samedi 30 novembre 2013

Qu'est-ce qu'un GRAF?


Dans les propositions du ministre de l’Éducation nationale que les syndicats d'enseignants discutent en ce moment, il est proposé la création d'un "grade" spécifique à la direction d'école, un GRAF, ou "GRade à Accès Fonctionnel".

De quoi s'agit-il donc? D'abord, clairement, indiscutablement, indubitablement, c'est une reconnaissance de la spécificité du métier de directeur d'école. Une autre proposition du ministre, celle de la création d'un "référentiel métier" définissant proprement la mission des directeurs, va dans le même sens: le directeur d'école n'est plus un enseignant "comme les autres", ce qui correspond à la réalité des faits depuis largement plus de quinze ans maintenant. Il est de bon ton chez certains syndicats d'extrême-gauche de le nier, mais ces braillements dans le vide ne serviront pas à grand chose tant les principaux syndicats d'enseignants ne nient plus cette réalité.

Le ministre veut donc reconnaître la direction d'école comme un métier particulier, ce qui correspond aux voeux du GDiD. Dans ce sens, la lutte engagée depuis quinze ans porte aujourd'hui ses fruits. Il aura fallu batailler et convaincre, c'est une réussite. Bien sûr la teneur des propositions reste floue, bien sûr nous n'aurons pour l'instant que peu de changements dans notre immédiat bousculé, mais les perspectives sont bonnes. Oui, un petit directeur comme je le suis se sent lésé par le peu d'avancées concrètes qui pourraient nous soutenir dans l'accomplissement quotidien de notre mission, comme l'abandon des APC qui ne se fera que partiellement et seulement au-dessus de quatre classes, ou la quasi-inexistence de temps supplémentaire accordé (et quand on a comme moi une charge d'enseignement à 100%, on sait le soulagement qu'une simple demi-journée de temps à autre pourrait représenter). Mais soyons conscients qu'avec ces propositions les directeurs d'école sont enfin reconnus.

Qu'est-ce donc qu'un GRAF?

La base du fonctionnement de la fonction publique française est le "corps"; dans l’Éducation nationale nous avons un corps de professeurs des écoles, un corps d'agrégés, etc. Chaque corps correspond à une catégorie (A,B,C) selon son type de recrutement (pour la catégorie A, c'est bac+3). Mais chaque corps a sa propre échelle de rémunération qui ne correspond pas à la réalité de sa catégorie: les professeurs des écoles français sont par exemple moins bien payés que certains emplois de catégorie B! C'est d'ailleurs ce que dénonce régulièrement l'OCDE depuis de nombreuses années.

Les corps comprennent des grades ou des classes. La différence entre le grade et la classe est que le grade correspond théoriquement à l'exercice de fonctions ou de responsabilités de niveau différent, ce qui n'est pas le cas d'une classe à l'autre. Ainsi, les corps des professeurs des écoles, des professeurs certifiés et des professeurs agrégés comportent une classe normale et une hors-classe. S'il est effectivement créé un Grade de directeur d'école, ce sera une totale nouveauté pour le corps des professeurs des écoles, car cela signifiera que la fonction de direction est reconnue comme un exercice différent avec des responsabilités particulières.

Normalement, un grade comportant une échelle spécifique, il devrait en être donc créée une pour le GRAF de directeur d'école. Les règles de la fonction publique veulent qu'un fonctionnaire soit classé, dans son nouveau grade, à l'échelon comportant un indice égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui qu'il détenait précédemment. Ce que sera l'échelle indiciaire du grade de directeur d'école, nous l'ignorons pour l'instant.

Normalement, le fonctionnaire qui atteint un grade particulier le conserve même s'il quitte son emploi, et il en conserve également les avantages et l'ancienneté. Avec le GRAF, ce n'est pas le cas. Ce qui fait la spécificité d'un GRAF, ou grade à accès fonctionnel, c'est que le grade est attribué au fonctionnaire tant qu'il exerce sa mission, mais que ce grade ne lui appartient pas. Le GRAF est contingenté et le fonctionnaire qui abandonnerait sa mission de direction d'école perdrait le grade en question au profit du nouveau directeur pour retrouver son grade d'origine. C'est un double avantage et un double inconvénient: un avantage d'abord pour le directeur d'école, qui peut retourner sans difficulté à sa simple mission d'enseignement si la mission de direction ne lui convient pas ou ne lui convient plus; un avantage ensuite pour le ministère, qui connait ainsi clairement le contingent d'agents qui peuvent avoir ce grade; un inconvénient pour le directeur d'école, qui peut être viré de sa fonction du fait du Prince, même si techniquement ce genre de chose doit se faire en CAPD (le directeur d'école est donc hélas avec ce système toujours à la merci des petits potentats locaux); un inconvénient encore pour le directeur d'école qui en quittant sa mission perd son échelon dans le grade. Comment se ferait ensuite le reclassement dans le grade d'origine? Nul ne le sait.

Je dois également préciser que l'accès à un nouveau grade se fait normalement soit par promotion soit par concours. Qu'en sera-t-il du grade de directeur d'école? Tous les directeurs actuels y accèderont-ils? Dans quelles conditions (ancienneté dans la mission, taille de l'école...)? Ce n'est pas non plus précisé, et le champ de discussion est vaste pour les syndicats qui reprendront la discussion le 5 décembre prochain, à moins qu'ils ne soient dans la rue... Mais cela ferait mal si certains directeurs d'école étaient exclus de l'accès à ce nouveau grade pour des raisons discriminatoires de taille d'école ou d'ancienneté alors que le travail est le même, alors déjà que les allègements et facilités de mission ne sont dans les propositions ministérielles accordées qu'aux directeurs de "grosses écoles", soit la moitié seulement des écoles françaises (25000 écoles ont quatre classes ou moins, pour 23000 avec cinq classes ou plus). J'espère que le SE-Unsa ou le SGEN-Cfdt, qui travaillent avec le GDiD, contreront d'emblée des idées de ce genre. J'ai toujours le protocole de 2006 en travers de la gorge.

Bref, tout cela est encore bien flou. Et si la reconnaissance de la direction d'école semble bien actée, il ne faudrait pas pour autant laisser dans le fossé les écoles de quatre classes ou moins qui font la majorité du système scolaire primaire. Outre le danger d'avoir des écoles "à deux vitesses" dont la facilité de gestion serait encore plus disproportionnée qu'aujourd'hui, cela amènerait également une scission particulière au sein d'un même grade qui ne pourrait occasionner que rancœurs et conflits. Je sais que la tentation est grande, comme la facilité d'y succomber, même pour des directeurs d'école qui se pensent ouverts et équitables. Restons-y attentifs et n'oublions personne.

mercredi 27 novembre 2013

La double peine...


Les directeurs d'école sont fatigués.

Fatigués déjà par leur double charge, celle de diriger une école sans en avoir les moyens, et celle d'enseigner qui se superpose à la première sans que rien ne soit fait pour les y aider. Ce fardeau, cette double peine, dévore toute énergie, mange leur temps libre, les épuise nerveusement et physiquement, et tout le monde s'en moque.

Les directeurs d'école sont fatigués de n'être pas mieux considérés. Ni par leur administration, cette institution qui tient plus d'une hydre à mille têtes et les apprécie comme des fusibles fort pratiques dès lors qu'une quelconque scorie pénètre dans la machine. Ni par les municipalités, qu'il ne faut pas beaucoup gratter pour que nombreuses se révèlent celles qui tiennent les directeurs d'école pour de bons factotums qu'on peut impunément remettre à leur place de petits fonctionnaires. Ni par la société civile, familles ou associations, médias agressifs, qui méprise ouvertement au quotidien les directeurs d'école, au point d'en faire les boucs émissaires de tous les dysfonctionnements d'un système sclérosé. Ni par leurs propres pairs: soi-disant penseurs qui n'ont jamais mis les pieds dans une classe et leur reprochent les manques sociétaux les plus ahurissants, de la différenciation sexuelle à l'inculture du peuple, en passant par le harcèlement ou l'agressivité du siècle; professeurs du secondaire, certifiés ou agrégés, qui prônent l'équité à longueur de temps tout en profitant pleinement d'un système qui leur permet de peu travailler tout en consommant avec allégresse des heures supplémentaires royalement rémunérées; soi-disant représentants syndicaux qui suspectent les directeurs d'école des pires visées hégémoniques ou dictatoriales; adjoints, soi-disant égaux, qui savent bien exploiter les directeurs d'école quant ça sert leur intérêt, et tout aussi bien les lâcher ou leur reprocher la plus petite défaillance comme des actes imaginaires lorsqu'ils ont besoin de passer leurs nerfs.

Les directeurs d'école sont fatigués. Nous sommes fatigués. Je suis fatigué. Devoir organiser et gérer une école tout en préparant et assumant simultanément une charge d'enseignement à plein temps, ce n'est pas humainement possible, à moins de bouffer sa santé. Je suis épuisé. J'ai également le moral au plus bas, fatigué de constater qu'après des années de dénonciation de nos conditions de travail ahurissantes les propositions que nous fait un ministère aux abois se résument à si peu de choses. Que faut-il donc qu'il se passe pour que change la situation? Que tous les directeurs d'école finissent à la Verrière, le corps exsangue et le cerveau à l'envers? Que tous nous renoncions, petit à petit, à cette double mission si vampirisante? Nous en sommes tous là: épuisement physique et moral, lassitude extrême, enthousiasme en berne... Je n'ai plus vraiment envie de me décarcasser. J'accompagne mes élèves de mon mieux, parce que dans ma situation de directeur d'école chargé d'enseignement à plein temps j'estime que c'est le plus important. Le reste... C'est cela que veut la Nation? Des directeurs d'école démotivés et démobilisés? Cela promet pour l'école primaire publique française de demain.

dimanche 24 novembre 2013

Le ciel s'éclaircit, mais un orage gronde au loin...


Si les négociations concernant la direction d'école ne débutent que lundi, les syndicats d'enseignants ont d'ores et déjà reçu des documents de travail ainsi que des pistes de réflexion lors d'entretiens préliminaires. Et ce qui en sort n'est pas forcément réjouissant.

Certes le ciel s'éclaircit. Certains points que les directeurs d'école réclament sont à l'ordre du jour, comme par exemple ce que le ministère appelle un "référentiel-métier" -aaah, quel bonheur que ces néologismes barbares en -tiel qui ne veulent rien dire!-. S'il s'agit de définir clairement notre mission, j'applaudis des quatre mains (oui je suis encore souple en dépit de mon âge, maternelle oblige). Mais je doute fortement de la qualité de ce "référentiel" -décidément j'ai du mal- qui sera certainement élaboré par une DGESCO exsangue d'informations et éloignée des réalités du terrain, et donc à coup sûr écrite en termes suffisamment vagues pour que n'importe qui puisse y mettre n'importe quoi, ce qui continuera à nous placer à la merci des potentats locaux type DASEN ou IEN dont la compétence varie plus que fortement d'un département à l'autre. Wait and see! Mais dans ce domaine j'ai le nez creux. Le ministère veut également élaborer un "guide juridique' précisant nos "domaines de responsabilité". Pourquoi pas. Certains textes qui régissent l'école sont tellement flous, et inadaptés à nos conditions de travail actuelles (tiens, par exemple les temps concomitants APC et TAP), que ce ne sera pas un luxe. J'imagine que la "cellule juridique" du ministère travaille déjà là-dessus. Espérons qu'il en sortira quelque chose... car le moins qu'on puisse dire est que cette "cellule" ne brille pas toujours par la clarté de ses propos, quand elle accepte de répondre aux questions qu'on lui pose.

Une autre piste proposée pourrait être intéressante, et nous la réclamons depuis longtemps, celle d'une "amélioration" de notre formation initiale et continue. J'avoue que je vois difficilement comment on peut améliorer une formation qui n'existe pas, mais comme disait Raymond Devos trois fois rien c'est déjà quelque chose. Autre détail qui me chiffonne, c'est l'encadrement d'une formation de ce genre, étant donné qu'à part un directeur d'école je ne vois pas qui pourrait former d'autres directeurs à la problématique de notre si particulier métier. Car n'en déplaise aux forcenés de certains syndicats d'extrême-gauche qui n'ont que les mots hilarants "petit chef" à la bouche, notre mission de direction est bien aujourd'hui un métier à part.

Troisième point qui peut être positif, c'est la création d'un "grade à accès fonctionnel", lequel octroyé aux directeurs d'école ayant fait leurs preuves leur permettra de conserver leur avancement même en cas de retour à la case adjoint. Mais qui jugera de l'accès à ce grade? Quels en seront les avantages? Certes c'est une reconnaissance, une différenciation claire du métier d'enseignant, mais ce n'est pas un statut! Les directeurs d'école resteront chargés d'enseignement, à plein temps en ce qui me concerne. Alors... un hochet?

D'autres propositions présentées par le ministère amènent quelques nuages chargés de pluie. D'abord "l’allègement des tâches administratives dans le cadre de protocoles de simplification"... Croyez-en un vieux dirlo, ce n'est pas aujourd'hui forcément la partie administrative qui est ce qu'il y a de plus lourd à gérer dans une école. Oui, à la rentrée, ou lors des admissions, mais ce n'est pas la mer à boire, d'autant que c'est souvent l'occasion de rencontrer les familles de nos élèves, et c'est aussi parfois passionnant. En revanche, l'accumulation des injonctions diverses de provenances variées en cours d'année, ou la demande permanente de justificatifs de toutes sortes ou de tableaux d'emploi des heures, sont des choses pénibles qui au-delà de montrer la défiance permanente que l'institution a de nous, prennent un temps fou qui serait mieux employé à d'autres tâches internes à l'école. Cela sera-t-il simplifié, supprimé, annulé? Je doute que les potentats locaux dont je parlais plus haut acceptent de nous foutre la paix.

Second nuage, celui des "contrats aidés consacrés à l’aide administrative et éducative". J'ai déjà écrit cinquante fois ici que les EVS n'ont aucun intérêt, sauf peut-être dans quelques grosses écoles. Dégagez-moi le temps qui m'est nécessaire pour effectuer ma mission, quelques heures par semaine me suffiront, j'irai vingt fois plus vite que n'importe quel "contrat aidé" pour faire ce qui est à faire, et je ne perdrai pas de temps à former (sur quel temps?) quelqu'un qui de toute façon ne peut pas prendre ma place, et dont il faudra que je vérifie le travail. Beeerk.

Troisième nuage, et celui-ci me met particulièrement en colère, celui proposé d' "un allègement des heures consacrées aux activités pédagogiques complémentaires (APC) pour les directeurs d’école de plus de 4 classes"... Quatre? Pourquoi pas cinq, ou huit? Ou pour les directeurs ayant plus de cinquante ans? Ou... N'importe quoi! Les directeurs et directrices d'école qui n'ont déjà pas une seule heure qui leur soit octroyée pour leur travail, qui triment déjà comme des perdus avec une charge d'enseignement complète et totale, qui tirent comme ils peuvent leur classe et consacrent leurs soirées à leur mission de direction, ceux-là peuvent se brosser: ils devront gérer et encadrer les APC. Voilà une logique institutionnelle parfaitement rodée, qui consiste à donner à ceux qui ont déjà, même s'ils ont peu, et à enlever encore plus à ceux qui n'ont rien. Vous m'avez parlé d'un gouvernement "de gauche"? Soyons rassurés, chers collègues qui comme moi dirigez une petite école, nous serons comme de juste l'an prochain à assumer plusieurs missions simultanées, ce qui ne rompra pas nos habitudes. De là à dire que nous les remplirons par-dessus la jambe, il y a une marge que je ne saurais franchir, même si je n'en pense pas moins. Ah, il ne faudra pas venir me courir sur le haricot... Je sens qu'un certain nombre de courriers et courriels institutionnels suivront le chemin de la corbeille sans réflexion supplémentaire, car à l'impossible nul n'est tenu.

Bref, si j'en crois ce que les syndicats nous ont déjà transmis, le ciel se dégage, mais un orage gronde au loin, celui de la colère des directeurs d'école exploités honteusement par une administration pléthorique et incompétente. Rien quant au temps nécessaire à l'exercice de notre mission, rien quant à une réelle reconnaissance institutionnelle des directeurs d'école (un GRAF n'est pas un statut), rien à une réelle politique salariale nous concernant (et non indemnitaire). Je n'admettrai pas, pas une seconde, que quiconque s'arrête à ces vagues mesurettes, qu'il s'agisse du ministère ou des syndicats! Je préviens d'ailleurs ces derniers qu'ils ne me referont pas le coup du protocole signé en 2006 par une centrale qui se fera laminer aux élections professionnelles suivantes... Nous voterons en octobre 2014, je serai attentif à ce qui va se passer.

jeudi 21 novembre 2013

Adhérez, c'est le moment !


Les discussions et négociations sur la direction d'école sont commencées. La semaine en cours et celles qui suivront sont cruciales pour les directrices et directeurs des écoles publiques de France. Le GDiD, qui a été consulté en amont par le ministère et a déjà abondamment discuté avec ses divers partenaires syndicaux, ne lâche rien, et divers membres de son bureau passent en ce moment bénévolement leurs journées à Paris dans réunions et colloques. L'objectif, c'est bien au final d'obtenir un statut pour les directeurs d'école... pour TOUS les directeurs d'école. Peut-être faudra-t-il du temps, mais le GDiD est déterminé à ne pas se contenter de hochets ou de clopinettes. La reconnaissance de notre métier est primordiale pour l'avenir de l'école.

Alors c'est le moment d'adhérer au GDiD si vous ne l'avez jamais fait, ou de ré-adhérer.  Vos 20 € permettront à l'association de pourvoir à une partie des frais inhérents à ces déplacements, comme de continuer à vous apporter aide et soutien sur les forums publics ou privés de l'association, voire même au téléphone. Le GDiD continue ainsi à activement soutenir notre collègue Jacques Risso (Jac) victime d'un harcèlement injustifié, dont l'IGEN a ainsi pu se saisir du dossier. Mais Jacques n'est pas seul à avoir des difficultés, vous êtes nombreux à ressentir lassitude et fatigue, à être au bord du burn-out, ou à affronter des épreuves inattendues avec des élus ou des familles. Venez nous rejoindre pour que cesse l'absence de reconnaissance institutionnelle, juridique, salariale, des directeurs d'école. Le GDiD ne vous promet pas la lune, mais il vous promet de faire le maximum d'efforts pour qu'il soit mis fin -enfin!- à notre situation absurde.


samedi 16 novembre 2013

J'ai des idées...


"J'ai des idées"
Pièce en un acte

Scène 1

(Une salle des maîtres. Une grande table tient le centre de la scène. A droite un photocopieur. A gauche une porte. Quelques affiches de l’École des Loisirs sur les murs. Un tableau en liège avec des papiers punaisés indistincts.)

Entrée de Salomé, une jeune femme, vêtue d'un jean et d'un pull-over léger. Elle tend l'oreille.

Salomé: Quelle est cette rumeur qui pèse sur la ville?
Elle sourit.
Salomé: Tout ce bruit dans la rue, c'est FO qui défile...

Entrée de Michel, directeur d'école, rasé de frais, jean et veste légère, col entrouvert.

Michel: Ah, bonjour Salomé, vertueuse décharge!
Tu ne défiles point? -
Salomé: - Il faudrait être barje!
Ils rient tous les deux.
Salomé: Cher Michel, entend-moi, j'ai besoin d'un conseil.
Ton avis m'est précieux, à nul autre pareil.
Michel: Je t'écoute, Salomé, je ne peux refuser
D'entendre ta question comme elle est présentée!
Salomé: Je vais me mettre sur la liste d'aptitude.
Je sais bien, je vois bien, combien la tâche est rude.
Prendre à notre époque une direction d'école,
Je me demande un peu si je ne suis pas folle!
Dis-moi si j'ai raison, dis-moi ce que tu penses,
Si je fais bien et si j'en ai les compétences.
Michel: Tu es organisée, tu as de l'énergie,
Avec les familles une grande empathie.
Je ne vois pas d'obstacle à ce nouvel état,
Sinon ce que je perdrai quand tu t'en iras.
Salomé: Tu t'en fais tout un monde! Tu exagères un peu.
Michel: Ben c'est que ma décharge, ce sera un M2!
Franchement à mon âge, former un débutant,
Ce serait volontiers si j'en avais le temps.
Et quand je vois tout le boulot qui s'accumule,
Je me dis qu'il ne faut pas plus charger la mule.
Mais dis-moi, Salomé, ton amant syndiqué
Va-t-il apprécier ce changement de métier?
Comprend-il que tu veuilles exercer tes talents?
Salomé: Demande-lui toi même, le voilà justement.

Scène 2

Entrée de Serge, barbe de trois jours, veste informe en velours côtelé.

Serge: Quelle belle manif! Quel élan merveilleux
Que celui qui nous pousse à vouloir toujours mieux!
Une grève, un slogan, banderole, macaron
Épinglé fièrement au revers du veston,
Frères et sœurs nous sommes, nous allons trois de front
Piétiner sans remord la moindre suggestion
Qui pourrait de l'école améliorer la cause.
Mais voilà Salomé! C'est l'heure de la pause?
Salomé: C'est l'heure du café. En veux-tu une tasse?
Je ne vais pas tarder à retrouver ma classe,
lorsque j'aurai fini quelques photocopies
dont j'ai vraiment besoin pour la géographie.
Serge: Si tu étais en grève, tu aurais défilé,
Et tu ne serais pas à te casser les pieds.
Salomé: C'est pourtant bien ce que tu es en train de faire
A marcher dans la rue, même si tu prends l'air!
Par ailleurs il fait froid, il fait un temps de chien,
De jeter mon argent je n'ai pas les moyens.
Pour vivre chaque jour je n'ai qu'un traitement.
Pour survivre plutôt! Et plutôt chichement.
Serge: Nos deux payes largement pourraient nous suffire,
Nous nous ferions des œufs dans notre poêle à frire...
Salomé: Elle est bien bonne! C'est moi-même qui fais nos courses,
Moi encore qui tiens les cordons de la bourse.
Monsieur veut de la viande, Monsieur veut des gâteaux,
Et tout cela mon cher, eh bien ça coûte chaud!
Serge: Salomé, ma chérie, ne nous disputons pas,
Lorsque la cause est juste, ça vaut bien un repas.
Moi je ne voudrais pas retarder le Grand Soir.
Salomé: Alors en attendant tu sèmes le foutoir.
Soit! Je vais le dire, tu m'énerves et tu m'agaces,
Tu m'irrites,tu m'embêtes, tu me crispes, tu me lasses!
Je te rappelle que nous ne sommes qu'amants,
Je ne suis pas mariée, nous n'avons point d'enfant.
Ne m'oblige pas à choisir, de mon métier
Ou de mon amant, ce que je dois préserver.
Mais j'en ai assez, je retourne travailler.
Et Michel a une question à te poser.
Serge: Ah? Bonjour camarade, je ne t'avais point vu.
Michel: (A part) Pourquoi cela ne m'étonne-t-il même plus?
Lui et ses semblables savent fort aisément
S'abstraire de la vie, s'abstraire du présent.
Je suis directeur d'école, c'est une mission
Dont il nie l'importance, il ne me croit qu'un pion.
Je suis d'autant plus curieux de ce qu'il va dire...
(A Serge) Cher collègue, et non pas camarade... (A part) On va rire!
(A Serge) Salomé veut devenir directrice d'école.
Qu'en penses-tu? Qu'en dis-tu? Va, prend la parole.
Serge: (stupéfait, à Salomé) Quoi? Hiérarchie! Petit chef! Caporalisme!
Toi aussi tu veux faire le lit du fascisme?
Salomé: Non, je veux simplement donner plus à l'école.
Cette mission n'est pas une mission frivole,
Et je ne cherche certes pas quelque auréole
En donnant de mon temps, quasiment bénévole.
Moi aussi j'ai envie d'emmener une équipe
Aussi loin que possible avec les principes
Qui mènent en ce pays l'école publique.
Serge: Avoue-moi tes raisons. Tu le fais pour le fric?
Michel: (éclatant de rire) Voilà bien une idée qui montre l'ignorance
Dans laquelle baignent les enseignants de France!
Salomé: Me voilà donc suspecte de vénalité?
Quand je pense au montant de cette indemnité...
Serge: Je sais ce que tu veux vraiment, c'est le pouvoir!
Salomé: Tu n'as qu'une argumentation de dépotoir.
Tu sais autant que moi qu'un directeur n'est rien
Dans son école, un serviteur, un galérien.
Mais c'est lui qui va donner l'impulsion première,
L'élan à ses collègues, l'ambiance hospitalière.
Serge: (Il crie) Ni dieu ni maître! A bas les patrons et les chefs!
Salomé: Serge tu as raison, retourne dans ton fief,
Retourne défiler avec tes camarades,
De votre crasse bêtise faire parade.
Tu pourras passer prendre tes frusques ce soir,
Pour m'éviter de les jeter sur le trottoir.
Serge: Égérie du capitalisme!-
Salomé: -Mais oui mais oui.
Serge: Vampire! Lamie! Succube! Lilith! Je te renie!
Il sort en claquant la porte.
 
Scène 3

Salomé: (Tristement) Me voilà désormais esseulée dans mon lit.
Est-ce donc aujourd'hui volonté si impie
Que vouloir simplement exercer un métier
Où la compétence vaut mieux qu'ancienneté?
Michel: Un de perdu, Salomé, dix de retrouvés.
Mignonne, ton célibat ne saurait trop durer,
Tu rencontreras quelque frais et beau garçon,
Un gentil directeur, aimable et sans façon.
Salomé: Tu te mets sur les rangs?-
Michel: (riant) -Je renonce à l'honneur!
Une seule épouse suffit à mon bonheur.
Salomé: (riant à son tour) Nous ferions un joli couple pédagogique,
Pour la direction échangerions nos pratiques.
Michel: Restons sages, et passe déjà ton entretien.
Je t'expliquerai bientôt tous ces petits riens
Qui feront de toi une bonne directrice,
Leader de qualité sans aucun artifice.
Tu prendras le temps de te faire à ce métier,
A ses contraintes, ses peines et réalités.
Lorsque tu seras installée et décidée,
Tu nous rejoindras au sein du GDiD.
Salomé: J'ai des idées? Je ne comprends point cette annonce!
Michel: C'est pourtant bien ainsi que ces mots se prononcent.
Je crois que ce métier mérite beaucoup mieux,
Et à penser ainsi nous sommes très nombreux,
Des milliers de directrices et directeurs
Regroupés en association pour le meilleur.
Nous fûmes deux, puis dix, bientôt nous fûmes cent,
Aujourd'hui cinq mille et nous sommes puissants,
Car nous avons pour nous notre sincérité,
Surtout notre constance, notre simplicité.
Nous ne voulons rien de plus qu'un simple statut,
Ne demandons rien d'autre, c'est notre unique but.
Ce qui fait notre force, c'est aussi notre nombre,
Que nul ne peut ignorer et laisser dans l'ombre.
Tu nous rejoindras...-
Salomé: -Je ne saurais y manquer!
Allons, c'est l'heure, les enfants sont dans l'escalier.
J'entends fortement le tumulte familier.
Je retourne faire mon quotidien devoir.
Michel: Et moi le mien, j'ai un parent à recevoir.
Salomé et Michel: (ensemble, au public)
Amis lecteurs, nous réclamons votre indulgence
Pour ces alexandrins sans aucune exigence.
Nous voulions vous distraire, vous amuser, c'est tout.
Merci de nous avoir accompagnés au bout!
Ils sortent.

FIN

Petite chanson de marche...


Petite chanson de marche, pour accompagner les sorties scolaires et autres pique-niques (sur l'air de "Un kilomètre un pied...").

Un directeur d'école,
ça bosse, ça bosse,
un directeur d'école,
ça bosse énormément.

Deux directeurs d'école,
ça bosse, ça bosse,
deux directeurs d'école,
ça bosse énormément.

Trois directeurs d'école...

dimanche 10 novembre 2013

La noyade...


Qui se noie? L'école. Et moi avec.

Submergé par les vagues depuis la rentrée, je suffoque et je m'agite, mais je ne fais que m'enfoncer un peu plus à chaque mouvement. Une bonne solution serait de ne plus bouger, de faire la planche, et de laisser les flots me bercer. Mais les vagues sont trop fortes.

Les vagues de mon propre travail d'abord. A plein temps avec mes élèves, nombreux, trop nombreux, que je dois porter à bout de bras depuis le début de l'année pour les rassurer, leur montrer que je ne veux que les accompagner pour les aider à grandir. Qui le dira? Certainement pas ceux qui n'ont jamais exercé ce métier, et qui croient qu'enseigner en maternelle est une longue sieste ponctuée de jeux divers et de récréations. C'est épuisant, usant, c'est énergivore et vampirisant. La classe ne semble homogène qu'en surface, les enfants sont fatigués d'avoir repris ce rythme scolaire que pourtant je m'évertue à rendre le plus proche possible de leurs besoins physiques et de leurs aspirations. Et qu'on ne vienne pas me raconter que les "nouveaux rythmes scolaires" sont en cause, ma commune ne les a pas mis en place cette année; les revendications de ceux qui osent manifester le pipeau à la bouche contre le travail du mercredi matin puent la manipulation, la politisation, la bêtise. Ah oui, en plus il pleut aujourd'hui et il n'est pas question de mettre sous la pluie sans préau des enfants de cet âge qui de toute manière choisiront la flaque la plus proche pour s'y étaler malencontreusement si  ce n'est avec délectation.

Les vagues de ma mission de direction ensuite. La fonction s'est allégée? Mon cul! Oui, je suis grossier, mais c'est bien ce que je ressens. A mesure des dernières années où se trouvaient facilités certains aspects du métier de directeur d'école, d'autres prenaient le dessus, comme la gestion des personnels divers et variés dont on précipite quelques-uns comme des mouches sur l'école à coup de slogans -EVS, AVS, et j'en passe...-, ou les relations avec les familles qui enflent démesurément, ou encore les relations avec les partenaires naturels de l'école comme la municipalité. Je communique à tout-va, je réunionne à qui mieux mieux, j'affiche et je placardise, j'informe tout le monde en tout temps et tous azimuts. Je n'ai oublié personne? Ah si, celui-là il faut que je lui envoie un courriel... non, un courrier écrit... zut, je fais les deux, il ne pourra pas dire qu'il n'est pas au courant. Au fait, et la réunion du tant, je n'ai pas encore fait le compte-rendu. Ah, et puis il y a réunion pour le PEDT. Crotte, c'est le même soir que le conseil de cycle! Conseils de maîtres, de cycle, d'école, liaisons diverses, réunions de préparation, réunions pour les élèves handicapés intégrés, PAI, patati, compte-rendus, animations pédagogiques, patata, coups de téléphone, courriers, courriels, ah tiens une inspection bonjour Madame vous ne me mettez qu'un demi-point alors vraiment je ne vois pas pourquoi vous êtes venue me casser les pieds vous ne voyez pas que j'ai autre chose à faire, la paperasse s'envole, le modem chauffe, la photocopieuse s'enraye... et ma voix déraille, je m'emmêle les mots et les pinceaux, n'ai-je rien oublié ah si je dois faire un certificat de scolarité pour le petit *** et voilà et voilà et voilà...

Toutes ces activités qui me font courir dans tous les sens, tous ces salamalecs, je pourrais en faire façon. Après toutes ces années de don de moi quasi gratuit j'ai appris à m'en débrouiller. C'est le foutoir? Oui, évidemment. Mais je me recentre sur ce qui compte, c'est à dire les élèves, et le reste je le fais quand je peux si je peux. Autant dire tout de suite que j'ignore royalement certaines injonctions -j'attendrai un éventuel rappel, s'il vient ce dont je doute fort avec l'habitude- et que je remplis par-dessus la jambe tableaux divers et autres statistiques qui ne me servent pas directement. C'est honteux? Même pas, rien à faire, cela fait combien d'années que je réclame pour les directeurs d'école tels que moi que le ministère tienne compte de ce qu'est devenue notre mission? Alors moi je m'occupe des gosses, c'est pour ça que je suis payé, c'est ça qui me fait manger, pas de faire l'andouille et de me tuer à la tâche pour une administration qui m'ignore. Je ne vais certainement pas me foutre en l'air pour des gens qui m'exploitent depuis des lustres en faisant semblant de compatir à mes malheurs.

Non, ce qui me gêne le plus, c'est que je me serais volontiers passé de certaines des vagues qui m'assaillent depuis le début de l'année scolaire, et qui sont lâchées par des syndicats politisés à l'extrême et des politiciens qui veulent se placer pour les prochaines élections, européennes ou municipales, voire les présidentielles de 2017. L'action politique dans ce pays atteint le fond de la fosse à purin. Certains syndicats d'enseignants ont ouvert les écluses en dénonçant de façon irraisonnée le changement des rythmes scolaires, tout ça pour "se payer" un gouvernement. Des élus nauséabonds ont pris le train en marche, histoire d'accentuer le bordel général face à un État incapable de réagir. Des soi-disant associations ou regroupements de parents d'élèves ont embrayé le pas. Et tout ce petit monde s'agite, raconte n'importe quoi, beaucoup d'enseignants pourvus de la conscience politique d'une huître croient ce qu'ils entendent (c'est souvent le dernier qui parle qui a raison). C'est n'importe quoi, et ça met une ambiance détestable. C'est déstabilisant. Cela me fout le moral en l'air.

Que vont devenir là-dedans les vraies questions qui réellement pourraient influer sur le cours de l'histoire du système éducatif français? Que va-t-il advenir de mes revendications, de celles du GDiD, quant au devenir de la direction d'école? Elles vont certainement se noyer avec moi, pour le plus grand bonheur des attentistes ou des réfractaires qui à la suite de FO, SUD et la CGT ne veulent rien rien rien et refusent tout tout tout ce qui pourrait faire évoluer favorablement l'école. Tout cela au détriment bien entendu de nos élèves, dont les centrales syndicales n'ont rien à faire. Leur action présente est un plein succès. J'ai bien peur que les semaines à venir voient disparaître les avancées importantes qui auraient pu être faites, que ce soit dans le statut général des enseignants ou le statut particulier des directeurs d'école. On voudrait que je jubile? Certainement pas. Avec des perspectives, même sommaires, mon moral remonterait à coup sûr. Mais là...

J'ai déjà sur ce blog filé la métaphore maritime. Je me voyais avec ma petite école en capitaine de caboteur, rasant les côtes au mépris du danger et affrontant courageusement la houle. Je l'avoue, je suis tombé à l'eau. J'essaye avec une corde de tirer mon bateau, mais la tempête est cette fois violente. Je ne crois pas que je vais tenir longtemps, et en dépit de mon expérience soit je lâcherai la corde, soit je me noierai. Je préfère la première solution. C'est dommage, mais je n'ai guère d'alternative. Car je ne crois plus beaucoup que ce gouvernement saura me remonter sur le pont, ou simplement me jeter une bouée.

Déprimé? Complètement.

dimanche 3 novembre 2013

Qu'attend-on pour en faire autant?


Il est récemment paru dans le Nouvel Observateur un article consacré aux "bonnes recettes" du système scolaire finlandais. On en a l'habitude, j'ai moi-même ici-même plusieurs fois vanté certains aspects de l'école en Finlande, dont j'apprécie en particulier la forte autonomie des établissements.

Cet article court vante certains aspects louables et indiscutables, comme la prise en charge immédiate -et souvent au sein de la classe- de la difficulté scolaire, la formation poussée des professeurs, ou l'équité de traitement en fonction de la population concernée avec des moyens supplémentaires octroyés aux établissements qui en ont besoin. Tout cet ensemble de mesures de bon sens amène depuis dix ans la Finlande en tête dans le classement des systèmes scolaires les plus performants des pays industrialisés. Classement dans lequel la France de son côté fait piètre figure.

Bien sûr, il est difficile de totalement comparer les résultats d'une nation à la population faible et relativement homogène avec ceux d'un pays comme le nôtre. Quoique... Les moyens financiers de l'école en Finlande, s'il sont certes plus importants que ceux que le France lui accorde, restent proportionnellement équivalents. Alors d'où vient la réussite?

D'abord d'une remise en cause violente il y a vingt ans, qui a amené les gouvernements successifs à mettre en place une véritable révolution du système éducatif, impensable chez nous. Ensuite d'une stabilité des décisions prises au cours du temps, qui allaient toutes dans le même sens consensuel pour la rénovation de l'école, impensable également en France quand chaque gouvernement roucoule de ses certitudes et de ses convictions surannées "de gauche" -pfff!- ou "de droite" -pfiouu!- , et où aucun gouvernement depuis trente ans n'a réellement voulu réformer notre système scolaire obsolète hérité du XIXème siècle, et qui a si peu évolué qu'on peut retrouver dans les écrits de Marcel Pagnol et les descriptions de la façon dont son propre père organisait son enseignement un portrait assez fidèle de ce qui se passe aujourd'hui, toutes proportions gardées. Il parait d'ailleurs que c'est une fierté, on nous la ressort régulièrement, on nous bassine oui, avec les "hussards de la République" que j'emmerde et conchie avec conscience car leur temps est passé depuis belle lurette. Oserai-je rappeler aux thuriféraires de la troisième république que nous sommes en 2013? Syndicalistes imbéciles et journalistes merdeux qui nous tartinez quotidiennement votre suffisance, votre inculture et votre incompétence, allez donc vous faire satisfaire d'une quelconque façon, vous vous ferez plaisir et vous nous lâcherez un peu.

Bref, notre système scolaire est sclérosé, nous le savons, nous ne faisons rien pour y remédier. Ou si peu. La volonté de notre présent ministre de l’Éducation nationale, si elle me semble indiscutable, est si peu ambitieuse qu'elle n'est finalement que l'équivalent logique, dans un contexte politique tel que le nôtre, d'un cautère sur une jambe de bois. Mais nos élus sont à notre image: manque de compétence, manque de courage, manque d'ambition, manque de vision. Et je parle bien que notre classe politique dans son ensemble, gauche, droite et centre confondus dans le néant des idées et la négation de la réalité. La Nation des lumières est tombée bien bas.

L'article du Nouvel Observateur se termine par une évidence, qui de plus serait dans notre système la première mesure à prendre pour un politique conscient -au sens premier du terme-; je cite:

La responsabilité

"Le contrôle n’est pas le meilleur moyen d’imposer une politique, martèle Pasi Sahlberg. Mieux vaut faire confiance". Depuis la réforme en Finlande, les directeurs d’école et les professeurs ne sont plus inspectés par l’administration centrale, dont les effectifs ont fondu. Ils sont les décideurs dans leurs établissements. Et se sentent responsables de leurs résultats.

En France ? Qu'attend-on pour en faire autant?

Effectivement, qu'attend-on? J'ai largement évoqué sur ce blog la phénoménale pyramide du système éducatif français dont la compétence est inversement proportionnelle à sa hauteur et à son étendue. Rappelez-vous, je ne le dirai jamais assez, qu'il faut dans cette gabegie institutionnelle qu'est l’Éducation nationale un fonctionnaire dans un bureau pour en gérer quatre sur le terrain! C'est effarant. D'autant, je le rappelle également, que la majeure partie de ces fonctionnaires incompétents et grassement payés -alors que les enseignants français sont parmi les plus mal rémunérés, et de loin, de l'OCDE- passent leur temps à inventer les idioties les plus abracadabrantes pour emmerder les agents de terrain et justifier leur existence. C'est la loi de Murphy poussée à son paroxysme.

Dans cette particularité courtelinesque du système éducatif français, il est un second point que montre pleinement cette fin de l'article du Nouvel Observateur et la comparaison avec le système scolaire performant qu'est celui de la Finlande, c'est celui de l'autonomie des écoles. Qu'attend-on effectivement aussi pour donner aux directeurs d'école français la libre gestion de leur établissement? Même si déjà, comme directeur, je me sens redevable envers les familles et l’État de la qualité de l'enseignement dispensé dans mon école, même si je me sens déjà redevable envers la commune de l'utilisation des locaux ou des subsides qu'elle me dispense, je n'ai pour autant aucune latitude ni maîtrise ni temps pour pleinement exercer la mission qui m'est dévolue par la Nation au service des élèves de mon école. Car je n'ai aucun statut, aucune reconnaissance institutionnelle ni juridique qui me permettrait de pleinement subvenir aux besoins des élèves de mon établissement. Combien de fois ai-je eu à déplorer ces lacunes cruelles qui limitent mes possibilités d'intervention? Je ne les compte pas, ces forfaits compliqués. Je ne suis QUE directeur d'école, se plaisent à me rappeler certains syndicats gauchisants partisans du statu quo total et littéral, comme d'ailleurs elle-même mon institution infantilisante. Hélas. La direction d'école mériterait mieux. L'image forte qu'elle porte auprès de la population serait certainement fertilisée avec les moyens nouveaux apportés par un statut clair. Mais que puis-je attendre des négociations prochaines avec les syndicats prétendument représentatifs? Pas grand chose, je le crains, en dépit des efforts constants et laborieux du GDiD, qui reste la seule et unique association représentative de la direction d'école en France. Qu'est-ce que ce serait sans le GDiD! Je n'ose pas y penser. Le plus drôle, c'est que le premier argument pour ne pas reconnaître les directeurs d'école institutionnellement est l'argument budgétaire, alors que l'argent serait facile à trouver si on faisait les coupes franches, indispensables au bon fonctionnement de ce ministère, que j'ai suggérées plus haut dans ce billet quand j'ai évoqué la monstrueuse pyramide du système éducatif français. Il suffirait d'une décision, je ne parle même pas d'une vision. Peut-être demande-t-elle du courage? Moi j'appelle cela du réalisme au service du bien public. Mais encore faudrait-il que nos élus soient vraiment au service de la Nation...

Oui, qu'attend-on?