humaines de l’école et pour son budget sont réduites à la portion congrue. Par exemple, pour conclure les contrats de recrutement des agents sur emploi vie scolaire (EVS) exerçant dans une école, c’est le chef d’un EPLE qui seul a la compétence, ce qui inclut la faculté de refuser ce recrutement, au grand dam du directeur.

De même, le directeur d'école n’ayant que peu ou pas de responsabilités budgétaires, il est dépourvu de marges de manœuvre en la matière, d’autant plus avec la réduction tendancielle des crédits pédagogiques. Concernant les locaux, l’investissement est de la compétence de la commune, ou du groupement : le directeur ne peut pas décider de déplacer une cloison ou d’effectuer telle opération de travaux avant telle autre.

Certes, le déficit de pouvoir décisionnel en matière administrative ne saurait interdire au directeur de solliciter, de négocier, de convaincre. Mais la signature au bas d’un acte est rarement la sienne.

Les écoles ne s’administrent pas elles-mêmes, pas plus qu’elles ne se gouvernent elles-mêmes. Or, quand une équipe éducative s’est aperçue que, par exemple, l’expression écrite réclame la première des attentions collectives, elle aimerait pouvoir passer elle-même à la mise en œuvre des réponses qu’elle a envisagées, sans attendre en permanence un hypothétique feu vert de l’autorité supérieure, qui peut non seulement prendre du temps mais peut aussi provoquer une nouvelle frustration devant les procédures. Quant à ladite autorité supérieure, l’inspection de circonscription bien souvent, elle aimerait parfois mieux se concentrer sur des activités plus stratégiques.

La limitation actuelle des prérogatives de l’école et de son directeur amène à ne guère conserver des fonctions administratives que les plus ingrates d’entre elles, dont les plus répétitives relèvent du « rendre compte aux autorités académiques ». Elle contribue à charger le mot « administratif » de bien des maux, au point qu’une majorité des interlocuteurs rencontrés en préparation de ce rapport assimile le mot « administratif » au mot « nuisance ». Une perception aussi péjorative n’incite pas les acteurs à chercher à s’impliquer dans la vie de leur école, d’autant plus quand ils voient que, dans les EPLE, vingt-cinq ans après leur création, le chef d'établissement donne parfois l’image d’un fonctionnaire enfermé dans son bureau et lui aussi submergé par les formalités.

(...)

Les directeurs réclament du temps et de la reconnaissance

Les auditions et tables rondes menées à l’occasion de ce rapport comme précédemment à celles-ci donnent à percevoir chez les directeurs deux caractéristiques majeures de la fonction de cadre :
 - la gestion de son temps, trop souvent subi ;
 - l’exercice d’une responsabilité personnelle pesante.

Sur l’un et l’autre points, le directeur d'école ne diffère guère des cadres que l’on peut rencontrer dans et hors du service public. La liste des motifs d’insatisfaction des directeurs d'école français, comme de l’OCDE, comprend plus largement les éléments suivants : accumulation des tâches, urgence, absence de vision sur les priorités, manque de reconnaissance, manque de moyens, surabondance du travail administratif, obligation excessive de disponibilité, impact sur la vie de famille, stress …

Ce tableau a quelque chose de familier. Il est comparable aux enquêtes sur le moral des cadres dont la presse se fait régulièrement l’écho. Une telle similitude ne saurait étonner : les directeurs d’école appartiennent bien au personnel de catégorie A, qui a vocation à accomplir des tâches d’encadrement et de conception. Par ailleurs, l’on se souviendra qu’une enquête récente montrait que, quand 40 % des cadres français disaient éprouver un sentiment de découragement, ce ratio grimpait à 70 % quand on retenait la seule population des enseignants du premier degré.

(...)

Ainsi, le manque de temps est un problème unanimement soulevé. Il découle en partie de ce que des chercheurs appellent un phénomène de « double charge », résultant de l’addition des fonctions d’enseignant et de manager d’une entité. Ce problème se retrouve dans de nombreux pays lui aussi, notamment de l’autre côté de la Manche : en Angleterre, 60 % des chefs d'établissement de l’enseignement primaire qualifient l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle de précaire, voire très précaire. Poser la même question aux directeurs français ne manquerait pas d’intérêt.

Outre le temps, le principal grief exprimé par les directeurs d'école prend la forme de ce qu’ils appellent un manque de reconnaissance de la part de leur employeur. Il se répète quelles que soient les conditions : volume de la décharge, localisation de l’école, relations au sein de celle-ci et autres. On note que le mot « reconnaissance » renvoie à une inadéquation entre le mérite que l’on estime avoir, les efforts que l’on a fournis, et la manière dont ils sont pris en compte par autrui. La reconnaissance est un concept éminemment subjectif. Il n’en domine pas moins les conversations. Il est vrai que, notamment, la fonction de directeur d'école n’offre que peu de perspective en tant que telle. Le « merci » en fin de carrière est le même qu’on ait été directeur pendant deux ans ou vingt ans ! 

 (...) 

Et pourtant, que n’a-t-on entendu qu’« une école qui tournait, et qui ne tourne plus, ça correspond fréquemment à un changement de directeur » ! Le rôle du directeur d'école est déterminant dans la capacité d’une école à accomplir avec succès sa mission.