jeudi 29 novembre 2012

Le dirlo en a plein le dos...


J'ai eu une journée épouvantable.

Si vous êtes directeur d'école, vous savez ce que ça veut dire: élèves odieux qui en plus bâclent leur boulot, joyeusetés diverses, une ATSEM malade, coups de téléphone intempestifs, l'ordinateur du bureau qui rame comme un numide sur une trirème, un enfant qui vomit sur mes chaussures, rien ne fonctionne, tout va de travers, mal à la tête, mal dans le dos... Je finis avec une féroce envie de mordre le premier qui passe à ma portée.

Du coup, je me tourne avec une certaine colère contre mes collègues. Pas ceux de mon école, non, les collègues "en général", dindons et autres volatiles qui mériteraient pour la plupart qu'on les tire comme des palombes depuis une oueytte.

Ah ils sont jolis les professeurs des écoles, ils frétillent de bonheur avec leurs pétitions ridicules, degré zéro de l'action revendicative. Les syndicats doivent bien se marrer. Moi ça ne m'amuse pas. Pourquoi? Parce qu'ils mélangent tout et n'importe quoi. Des exemples?

- Réclamer le retour des RASED tels qu'ils étaient il y a cinq ans, dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils ont fait la preuve de leur inefficacité, est idiot. De quoi se mêlent-ils, ces pétitionnaires? Qu'on installe donc les enseignants spécialisées dans les endroits où ils sont nécessaires, en surnombre, afin qu'ils y bossent à plein temps et au sein des classes avec les élèves qui en ont besoin.

- Demander pour les directeurs d'école des journées de décharge et la "pérennisation des EVS" est une imbécillité. De quoi se mêlent-ils, ces pétitionnaires? Ils veulent nous casser la baraque ou quoi? Je ne veux pas d'EVS -se taper de nouveau la formation d'un emploi précaire, c'est à tout point de vue indéfendable-, je ne veux pas de journées de décharge, je ne veux pas de hochet, je veux un statut d'emploi clair, précis, juridiquement valide, accompagné de l'autonomie et de la reconnaissance administrative et financière qui vont avec. Je suppose que les petits mignons qui ont pondu cette pétition n'ont aucune idée de ce qu'est une direction d'école. Allez, je vous la laisse, venez, vous verrez quel régal c'est de se faire bouffer par tout le monde, les adjoints en tête.

La seule revendication que j'admette juste, c'est celle de la rémunération des enseignants du primaire. Elle est tellement ridicule aujourd'hui que ça en devient gênant. Il va falloir que je prenne un troisième métier en soirée pour faire tourner mon ménage? Oui, j'ai déjà deux métiers, j'enseigne à 29 petits monstres et je suis en plus directeur d'école, sur mon temps libre évidemment, comment voulez-vous faire autrement. En plus je suis payé à coups de garcette. Alors un troisième métier, pourquoi pas, ce ne serait certainement pas plus pénible que les deux premiers. Et certainement mieux rémunéré. Les professeurs des écoles, cadre A, sont même par l'INSEE considérés depuis 2003 comme exerçant une profession intermédiaire. Encore un ou deux ans à ce régime et nous tomberons tête baissée dans le lumpenproletariat. Quelle alléchante perspective, surtout pour un directeur d'école qui, malgré une indemnité qui s'apparente à une aumône, se décarcasse quand même pour son école.

Pourquoi tête baissée, au fait? Le Général de Gaulle disait que les français sont des veaux; que sont alors les enseignants de ce pays, incapables de revendiquer leur dû de façon constructive? On dirait un regroupement de gamins immatures qui tapent du pied la figure toute rouge en criant "non". Quant aux directeurs d'école, qui se laissent bouffer la laine sur le dos sans réagir depuis des lustres, que sont-ils sinon des moutons bêlants bons pour l'abattoir? Qu'attendent les directeurs des écoles publiques françaises pour rejoindre comme moi le GDID et une bonne fois pour toute lui donner par le nombre la légitimité la plus totale face aux syndicats et au ministre lors des négociations qui s'ouvriront en janvier prochain? Non, tout ce petit monde se contente de s'agiter sur internet en se donnant l'illusion de l'importance qu'il n'a pas, et tape joyeusement sous pseudonyme -dans ce monde là, monsieur, on est trop lâche pour donner son vrai nom- sur ceux qui agissent vraiment.

J'ai envie de mordre, je vous dis.

samedi 24 novembre 2012

Le patron change... les idées aussi ?


Ainsi donc M. Jean-Paul Delahaye est devenu le nouveau Directeur Général de l'enseignement scolaire (DGESCO). Il remplace à ce poste M. Blanquer, qui y était depuis 2009. Disons-le tout net, M. Blanquer n'a pas démérité: fidèle serviteur de l’État, M. Blanquer a vigoureusement fait ce qu'on lui demandait de faire et appliqué ce qu'on lui demandait d'appliquer. A défaut de discernement, il y avait là de la loyauté. Soit...

On ne peut tout de même nier que cette nomination de M. Delahaye fait passer entre mes épaules un agréable souffle d'air frais. J'ai souligné dans un précédent billet à quel point il était nécessaire de nettoyer les écuries d'Augias qu'est ce ministère de l’éducation nationale aux effectifs pléthoriques et à la bureaucratie délirante. Le ménage a commencé, j'en rends grâce à M. Peillon. D'autant que M. Delahaye a tout pour me plaire. D'origine très modeste, M. Delahaye a gravi tous les étages de l'ascenseur républicain à force d'intelligence et de travail. Il fut professeur d'histoire en collège neuf ans, et connait donc le système de l'intérieur, même si ce fut à une période -de 1973 à 1982- fort éloignée des questions d'aujourd'hui. Il fut IEN, il fut Inspecteur d'académie (son passage en Côte d'or, s'il fut bref, laissa une impression d'autant plus agréable que ce ne furent le cas ni de son prédécesseur ni de son successeur -son départ fut regretté-), il fut Inspecteur Général, Chargé de mission; il obtint si je ne m'abuse un doctorat en Sciences de l'éducation en  2003 sous la férule de Claude Lelièvre... L'itinéraire de M. Delahaye est remarquable.

Comme directeur d'école, sans en attendre trop, j'attends néanmoins beaucoup de cette nomination. M. Delahaye est un homme ouvert, qui discute et sait écouter.

«Nous allons mettre en œuvre de grands chantiers, liés à la refondation de l'école. Mais les changements ne sont pas uniquement liés à la loi d'orientation et de programmation pour l'école. Il y a une rentrée 2013 à préparer avec toute une série de mesures importantes», a-t-il dit récemment, en évoquant «de lourdes responsabilités».

Parmi ces grands chantiers, celui de la direction d'école me semble à la mesure de cet homme réputé droit, et homme de conviction. Saura-t-il comprendre à quel point la question des directeurs d'école est cruciale pour une "refondation" du système? Saura-t-il voir que de nombreuses mesures peuvent être immédiatement prises sans que soit de quelque façon obéré le budget de l’État... en attendant plus et mieux évidemment. Mais affirmer l'autonomie des écoles, en réplique aux volontés hégémoniques inefficaces des IEN, ne coûterait rien. Supprimer l'aide personnalisée pour les directeurs d'école non plus. Et reconnaître comme souligner publiquement notre importance et nos rares prérogatives ne pourrait que nous passer un peu de baume au cœur, ce dont nous avons fortement besoin. Tout cela en attendant les nécessaires négociations qui commenceront au premier trimestre 2013, qui en revanche montreront que beaucoup de solutions existent pour clarifier légalement et juridiquement la position des directeurs d'école, en attendant l'indispensable statut particulier que le GDID saura mettre en avant. Faudra-t-il attendre plus que prévu? Beaucoup peut-être dit et fait d'ici deux ou trois ans...

mercredi 21 novembre 2012

Le report de la réforme des rythmes scolaires, ce n'est pas une bonne chose...


Dans un discours prononcé devant l'Association des maires de France (AMF), François Hollande a entériné mardi le report partiel de la réforme des rythmes scolaires à 2014. Elle «s'étalera sur deux ans», a annoncé le chef de l’État, et ne se fera en 2013 que pour les communes volontaires. «Les autres prendront le temps nécessaire pour que nous puissions réussir cette réforme», a ajouté François Hollande.

Les communes qui dès 2013 reviendront à la semaine de quatre jours et demi de classe, et qui en auront le plus besoin, à savoir «les communes rurales et les communes les plus en difficulté», pourront bénéficier d'une aide (il y aura un fonds de 250 millions d'euros), a déclaré le Président de la République, en réponse aux demandes des collectivités locales.

L'AMF se félicite de cette décision. Je comprends l'AMF. Mais cette décision pose deux problèmes graves.

Interrogé le 8 novembre dernier à l'Assemblée nationale sur un report de la réforme à 2014, Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, avait évoqué les élections municipales de 2014 et indiqué : «Le report de la réforme nous garantit-il vraiment que tout le monde serait beaucoup plus enthousiaste en 2014 ? […] Je continue personnellement de penser que, dans l'intérêt des élèves, nous devons faire cette réforme à la prochaine rentrée.» Du côté des syndicats d'enseignants, le discours du président de la République inquiète le SE-Unsa qui redoute «une réforme des rythmes à la carte».

Je suis d'accord avec eux. Le report à la rentrée de septembre 2014 implique que le changement devra être appliqué par une municipalité nouvellement élue (au mois de mars qui aura précédé) sur un budget élaboré et voté par la municipalité précédente. Autant dire que c'est ouvrir la porte aux abus de toutes sortes, aux petites vengeances, aux rancœurs plus ou moins cachées. Alors qu'une application en septembre 2013 laissait largement le temps aux communes d'élaborer un budget équilibré, prévenues comme elles le sont depuis plusieurs mois. Je trouve cet argument budgétaire fallacieux, même si encore une fois je le comprends.

La seconde question qui se pose est celle de l'autorité administrative. Les directeurs d'école et les enseignants, qui sont des agents de l’État, devront donc se plier aux décisions des Conseils municipaux quant à leur emploi du temps de l'année scolaire 2013-2014. J'y vois un précédent grave. Nous aurons en France un fonctionnement différent entre des communes voisines, ce qui provoquera de sérieuses difficultés d’organisation dans les transports scolaires, pour l'organisation des activités scolaires extérieures (quid du fonctionnement d'une structure intercommunal comme une piscine, par exemple?), pour l'organisation de leur circonscription par les IEN et de leur académie pour les DASEN... Ou alors s'agit-il dès à présent de mettre en avant l'autonomie des écoles au sein de l'éducation nationale? En adéquation bien sûr avec une affirmation du rôle prépondérant du directeur d'école dans le fonctionnement de sa structure scolaire?

Les directeurs d'école, qui sont des fonctionnaires consciencieux, appliqueront la Loi. Mais ils vont se poser beaucoup de questions.

lundi 19 novembre 2012

De l'enthousiasme à la souffrance...


J'ai débuté dans la fonction de directeur d'école un peu par hasard, à l'occasion d'une fermeture de poste, après avoir parcouru pendant vingt ans tout l'éventail de ce qu'il était possible de faire à l'époque en étant instituteur, et avoir connu tous les niveaux d'enseignement. J'avais un peu de peur au ventre -saurai-je le faire?- et certainement beaucoup d'enthousiasme.

Il faut dire que je prenais la suite d'un bon camarade, pour lequel j'avais beaucoup d'estime, au sein d'un équipe d'enseignants volontaires et qui savaient ce que "se serrer les coudes" voulait dire. Le collègue avait largement tracé la voie, et les projets que j'avais en tête ne demandaient qu'à s'épanouir. Ils le firent, sans gros obstacle, et durant deux ans ce furent des temps de forte implication, certes, mais nous savions que nous travaillions pour le bien de nos élèves, et les succès que nous rencontrions n'étaient que le fruit logique de notre investissement. Pourtant la population scolaire que nous avions n'était pas forcément des plus faciles, mais nous savions les entraîner avec nous, accompagnés de leurs familles qui toujours surent nous montrer à quel point ils étaient conscients et reconnaissants de ce que nous faisions pour leurs enfants... et pour eux-mêmes, car travaillant sur la parentalité nous les impliquions énormément dans la vie de l'école. Nous reçûmes même la seconde année un prix de la Fondation de France qui récompensait largement nos efforts, car il impliquait une forte reconnaissance extérieure que jamais nous n'avions reçu de notre hiérarchie.

Car c'est bien là que le bât blesse de prime abord. Qui parmi les directeurs d'école s'est entendu dire par ses supérieurs à quel point ils appréciaient son travail et lui en étaient reconnaissants? Je ne l'ai pour ma part jamais entendu, pendant toutes ces années d'efforts à mener tant bien que mal des équipes d'enseignants hétérogènes.

Puis, à l'occasion de deux départs dans l'équipe arrivèrent deux adjointes pour lesquelles les notions de travail d'équipe et de projet d'école n'étaient que billevesées absurdes. Je continuai ma mission de direction pendant un an, avec énormément de difficulté. Il n'est rien de pire que des gens qui traînent la patte et vous dénigrent dans votre dos. Je connus cela, avec une certaine stupéfaction peut-être due à un reste de naïveté ou d'honnêteté foncière. Que devais-je faire? Me battre quotidiennement contre d'inertes moulins? Je préférai partir, et laissai ma place à une collègue plus jeune.

Changement de commune, changement d'équipe, changement d'habitudes... Je sais que chez beaucoup d'enseignants il suffit de faire connaître d'autres pratiques pour que rapidement elles deviennent une évidence. Ouvrir l'école aux familles, les faire nous accompagner dans nos projets, susciter l'intérêt chez des élus locaux... rien de plus simple pour moi, qui ai la chance d'avoir le sourire facile et de pouvoir entraîner autrui sans trop de difficulté. Je ne me vante aucunement, c'est comme ça, c'est tout.

Mais c'est alors que je connus le désagrément de perdre des classes, les unes après les autres, et de perdre dans le même temps ma décharge de direction. Travailler en maternelle comme je le fais réclame énergie et résistance, car personne ne peut vous vampiriser comme des enfants de cet âge. J'ai connu alors les passages à vide, après six heures de classe, alors que votre mission de direction vous attend, votre bureau de directeur vous tend les bras avec ses dossiers, son ordinateur et son téléphone. Et puis, comment concilier mes deux rôles? J'accueille mes élèves en classe à l'ouverture de l'école, c'est un moment primordial que cet accueil pour un enfant de maternelle, mais c'est aussi l'heure où on me réclamera un certificat de scolarité, où le téléphone sonnera pour avertir d'une absence, où les courriers électroniques -tous urgents- tombent comme actuellement les feuilles des érables de ma cour de récréation... Et ainsi toute la journée, je passe d'un rôle à l'autre en permanence, mais je ne peux jamais oublier ma trentaine d'élèves auxquels je me dois prioritairement, et qui ont vraiment besoin de moi.

Alors vient le moment où vous laissez tomber certaines tâches, vous les remettez à plus part avec une certaine culpabilité. Vient le moment où vous êtes trop préoccupé pour pleinement aider le petit Kevin qui a pourtant tellement besoin de vous. Et vous culpabilisez toujours. Cette culpabilité devient rapidement permanente, personne ne viendra vous la prendre, surtout pas votre hiérarchie qu'elle ne préoccupe aucunement puisqu'elle persiste à vous assommer de réclamations absurdes. Vous finissez par vous y habituer, mais en réalité cette culpabilité vous ronge, accompagnée d'une fatigue lancinante qui ne vous lâche plus et s'accumule jusqu'à plus soif jusqu'à devenir de l'épuisement. Mais vers qui pourriez-vous vous tourner, puisque l'éducation nationale n'a pas de médecine du travail...

Combien de fois dans l'année avez-vous envie de quitter votre fonction? Une fois par mois, puis une fois par semaine, puis bientôt presque quotidiennement? Vous vous demandez pourquoi vous faites ce que vous faites, pourquoi vous vous escrimez autant sans contrepartie. Car vous êtes très mal payé pour toute l'énergie que vous dépensez et toutes ces heures que personne ne compte et que vous passez pourtant bien au service de votre école. Vous êtes mal considéré, car même pour vos collègues vous n'êtes rien, et surtout pas leur supérieur, ils trouveraient ça détestable. Quand vous n'êtes pas l'ennemi, celui qui répartit les élèves difficiles que personne ne veut ou les classes compliquées à gérer, celui qui voudrait qu'on fasse son service de surveillance au lieu de boire tranquillement un café. Et puis vous n'êtes pas l'alpha de l'école, vous êtes son omega, car c'est toujours vers vous que finalement tout ce qui va mal retombe. Il y a eu un accident? C'est de votre faute. Une collègue adjointe est en souffrance, ou une ATSEM, c'est vers vous qu'elle vient pleurer. Un parent mécontent réclame toujours à voir le directeur. Vous n'avez pas renvoyé un papier à votre administration, on vous téléphone pour vous dire que c'est inadmissible et vous menacer de sanction. Le RASED vient vous voir, la municipalité vient vous voir, tout le monde vient vous voir, car en acceptant une mission de direction vous êtes devenu le réceptacle de toute la misère qui s'accumule dans votre école. Cela, personne ne vous l'avait dit! Tout ce qui va mal, c'est de votre faute. En revanche, personne ne vous remerciera quand tout va bien.

Je mens. Il m'est arrivé de recevoir de la reconnaissance: de mes élèves -combien d'anciens reviennent me voir?- présents ou passés, des parents ou des grands-parents, des élus de ma municipalité. Mais jamais, jamais, je n'ai jamais rien reçu de ma hiérarchie.

J'ai aussi la chance, s'il m'est arrivé d'avoir à gérer des conflits, même parfois violents en paroles à défaut d'être physiques, de ne jamais avoir reçu de coup. J'ai été insulté, une fois, par quelqu'un qui s'en est excusé par la suite. Mais je n'ai jamais été frappé. Dieu m'en préserve, j'aurais immédiatement arrêté cette mission si exposée qu'est devenue la mission de directeur d'école. Le rapport Debarbieux/Fotinos et ses statistiques épouvantables récemment sorti m'a fortement attristé même s'il ne m'a pas surpris, car depuis quelques années que je fréquente le GDID j'ai lu suffisamment de témoignages de directeurs au bord de l'implosion pour croire que la mission de direction d'école puisse encore quelque part en France être une sinécure. Tenez, le témoignage récent signé d' "une dirlette" paru sur le site du GDID m'a profondément touché par sa véracité poignante. J'aurais eu envie de lui dire qu'elle n'est pas seule, et qu'on peut toujours s'échapper et reprendre un poste d'adjoint, avant qu'il soit trop tard. J'ai cru comprendre qu'elle voulait s'accrocher, ce qui montre une certaine force. Mais il ne faut pas en présumer non plus. Combien de directeurs d'école se sont suicidés ces dernières années? Il est en France presque impossible d'avoir des statistiques fiables à ce sujet, le rapport de l'INSERM de 2002 ayant même poussé le raffinement jusqu'à exclure des statistiques des suicides enseignants... les femmes, soit plus de 80% de sa population!

Malheureusement, un homme ou une femme en souffrance aura souvent beaucoup de difficulté à se rendre compte de la profondeur de son désespoir. Et le passage à l'acte ne peut jamais être exclu, même s'il surprend certainement jusqu'à son auteur qui ne pensait pas en être arrivé à ce point là. Combien faudra-t-il encore de temps pour que notre Nation s'occupe de ses enseignants et reconnaisse leurs mérites? Combien faudra-t-il encore de temps pour que notre Nation s'occupe de ses directeurs d'école, dont la fidélité à leur mission n'est plus à prouver? Des discussions sont en cours, parait-il. Espérons.

dimanche 18 novembre 2012

Soyez les bienvenus !


Le Confort Intellectuel est devenu un blog collectif, ouvert à tous ceux qui veulent écrire sur la direction d'école, mais dont chaque billet passe sous mes fourches caudines! Les billets peuvent être signés -ce que je recommande-, ou non. Mais ils devront respecter les limites de la bienséance, et si je n'exclus aucune diatribe bien exprimée et surtout juste dans son argumentation, je n'admettrai néanmoins aucun billet diffamatoire, grossier, outrancier, ou... anonyme. Oui, au moins par devers moi vous devrez vous faire connaître, même si vous souhaitez ne pas signer votre article. Je vous promets de respecter votre désir d'anonymat si vous l'exprimez clairement. Je ne garantis pas non plus la parution de votre billet, encore faut-il qu'il me convienne, et convienne au propos de ce blog. Mais je ferai de mon mieux, tant que notre objectif commun restera la reconnaissance effective du travail et de la mission des directeurs d'école.

Vous pouvez me joindre sur le.confort.intellectuel@gmail.com. A vous lire!

Améliorer la direction des établissements scolaires...


En 2007, l'OCDE effectua une enquête dans vingt-deux pays sur le thème "Améliorer la direction des établissements scolaires", dont le rapport final est disponible ici. Le rapport français fut rédigé par Jean-Pierre Obin, Inspecteur général de l'éducation nationale. Je ne pourrais le citer en entier, mais en voici un long extrait qui nous concerne et nous intéresse particulièrement:

"Au-delà des différences réelles entre les métiers de directeur d’école primaire et de chef d’établissement secondaire, un même sentiment de malaise rapproche depuis quelques années ces deux catégories de responsables locaux de l’éducation : l’impression, largement partagée dans les deux professions, d’une accumulation de tâches nouvelles s’ajoutant aux anciennes, dans le cadre d’un environnement social ne cessant de se dégrader ; le sentiment aussi de ne plus pouvoir faire face à la fois aux attentes sociales et aux demandes de l’institution et, surtout, de ne plus pouvoir se consacrer à l’essentiel, à ce qui fait le cœur du métier, aux dimensions pédagogique et éducative de la fonction. Cette similitude des symptômes ne peut toutefois conduire à l’identité du diagnostic et encore moins du traitement, tant les métiers et leur inscription institutionnelle sont différents.

En 1987, une tentative du ministre Monory d’imposer aux directeurs d’école la transformation de leur statut de fonction en un véritable statut, avec une responsabilité hiérarchique sur les instituteurs, tourne court devant la mobilisation organisée par les syndicats, très hostiles à l’éclatement du corps des instituteurs et à la création d’un échelon hiérarchique intermédiaire entre l’inspecteur et l’enseignant. Cette épisode est loin d’être oublié lorsque se développe, dans les années quatre-vingt-dix, le malaise professionnel évoqué ci-dessus, que les syndicats encadrent, à partir de 2000, par un mot d’ordre de « grève administrative », très largement suivi jusqu’en 2006.

En fait, et au-delà d’un accord apparent sur des revendications d’amélioration matérielle, comme sur les régimes de décharges et d’indemnités, la profession semble aujourd’hui divisée sur la question de la création d’un corps spécifique de directeur d’école. Si les syndicats y restent hostiles, ce n’est pas forcément le cas des directeurs eux-mêmes, très minoritaires en leur sein. Un groupe de pression souhaitant les représenter exclusivement, le Groupement de défense des intérêts des directeurs, a commandé une étude à un institut spécialisé, parue en octobre 2006, qui montre notamment que 93 % des directeurs seraient favorables à un nouveau statut, et que 73 % souhaitent qu’il débouche sur la création d’un nouveau corps. En outre cette enquête fait apparaître que 95 % des directeurs estiment que leur travail n’est pas reconnu par l’institution, et 47 % assurent que les syndicats ne défendent pas assez leurs revendications.

La négociation engagée entre le ministère et les syndicats a débouché sur la signature en juin 2006 par le SE-UNSA, syndicat minoritaire parmi les enseignants mais bien représenté chez les directeurs, d’un protocole d’accord qui a été mis en œuvre dès la rentrée de 2006. Les principales mesures décidées par ce texte sont l’amélioration du régime des décharges d’enseignement, une revalorisation des rémunérations touchant à la fois le salaire de base et l’indemnité de sujétion et, surtout, le recrutement de 50 000 contractuels « emplois de vie scolaire », chargés d’apporter une aide administrative aux directeurs. Il s’agit là d’un effort important, mais dont l’efficacité est fortement contestée par le SNUIPP-FSU, syndicat majoritaire chez les enseignants du premier degré, qui a refusé de signer le protocole : le support juridique de ces emplois est en effet un contrat de droit privé d’une durée de 10 mois, le « contrat d’avenir », qui vise spécifiquement une population de demandeurs d’emploi peu qualifiés, dans le cadre d’un plan gouvernemental de traitement social du chômage.

La grève administrative n’a donc pas totalement cessé et le ministre s’est trouvé contraint d’ouvrir en octobre 2006 de nouvelles négociations avec les syndicats. Trois groupes de travail ont été créés, dont l’objet montre les difficultés qui restent à traiter :
- les fonctions de directeur (conditions de travail, relations avec les enseignants, formation) ;
- l’éventuelle création d’un statut (création d’un corps de direction et régime indemnitaire) ;
- le fonctionnement des écoles et leur mise en réseau éventuelle.

Car la création d’un corps de directeur, outre à la culture égalitariste du monde enseignant, se heurte à deux difficultés majeures. D’une part elle renvoie à l’extrême diversité de la fonction et de la charge de travail, entre l’instituteur de l’école à classe unique et le directeur d’une école de plus de 20 classes ; de l’autre elle n’est pas sans rapport avec l’éventuelle création d’un statut d’établissement public pour les écoles primaires, rendue possible par la loi du 23 avril 2005, mais qui attend toujours un décret d’application, et qui se heurte au même type de difficulté, augmentée sans doute des réserves d’une partie des maires."

On aurait pu croire qu'une telle démarche de la part de l'OCDE aurait mis la puce à l'oreille de nos gouvernants. Si on lit en entier le rapport final de l'OCDE, on se rend compte à quel point le malaise de la direction d'établissement en général et de la direction d'école en particulier est patent dans quasiment tous les pays de l'OCDE, et particulièrement en France. La France, "mère des arts, des armes et des lois", pays de Diderot, de Rousseau, de d'Alembert, nation parmi les nations à avoir inventé les Lumières, eut pu être parmi les premières à réagir et à pleinement se saisir de cette question, au moins par orgueil. D'autant qu'est aujourd'hui unanimement partagée la connaissance de l'importance cruciale du chef d'établissement ou du directeur dans la réussite scolaire des élèves de son école ou son établissement.

Que s'est-il donc passé depuis? Loin de s'améliorer, la situation française a largement empiré. Si on se contente de reprendre les tenants du rapport de M. Obin, qui n'est pourtant pas exhaustif, on constate que le "malaise" s'est largement répandu au point de toucher aujourd'hui la totalité des chefs d'établissement et directeurs d'école; l'accumulation des tâches s'est aggravée de façon démentielle depuis cinq ans, exacerbée par l'usage croissant d'internet et du courrier électronique par les services administratifs; l' "environnement social" décrit par M. Obin s'est encore dégradé avec la croissance du chômage et la paupérisation de la population; le stress et le sentiment d'être dépassé touche aujourd'hui tous les dirigeants, des établissements à la direction d'école.

Si aujourd'hui le GDID demandait à l'IFOP le même sondage qu'il y a six ans, les chiffres seraient certainement encore plus probants, en particulier par exemple sur le sentiment qu'ont les directeurs d'école d'être ou non représentés par les syndicats d'enseignants.

Le protocole signé par le SE-Unsa a vécu, et il est bien mort:
- l'amélioration du régime des décharges des directeurs d'école ne s'est jamais poursuivie;
- leur rémunération n'a que très peu bougé et reste aussi ridicule qu'elle l'était, elle s'est même dégradée en même temps que la rémunération de base des enseignants qui en deux décennies ont perdu une part stupéfiante de leur pouvoir d'achat, et dont le "point d'indice" qui en détermine l'évolution annuelle est gelé par l’État depuis plusieurs années;
- quant aux contractuels EVS, dont le statut, le salaire, l'absence de formation et de perspective, et la précarité étaient une honte pour l’État et pour le syndicat qui avait signé le protocole d'accord, ils ont quasiment disparu après avoir demandé beaucoup d'efforts de formation interne de la part des directeurs d'école qui pourtant n'avaient pas que ça à faire, et avoir dans 60% des cas montré leur inefficacité.

Le groupe de travail créé par le ministre de l'époque a sombré corps et biens dans l'oubli, pour terminer dissout dans l'indifférence générale. Et la question de la direction d'école est depuis en suspens... au point d'être oubliée! Pourtant divers rapports ces dernières années ont pointé l'importance de la direction d'école dans l'application -ou la non-application- des réformes. Ce qui n'a dû vraiment frapper notre nouveau gouvernement puisque la question de la gouvernance du primaire, lors de la consultation voulue par M. Peillon, a failli être traitée sans le GDID. Il aura fallu toute la force de persuasion de son équipe dirigeante pour être finalement conviée aux discussions. Ce qui n'aura pas été inutile puisque le ministère a en fin de compte décidé d'ouvrir en janvier 2013 des discussions sérieuses quant à la direction d'école. Nous aurons été soutenus dans cette démarche par plusieurs syndicats dont il faut ici saluer pour certains l'engagement, et pour d'autres la timide mais réelle évolution dans leur façon de considérer la question des directeurs d'école hors idéologie.

Il ne faut pas se faire d'illusion. En dépit des rodomontades syndicales, il est clair que ce résultat est le fruit de la dizaine d'années d'engagement du GDID dans la revendication d'un statut particulier pour les directeurs d'école. Je salue ici l'engagement de ses dirigeants qui depuis tout ce temps ont beaucoup sacrifié sans contrepartie de leur temps et de leur énergie pour notre cause commune , soit la reconnaissance de notre travail et de l'importance de notre mission pour la réussite scolaire des élèves de nos écoles.

Faut-il pour autant baisser les bras? Certainement pas. La lutte -pour utiliser un terme syndical- est loin d'être terminée. Mais c'est aujourd'hui à chacun d'entre nous de montrer notre engagement. C'est auprès des élus de nos communes que nous devons faire état de nos revendications, auprès de notre député, auprès des familles de nos élèves. Il nous faut, chacun d'entre nous, faire état de notre volonté sans faille auprès des quotidiens régionaux ou nationaux. Il nous faut utiliser nos réseaux personnels, comme nous devons convaincre nos adjoints ou nos représentants syndicaux, qu'ils soient ou non déjà presque convaincus, de l'importance de nous reconnaître non plus comme les premiers parmi nos pairs -primus inter pares-, mais comme des professionnels investis qui avons une mission toute particulière et primordiale pour l'avenir de notre école et de nos élèves.

Rejoignez le GDID. Plus nous serons nombreux mieux cela sera pour faire poids auprès du ministère et des syndicats qui nous accompagnerons dans ces discussions. Payez votre cotisation, pour vous elle ne sera pas grand chose, mais le GDID en aura besoin car les discussions du premier trimestre 2013 impliqueront de nombreux frais.

Et soyez convaincus que le GDID ne lâchera rien. Même s'il faut être pragmatique et comprendre les handicaps budgétaires du gouvernement récemment élu, la France ne peut plus se permettre de ne pas reconnaître ses directeurs d'école.

samedi 17 novembre 2012

Le sac de nœuds du ministre...


A vouloir trop bien faire, M. Peillon, ministre de l’Éducation nationale, se retrouve aujourd'hui avec un inextricable sac de nœuds. Effectivement, M. Peillon a voulu connaître l'opinion de tous au sujet de l'école française, au travers des discussions de la Concertation qu'il avait lancée l'été dernier. Lorsqu'on interroge les professionnels, les chercheurs et la société civile, il est évident qu'on se retrouve au sein d'intérêts parfaitement divergents. Et c'est ainsi qu'en cette mi-novembre M. le Ministre réalise que chacun y va de son couplet égoïste et revendicatif, à grand renfort de diktats et d'ultimatums, qu'il s'agisse des syndicats d'enseignants, de députés, de professionnels du tourisme, de représentants des municipalités... chacun d'ailleurs n'ayant pas forcément tort de défendre son bifteck!

Il faut dire que M. Peillon n'a pas la partie facile. Sincèrement convaincu -à raison- que l'école publique ne fonctionne plus, ou du moins fonctionne mal, il veut la réformer, ce que les enseignants eux-mêmes appellent de leurs vœux. Mais le budget de l’Éducation nationale pour 2013 -et pour les années suivantes tant que l’État ne fera pas de sérieuses économies, sur son haut fonctionnariat par exemple- ne permettra pas grand chose; il faudra attendre que notre pays fasse le choix d'investir autant de pourcentage de son PIB dans l'éducation de ses enfants que les autres pays de l'OCDE pour espérer une réforme en profondeur du système. D'autre part, même s'il n'est pas dit que les enseignants soient si bien représentés que ça auprès du ministère par leurs syndicats qui ont tous des histoires et des intérêts foncièrement différents, il est clair qu'ils refuseront néanmoins toute mesure qui accentuera un peu plus leur paupérisation, effective depuis plusieurs décennies, et flagrante depuis dix ans.

Disons-le: les discussions de M. Peillon tournent en eau de boudin. Son grand tort est peut-être d'avoir trop écouté les soi-disant spécialistes de l'éducation de la Direction des écoles, le ministère de la rue de Grenelle comptant un certain de hauts fonctionnaires inamovibles qui dirigent de fait depuis des lustres les diverses réformes toutes plus malheureuses les unes que les autres. Mais ces gens-là sont sensés savoir, n'est-ce pas?

J'entends beaucoup décrier depuis quelques jours la volonté de M. Peillon de changer les rythmes scolaires. C'est une erreur. Nous savons depuis longtemps que ces rythmes sont aberrants. Mais c'est en grande partie parce que les programmes de l'école primaire française sont devenus démentiels. Ils incluent en particulier de nombreuses mesures qui relèvent d'un autre domaine que celui de l'école, de la sphère privée par exemple. L'école de France est devenue depuis trente ans le palliatif malheureux de toutes les faillites familiales et sociétales. De nombreux points des programmes devraient en disparaître au profit des fondamentaux que sont les apprentissages de la langue française et des mathématiques. Notre précédent gouvernement n'ayant fait qu'ajouter de nouveaux enseignements (aaah, l'histoire de l'art...) et ayant joyeusement retranché trois heures d'école sans concertation, les enseignants du primaire doivent maintenant jongler avec des programmes effarants et un temps restreint. Mission impossible, il y a des conditions ou le jonglage devient aléatoire.

Que devrait donc faire M. Peillon? J'ai quelques propositions, la première consistant à sabrer avec allégresse dans les programmes: on peut en enlever un bon tiers -mais n'ayez pas la malheureuse idée de supprimer les cours d'histoire ou de science, ce serait consternant de bêtise!-.

Seconde proposition, surtout ne pas diminuer le nombre d'heures de classe des élèves français. Il faut que les classes travaillent le mercredi matin. J'en ai fait souvent la constatation avec mes jeunes élèves: ils ne sont que très peu disponibles pour les apprentissages lors des retours de rupture, soit les lundi et jeudi matins. La continuité de la semaine de classe évitera cette néfaste rupture et redonnera à l'école une partie de ses lettres de noblesse. La semaine de classe pourrait être organisée comme suit:

  • lundi: 6 heures
  • mardi: 6 heures
  • mercredi: 3 heures
  • jeudi: 6 heures
  • vendredi: 5 heures

soit 26 heures de classe au lieu de 24 aujourd'hui, avec des programmes recentrés sur l'indispensable et l'utile.

J'entends d'ici les grands penseurs de l'éducation -oui, c'est ironique- râler en prétendant que les journées de classe françaises sont trop longues pour nos pauvres petits, qui n'en peuvent mais, etc. Je suis désolé, messieurs, mais je fais de la maternelle depuis plus de trente ans et tout est une question d'organisation de la journée: si celle-ci est diversifiée, alterne temps de jeux, temps d'apprentissages, activités sportives ou de délassement, elle est parfaitement supportée par les enfants dès la petite section (qui inclut comme la moyenne section un indispensable temps de sieste l'après-midi). Une journée longue peut être parfaitement agréable et efficace à condition d'être bien organisée. Il est en revanche certain que laisser assis 6 heures de suite des enfants de 7 ans pour leur gaver la tête de notions théoriques sans expérimentation, c'est courir à l'échec.

J'entends de nouveau les grands penseurs de l'éducation: "ouiiiiii, mais comment voulez-vous organiser ça dans les écoles?"...

Moi, je sais. Les écoles doivent voir affirmée leur autonomie. Celle-ci permettra d'adapter l'organisation des écoles en fonction de leurs besoins propres, qui ne sont généralement pas semblables d'une commune à l'autre, ou d'une école à une autre dans une grande ville. Mais cette autonomie doit être affirmée comme prenant le pas sur celle des enseignants, qui s'ils restent libres de leurs choix, méthodes et techniques d'enseignement, devront néanmoins se plier à un fonctionnement particulier si celui-ci est affirmé dans un projet d'école qui gérera désormais les temps d'enseignement, la répartition des élèves (cycles, groupes, ateliers) au quotidien ou sur l'année, etc: il est absolument indispensable qu'un élève en difficulté ne reste pas en déshérence et puisse suivre si nécessaire un enseignement en petit groupe sur le temps scolaire, et autant de temps qu'il lui sera nécessaire. Ceci nécessite donc réellement un investissement des enseignants en faveur de leurs élèves, au détriment du repli sur soi et sur sa "classe" à la porte fermée comme il est de mise depuis des décennies, et une nouvelle répartition des rôles au sein de l'école. Cet investissement serait discuté au sein du Conseil des maîtres ou d'autres réunions dont le temps hebdomadaire serait défini par la 27ème heure due par les enseignants et qui n'apparait pas dans les temps de classe quotidiens que j'ai définis plus haut, et où le vendredi après-midi serait amputé d'une heure. Ceci représente 36 heures sur l'année, ce qui est largement suffisant à un groupe d'enseignants pour définir ensemble des méthodes de travail et des organisations efficientes. Le temps actuellement dévolu aux réunions est absurdement trop long: qui me fera croire qu'on puisse dans une école se réunir près de deux heures par semaine? Non, je suis du métier, il ne faudrait pas me prendre pour un imbécile. Alors quand j'entends aujourd'hui un syndicat que je ne nommerai pas réclamer du temps supplémentaire... Dois-je rire?

Voilà comment pourraient être réparties ces 36 heures:

  • Conseils d'école: 3 fois 2 heures, soit 6 heures
  • Conférences pédagogiques: 3 fois 2 heures -c'est largement suffisant-, soit 6 heures
  • Conseils de cycle (pour discuter des élèves): 5 fois 2 heures -une réunion par période-, soit 10 heures
  • Conseils de maîtres: 5 fois 2 heures -une réunion par période-, soit 10 heures
  • Réunions diverses (selon les besoins): 4 heures

Cette nouvelle organisation au sein des écoles pourrait s'inspirer de nombreux fonctionnements qui sont de mise à l'école maternelle depuis toujours. Mais elle réclame également une dernière mesure indispensable, car l'autonomie d'une école ne peut se concevoir sans pilotage de proximité: il faut donner aux directeurs d'école un statut particulier et clair définissant sans ambiguïté leur rôle d'organisateur, et leur permettant pour le bien des élèves et leur réussite scolaire d'imposer à un enseignant réfractaire un fonctionnement conforme à l'organisation définie dans le projet d'école par l'équipe enseignante. Il ne s'agit pas forcément d'un rôle hiérarchique. Mais l'école primaire aujourd'hui ne peut plus se payer le luxe de laisser partir au collège des enfants aux connaissances ou aux compétences fragmentaires, et s'il faut pour cela taper du poing sur la table, le directeur doit en avoir l'autorité. Celle-ci ne peut lui être donnée que s'il lui sont officiellement reconnues aux yeux des familles, des enseignants, des municipalités et de l'autorité administrative et hiérarchique, l'importance et la responsabilité qui sont les siennes.

mercredi 14 novembre 2012

L'école primaire sous la coupe du collège, le retour...


Le ministre de l’Éducation nationale, entouré de son cabinet, a présidé lundi 12 novembre une longue séance de négociation multilatérale sur le projet de loi d'orientation pour l'école. Un document a été distribué aux organisations syndicales, mais a été aussi repris en fin de séance.


Concernant la liaison école-collège, le texte proposait d'ajouter un article disant que pour assurer la continuité pédagogique entre ces deux niveaux d'enseignement, chaque collège et les écoles devaient déterminer conjointement des modalités de coopération et d'échanges inscrites dans le projet d'établissement du collège et les projets d'école.

Il développait ensuite longuement la nature d'une expérimentation allant très loin : un regroupement scolaire procédant d'une convention (répartition des élèves dans les locaux du collège et des écoles, organisation des contributions de fonctionnement des mairies, départements et EPLE...). Un conseil pédagogique commun serait institué, présidé par le chef d'établissement du collège et un IEN, comprenant des membres du CP du collège, les directeurs d'école et des maîtres. Ce CP aurait pu proposer au CA du collège et aux conseils des écoles que certains enseignements soient communs à des élèves des différents degrés.

On aurait pu penser cette idée enterrée. Mais M. le ministre n'a manifestement pas entendu que les écoles n'ont aucune envie de passer sous la coupe d'un principal de collège qui n'a jamais enseigné, ou ne connait rien au primaire et encore moins aux élèves de l'âge concerné, ou d'un IEN du même tonneau -tant qu'à choisir entre la peste et le choléra, je préfère un principal-. Évoquer une "détermination conjointe" quand on sait à quel point IEN et principaux méprisent l'école primaire, ce ne peut être qu'un vœu pieu ou une sombre plaisanterie. Quand à la place des directeurs d'école dans un "conseil pédagogique" tel qu'évoqué... c'est vouloir abattre totalement la mission qui est la nôtre. Je n'ose pas imaginer la catastrophe que serait pour les enfants faibles un système de ce genre, moi qui revendique depuis des années l'inverse, soit que la sixième devienne partie prenante de l'école primaire. Vous remarquerez en lisant l'article que le projet a été retoqué, mais pour des détails concernant le collège, les syndicats du secondaire ne voyant pour leur part aucun problème à phagocyter l'école primaire. Je l'avais déjà écrit dans d'autres billets, j'en ai marre d'avoir raison.

Protocole, le retour...


J'explique ici depuis des mois que l' "aide personnalisée aux élèves en difficulté" est une imbécilité. Elle est parfaitement inefficace, tous les rapports le disent. Elle allonge la journée de classe des élèves les plus faibles, ce qui est une aberration. Elle stigmatise les élèves en question, ce qui est parfaitement contraire à toute équité. En maternelle, elle est d'une totale absurdité. Bref, ce dispositif monstrueux ne sert à rien, il n'est que le fruit incestueux de relations contre nature entre un ministre et un syndicat d'enseignants, et n'a jamais servi qu'à supprimer les heures de cours du samedi matin.

A l'époque, en 1986, le SE-Unsa, puisque c'est de lui qu'il s'agit, fut l'instigateur du dispositif. Il le payera très cher lors des élections professionnelles qui suivront, la majorité des enseignants considérant le protocole signé avec le ministre comme une forfaiture. Ce fut mon cas, et je ne l'ai toujours pas digéré. Mais manifestement la leçon n'a pas porté...

J'imaginais naïvement que la "refondation" voulu par M. Peillon, qui nous amènerait à travailler le mercredi matin, mettrait fin à cette abominable chimère. Or, qu'apprends-je aujourd'hui? Le SE-Unsa, toujours lui, nous a remis le couvert avec notre nouveau ministre, et semble se satisfaire que le dispositif de l' "aide personnalisée" soit conservé, malgré notre travail du mercredi matin. Tout ça pour une diminution des journées de classe de... 3/4 d'heure! Quel succès! Quelle innovation! C'est pour obtenir ça que des centaines de personnes ont été mobilisées et prétendument entendues pendant plusieurs semaines lors d'une concertation dont il semble bien que j'avais dénoncé avec raison le caractère illusoire?

Mais que se passe-t-il donc dans la tête de ces gens-là? Croient-ils vraiment "rénover" l'école avec de telles mesurettes dont le ridicule n'est égalé que par l'inefficacité? Christian Chevalier, ci-devant patron du SU-Unsa, pense-t-il vraiment faire œuvre utile en réclamant que perdure ce qui fut une erreur dramatique dès 1986? Je suis écœuré qu'on laisse encore aujourd'hui les syndicats et les hauts fonctionnaires de la Direction des écoles gouverner ensemble l’Éducation nationale, alors qu'ils la mènent de concert depuis des années à sa perte. M. Peillon voulait certainement laisser son nom dans l'histoire, mais comme celui de ses prédécesseurs il ne sera qu'un nom de plus dans une longue litanie de ministres...

J'imagine bien les directeurs d'école l'année prochaine, toujours pas reconnus par un ministre pieds et poings liés par sa Direction des écoles et des syndicats aux convictions idiotes, se taper pour des IEN aux dents longues des tableaux Excel sur l' "aide personnalisée". Chers amis, rien ne changera, vous pouvez désormais en être sûrs. Et la "refondation", comme prévu, ne sera qu'une vague ripolinisation du système.

Ce sera sans moi.

L'homme aux deux visages...


Saviez-vous que les directeurs d'école portaient une "deerstalker" ? C'est une casquette à la Sherlock Holmes, avec deux côtés et deux visières, elle est fournie gratuitement par l'administration lorsque vous devenez directeur d'école. D'un côté il est marqué "Enseignant", et de l'autre côté "Directeur", et selon le moment et le rôle que vous tenez vous devez tourner la casquette du bon côté, ce qui occasionne pendant la journée de rigolos tournoiements de casquette...

Je plaisante, bien entendu: jamais l’administration ne nous fournirait un tel accessoire gratuitement.

Depuis que je suis directeur d'école, et ça commence à faire un bout de temps, je me suis toujours perçu comme le dieu romain Janus, gardien des clés de l'école, avec deux visages opposés l'un tourné vers mes élèves et l'autre vers le bureau du directeur d'école. Afin de conserver un minimum d'efficacité pour mon travail avec mes élèves, qui reste mon rôle le plus important à mes yeux -et de loin- tant que je porte cette double casquette, je me suis toujours arrangé pour organiser mon temps de la manière la plus efficace, avec un agenda quotidien tiré au cordeau: à telle heure je prépare le travail de mes élèves, à telle heure je fais ceci en classe, là j'ai dix minutes que je peux consacrer à la direction, à cette heure-là je ferai tel papier pour mes parents d'élèves, etc. Pendant longtemps cette organisation a bien marché, même si de temps à autre un léger impondérable bousculait un peu cet agenda quotidien. Mais ce n'était rien que ponctuel et facilement surmontable.

Puis les années se sont accumulées, les tâches réclamées par mon administration aussi, surtout lorsque internet et le courrier électronique sont apparus dans les bureaux de ce qui était alors l'Inspection Académique. S'est ensuivie une pluie quotidienne d'informations et de réclamations inutiles envoyées en plusieurs exemplaires. C'est la loi de Parkinson: « Les fonctionnaires se créent mutuellement du travail », et c'est une maladie fondamentale des bureaucraties administratives que j'ai déjà dénoncée: les fonctionnaires de bureau, depuis les rectorats jusqu'aux IEN, croient devoir justifier leur existence en inventant des tâches redondantes et superfétatoires qu'ils n'arrivent forcément plus à assumer au bout d'un temps donné, et finissent par s'en décharger sur leurs subordonnés qui finissent eux-mêmes par s'en décharger... sur les directeurs d'école; on touche de près le principe de Peter (je vous laisse le loisir de chercher sur internet de quoi il s'agit). Pour parfaire le système, on nous demande depuis quelques années de répartir nos heures de travail d'une façon très bureaucratique qui est parfaitement égale pour toutes les écoles, selon un emploi du temps d'une rigidité exemplaire et d'une absurdité réjouissante si on garde un peu de lucidité, car qui sur le terrain peut croire qu'une toute petite école maternelle et une grosse école élémentaire ont le même fonctionnement et les mêmes besoins? Tous les directeurs d'école ont donc ces dernières années été contraints de remplir des tableaux informatisés ingérables pour leurs destinataires et donc à l'inutilité indiscutable. Mais je suppose que cette tâche chronophage et énergivore a rempli d'aise quelques fonctionnaires de l’Éducation nationale qui la pensaient source de pouvoir, au lieu d'y voir un harcèlement injustifiable.

S'il ne s'agissait que de travail de bureau, rien de tout cela ne serait vraiment insurmontable, quitte à remplir à la va-vite et n'importe comment tout ce qu'on nous réclame -qui d'entre nous ne l'a pas fait au moins une fois?-. Mais nos responsabilités ont enflé au même rythme que la paperasse administrative. Comme nous l'écrivent au GDID de nombreux directeurs d'école pris entre deux feux, si nous intervenons auprès de nos adjoints pour faire respecter ne serait-ce qu'une règle de surveillance indispensable à la sécurité de nos élèves nous sommes considérés comme d'insupportables dictateurs -qui seront bien entendu  dénoncés à un syndicat quelconque-, mais si un accident se produit c'est le directeur qui en devient responsable alors qu'il n'a rien pu faire contre ce défaut de surveillance. Où est la logique? Le directeur a aujourd'hui le devoir d'imposer règles et contraintes sans en avoir le droit. Notre administration pense certainement que notre aura de directeur doit suffire. Quand on sait le nombre de directions d'écoles qui dans ce pays chaque année ne sont pas pourvues, quand on sait le nombre de directeurs qui chaque année dégoûtés lâchent leur mission, quand on sait le nombre de directeurs qui chaque année se font insulter ou battre par les familles, ou sont harcelés par leurs adjoints... l'aura du directeur d'école a disparu depuis des lustres.

Mais soit. Admettons que notre double mission soit gérable. J'enfile ma "deerstalker" de directeur d'école maternelle, et je vais faire classe à mes 29 loupiots excités de quatre et cinq ans avides de jeux moteurs ou intellectuels et de connaissances. J'aime ça, en plus, même si cette seule casquette est déjà épuisante. Comme j'aime bien le papier que comme directeur j'ai prévu de faire après la classe pour expliquer aux familles de l'école comment sera organisé le temps de l'école jusqu'à Noël... Non, je ne suis pas directeur par hasard.

Ce n'est pas un imprévu qui me tombe sur le dos en ce lundi matin de reprise après les vacances de Toussaint, mais trois. Trois imprévus qui m'obligent à ne pas faire le papier que j'avais prévu d'élaborer avec plaisir, mais à en pondre d'autres qui me sont désagréables et me prennent un temps précieux. Trois imprévus qui m'empêchent également de faire en totalité ce que je voulais travailler avec mes élèves. Oui, si le temps de faire peut parfois être pris "en plus", sans être payé d'ailleurs -les enseignants du primaire ne touchent aucune heure sup'-, l'urgence réclame de faire des choix qui sont forcément au détriment d'autre chose, et hélas parfois à celui du temps de classe. Qui est conscient de cet état de fait à part les directeurs d'école? Certainement personne, car les directeurs d'école ne se plaignent pas, ils jouent tant bien que mal -et de plus en plus mal- leur double rôle d'homme aux deux visages, les deux toujours souriants. Je n'ai donc pas pu aller avec mes élèves aussi loin dans mon enseignement que je l'aurais voulu, et me voilà chez moi à huit heures du soir à tenter d'extirper de mon cerveau fatigué les mots nécessaires  au document que je voulais remettre aux familles. Je n'y arrive pas, je suis vampirisé, plus rien ne sort. Tant pis, je ferai ce document mercredi matin. Tiens, au fait, les prochaines années, si nous travaillons le mercredi...

vendredi 2 novembre 2012

Harcèlement chez les profs...


J'ai découvert par hasard une étude remarquable de Daniel Arnaud consacrée à ce qu'il appelle les "Sévices publics" -ce sera le titre de son ouvrage une fois publié-, c'est à dire au harcèlement dans la fonction publique d'éducation.

Daniel Arnaud en publie les bonnes feuilles sur son blog. Autant vous le dire tout de suite, son enquête n'a rien de drôle. Mais connaissant le système de l'intérieur, je peux en garantir la véracité. En trente et quelques années de métier, j'ai rencontré nombre de cas qu'il relate. Et le système est bien tel qu'il le décrit.

Un extrait qui fait peur:

Le BO n° 10 du 8 mars 2007 prévoit que la victime d’un harcèlement doit saisir sa hiérarchie :
« L’agent doit informer son supérieur hiérarchique des comportements dont il estime être victime afin d’obtenir qu’il y soit mis fin. Il saisit l’échelon hiérarchique supérieur si le harceleur présumé est son supérieur hiérarchique direct. » 

Or, nous avons vu que le fonctionnement de l’administration française tendait au déni. Si vous êtes victime d’une conduite abusive, surtout si elle vient de votre supérieur hiérarchique direct, et que vous tentiez d’alerter les services académiques, il est peu probable que vous soyez entendu.

Dans les systèmes très hiérarchisés, qui ne veulent pas de vagues, ce qui est le cas de l’Education nationale, la victime risque effectivement d’être confrontée à une administration la traitant en « fauteuse de troubles » perturbant « la bonne marche du service », au lieu de la soutenir.

Les dysfonctionnements que vous dénoncerez seront ignorés, et vos appels à l’aide demeureront sans réponse, du moins dans un premier temps.

 Il n’est pas question pour l’institution scolaire de reconnaître, et donc de traiter, des problèmes de maltraitance au travail. Vous comprenez : cela ternirait la sacro-sainte « image du service public ».
Quant à l’Inspecteur, il ne répond jamais…

« C’est d’ailleurs ce qui m’a paru le plus choquant dans l’Education nationale, s’indigne Stéphane L. Le terme “Grande Muette” est bien plus adapté à cette structure, qu’à l’Armée. Je n’ai eu strictement aucune réponse. Partout ailleurs, on déformerait, ou on minimiserait, mais au moins on vous répondrait quelque chose. Ici, c’est la loi du silence. »

Un autre:

L'administration s’y entend pour engager des procédures disciplinaires truquées, dans lesquelles les intéressés ne sont jamais mis en situation de confondre leurs accusateurs par un débat contradictoire, arguments contre arguments. Les faits sont ainsi suffisamment dénaturés pour donner l’impression que le fonctionnaire incriminé mérite son avertissement ou son blâme, et quelquefois sa révocation. Voilà l’odieuse idée que se font vos supérieurs de la « protection statutaire » qu’ils sont censés vous assurer !

Le simulacre à tous les étages, telle est leur politique. Maurice T. Maschino écrit fort justement :

« Extraordinaire “justice”, tout entière réglée de façon telle que les “juges” - recteur, inspecteur - n’aient jamais à s’expliquer devant l’enseignant qu’ils sanctionnent. Protégés par une armée de plantons, dames d’accueil, secrétaires, ils ne risquent pas d’être mis en difficulté par un “accusé” susceptible de se défendre, de leur prouver qu’ils mentent, cèdent à des pressions, font preuve de lâcheté.Ne répondant jamais, ou faisant répondre qu’ils sont “en réunion” ou “très occupés”, ils peuvent en toute quiétude préparer et savourer leurs forfaits. » (L’Ecole de la lâcheté, Paris, Jean-Claude Gawsewitch, 2007)

Encore un:

(...) le Système, en l’occurrence, ne veut pas : il ne veut pas entendre la victime, parce qu’il se refuse à traiter d’affaires de harcèlement moral dont la reconnaissance ternirait sa réputation.

L’Education nationale, dans une telle optique, s’avère être un Etat dans l’Etat ayant pour objet sa propre conservation, et doté d’une direction des ressources de fait inhumaines ; puisque la priorité est de réprimer et d’éliminer les rouages qui pourraient mettre en cause les pouvoirs en place, quitte à briser des personnes :

« Le harcèlement professionnel bat son plein et est devenu une technique de gestion des ressources humaines… Je ne suis pas mort parce que j’écris. », assure Gérard C.

Pour perpétuer les abus de pouvoir et l’arbitraire qui lui sont intrinsèques, l’institution scolaire, à l’instar d’autres sévices publics, a besoin d’opacité.

D’où un fonctionnement interne et autarcique, garanti par un contrôle de l’information des plus rigoureux, des services de communication voués à aseptiser l’image des rectorats, et l’invocation d’un « devoir de réserve » qui permet de museler les fonctionnaires récalcitrants.

Et pour finir dans ce billet:

Quant au fameux « dossier administratif », qui vous suit jusqu’au terme de votre carrière, l’administration peut y glisser n’importe quoi, à seule fin de casser le dissident. Il n’est pas sans rappeler le « livret ouvrier » dénoncé par Marx au XIXe siècle, et qui permettait de marquer au fer rouge un salarié de manière à s’assurer la docilité du plus grand nombre…

Des pratiques qui relèvent d'un autre âge, et n’ont pas leur place dans une démocratie moderne, de surcroît membre de l’Union européenne.

Les abus décrits précédemment ne sont pas des incidents isolés ou des « dysfonctionnements » : ce sont des symptômes d’un système bien installé, et de son mode de fonctionnement habituel, au contraire.

Vous aviez cru que le Mur de Berlin était tombé, ou encore que la Corée du Nord était la dernière survivance de la Guerre froide ? Détrompez-vous ! Il reste un système soviétique et totalitaire embusqué dans le monde occidental : l’Education nationale.

Je vous recommande cette remarquable lecture plutôt glaciale mais saine. Ceux qui sont dans le métier comme ceux qui n'y sont pas et voient dans la carrière d'enseignant un long chemin parfumé semé de fleurs et de vacances devraient tous lire cette suite d'articles de Daniel Arnaud, en attendant la publication de l'ouvrage. La relation en commence sur cette page (les billets sont numérotés, et la logique d'un blog veut qu'il faille lire en "remontant"). Armez-vous d'un grog et d'énergie positive.