dimanche 5 septembre 2021

Les annonces de Macron à Marseille, alors quoi ?

La récente annonce à Marseille par le Président de la République de sa volonté d'expérimenter le "recrutement" des enseignants par les Directeurs d'école de cinquante écoles fait couler pas mal d'encre, et personne ne sait trop quoi en penser, les Directrices et Directeurs d'école les premiers.


Il faut dire que plusieurs choses se télescopent dans cette annonce :

  1. l'état désastreux des écoles de Marseille - et de ses équipements publics en général, d'ailleurs, sans parler de l'état de la ville elle-même - ;
  2. la campagne électorale clairement affichée de M. Macron ;
  3. la "loi Rilhac" qui revient à la Chambre le 20 septembre prochain et dont plus personne ne sait ce qu'il y a dedans, ni ce qui n'y est pas ;
  4. la rentrée des classes dans un atmosphère de fin du monde avec des protocoles encore lourdingues et des personnels inquiets ...

La rentrée syndicale n'arrange rien, et ces annonces prennent de court tout le monde, d'autant que les rencontres entre partenaires sociaux n'ont pas encore eu lieu bien que prévues prochainement. Bref, disons-le clairement, le Président de la République s'est créé un effet d'aubaine totalement inattendu qui déstabilise tous ceux qui auraient leur mot à dire.

Je passe sur le premier point. Je me demande simplement pourquoi pendant cinquante ans les marseillais n'ont élu que des gens qui ont laissé tomber les équipements publics en déshérence. Une nouvelle équipe est arrivée qui a saisi la question à bras le corps et l'a clamée à tous vents, ce qu'il fallait faire et je les en félicite, et ce sera l'honneur de l'Etat d'intervenir dans la mesure de ses moyens pour tenter de sauver une des plus vieille cité de notre pays. Mais quand même... où est passé tout cet argent pendant cinquante ans ?

Le deuxième point m'exaspère évidemment, mais que fallait-il attendre d'autre quand Chirac a fait passer à cinq ans le mandat présidentiel ? Il y avait certainement d'autres possibilités de changement. Passons.

La loi Rilhac est pour l'instant dans les limbes, mais n'apportera pas grand changement. Ce sera toujours quelque chose, loin de ce que j'imagine depuis quinze ans au moins, mais un début de reconnaissance de la singularité du métier de Directeur d'école... peut-être. Moi qui réclame un statut de Directeur d'école avec des droits et plus seulement des devoirs, avec un statut clair lui permettant d'assumer légalement ses responsabilités, un salaire à la hauteur de ces dernières, et la création d'établissements du primaire, je reste sur ma faim.

Enfin la gestion du COVID... j'aime autant me taire, tiens.

Alors cette annonce, que faut-il en penser ? Je comprends l'exaspération des Directeurs de Marseille, qui attendaient autre chose, comme d'abord la possibilité simple de travailler dans des écoles aux locaux adaptés, propres, équipés, et non dans des écoles qui s'effondrent et où les rats pullulent. Je comprends le désarroi des syndicats réformistes  et des Directeurs qui ne voient pas comment cette possibilité de créer pour les enseignants des postes à profil va les aider à mieux gérer leurs écoles. Car enfin si chacun convient qu'il serait mieux d'avoir dans les écoles nécessiteuses des enseignants volontaires et non des débutants nommés à leur corps défendant, comment imaginer qu'il y aura des candidats enthousiastes si aucune incitation réelle ne leur est proposée ? Effectifs réduits, équipements des classes et des écoles, primes élevées, passages d'échelons accélérés, etc. Je crains fort que, dans l'état, ce souhait présidentiel ne se heurte qu'à la cruelle réalité d'un système sclérosé qui ne sait pas passer outre ses vieilles lunes - y compris administratives et institutionnelles -. Entre un vœu pieux et une réelle volonté d'agir le fossé est en France gigantesque, là où d'autres nations ont su faire un aggiornamento salutaire et totalement rénover leur système éducatif, avec succès.

Et puis évidemment il y a le reste des écoles. Même si je peux croire qu'il s'agisse d'une expérimentation, s'arrêter aux écoles REP de Marseille est forcément peu enthousiasmant pour les Directrices et Directeurs d'école du reste de la ville comme du reste du pays, dont beaucoup ne sont guère mieux lotis. Je veux le dire franchement : les expériences, y'en a marre ! Comme si personne ne savait ce qui est nécessaire ! Faire des Directeurs de vrais pilotes reconnus et bien traités n'est que la partie émergée - mais nécessaire - d'un iceberg autrement plus dangereux, celui de l'abandon institutionnel dont les français eux-mêmes dans le dernier numéro de Challenges montrent qu'ils en sont clairement conscients, puisqu'ils estiment l'état de notre système éducatif comme la première cause du déclin français sur la scène internationale. Sans un investissement politique et financier massif dans l'éducation il n'est plus possible aujourd'hui de s'en tirer, les enseignants de tous niveaux auront beau faire comme d'habitude de leur mieux les choses ne pourront aller qu'en empirant. Alors c'est vrai que la campagne présidentielle, on s'en tape.

Cette annonce est donc un épiphénomène. Si ça sert les Directeurs, si ça aide un peu, si ça fait avancer le schmilblick, tant mieux. Si ça capote comme je le crois dans les circonstances actuelles, ben ça capotera. Mais de toute manière il ne faut pas croire que ça va changer le système. Il n'est pas non plus utile de s'exciter pour ou contre, nous en avons vu d'autres qui ne nous ont guère fait avancer.

Je me demande quand même ce que mes petits-enfants vont subir.