dimanche 31 août 2014

Je n'ai pas choisi...

J'ai reçu ce message émouvant ce matin... Avec l'autorisation de son auteur, je vous le livre tel quel, je n'y ai rien ajouté ni retranché.

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J'ai un certain âge... et je n'ai pas choisi, à la base, ce métier d'enseignant qui, à l'époque de ma jeunesse, représentait pour mes parents de milieu très modeste, le nec plus ultra des professions dont ils rêvaient pour leur fils . Mais je suis vite tombé "amoureux" des gamins, de leur énergie à découvrir tout, de leur optimisme, de leur confiance. Je n'ai pas choisi non plus la fonction de directeur, que j'avais assumée "par intérim" avant qu'un aléa de ma vie privée me conduise à passer l'entretien d'habilitation... pour m'assurer un logement de fonction, certes oui, mais aussi parce que j'avais pris goût à cette possibilité de créer, moyennant forces efforts de diplomatie, un pôle de synergie positive entre les enseignants, les partenaires municipaux, sociaux et associatifs, les parents, le tout pour que mes fameux gamins se sentent encore mieux dans leur école et y réussissent au mieux.

Utopiste, rêveur (?) j'avais en tête que mes rencontres de jeunesse avec certains enseignants m'avaient donné la force et l'envie de me réaliser, et je voulais "rendre" un peu, ou au moins ne pas rester sans avoir essayé.

Cette année... je crois qu'à 55 ans passés je suis devenu brusquement adulte à l'occasion de cette rentrée.

J'ai enfin compris que le but de notre hiérarchie n'est que de protéger sa propre place tout en nous présentant sous son meilleur jour des réformes et autres remaniements auxquels eux n'ont jamais cru. 
J'ai enfin compris que dans les bureaux ministériels, de prospective et autres administrations aux fonctions si élevées, il doit y avoir une majorité de personnes n'ayant pas été eux-mêmes élèves dans des écoles publiques lambda, et n'y ayant pas non plus placé leur progéniture: à force de ne connaître que l'exception d'écoles "bon budget, faible effectif et gros encadrement" on en perd la notion de ce qui est faisable ou pas dans les écoles "bas de gamme" qu'elles soient REP ou pas. Et surtout, de ce qui est souhaitable et utile à faire.
J'ai enfin compris que dans les mairies et dans de nombreuses associations, l'objectif est de se placer en vue d'être de nouveau élu ou nommé l'année d'après, de préférence à une meilleure place, et pour cela il faut, à moindre effort et moindre frais, mettre en place des actions bien rutilantes, dont le descriptif permet d'utiliser les mots qui plaisent, dont la réussite permettra de marquer des points, et dont les défauts ou échecs seront rapidement étouffés.
J'ai enfin compris que tous bords confondus, mes partenaires considèrent les élèves et leurs parents comme des troupeaux à gérer au mieux, en distribuant récompenses et compliments hypocrites, en les berçant d'illusions, tel un peuple élevé au "panem et circenses"...

A l'heure de "l'école numérique":

BASE ELEVES ne permet même pas aux directeurs d'obtenir des listes d'élèves la veille de la rentrée....comme si nous faisions tout le jour de la pré-rentrée et que nous ne devions pas nous avancer dans notre travail...
BASE ELEVES propose d'éditer des étiquettes pour les élections de parents, sur un format d'étiquette que la mairie n'autorise pas à acheter avec les crédits municipaux de fonctionnement...
La mairie fournit des photocopieurs, avec option "scan to mail", interdisant tout achat de fax ou de fourniture pour fax, alors que les services municipaux n'ont pas tous une adresse de courriel ni même un ordinateur,et continuent d'exiger des fax pour toute démarche...
De grandes annonces médiatiques parlent d'apprentissage du code et de pratiques avec ordinateurs et tablettes, alors que dans les communes lambda nous disposons d'environ 1 ordinateur vieux de + de 6 ans pour 20 élèves en moyenne... et pas possible de les faire fonctionner en réseau car ils n'ont pas la capacité requise...

A l'heure de "l'accueil pour tous les élèves":

La salle de réunion, la bibliothèque, l'atelier d'arts plastiques, la salle de sciences ne comptent pas comme une salle de classe dans le planning du personnel d'entretien, empêchant leur utilisation à temps plein lorsque nous accueillons nos correspondants handicapés sur fauteuils roulants et que ce sont les seules salles au rez-de-chaussée...

A l'heure des "nouveaux rythmes scolaires":

Alors qu'il y avait peut-être opportunité que les conservatoires, écoles et associations d'arts et de sport, musées,médiathèques, etc... puissent accueillir les enfants autrement que le soir... nous allons proposer des garderies, centres aérés et activités bricolées à la dernière minute, et encore si des BAFA ou des enseignants se dévouent...

Je stoppe ici l'énumération qui pourrait être éternelle, car moi aussi j'ai ma part de responsabilité: cette année, je serai encore directeur...
Je vais encore devoir mentir aux élèves, leur faisant croire que leur place est avec leurs copains du même âge au collège, alors qu'eux-mêmes ne savent pas lire couramment et vont être perdus dés la première semaine...
Je vais mentir aux parents en leur disant que l'école va prendre en compte les difficultés de leur enfant, en proposant 1h d'aide personnalisée (ou APC) alors que c'est insuffisant, que je n'ai pas de RASED suffisant à proposer, que plusieurs enseignants seront dispenses d'encadrer ces APC (cause postes fractionnés ou T1) ce qui alourdira les groupes et le fonctionnement pour ceux qui l'assumeront...
Je vais mentir en disant que nous enseignons l'anglais alors que 1h30 par semaine pour 30 élèves ça revient à 3 minutes d'oral par élève...
Je vais mentir si le collège organise un voyage linguistique car qui a jamais appris la moindre langue en visitant, entre français, châteaux et monuments, sans quasi rencontrer de natifs?
Je vais mentir à ma hiérarchie en présentant en termes choisis la moindre action, la plus anodine, pour obtenir un crédit de misère, pour compléter des fiches-actions, censées refléter un travail d'équipe, alors qu'au bout de journées passées à courir après le programme, mes collègues vomissent le moindre formulaire à remplir et que je les rédige donc tous...

Pas grave, hein? je sais que je tiendrai, c'est juste que je ne m'aime pas, comme ça, et que finalement, je crois que mon petit-fils, qui vient de naitre, finalement, n'ira pas à l'école, ni publique ni privée. C'est ça quand on connait les coulisses. Ca peut gâcher le spectacle.

Mardi, le rideau s'ouvre... Je serai à la porte.Sourire aux lèvres, petite plaisanterie avec les "grands" de CM, poignées de main aux parents, café pour la réunion des nouveaux inscrits...POURVU QUE PERSONNE NE SACHE LIRE DANS MES PENSEES.
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Sources d'information...


J'ai reçu un courriel anonyme me posant la question suivante, qui reprend une phrase de l'un de mes anciens billets:

"Il y a un fonctionnaire de bureau pour quatre enseignants sur le terrain". Peut-on avoir des sources sur ce point ? Merci.

En règle générale, la seule source d'information pour ce qui concerne les chiffres de l’Éducation nationale est le ministère lui-même. Toutes les études et prospectives d'autres organismes sont basées dessus. Il faut donc rechercher les études de la DEPP (Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance) et y farfouiller soigneusement.

Vous trouverez ces documents sur le site du ministère, à la page des statistiques. Je recommande en particulier la lecture attentive du "Bilan Social" ou des "Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche". Toute cette documentation est riche d'enseignements.

On y apprend par exemple qu'en 2012 (dernier chiffre connu), sur les 1 1666 103 fonctionnaires de l’Éducation nationale, 916 057 étaient enseignants, et 250 046 non... soit une proportion de 78,6% pour 21,4.

On peut bien sûr chipoter sur les fonctions exercées en réalité par de nombreux non-enseignants, qui ne sont pas pour beaucoup réellement dans des bureaux. Mais concrètement 78,6% des fonctionnaires de l'EN exercent devant une classe, et 21,4% non.

Ceci répond-il à votre demande?

mercredi 27 août 2014

Soyez la bienvenue, Madame la Ministre...


Madame la Ministre,

vous venez d'accepter, sur la proposition de Monsieur le premier Ministre, de prendre la tête du ministère de l’Éducation nationale. Comme vieil enseignant, je me permets de vous y souhaiter la bienvenue, et je formule à votre égard tous mes vœux de réussite.

Je regrette profondément la façon dont votre prédécesseur a quitté ses fonctions. Lorsqu'on accepte de s'occuper d'un ministère comme celui-ci, l'un des premiers de l’État, et le premier employeur d’Europe, j'estime nécessaire de faire fi de ses propres ambitions et de se mettre d'abord au service de la Nation. Ce départ imprévu et précipité me laisse un goût amer, d'autant plus lorsqu'on sait l'importance des dossiers en cours. M. Peillon avait entamé avec volonté une profonde et indispensable réfection du fonctionnement de l'école, M. Hamon a persisté dans cette voie, je souhaite de tout cœur que vous réussissiez à mener à terme ce qui est cours, et même que vous alliez beaucoup plus loin.

Vous lirez de ci de là dans certains médias des réticences à votre égard, mais faisant de la politique je pense que vous y êtes désormais habituée. Pour ma part je déteste les procès d'intention, et je ne vois donc pour l'instant en ce qui vous concerne qu'une opportunité nouvelle pour transformer l'école. Je ne parle pas de confiance innée, mais d'un espoir raisonnable quant à votre volonté de travailler avec clairvoyance et responsabilité. Cela ne signifie pas pour autant que je n'observerai pas à la loupe votre progression dans la connaissance des arcanes de l’Éducation nationale ni chacune de vos décisions. Je me répète, je suis un vieil enseignant, mes attentes sont très fortes quant à la rénovation profonde dont ce ministère a besoin quant à ses fonctionnements, en particulier bien entendu pour ce qui concerne les directeurs d'école puisque c'est là l'objet de ce blog. Ne nous décevez pas, Madame la Ministre, je mets en vous beaucoup d'espoir pour mener à bien les réformes nécessaires à la réussite de nos élèves.

Merci Madame la Ministre, je vous prie d'agréer l'expression de mes salutations respectueuses.


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En cette rentrée qui quotidiennement se rapproche, j'ai deux pensées en tête. L'une pour notre malheureuse collègue Fabienne Terral assassinée dans l'exercice de sa mission il y a quelques semaines, et dont je tiens encore une fois à honorer la mémoire. L'autre pour notre collègue enseignant et directeur d'école Jacques Risso qui a été soumis depuis un an aux pires traitements de la part d'une administration aveugle et sourde. Où qu tu sois en cette rentrée, Jacques, je pense à toi.

lundi 25 août 2014

Coup de blues...


On ne peu pas dire que la France fasse preuve de stabilité depuis quelques années, à aucun point de vue: changements de politique divers, bavardages et discours à tort et à travers, décisions qui prônent le tout et son contraire... J'ai l'impression de vivre les années 50! Sauf qu'on ne peut appeler personne à la rescousse pour nous pondre une nouvelle Constitution.

Nous perdons donc de nouveau un gouvernement, il faut l'avouer de bric et de broc. Mais ce qui me fiche un méchant coup de blues, c'est que l'avenir de l'école s'assombrit à vue d'oeil. M. Hamon, qui semble ne pas devoir rester à son poste au ministère de l’Éducation nationale -on verra demain, mais ça me parait fort compromis-, continuait la politique de son prédécesseur en particulier envers les directeurs d'école. Il avait pris la peine de recevoir le GDiD et s'était engagé sur un certain nombre de mesures dont la première au moins est "passée". Que fera son éventuel successeur? Faudra-t-il une fois de plus TOUT recommencer?

Si peu de jours avant la pré-rentrée, ça fait désordre.Et ça me fiche le bourdon. Sans cesse sur le billot remet ton ouvrage... Ouais. Marre. La merveilleuse "refondation de l'école" n'a plus du plomb dans l'aile, elle a chuté dans le marais et y coule.

lundi 18 août 2014

Premières mesures...


Un arrêté du 22 juillet 2014 modifie comme prévu l'indemnité de direction d'école. Ce n'est pas bézef, mais c'est rassurant de voir tenu le premier engagement du ministre.

Pour ce qui concerne les décharges d'APC pour les directeurs d'école, d'après le GDiD il semblerait que le ministre informera directement les recteurs et les DSDEN des nouvelles mesures, en attendant certainement une circulaire. Le ministre réunit ses ouailles le jeudi 21 août, peut-être en profitera-t-il pour leur en glisser un mot...