vendredi 15 juillet 2016

Un camion blanc...

Cette nuit à Nice un homme au volant d'un camion blanc de 19 tonnes a écrasé, au sens propre du terme, quatre-vingt-quatre personnes - hommes, femmes et enfants - qui ne voulaient que se distraire en ce jour de fête nationale, profiter du beau temps et d'un splendide feu d'artifice. Il lui a suffit de rouler sur la célèbre promenade des anglais noire de monde pour la parsemer de corps mutilés sur deux kilomètres. Nous l'avons certainement tous vue, cette photo poignante d'une poupée à côté d'un drap blanc.

Peut-on encore qualifier un acte de cette nature? Certains pourraient évoquer la folie. Mais ce n'est pas le cas, un acte de folie est excusable d'une certaine manière, ou du moins relève de l'incompréhensible. Non, il ne s'agit pas de l'acte d'un déséquilibré mais d'un choix, d'une volonté raisonnée de faire le mal de façon délibérée. Cette idée qu'il faudrait avoir abdiqué toute conscience pour tuer est une absurdité dans les circonstances présentes. C'est une volonté, précise, planifiée, organisée, celle de massacrer des innocents quel que soit leur sexe, leur âge, leur nationalité, leur religion, leurs idées, leurs désirs, leur passé ou leur potentiel, leurs mérites et leur avenir, et ce au moment où ils sont les plus vulnérables, où ils profitent de ce bien unique et déjà si court, la vie.

Je lis depuis ce matin un certain nombre de déclarations lénifiantes, de slogans surannés. "Be nice" ... C'est joli, c'est une boutade mignonne. Soyez gentil! Que vient faire la gentillesse dans un acte aussi lâche, dans un tel massacre? Demandez donc aux familles des victimes d'être gentilles, demandez aux familles des victimes du Bataclan d'être gentilles au moment où va se trouver ravivée leur douleur. Et de quelle façon!

Vous êtes croyant? Priez. Priez pour les morts, mais aussi pour les vivants. Vous ne l'êtes pas? De toute façon vous ne pourrez pas ne pas penser à elles, à eux, à ces existences fauchées et à cette perte incommensurable. C'est la même chose, cela revient au même.

Je lis aussi des déclarations du style "apprenez-leur la paix" ou autre mignonneté. Philippe Meirieu se trompe lourdement dans les deux "tweets" que j'ai lus venant de lui, l'un invoquant la "raison" - mais le tueur n'était pas fou - et l'autre le fameux "vivre ensemble". Si le conducteur du poids lourd était bien ce qu'il semble avoir été, il a certainement passé un certain nombre d'années dans nos écoles de la République, où ce fameux "vivre ensemble" est un leitmotiv depuis des décennies. Manifestement cela n'a pas suffit. Serait-il alors une victime de la société? Bien entendu j'écris ces mots de manière ironique. Combien de millions d'adultes responsables ont connu une enfance difficile, des difficultés scolaires, un habitat insalubre, sans pour autant "sombrer" dans la délinquance ou la criminalité? Je vais l'écrire clairement: la "gentillesse" et la bien-pensance n'ont à faire dans cette affaire, l'acte abominable se suffit à lui-même, il est son propre alpha et son propre omega.

Alors non, cette fois, je ne mettrai aucune image de rassemblement, aucun avatar barré de noir, je ne relayerai aucune de ces magnifiques illustrations qui fleurissent désormais immédiatement dans ces circonstances, je ne serai ni Charlie ni Paris ni Bruxelles ni Nice.

Je suis simplement, humainement, profondément choqué, profondément triste, profondément compatissant. Je suis en colère aussi, parce que mon pays mérite mieux que cette hécatombe. Au moment où certains réclament encore qu'on lénifie les paroles de la Marseillaise, j'estime moi qu'il est l'heure de prendre les armes. Oui, je veux qu'un sang impur, celui des lâches meurtriers qui prétendent faire la justice d'un Dieu qui ne leur a jamais rien demandé, abreuve nos sillons. Parce que tant qu'à choisir, je préfère que ce soit le leur qui coule, plutôt que celui d'une petite fille de trois ans.

jeudi 14 juillet 2016

Devinez quelle indemnité n'augmente pas ?

La note de service n° 2016-105 rappelle l'augmentation de la valeur du point d'indice de la fonction publique au 1er juillet. Beaucoup d'indemnités de l’Éducation nationale sont indexées sur cette valeur, et vous en trouverez la liste en bas de page ainsi que leur montant. Il y en a une que vous ne trouverez pas... devinez ?

jeudi 7 juillet 2016

Ce singulier métier à forte responsabilité...

Je reviens, en ce début de vacances, sur une affaire qui a défrayé la chronique au mois de mai dernier. Une élève de l’école maternelle de Villers-les-Pots, en Côte d'or, avait passé la journée seule dans sa classe, oubliée au moment du départ d’un voyage scolaire. Il ne faudrait pas minimiser les faits: l'enfant de quatre ans passera près de huit heures seule, sans manger ni boire, et ne sera retrouvée qu'au retour du groupe à 17 heures.

L'enseignant responsable de la classe était un "remplaçant" et connaissait mal les élèves. Il est pour l'instant "suspendu", et ne connaîtra son sort qu'après la rentrée de septembre. Peut-on lui en vouloir? Strictement oui, savoir qui est présent et compter les élèves puis les recompter sans cesse est une des bases de ce métier. Concrètement on pourrait peut-être lui trouver des excuses de par sa place particulière dans l'école à ce moment-là. La Commission Paritaire devra prendre une décision.

Pour l'instant la première mesure de rétorsion vise la Directrice de l'école. La décision a été prise le 4 juillet en Commission de la démettre de ses fonctions. Elle redeviendra adjointe et sera rayée de la liste d'aptitude en dépit d'une carrière exemplaire. Il était également question de lui infliger un "blâme" administratif, mais il semble que l'idée ait été abandonnée, ou du moins n'ait pas été exprimée lors du vote. Il faut dire que la Direction Académique a été surprise des réactions que ses propositions de sanctions ont suscité, pas tant de la part des syndicats qui défendent très logiquement les personnels, mais plutôt des familles de l'école de Villers-les-Pots qui ont défendu "leur" Directrice becs et ongles! Très appréciée, les parents d'élèves ont obtenu qu'elle ne soit pas déplacée et puisse continuer à enseigner dans la commune, ce qui était en fait l'unique souhait de la collègue sanctionnée. Je m'en réjouis pour elle, et pour les familles de l'école qui ont su voir au-delà de l'incident pour apprécier ses qualités humaines et d'enseignante.

Mais cela amène de ma part deux réflexions. D'abord sur la compliquée mission de Direction d'école, dont aujourd'hui encore chacun ignore l'énorme responsabilité qui pèse sur nos épaules. Les textes sont extrêmement clairs: le Directeur est responsable de la sécurité des personnes et des biens. Ce qui veut tout dire. Le Directeur est in fine le seul et unique responsable de tous les manquements à la sécurité qui surviennent à l'école pendant le temps scolaire, voire même hors temps scolaire s'il était avéré que la cause d'un accident fut un manquement au devoir de prévoyance. Il faut le savoir et en prendre pleinement conscience lorsqu'on décide d'assumer une telle mission. Il ne s'agit pas de se contenter de procéder à des évacuations diverses selon un schéma pré-établi, cela implique aussi de penser à tout ce qui peut arriver dans une école à l'immobilier parfois mal tenu, au matériel souvent dangereux, à des produits d'entretien qui ne seraient pas sous clef, etc. Il faut veiller à tout, rester aux aguets, vérifier que les consignes sont respectées... La charge est lourde, mais primordiale. J'insiste: c'est notre première responsabilité. Heureusement pour celle-ci nous avons deux alliés de poids: le Maire et l'IEN, que nous ne devons jamais hésiter à mettre en mouvement si cela est nécessaire.

Dans l'affaire qui nous préoccupe et dans cette optique de responsabilité indissociable, il est donc logique que notre collègue soit sanctionnée. Elle n'a d'ailleurs aucunement protesté, ce qui est tout à son honneur, et de plus cette sanction lui permettra peut-être à terme d'oublier ce triste manquement qu'elle est je suis sûr la première à se reprocher. De ce point de vue je pense que le soutien des familles de l'école lui aura été cher. Une mère d'élève de l'école a déclaré récemment dans un quotidien local: "Personnellement et sans minimiser l'erreur qui a été faite, je trouve cette sanction plus qu'injuste car il y a certes une responsabilité à assumer en tant que directrice mais pas à ce point-là!" Eh bien si, justement, mais je ne peux pas reprocher à une famille d'ignorer les textes de base qui régissent notre mission. En revanche, que certaines centrales syndicales fassent mine de ne pas les connaître m'indispose. Qu'un responsable local puisse écrire que "Bien qu'il y ait eu un dysfonctionnement (une élève a été oubliée), nous avons fermement condamné la sanction de retrait d'emploi qui nous semble disproportionnée, surtout qu'il ne s'agissait pas de la classe de la directrice.", ou pire pour un autre qu' "En sanctionnant la directrice de cette école, l’administration envoie un signal négatif fort à tou-te-s les directeurs-trices d’école: ils-elles pourront être sanctionné-es pour des actes ou incidents ne relevant pas de leur responsabilité.", cela m'agace beaucoup, car cela me parait une claire volonté de nier la Loi et surtout la singularité du merveilleux et difficile métier - car c'en est un - de Directeur d'école. Nous sommes dans une logique de refus de considérer la Direction d'école comme une mission spécifique, avec des responsabilités spécifiques et des besoins spécifiques, et évidemment à terme la nécessité d'un changement clair de la définition de notre métier, de la façon de le reconnaître institutionnellement et salarialement, bref de son statut - le gros mot est écrit! -.

La seconde réflexion que ces tristes évènements suscitent en moi, c'est que comme Directrice ou Directeur d'école nous devons reconsidérer avec prudence et recul le prétendu besoin de "sorties scolaires". Il ne s'agit pas de sacrifier les sorties à visée sportive (je continue à aller à la piscine avec mes élèves de cinq ans) ni celles qui peuvent avoir un intérêt pédagogique dans le cadre précis du Projet d'école. Non, je ne parle évidemment que des sorties plutôt récréatives comme celles que beaucoup d'écoles pensent de leur devoir d'effectuer en fin d'année scolaire. Ces sorties réclament un engagement fort que pour ma part depuis longtemps je refuse d'assumer malgré les demandes parfois pressantes des familles qui veulent nous accompagner... et ne s'occuperont parfois que de leur propre enfant au détriment de la sécurité affective ou effective des autres. Mes parents d'élèves sont invités plusieurs fois par an à l'école pour participer à des actions qui leur permettent de travailler avec nos élèves, cela suffit en ce qui me concerne. Il faut avouer que peut-être je me rappelle trop, sur l'école que je dirige aujourd'hui, d'un incident survenu il y a vingt-cinq ans quand la précédente collègue avait oublié un groupe d'enfants et d'accompagnateurs au retour d'un voyage récréatif dans un zoo de la région, à deux cent kilomètres tout de même, pour s'en rendre compte à l'arrivée. Et puis, franchement, je ne vois pas l'intérêt de telles sorties. Pourtant j'en ai fait pendant des années (blessures diverses), des classes de neige aussi (poignets cassés, chevilles foulées)... Plus envie. Peut-être parce que nos élèves ont changé? La façon de nous tomber dessus pour la moindre égratignure certainement aussi. Pensez-y quand vous signez une autorisation de sortie sans nuitée à un adjoint dont vous n'êtes pas totalement assuré des compétences en matière de sécurité... La confiance, c'est important. La prudence aussi. N'oubliez jamais: le Directeur, c'est vous!

mercredi 6 juillet 2016

Vous n'êtes pas seul !

Chère collègue Directrice d'école, cher collègue Directeur d'école,

elles sont enfin arrivées, ces vacances d'été. J'imagine que bon nombre d'entre vous seront encore sur le pied de guerre pendant quelques jours. Il faut bien dire que cette année que nous devons "boucler" fut éprouvante, à de nombreux points de vue, entre exercices de sécurité imprévus mais nécessaires après les évènements de 2015, nouveaux programmes, j'en passe et des meilleures. Les années se suivent mais ne se ressemblent pas, celle-ci fut difficile et lourde pour nous autres, encore plus énergivore et chronophage que les précédentes. Nos charges se sont certainement beaucoup alourdies, mais pour des raisons logiques. Certains y auront laissé des plumes, quelques-uns auront lâché - épuisés ou dégoûtés -, d'autres prendront soulagés une retraite méritée. Mais la plupart d'entre nous resteront en poste, convaincus et attachés à notre mission si compliquée mais si riche. Et puis, il y a tous les petits nouveaux plus ou moins volontaires...

Notre métier a tout de même changé. Même si ce n'est pas toujours perceptible de prime abord sur le terrain. Avec un référentiel-métier d'abord, qui prouve s'il en était nécessaire que la mission du Directeur est bien un métier, à part de celui d'enseignant même si certaines centrales syndicales persistent à vouloir le nier, même si certains IEN ou certains DASEN font mine de l'ignorer, en particulier en freinant des quatre fers quant à la fameuse "simplification des tâches administratives". Avec une légère amélioration de notre décharge de temps d'enseignement, avec une légère amélioration de notre "indemnité" dont je rappelle qu'elle rentre en partie dans le calcul de notre retraite avec la RAFP. Et puis une nouvelle perspective, celle d'une "classe exceptionnelle" dont hélas je sais bien que la majorité d'entre nous seront exclus avant de longues et difficiles années d'exercice.

La lutte, si lutte il y a, n'est pas terminée. Les Directeurs d'école (je persiste à mettre une majuscule à ce titre) sont aujourd'hui mieux considérés que ce n'était le cas quand j'ai débuté dans la fonction. Mais il reste du chemin à faire, un lourd travail à accomplir. Heureusement, le GDiD est désormais hautement considéré au Ministère comme un interlocuteur sérieux et loyal. Parce que vous ne devez pas vous faire d'illusion: si maintenant on peut commencer à envisager la Direction d'école comme une perspective de carrière, si maintenant on peut mieux cerner les contours de notre mission et en envisager une évolution à moyen terme, c'est au GDiD que nous le devons. Certes nous sommes soutenus par plusieurs centrales syndicales, et non des moindres, mais tout de même c'est bien le GDiD qui est régulièrement invité au Ministère, à la Chambre, au Sénat, pour expliquer nos contraintes, nos besoins, nos désirs - un peu -, notre frustration - souvent - ...

Le GDiD est une association. Une association de Directrices et Directeurs d'école qui n'admettent pas que les choses restent en l'état. Nos charges et nos responsabilités sont telles que chacun peut comprendre que quelque chose ne va pas. Nous dire que nous sommes pédagogiquement responsables de la marche de notre école est certes satisfaisant intellectuellement, mais quelles armes avons-nous à notre disposition pour le faire admettre, alors même qu'institutionnellement nous ne sommes rien? Vous le savez bien, quand vous expliquez que vous ne pouvez pas faire grand chose pour remédier au problème d'un enseignant qui dysfonctionne sinon alerter ou tenter d'encadrer ou... Vous le savez bien quand vous vous heurtez à une Municipalité compliquée, ou à des ATSEM qui n'en font qu'à leur tête. Vous le savez bien quand vous échoit une EVS ou AVS sans formation aucune qui fait ce qu'elle peut mais ne peut pas... Le GDiD est là pour vous aider, le GDiD est là pour nous aider, à titre personnel dans une situation très compliquée, ou simplement par des conseils adaptés à la situation, et parfois ce n'est pas simple.

C'en est au point d'ailleurs que la question peut se poser pour le GDiD aujourd'hui: doit-il rester une simple association ou doit-il évoluer d'une autre façon mieux à même d'aider les Directrices et Directeurs en difficulté? C'est un débat.

Pour l'instant le GDiD a besoin de nous. Les collègues qui représentent l'association vivent dans le sud de notre pays, et "monter" à Paris coûte cher, entretenir le parc informatique aussi. L'adhésion, c'est 20 €, ce n'est pas beaucoup, et ça permet de rembourser les déplacements de représentants qui je le rappelle sont totalement bénévoles et font ça sur leur temps libre. Cela permet aussi de payer l'infrastructure de l'association dont les serveurs nécessaires au maintien du site et des forums. Rien ne vous interdit de donner plus!

Alors, si vous êtes déjà dans l'association, pensez à régler votre cotisation pour l'année scolaire 2016-2017. Si vous n'y êtes pas encore, venez, participez! Notre situation ne s'améliorera jamais plus si nous restons les bras croisés.