samedi 31 mai 2014

Le choix de la responsabilité...


Drôle de période que celle que nous vivons politiquement dans notre pays... avec un Président de la République aux abonnés absents -incapable même de faire un discours sans dire une ânerie-, un Premier Ministre qui semble vouloir sauver les meubles et prendre les rênes d'un État à vau l'eau, un bipartisme mourant qui s'enterre lui-même sous les affaires de corruption et les luttes de pouvoir... La France va mal, et jamais comme aujourd'hui je n'ai senti à quel point la 5ème République, créée par et pour de Gaulle, se trémoussait dans les soubresauts d'une agonie difficile. Il faut dire que tout a été fait pour: l'élection du Président de la République au suffrage universel fut un premier coup mortel, ramener son mandat à cinq ans en fut un second. Mais c'est la Nation qui paye, avec de prétendues élites incapables de prendre la mesure du mauvais état des institutions et lois de notre pays, et qui se vautrent de façon éhontée dans la luxure, l'immoralité et la concussion. Alors que les français sans travail, sans argent, sans avenir, ne peuvent que constater avec amertume et morosité la déliquescence de la France. Comme dans l'Irlande du XIXème siècle, notre jeunesse a-t-elle une alternative à l'expatriation?

Le gouvernement lui n'a pas le choix, il est obligé de faire aujourd'hui celui de la responsabilité. Suivant en cela un Premier Ministre qui veut semble-t-il sincèrement remettre le pays sur les rails, les ministres doivent rénover ce qu'ils peuvent au sein de leur propre ministère et mettre fin à leurs manies moralisatrices qui révulsent aujourd'hui les français, comme les députés devraient cesser de légiférer à tout prix sur tout et n'importe quoi -de préférence n'importe quoi- alors que les différents codes et normes sont déjà incompréhensibles et inapplicables.

Le gouvernement pourra-t-il le faire dans le cadre de la 5ème République? Je ne le crois pas. Mais c'est au Président qu'appartient la possibilité de suggérer un changement de Constitution et une totale remise à plat des institutions. A moins que la France se charge de le lui faire comprendre, ce que je ne souhaite aucunement -nous ne sommes ni en 1789 ni en 1830- Car je ne vois que deux possibilités: attendre que l'économie et l'emploi "repartent" pour travailler sereinement sur un changement de régime -est-ce seulement probable?-; ou malheureusement y être contraint par un ou plusieurs chocs violents que je ne veux pas pour mon pays.

C'est ainsi que je préfère voir dans chaque ministère un responsable conscient nettoyer ce qui peut l'être, remettre à plat ce qui doit l'être, se concentrer sur l'action et l'accomplissement des missions. Plus d'atermoiement, plus de discours, plus de décision absurde prise à la va-vite -ce qui se paye d'ailleurs aujourd'hui très cher, et immédiatement-. S'il faut taper du poing sur la table, il n'est plus question de s'en abstraire ni de louvoyer pour ménager telle ou telle susceptibilité politique ou syndicale. Le temps n'est plus de Courteline:

"Rien ou à peu près ne survivait du beau fonctionnement d'une maison sagement ordonnée naguère, tombée depuis entre des mains furieuses, et devenue comparable à ces horloges détraquées dont s'immobilisent les rouages autour d'un cylindre affolé qui tourne, tourne, tourne sans cesse, atteint de rotation frénétique."

L'heure n'est plus des Soupe, Letondu ou La Hourmerie, l'heure n'est plus des Légions d'honneur ou des Palmes Académiques, l'heure est à une rénovation -pour ne pas dire une révolution- indispensable et attendue.

Je veux prendre l'exemple du ministère de l’Éducation nationale, que je connais bien pour y travailler depuis trente-cinq ans. On sait la complexité et l'incompétence fatales de la pyramide administrative de ce ministère, dont seuls les agents de terrain persistent tant bien que mal à vouloir exercer leur apostolat, tandis que le reste de la machine, inutile et sclérosé, ne peut plus que disperser grains de sable dans ses rouages ou ralentir la cadence. C'est ce terrain généralement reconnu et apprécié qui doit voir affirmée son autonomie, dans ses choix, ses fonctionnements, ses projets. C'est pour le primaire le directeur d'école, à la mission clairement définie et à l'existence juridique comme administrative assurées, qui doit pouvoir déterminer et décider de ce qui sera le mieux pour ses élèves et leur réussite scolaire. Foin des attentes, des obstacles, de l'indécision. Une responsabilité, cela ne peut se partager.

En prenons-nous le chemin? Le "référentiel-métier" qui devrait prochainement paraître est un premier pas timide mais nécessaire, à condition d'être correctement écrit. Mais qu'en est-il du reste? Les décisions tardent, sont hésitantes. Il faut dire que les puissants organes menacés que sont les différentes directions du ministère traînent les pieds ou freinent des quatre fers. Que de sinécures en danger d'être balayées!


Et puis nos politiques cumulent bêtises et maladresses. M. Peillon d'abord, sincère réformateur, change les rythmes scolaires en se mêlant d'imposer aux territoires l'organisation -et les frais- de temps annexes qui ne dépendent aucunement de son ministère. M. Hamon ensuite qui à peine installé donne aux communes pour aménager ces mêmes temps la possibilité la plus idiote qui soit, celle de finalement organiser les journées en totale contradiction avec l'esprit du décret. M. Hamon encore qui unilatéralement, pour faire plaisir à un syndicat, sabre une journée d'école et réussit en une seul coup à se mettre à dos les agents de terrain et les familles de nos écoliers, et passe par la même occasion pour un séide de l'extrême-gauche, puis pour une andouille au vu de l'excuse ridicule qu'il se croit obligé de donner... Ce ne sont là que mauvais signaux. Gérer l’État, ce n'est plus faire de la politique de parti ou passer les plats, c'est faire abstraction de toute pression pour le bien-être de la Nation. Quand on gère plus d'un million d'agents, le premier employeur d'Europe, douze millions d'écoliers -et le temps de combien de millions de familles?-, on ne s'amuse pas à faire plaisir aux copains ni à ménager chèvre et choux.

Laissons à M. Hamon le temps de travailler, je crois qu'il a certainement pris conscience des enjeux qui sont désormais les siens. Rendons-lui grâce également de vouloir respecter le calendrier des travaux engagés par son prédécesseur. Mais le temps presse! Et rien n'interdirait d’accélérer le mouvement, professionnels et public sont dans l'attente d'une vraie rénovation d'un système pesant et inefficace dont les enfants payent le prix. Ce serait là le vrai choix de la responsabilité.

dimanche 25 mai 2014

Référentiel-métier? Kézaco?


La reconnaissance du métier spécifique de directeur d'école avance. En dépit du changement de ministre et des soubresauts absurdes de la réforme des rythmes scolaires, le ministère a conservé le calendrier prévu des travaux attachés à notre mission. Ce qui signifie que si tout se passe bien nous aurons dès septembre de premières avancées significatives.

Nous n'aurons pas tout, certaines mesures comme la création du Grade à Accès Fonctionnel (GRAF) n'interviendront qu'après nouvelles discussions en 2015. Mais 2014 devrait voir par exemple l'évolution nette de la formation des directeurs d'école, et surtout la finalisation du Référentiel-métier.

Référentiel-métier? Qu'est-ce que c'est que ça?

Actuellement, nos tâches varient au gré du vent, et au gré des desiderata plus ou moins justifiés des IEN ou des DASEN. Clairement nous sont parfois dévolues des responsabilités que nous ne devrions pas avoir, soit qu'elles ont été inventées par une équipe de circonscription devenue folle de paperasse, soit qu'elles soient destinées à un flicage généralisé totalement infantilisant.

Le référentiel-métier, ce ne sera ni plus ni moins que la liste exhaustive de nos missions, de nos responsabilités et de nos prérogatives qui y seront attachées. Aujourd'hui nous n'avons que deux de ces dernières, celle de la répartition des élèves, des classes et des moyens -inscrite dans la Loi-, et celle de l'admission des élèves dont nous sommes seuls responsables et qui peut parfaitement -même si beaucoup l'ignorent- ne pas correspondre aux inscriptions faites par la Mairie: si vous ne pouvez pas "admettre" un élève non-inscrit, vous pouvez en revanche parfaitement ne pas admettre un élève inscrit, et nul ne peut s'y opposer.

Ce référentiel-métier sera l'alpha et l'omega de notre mission. Personne, ni DASEN ni IEN, ne pourra vous refuser ou limiter une mission qui y sera inscrite, comme nul ne pourra vous imposer une tâche qui n'y sera pas. Seul le ministère pourra réviser ce référentiel.

Le GDiD, que le ministère a plusieurs fois sollicité sur ce sujet comme représentant réel des professionnels de terrain, va prochainement participer à sa finalisation, la première mouture ayant dû normalement être récemment remise à M. Hamon, et restera attentif à son applicabilité. La qualité du texte est primordiale pour qu'il soit rapidement compris, pris en compte et maîtrisé par les directeurs d'école. Il en est évidemment de l'intérêt du ministère, qui a vu suffisamment de réformes capoter pour avoir peut-être enfin réalisé que l'implication des directeurs est indispensable à la réussite d'une directive quelconque. Il en est également de l'intérêt des IEN, que ce référentiel amènera à redéfinir aussi leur mission une fois la nôtre clarifiée et certainement assainie des diverses scories plus ou moins locales.

Non, ce n'est pas encore un statut. Mais c'en est la première étape indispensable. Les nouveaux directeurs connaîtront désormais l'intégralité de leur mission comme son cadre, ses limites et ses prérogatives, ils seront formés spécifiquement pour cette mission, les jurys pour la liste d'aptitude sauront quoi leur demander, les IEN sauront ce qu'ils ne peuvent pas leur réclamer... Le GRAF, qui a le mérite d'autoriser le retour à son corps d'origine, deviendra alors clairement un statut spécifique de directeur d'école. Il restera le souci du retrait éventuel de mission, comme le montre l'ahurissante affaire Jacques Risso, mais ceci fera certainement l'objet d'un autre débat. Néanmoins il sera désormais plus compliqué d'effectuer un retrait de ce genre du fait du prince car il faudra clairement pour un DASEN démontrer que le référentiel n'a pas été respecté. Ce sera donc tout de même aussi un filet de sécurité pour les directeurs d'école.

Bref les choses avancent. Il restera à définir et à nous donner une qualité juridique particulière qui nous évitera de "payer" pour autrui et peut-être nous permettra d' "acter" dans certains domaines. Il restera aussi à nous octroyer certains avantages -points, accès à la hors-classe, traitement ou indemnité...- qui attireront à cette mission difficile mais qui peut être exaltante une nouvelle génération de directrices et directeurs d'école, au lieu d'être aujourd'hui le repoussoir que l'on connait. Soyons patients, nous y sommes presque.

mercredi 21 mai 2014

Le dirlo poireaute et s'inquiète...


Le dirlo, enfoncé dans ses admissions et tout le [...] de la fin d'année qui s'annonce, poireaute. Il attend la réalisation concrète des annonces de M.  Peillon, qui bien que disparu des écrans radars -sauf pour ceux qui s'occupent des canaux de France- avait lancé quelques chantiers prometteurs à son sujet: référentiel, GRAF...

Bon, un changement de ministre ne facilite pas les choses, surtout quand on voit la dextérité dont fait preuve le nouveau cabinet (oui, c'est ironique). Le coup de la pré-rentrée j'en rigole encore (jaune).

Heureusement le GDiD, qui ne chôme pas (je ne sais pas comment font ces gens-là pour articuler leur mission de direction, leur vie de famille et leur vie associative bénévole) nous informe que le GDiD est reçu aujourd'hui mercredi 21 mai au ministère. Des avancées? On verra ça... Je reprends ce que dit Alain Rei, président de l'association: "Nous avons aussi travaillé à la DGSCO sur le futur réglement départemental, en mettant en avant les dificulté des dirlos pour le respect de certaines mesures. Enfin j'étais jeudi 15 à l'assemblée inaugurale de l'ORTEJ, avec entre autre le SIEN UNSA, le SGEN, l'ANDEV, la FCPE, les éclaireurs de France, les Francas, et d'autres que j'oublie..."

Une chance que l'association soit là, histoire de se remonter un peu le moral. Alain, c'est quand tu veux pour boire un coup à la maison. Les autres aussi, Pierrot, Patrick, Samuel...


Le dirlo s'inquiète aussi, de ces lois successives sur la "famille" que les obsédés de la gestion morale et de l'équité sont en train de nous pondre. Le dirlo bosse en maternelle, et ne doit remettre l'enfant qu'à une personne légalement accréditée. D'autre part, le dirlo doit déjà quasiment faire chaque paperasse en double parce que la Loi reconnait les mêmes droits aux deux parents tant qu'il n'y a pas jugement contraire d'un magistrat responsable (au passage, je remercie ce dernier des derniers jugements connus, clairs et sans ambiguïté et qui font du bien en me simplifiant le boulot). Avec les nouveaux droits des beaux-parents ou autre ajout familial (je m'attends à tout, même au chien ou à l'arrière-grand-mère), faudra-t-il tout faire en double, en triple, en quadruple? Faudra-t-il consulter une liste longue comme le bras de gens autorisés à prendre l'enfant, ou vérifier que celui-ci qui vient le chercher en avance pour une quelconque raison a le droit de le faire puis se faire tabasser à l'heure de la sortie par un parent ou assimilé furieux qui n'avait pas été prévenu? Jusqu'à présent, pour toute décision, l'accord d'un des deux parents supposait légalement l'accord de l'autre, qu'en sera-t-il bientôt? Un beau bordel s'annonce. Le législateur est bien mignon, mais le législateur ne pense JAMAIS aux côtés pratiques de sa décision. Qu'est-ce qu'on s'amuse! Quelle beau métier, quelle belle mission!

Le dirlo retourne à ses cadeaux de fête des mères, il a trente papillons en plastique fou à faire cuire. Oui, le dirlo a aussi une classe à plein temps.

dimanche 18 mai 2014

La rupture...


Voilà, ça y est, la rupture est consommée. L'union contre-nature de l'école primaire et de l'enseignement secondaire a bien vécu.

Il faut dire que c'était l'union de la carpe et du lapin: fonctionnements différents, salaires différents, statuts différents, temps de travail différents... donc intérêts forcément divergents. La réussite d'un couple tient en grande partie au respect mutuel et à la considération que chacun a pour l'autre. Quand il n'y a qu'incompréhension et mépris, le divorce est logique et rapide.


Mais il ne s'agissait que d'un PACS, non d'un mariage. Chacun va reprendre ses billes sans souci, même les meubles n'avaient pas été achetés en commun. Avec deux lits jumeaux, ce sera simple, car il n'a jamais été question de coucher ensemble.

Je parcours ce matin les sites syndicaux, comme chaque jour, pour voir ce qui y est dit de ce report fumeux de la pré-rentrée et de la rentrée des élèves. Il n'y a pas trente-six façons de voir les choses, il n'y en a que deux, ceux qui s'en félicitent et crient à la victoire, ceux qui y voient une catastrophe. Dans le premier camp en gros les syndicats du secondaire; dans le second les syndicats du primaire, sauf un. Difficile de faire plus clair.

J'écarte les sites qui ne sont pas à jour -et en fait le sont rarement, voire jamais-. Il existe des syndicats qui fonctionnent encore comme à l'âge de pierre, et ne comprennent pas l'importance du réseau, ou utilisent des programmes anciens aussi bien fichus que ceux élaborés en interne par l’Éducation nationale... je sais ce que je veux dire! Par charité chrétienne je laisserai ces sites et ces syndicats de côté.

Le SNES jubile! Comme l'indiquait son "twwet" qui a fait le tour du pays, c'est pour ces gens-là une grande victoire syndicale que ce report, leurs vacances ne sont pas touchées. C'est tant mieux pour eux, leurs affidés s'en félicitent aussi, nombre de commentaires sur Facebook ou sur les sites des quotidiens exprimaient fièrement -avant qu'on sache que la rentrée des élèves était également reportée- que de toute façon cette journée "ne servait à rien". Je ne ferai pas de commentaire, mes deux derniers billets sont de ce point de vue suffisamment éloquents. Les commentaires du public aussi, qui nous conchie avec vigueur à longueur de colonnes et relance l'image de feignants, de nantis, de profiteurs. Merci le SNES. Le syndicat fait aussi l'éloge d'un billet d'Arnaud Parienty, agrégé d'économie et membre de la FSU, qui comme de juste se réjouit pour les "salariés" et se permet de donner des leçons à tout le monde sans réaliser une seconde qu'il emmerde 335 000 professeurs des écoles, ce qui prouve bien que ce "penseur" et moraliste auto-proclamé ne connait rien au fonctionnement des écoles. Eh, ne rigolez pas, c'est ce genre de bonhomme qui est convié par le ministère dans les groupes de travail et autres conseils. Si vous vous faites scalper un peu plus chaque année, chers collègues du primaire, c'est un peu à lui que vous le devez.

Le SNALC avait lancé les hostilités, c'est lui qui menaçait le ministère de l’Éducation nationale d'une grève à la prochaine rentrée. M. Hamon les a entendus -avec quelle oreille?-. Le site du SNALC indique que "le ministre a reporté la prérentrée au 1er septembre à la suite du dépôt de préavis de grève du SNALC pour le 29 août". Joie! Félicité! Que du bonheur! Et avec une incompréhensible logique, ce syndicat étrange précise que "les instituteurs et professeurs des écoles n'ont jamais attendu une quelconque officielle prérentrée pour venir préparer dès le mois d'août leur salle, les cahiers, le matériel, les fournitures… sans aucune contrepartie jusqu’à ce jour, dans le seul but de tout mettre en œuvre pour le meilleur accueil de leurs élèves." J'aimerais qu'on m'explique pourquoi il y a lieu de se réjouir de ce report qui soit va alourdir nos journées de travail puisqu'il faudra "rattraper" la journée manquante, soit manquera aux élèves dans le cas contraire. J'aurais pour ma part préféré largement qu'on reconnaisse administrativement ma présence dans mon école plusieurs jours en amont de la rentrée. Je suppose que c'est un raisonnement de prof du secondaire. Vous noterez tout de même que le billet du SNALC n'a été publié que le 17 mai, soit après que les professeurs des écoles et certains syndicats du primaire aient fait entendre violemment leur voix divergente. C'est ce qu'on appelle je suppose du réalisme politique. N'oublions pas que les élections pro auront lieu en fin d'année... J'adore l'absence de finesse des manœuvres syndicales!

Le troisième syndicat à se réjouir du report, c'est la CGT. Est-ce que ça vaut le coup d'épiloguer?

Notez que ces trois syndicats "s'opposeront" -c'est leur mot, c'est leur credo, leur confiteor- au "rattrapage" de la journée de classe manquante. Merci pour nos élèves, merci pour l'image de la profession que vous voulez faire passer, nous étions trop bien vus cela n'allait plus.

Du côté de ceux qui gueulent, nous trouvons pour la première fois depuis longtemps les deux grandes centrales syndicales du primaire, le SE-Unsa et le SNUipp. Ces deux là méritent des traitements différenciés. C'est le SE qui a dégainé le premier avec une expression très claire, je lui en rend grâce, dénonçant pêle-mêle la précipitation, les cafouillages, l'absence de concertation et la méconnaissance des fonctionnements du primaire. Aujourd'hui le SE s'oppose au rattrapage avec deux arguments forts que je partage totalement: "Ce n’est pas aux enseignants de faire les frais d’une gestion calamiteuse de ce dossier !" et "Terminer le lundi 6 juillet n’a vraiment pas de sens. Quant à la récupération sur l’année scolaire, elle est source de difficultés comme cela a déjà été le cas cette année, au prix de complications et de malentendus dont les enseignants n’ont vraiment pas besoin. Dans le premier degré, cela devient un casse-tête chinois avec la réforme des rythmes : travailler deux mercredis entiers n’est acceptable ni pour les élèves ni pour les enseignants !"

Le SNUipp a aussi été très clair et pour une fois rapide en exprimant que "l’École et les enseignants se sont retrouvés au centre de communications confuses et incompréhensibles". Comme le SE, le SNUipp rappelle que "Depuis toujours, les enseignants n’attendent pas le jour de la rentrée pour lancer leur année scolaire. Préparations de classe et programmations pédagogiques ne tombent pas du ciel et les enseignants s’y attellent bien avant le « jour J »." Le SNUipp s'oppose aussi au "rattrapage": "Les familles et les personnels n’ont pas à faire les frais de ce dossier très mal géré par le ministère." La question que je me pose maintenant quant au SNUipp, c'est celle de sa présence au sein de la FSU. Depuis plusieurs années maintenant, et je l'ai déjà dénoncé ici, le SNUipp compte pour du beurre dans cette fédération et n'est qu'un jouet amusant aux mains calleuses d'un SNES surpuissant et sourd aux besoins du primaire. Pourquoi persister?

Au passage, je souligne que le Conseil national du SNUipp a fait paraître ce matin un "texte action" proposant un certain nombre de constats sur l'état de l'école primaire et définissant un certain nombre d'actions pour l'avenir. Il n'y a dans ce long texte pas un seul mot sur les directeurs d'école. Pour le SNUipp nous n'existons toujours pas, et ne méritons même pas d'être seulement cités un fois. Chers lecteurs de ce blog, je ne doute pas que vous saurez apprécier ce détail à sa juste mesure.

Il existe d'autres centrales syndicales. Pour FO, c'est le silence radio. Leurs divers sites sont déjà fort mal tenus, mais peut-être est-ce aussi bien que FO ne s'exprime pas sur le sujet, parce que si c'est pour faire comme la CGT, autant qu'ils la bouclent.

Le SGEN-CFDT non plus ne dit rien sur son site national, mais la cause en est peut-être aussi une légère indifférence à l'internet, car j'ai trouvé sur le site SGEN-CFDT de ma région un article indigné malheureusement arrêté au jeudi 16 et à la pure et simple suppression de la journée de pré-rentrée: "La suppression de cette journée laisse entendre que ce travail de préparation de l'accueil des élèves était sans intérêt, ce qui est scandaleux pour tous les collègues qui s'y investissent chaque année. Le résultat de cette décision est que ce travail préparatoire sera effectué et organisé clandestinement, sur la base de l'investissement de quelques uns et à l'initiative des chefs d'établissement." Je me réjouis de ces mots, même si j'aurais apprécié une mise à jour le vendredi, et même si je dois rappeler à celui qui les a écrits que les directeurs d'école NE SONT PAS chefs d'établissement. Mais bon, c'est un bel effort.

Les autres syndicats, les petits et les sans-grade, ne s'expriment pas non plus sur cette question du report de la rentrée. Je ne leur en veux pas, ils sont si petits que j'imagine qu'il leur est très compliqué de tenir leur site à jour. J'aimerais bien quand même qu'ils en comprennent toute l'importance en 2014. C'est leur intérêt aussi d'être connus avant les élections professionnelles.

Bref, comment pourrais-je résumer ce billet? Il existe une nette rupture désormais entre le primaire et le secondaire. Outre l'ignorance et le mépris que j'ai décrits dans mon article précédent, il est clair désormais qu'entre professeurs des écoles et professeurs du secondaire les intérêts sont divergents. Nous devons le comprendre et l'accepter, afin de défendre au mieux nos intérêts. Le statut des directeurs d'école en fait partie, comme la reconnaissance du travail que nous effectuons sans qu'il soit seulement repéré ni évidemment reconnu -en temps comme en qualité-, comme les différences ahurissantes de  nos salaires à qualifications égales. La rupture est consommée, elle doit être entérinée par nos syndicats, afin que nos revendications soient enfin considérées par le ministère. Ce sera peut-être finalement une chance pour l'école primaire publique que nous aimons et pour nos missions que nous effectuons avec tant de cœur pour nos élèves et les familles.

samedi 17 mai 2014

Le mépris et l'ignorance...


Le psychodrame que les enseignants du primaire viennent de vivre avec cette cacophonie gouvernementale autour de la journée de pré-rentrée est avant tout révélateur de l'état de déliquescence d'un système qui est à bout. Les enseignants n'en peuvent plus des refus, des atermoiements, des changements et retournements de veste à répétition. L’Éducation nationale a besoin de sérénité pour fonctionner correctement, et rien n'est fait pour nous l'apporter.

Deux mots viennent à mon esprit pour définir proprement les causes de la faillite du système, ceux d' "ignorance" et de "mépris".

L'ignorance, c'est d'abord celle de la pyramide institutionnelle, qui du ministre jusqu'aux Directeurs académiques, tous issus de la société civile ou de l'enseignant supérieur ou secondaire, ignorent totalement comment fonctionne l'école primaire. Quand j'écris "totalement", j'utilise ce terme à bon escient: une collègue directrice d'école me racontait comment un DASEN qui avait mis les pieds dans son école maternelle à l'occasion de je ne sais quelle inauguration ou rentrée lui avait demandé de rencontrer son secrétariat pour en saluer les personnels. Dois-je préciser à mes lecteurs que les directeurs d'école n'ont pas de secrétariat, qu'ils sont seuls pour assumer leur mission, et souvent en restant chargés de classe? Notre administration ne comprend rien à nos fonctionnements, mais pire encore n'a aucune idée de leurs contraintes ni de leurs exigences. Ils s'imaginent certainement que nous arrivons dans nos classes les mains dans les poches pour y faire du macramé, et tombent des nues quand on essaie de leur faire comprendre les doutes et les difficultés qu'entraînent un enseignement des compétences et des connaissances à des enfants entre trois et onze ans. C'est le même constat pour ce qui concerne l'administration locale des écoles: autant le secondaire bénéficie de chefs d'établissement qui peuvent y consacrer uniquement leur temps, secondés par un secrétariat et une intendance, avec un réel pouvoir, une vraie reconnaissance, une réelle autonomie de moyens et de choix... et un salaire digne, autant les directeurs d'école du primaire restent la plupart du temps chargés de classe, sans pouvoir ni autonomie ni maîtrise des moyens financiers, sans reconnaissance juridique ni institutionnelle... et avec un traitement indemnitaire indigne. Pourtant de nombreuses écoles comptent autant d'élèves voire plus que certains collèges. Allez comprendre.

Le mépris, c'est aussi d'abord celui de l''institution. Mépris financier pour commencer. Alors que les dépenses éducatives de notre pays sont à un niveau comparable à celui des autres nations de l'OCDE, la France les répartit très mal et investit très peu dans l'enseignement fondamental, tout en serinant à longueur de temps l'importance de l'enseignement primaire. Cette mauvaise répartition se traduit par une disparité de moyens avec par exemple des classes de plus en plus chargées, mais aussi par une disparité géographique, et également par une disparité des traitements alloués aux enseignants. Cette dernière a des raisons historiques, mais aujourd'hui que les enseignants du primaire et ceux du secondaire reçoivent la même formation au même niveau de diplôme, elle est devenue incongrue et discriminatoire. M. Peillon, que le Président de la République a choisi de sacrifier sur l'autel de son confort politique, et que les enseignants du primaire regrettent tant enfin un ministre donnait l'impression de réellement vouloir réformer l'institution, avait commencé à combler ce fossé salarial en accordant aux professeurs des écoles une indemnité semblable à l'ISOE du secondaire, certes moins élevée mais c'était déjà un bel effort vues les difficultés budgétaires de l’État. Que fera M. Hamon, qui ne connait rien au système éducatif? Pour l'instant il semble plutôt écouter les sirènes syndicales du secondaire, et ne donne pas gage d'avoir conscience du problème.


Mais il existe aussi un mépris autre que financier de la part de notre institution. L'enseignement primaire, s'il est ignoré, est aussi méprisé pour des raisons plus obscures et certainement historiques. La plupart des hauts fonctionnaires qui phagocytent les diverses Directions académiques, rectorats, Inspections générales et autres, sont issus de l'enseignement secondaire ou du supérieur, ou viennent d'autres corps, et sont imbus de leur supposée supériorité intellectuelle sur des enseignants qui étaient embauchés à dix-huit ans et ne fréquentaient que l'école normale. Vous croyez que j'exagère? Si seulement! Alors que chez nos voisins une haute considération est accordée par la population et les instances dirigeantes à leurs enseignants du "fondamental", la France se targue de ses élites et n'accorde qu'une attention amusée à ces "instits" supposés feignants, incompétents, syndiqués, trop bien payés pour ce qu'ils font. L'image colportée par les médias, l'internet, ou l'institution elle-même, est confondante d'irréalité comme de cynisme. Elle ne donne pas envie de s'investir, ce que pourtant continuent à faire à fond mais avec de sérieux états d'âme ces "nantis" et ces "privilégiés" pour sortir leurs élèves de la mouise.

Autant dire que la cacophonie de ces derniers jours autour de la journée de pré-rentrée ne va pas améliorer cette image. Car bien entendu si la pré-rentrée est repoussée c'est de notre faute. Que le ministre de l’Éducation nationale ait voulu donner des gages de bonne volonté aux syndicats du secondaire importe peu, nous sommes considérés aujourd'hui une fois de plus comme des profiteurs. Et quand le ministre raconte que c'est la faute au programme de gestion des payes du ministère, qui va le croire? Il faut dire que l'argument est un peu gros. Allez voir expliquer ça à nos parents d'élèves, tiens! Car nous, dans le primaire, nous les voyons quotidiennement, et pas uniquement lors de vagues rencontres trimestrielles de dix minutes comme les professeurs du secondaire.

On peut en parler, des professeurs du secondaire... Je lisais dans certains commentaires d'articles sur le net des déclarations de profs déclarant la bouche enfarinée que cette suppression (avant qu'en fait un simple report des journées soit annoncé... le lendemain) était une excellente chose, car la journée de pré-rentrée ne servait à rien. Nous sommes bien dans l'ignorance. D'abord celle de l'institution qui n'a pas compris que le secondaire et le primaire ne fonctionnent pas de la même façon, et que leurs intérêts peuvent être totalement divergents. Je veux bien croire -si je suis les commentaires que j'ai lus- que les professeurs de collège et de lycée peuvent se mettre d'arriver en sifflotant le même jour que leurs élèves. Dans nos écoles ce n'est pas le cas, et manifestement ces professeurs l'ignorent. La journée de pré-rentrée est une nécessité, pour reprendre contact entre adultes et avec les personnels qui nous assistent -services techniques, ATSEM...-, connaître l'état ultime des répartitions d'élèves, préparer leur matériel et le matériel collectif, organiser tables et chaises, préparer les cahiers... Les directeurs d'école, eux, sont sur le pont depuis plusieurs jours, car il a fallu mettre tout ça au point, inscrire des élèves retardataires ou qui ont emménagé pendant les vacances, répartir le matériel commandé avant les vacances, faire le tour des bâtiments pour en vérifier l'état et faire éventuellement effectuer les réparations nécessaires à la sécurité des élèves, j'en passe et des meilleures. Le directeur y consacre trois, quatre, cinq jours ou plus... pour une seule journée reconnue par l'institution, celle de pré-rentrée, alors qu'il serait bien content qu'on tienne administrativement compte de sa nécessaire présence depuis déjà longtemps. Pourquoi nécessaire? Parce que sans cet investissement bénévole toute l'école primaire française partirait à vau-l'eau. Et que le directeur d'école n'a au fond qu'une seule envie, qui lui a fait en toute conscience choisir cette mission, celle de voir son école "tourner", c'est à dire épargner à ses enseignants toute difficulté pour qu'ils puissent sereinement se consacrer à leur enseignement, voir les élèves heureux et souriants venir à l'école en courant tant ils s'y sentent bien, des familles satisfaites accueillies avec plaisir s'y investir si besoin est.

C'est un travail de longue haleine, qui se prépare bien en amont. c'est bien pourquoi au-delà de l'ignorance je dois bien parler de mépris pour l'école primaire de la part des enseignants du secondaire et de leurs syndicats. Au fond pour ces gens là l'école primaire n'a pas d'importance, ils estiment que c'est à partir de la sixième que se fait tout le boulot, qu'en maternelle on fait la sieste et du coloriage en qu'en élémentaire les enseignants sont des incompétents qui n'arrivent même plus à enseigner les bases de la lecture et du calcul. J'exagérerais encore? Combien de fois m'est-il arrivé de discuter avec des profs du secondaire pour réaliser qu'il ne fallait pas gratter beaucoup pour que ressorte cet état d'esprit! C'est bien aussi l'impression désagréable laissée par les multiples "tweets" de ces derniers jours émanant du SNES ou du SNALC. Je me rappelle cette fable utopique colportée dans les années 70 d'un "grand corps unique" de la maternelle au baccalauréat. Quelle mauvaise blague! Depuis de nombreuses années maintenant tous les enseignants sont à bac+5, reçoivent la même formation au même niveau de diplôme, et la scission perdure. Peut-être faudra-t-il attendre encore quinze ou vingt ans.

En attendant, je ne peux que me contenter de constater les effets pervers de cette décision ministérielle de reporter la journée de pré-rentrée au 1er septembre, et de décaler d'autant la rentrée des élèves. D'abord je l'ai écrit plus haut l'image donnée par l’Éducation nationale est catastrophique. Comme si on avait besoin de ça! Ensuite cette journée qui va manquer à nos élèves devra être "rattrapée", ce qui n'est pas illogique. Le problème est que les écoles désormais travailleront toutes le mercredi matin, ce qui implique que cette journée manquante ne pourra être compensée que par deux mercredis après-midi. S'il était question d'améliorer les rythmes de nos écoliers, bravo c'est réussi, je ne sais pas dans quel état mes élèves de maternelle seront le vendredi soir après cinq journées d'écoles consécutives. Quant à l'état de mes collègues et le mien même... Et puis je suis directeur d'école, souvent le mercredi je pouvais effectuer une partie de ma mission, car étant à la tête d'une petite école je n'ai aucune décharge et dois donc m'occuper totalement de ma classe. Je ferai comment? Préparer le travail de mes élèves n'est pas une mince affaire, gérer mon école en parallèle sans qu'on m'en donne le temps n'est déjà pas une sinécure, me mettre en plus ce genre de bâton dans les roues ne va certainement pas faciliter mon boulot. Qu'on me demande des efforts, tiens, on va être bien reçu. Et puis il va falloir que j'explique tout ce caillon à mes parents d'élèves et à la municipalité qui va devoir aussi changer ses plans pour ses personnels... Je vais m'amuser.

Bref, le dirai-je? C'est n'importe quoi. Nous savons tous que M. Hamon est là pour acheter la "paix sociale" et la garantir à un Président de la République aux abois englué dans ses promesses. M. Peillon en a payé le prix et aujourd'hui rigole bien sur sa péniche. Mais M. Hamon aussi doit trouver la pilule amère avec la volée de bois vert qu'il se prend aujourd'hui suite au cadeau absurde qu'il vient d'accorder au SNES. Crédibilité zéro. Comment négocier désormais tous les chantiers que son prédécesseur avait lancés? Cela d'ailleurs m'effraie quand je sais à quel point certains d'entre eux sont primordiaux pour l'avenir de l'école publique. Ne rien faire, comme Jack Lang en ses temps? M. Hamon à mes yeux a réussi avec cette décision le rare exploit de se mettre à dos d'un seul coup tous les enseignants du primaire ainsi que les familles et les associations de parents d'élèves. Il a accompli la merveilleuse performance de rendre aux yeux du public les enseignants coupables d'une décision qu'ils n'ont pas prise et a rendu le ministère ridicule. Sa propre image... Car si j'y ajoute l'excuse lamentable d'un logiciel de gestion défaillant, nous touchons le fond. Vous me direz qu'il suffira d'un coup de pied pour remonter. Non, l'école dont le bateau coulait est définitivement en train de se noyer. Requiescat in pace.

jeudi 15 mai 2014

La honte!

Comme toute directrice d'école, comme tout directeur d'école, vous êtes consciencieusement à votre poste de nombreuses journées à l'avance, en fin de mois d'août, pour préparer au mieux la rentrée de vos élèves et vos collègues. Ces journées permettent de paisiblement organiser les répartitions d'élèves si quelques-unes étaient en suspend, de distribuer le matériel livré à l'école, de reprendre contact ou rencontrer nos partenaires et les personnels -ATSEM, Municipalité, services techniques...-, de gérer quelques problèmes inattendus... le tout en toute quiétude et à votre rythme.

Ce travail, le ministère ne le reconnait pas. Votre présence, le ministère s'en fout. La seule façon qu'il a de reconnaître notre investissement fut il y a quelques années de nous octroyer une journée officielle de pré-rentrée qui comptait dans notre temps de service. Il fut même un temps béni, et c'est le directeur de maternelle qui parle, où nous en eûmes deux, ce qui permettait à nos IEN de consacrer quelques heures à une importante réunion de directeurs afin de nous faire part des dernières nouveautés institutionnelles.

Cette heureuse époque est finie. Désormais cette journée de pré-rentrée qui reconnaissait implicitement le travail des directrices et directeurs d'école, tout autant que celui de la majorité de nos adjoints qui eux aussi sont souvent présents en fin de vacances, est supprimée. Les syndicats qui arguaient contre toute réalité qu'il était inadmissible de nous faire venir à l'école fin août ont eu raison du dispositif. Le microscopique Snalc et la puissante FSU ont réussi à faire se coucher le ministre de l’Éducation nationale devant leur récrimination. C'est le quotidien "Le Monde" qui nous l'annonce.

Je n'avais pas d'idée particulière sur M. Hamon, à qui j'ai souhaité ici-même la bienvenue il y a peu. Même si j'étais très méfiant quant à ses accointances passées avec l'extrême-gauche. Le vernis n'aura pas tenu longtemps, laminé par la serpillère. Je comprends pourquoi M. Delahaye est parti: entre un ministre lavette sermonné par un président de la République aux abois -"Pas de vagues, mon cher, pas de vagues!"- et des syndicats minables qui ne représentent qu'eux-mêmes (et ils s'en vantent, les bougres, ils sont contents d'eux-mêmes!), il était certainement préférable de prendre ses cliques et ses claques plutôt que de cautionner l'incautionnable.

C'est la colère qui me saisit. Je n'aurais jamais imaginé que si rapidement se dévoilerait le visage honteux du renoncement et de l'abandon de l'intérêt de l'école au profit des lubies syndicales. La belle image que voilà, qui va encore déteindre sur nous autres pauvres enseignants et directeurs d'école sur le terrain qui avons déjà si mauvaise presse, et sommes quotidiennement les victimes des familles abandonnées au bord du trottoir par un gouvernement totalement incapable. Je suis catastrophé de devoir une fois de plus expliquer l'inexplicable, excuser l'inexcusable, auprès d'une municipalité si attentive à mes besoins et de parents d'élèves qui ne comprennent plus rien. Ou court l'école? A la catastrophe. Où va l'école? Dans l'abîme.


Je suppose que comme moi vous serez à votre poste toute la dernière semaine d'août, ou presque. Sachez que cette journée de pré-rentrée qui ne sera plus là il vous faudra la rattraper d'une façon ou d'une autre, puisque c'est la mode des absurdes comptes d'apothicaire. Quand? Mais vos mercredis après-midi, bien entendu, entre deux animations pédagogiques ou autres réunions qu'il deviendra impossible de mettre ailleurs. Oui, sachez-le, le ministère refuse de tenir compte de votre temps de présence avant la rentrée officielle. Que vous soyez effectivement là et que ce soit grâce à ça que les écoles primaires françaises continuent de tourner, le ministère s'en bat l’œil. Vous n'avez pas de directeur-adjoint comme les principaux de collège ont un principal-adjoint, vous n'avez pas de secrétariat comme les principaux de collège ont un secrétariat, vous vous tapez tout le travail tout seul, que vous ayez 60 ou 300 élèves... ou pire. Vous n'aviez déjà pas le temps de remplir correctement votre mission? Vous en aurez désormais encore moins. Voilà le résultat et la réussite d'une direction conjointe ministère-syndicats de la politique éducative française. Merci la gauche, merci la FSU. L'école qui crève vous salue bien.

dimanche 11 mai 2014

Le temps, ce n'est pas de l'argent...


La DEPP, ou "Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance", une émanation statisticienne du Ministère de l’Éducation nationale, vient de sortir son "Bilan social" pour l'année 2012-2013.

Ce document de 174 pages est comme toujours une mine d'informations précieuses. On apprend des choses surprenantes au détour des pages. Tenez, savez-vous par exemple que l'enseignement primaire compte dans ses rangs 81% de femmes? Elles y sont 270870 pour 63717 hommes... Qu'on me parle de parité, tiens! D'autant que ça ne va pas s'arranger dans les années qui viennent, puisque 35% des hommes de l'enseignement primaire ont plus de cinquante ans. Une autre domaine où ça ne va pas s'arranger non plus, et j'évoquais le problème dans un billet récent, c'est celui de la direction d'école: sur 45564 directeurs d'école près de 74% sont des femmes (il se raconte pourtant que les hommes trustent ces postes-là), et 45% ont cinquante ans ou plus. On va rigoler dans les cinq années qui viennent pour renouveler cette population de directrices et directeurs. Il est largement temps que le ministère prenne les mesures qui s'imposent pour revaloriser la mission et y installer les plus compétents, sinon ça va être un beau foutoir.

Ce qui a attiré l'attention des médias dans ce "Bilan social" sont deux informations rigolotes, l'une concernant les écarts de rémunération aberrants dans le système éducatif public, l'autre le temps de travail déclaré par les enseignants. Ce qui a donné lieu à un foisonnement d'articles de presse plus ou moins fantaisistes, et sur l'internet de commentaires allègrement anonymes et souvent d'une mauvaise foi échevelée.

Le temps de travail m'a particulièrement amusé. La DEPP s'est basée sur une enquête de l'INSEE qui a demandé aux enseignants eux-mêmes le temps passé à leur travail et sa répartition entre temps devant élèves, temps de préparation ou de correction, etc. Je trouve tout cela largement exagéré (cliquez sur l'image pour l'agrandir).


J'aimerais bien par exemple qu'on m'explique les 1h40 et quelques de correction de copies des enseignants de maternelle ou les professeurs d'EPS. Et puis, plus de 44h de boulot hebdomadaire en primaire... Certes nous savons tous que nous passons de nombreuses heures dans nos écoles ou à la maison pour préparer notre travail, le corriger, nous réunir, etc. Mais plus de 44h? A moins d'être grand débutant, ou directeur d'école... Bon, admettons. Ou passons.

Le tableau des rémunérations dans l'enseignement public est très édifiant aussi. Il a en particulier donné lieu à un billet très drôle de Jean-Claude Charrié intitulé "Enseignants... et si on parlait pognon ?", que je vous laisse lire avec jubilation, même si je ne suis pas d'accord avec ses conclusions.

Effectivement je me suis penché sur la question, car on n'est mieux servi que par soi-même, et mon esprit pervers s'est amusé à croiser les informations des deux tableaux, celui des salaires et celui des temps de travail déclarés. C'est édifiant, et finalement moins scandaleux sur certains points que quelques-uns aimeraient nous en convaincre. Voici le mariage de la carpe et du lapin, appréciez! (cliquez sur l'image pour l'agrandir)


Je me suis d'abord amusé à calculer le salaire net mensuel, primes comprises. Les résultats me semblent conformes à la réalité pour le primaire, j'ai donc tendance à les estimer tels également pour le secondaire. Évidemment ce qui saute aux yeux est l'écart de rémunération absurde entre professeurs des écoles et certifiés ou PLP, alors qu'aujourd'hui conditions d'accès au métier et formations sont identiques. Concrètement les enseignants du primaire sont lésés de 400 € par mois, ce qui n'est pas rien. En revanche, en ce qui me concerne, la différence avec les agrégés et les professeurs de chaire supérieure ne me gêne pas: je considère que la Nation a besoin d'enseignants d'élite, avec des titres indiscutables comme le doctorat ou un concours sélectif comme l'agrégation, pour former correctement nos futurs ingénieurs et autres chercheurs, et pour continuer à attirer ces enseignants il faut les payer à l'aune de leurs efforts pour qu'ils ne fuient pas dans le secteur privé. Diminuez leurs émoluments et vous n'aurez plus personne pour tenir ce rôle indispensable.

D'ailleurs si on regarde les trois dernières colonnes de mon tableau pour lesquelles j'ai utilisé les heures de travail déclarées afin de calculer précisément le salaire horaire moyen, on constate que le traitement primes comprises des agrégés n'est qu'un tiers plus élevé que celui des certifiés, ce qui n'a rien de démentiel, et celui des professeurs de chaire supérieure un peu plus du double, ce qui ne me parait pas délirant non plus pour les raisons que j'ai évoquées plus haut. D'autant encore une fois que je suis extrêmement dubitatif quant aux 44h de travail attribuées hebdomadairement aux professeurs des écoles... Ah oui, j'ai extrapolé le temps de travail des professeurs de chaire en le calquant sur celui des certifiés, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas identique.

Non, clairement ce qui me choque dans ce tableau est la différence de rémunération entre certifiés, PLP, et enseignants du primaire. Elle n'a plus lieu d'être aujourd'hui si elle fut justifiée quand conditions d'accès au métier et formation étaient différentes. Et aucun argument ne me convaincra du contraire, qu'il vienne de professeurs du secondaire qui ignorent totalement l'engagement de leurs collègues du primaire ou de syndicats arc-boutés sur leurs privilèges. Je ne parle même pas (si, j'en parle!) du statut inexistant des directeurs d'école, non reconnus et non rémunérés pour leur travail, alors qu'ils sont aujourd'hui de véritables chefs d'établissement aux responsabilités étendues et aux devoirs prégnants. Je le répète, près de la moitié des directeurs d'école vont prendre leur retraite dans les cinq ans, il est urgent d'intervenir, car cette mission de plus en plus complexe et qui nécessite de vraies compétences humaines ne peut être bradée sous peine d'une chienlit généralisée. Et je n'évoque que la retraite, je ne parle pas de tous ceux chaque année plus nombreux qui lâchent dégoûtés cette mission ingrate.

Manifestement, pour le ministère, le temps, ce n'est pas de l'argent. Avec un point d'indice bloqué pour des années, vouloir accueillir chaque année de nouveaux enseignants enthousiastes à bac+5 ne peut plus être qu'un vœu pieux. De moins en moins de candidats se présentent pour remplacer une classe d'âge qui part en retraite, les concours commencent à être soldés faute de combattants, la profession déjà largement féminisée le sera bientôt encore plus tant le seul et dernier attrait de ce métier est celui des vacances scolaires identiques pour parents et enfants. Attention d'ailleurs sur ce dernier point! Le décret Hamon autorise le raccourcissement des vacances d'été, c'est au risque de dégoûter un peu plus les ultimes candidats aux divers concours de l’Éducation nationale! Éducation nationale que je sens chaque année un peu plus bradée alors que le métier d'enseignant est le plus beau métier du monde: quelle plus belle mission peut-on en effet imaginer que celui d'aider à grandir nos enfants?

samedi 3 mai 2014

Français, inquiétez-vous !


L'enseignement public fait depuis deux semaines la Une de tous les médias, avec plusieurs discussions  plutôt inquiétantes à mes yeux.

D'abord la réforme des rythmes scolaires qui hors considérations politiciennes continue outre les médias à focaliser l'attention d'un public en attente, car elle n'a pour ainsi dire pas été encore appliquée. Certes un cinquième des communes françaises l'a déjà étrennée, et les échos en sont contradictoires, mais concrètement les 4/5èmes du pays n'en verront la mise en route qu'en septembre prochain. Pourquoi alors un débat aussi virulent? Tout simplement parce que ce retour à cinq matinées de travail s'accompagne d'exigences dont la portée n'a aucunement été mesurée par la DGESCO (Direction Générale de l'Enseignement Scolaire) qui l'a élaboré, et qui vont coûter la peau des fesses à des communes qui ont d'autres chats à fouetter. Les Maires s'inquiètent à juste titre pour leur budget et l’État rechigne à payer de sa poche la monstruosité qu'il a engendrée. Pourtant tout le monde s'accorde à rappeler que la suppression de l'école le samedi matin par Xavier Darcos était une imbécillité poussée du pied par le secteur touristique, ce qui en soit ne me gênerait pas si par la même occasion on n'avait pas sacrifié les élèves sur l'autel du profit. Mettre l'avenir en péril (car l'éducation est un investissement) pour quelques pépettes immédiates, c'est fort de café. Xavier Darcos a disparu du paysage, tant mieux.

Du coup, le nouveau ministre Benoit Hamon est en train de remonter la pendule à l'envers, et bien qu'il se targue de ne pas "détricoter" -ce sont ses mots- la réforme Peillon c'est pourtant bien ce qu'il est en train de faire, il est vrai pour en garder l'essentiel soit les cinq matinées de travail. Pourquoi n'a-t-on pas commencé ainsi, soit simplement, en laissant aux communes le choix d'organiser ou non le temps périscolaire? Il faudrait demander l'explication de ce mystère à un homme qui vient de démissionner, soit M. Jean-Paul Delahaye directeur de la DGESCO jusqu'à il y a quelques jours et véritable concepteur de la réforme. Peut-être daignera-t-il commenter l'actualité dans quelques semaines quand il aura digéré la faillite de sa politique. J'avais accueilli avec faveur sa nomination en 2012, ayant eu la chance de croiser cet homme à la probité reconnue. Puis j'avais déchanté et accueilli avec scepticisme et une certaine aigreur l'idée absurde de vouloir rattacher l'école au collège (la fameuse "école du socle") au lieu de faire l'inverse, cela en occultant allègrement le rôle central des directeurs d'école dans le dispositif scolaire. J'ajoute que M. Delahaye a passé du temps a finalement se battre contre le Ministère dont il était pourtant une pierre angulaire, confortant mon idée que la DGESCO est un obstacle d'un autre âge qui mériterait de disparaître, tant je suis convaincu que l'enflure du diplodocus institutionnel est en grande partie dûe à cette entité qui fait concrètement la politique éducative du pays. On ne laisse pas les choix politiques aux mains de fonctionnaires.

Que va faire M. Hamon? Héritier d'un ministère difficile en proie au doute et enlisé dans des vases anciennes, il n'aura certainement pas la partie facile, d'autant que clairement le Président de la République se désintéresse totalement de la question et ne lui fera aucun cadeau. Je ne vois hélas guère qu'une possibilité: M. Hollande va certainement lui demander de ne surtout rien faire, pour ne pas fâcher une profession échaudée ou circonspecte ni une population dubitative. M. Hamon va s'occuper à flatter des centrales syndicales dont il est politiquement proche, et j'ai bien peur que le statut des directeurs d'école ne tarde pas à passer à la trappe avec le sourire, ou du moins que les menues avancées que le GDiD avait obtenues soient presque intégralement vidées de leur sens.

Triple inquiétude pour le présent donc, avec une réforme des rythmes brinquebalante, un nouveau ministre que nous observons avec circonspection, et une DGESCO qui bien que décapitée et chancelante reste la maîtresse aveugle du système éducatif.

Par là-dessus s'est greffée une polémique ridicule déclenchée par l'inénarrable Fotinos, dont j'avais déjà écrit à quel point il pouvait parfois m'exaspérer. Familier des bonnes intentions (avec lesquelles on ne devrait pas pourtant faire de politique) et des conclusions erronées, M. Fotinos a une fois de plus souligné ces derniers jours la violence à laquelle sont soumis les directeurs d'école de la part des familles. Outre que cette violence -qui existe- n'est pas forcément la plus présente à l'école si on la compare à la violence institutionnelle ou hiérarchique qui lamine les équipes éducatives, voire parfois à la violence interne à ces mêmes équipes, les médias ont eu beau jeu de démonter le manque criant de rigueur scientifique et le peu de valeur de l'étude en question basée sur un panel volontaire à la représentativité aléatoire. Exit donc.

En revanche, la lecture des médias et surtout des commentaires qui sur l'internet suivent désormais systématiquement les articles m'a semblé quelque peu rafraichissante. Effectivement, après avoir lu et entendu pendant vingt ans que les enseignants étaient des "privilégiés", des "nantis", des "feignants" et des "incompétents", j'ai pu récemment constater un retournement de mentalité. On lit désormais que notre métier est difficile, mal considéré, très mal payé, et personne aujourd'hui ne le recommande à ses enfants. On lit que le directeur d'école est un catalyseur des aigreurs et des mécontentements. Tout cela n'est que la stricte vérité. Je me vois soulagé que soit aujourd'hui un peu oubliée la haine dont nous avons fait l'objet durant deux décennies. Soulagé mais très inquiet. Car les candidatures aux divers concours de l'enseignement en font les frais: 10% des places proposées en primaire au dernier concours n'ont pas été pourvues, et le déficit de professeurs en lettres classiques ou dans les disciplines scientifiques prend des proportions démesurées.

J'ai déjà longuement abordé sur ce blog le problème du recrutement; notre pays a besoin d'enseignants, c'est la formation de ses enfants qui est en jeu, et donc l'avenir de la Nation. Nous jouons un jeu dangereux à nous priver de formateurs en général, de formateurs de valeur en particulier si on continue à baisser les exigences aux concours comme nous le faisons actuellement. Mais comment faire autrement? Tant que les conditions de travail ne se seront pas améliorées, tant que nos "traitements" n'auront pas été franchement revalorisés -au moins au niveau de nos voisins-, il y aura pénurie. Les quotidiens sont remplis d'histoires de professeurs frappés par des élèves indisciplinés, ou de familles attendant à la sortie un directeur d'école pour lui casser la gueule. Dans ces conditions, avec le salaire que nous touchons pour un bac+5, comment voulez-vous qu'un jeune adulte s'intéresse à la transmission du savoir ou des compétences... Que dire aussi de la direction d'école? Nous sommes en période de "mouvement" dans le primaire, c'est à dire que les enseignants ou les directeurs peuvent essayer de changer de commune d'exercice, et les demandes de renseignements que je reçois sont typiques d'une époque où c'est le rapprochement du domicile qui compte -ce qui en soit n'est en aucun cas répréhensible- avant l'intérêt pour l'école proprement dite, son projet, ou le travail avec la municipalité. Je le comprends, je le conçois, je l'admets. Sans statut et mal rémunérée, réceptrice de toutes les souffrances, quel intérêt autre que celui de se rapprocher de chez soi pourrait avoir aujourd'hui la mission du directeur d'école? Mais je suis très inquiet. Dans les trois à cinq années qui viennent nous serons très nombreux à prendre notre retraite, il va falloir remplacer beaucoup de profs et de directeurs, dont les derniers à avoir fréquenté l’École normale et non l'IUFM ou l'ESPE, les derniers "instituteurs" à avoir connu une école différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Dans une école primaire déboussolée, cette perte d'expérience va être cruelle. Qui seront les prochains prochains professeurs des écoles? Et surtout seront-ils assez nombreux?

Français, inquiétez-vous. Ce sont vos enfants qui fréquentent nos classes.