dimanche 30 novembre 2014

Travailler en paix...



Enfin les élections pro sont arrivées! D'ailleurs j'espère que vous avez voté -et bien voté dans votre intérêt, Mme la Directrice, M. le Directeur...-. Nous allons enfin échapper aux dizaines de courriels quotidiens, partagés entre une administration inquiète qui aurait voulu que vous affichiez partout des listes d'électeurs et des syndicats qui tenaient absolument à ce que tout le monde vote pour eux et pas pour les autres -décharges syndicales, fric et sinécures obligent-.

Enfin je n'aurai plus à balancer quotidiennement à la corbeille bulletins victorieux, tirages de couverture et autres professions de foi qui bouffaient à tous les râteliers. Bon, j'aurai encore les spams qui passent avec allégresse et sans faillir les fourches caudines académiques, mais je préfère encore une pub pour des godasses aux revendications moches des velléitaires du secteur -mais pourquoi utilisent-ils tous des programmes de courriel aussi infâmes, avec des couleurs aussi dégoulinantes?-.

Bref, je vais peut-être pouvoir travailler un peu en paix. Si l'on peut dire, ce mois de décembre n'est jamais franchement reposant.

Et puis il semble, d'après les dires du GDiD, que certaines évolutions se précisent. J'attends évidemment de voir ce que notre administration entend par "simplification des tâches" en ce qui nous concerne, car jusqu'à présent elle a surtout consisté à doubler notre boulot. Comprendront-ils un jour que la redondance des exigences -courrier postal plus voie électronique par exemple- ne nous facilite pas les choses? Par essence une administration est sourde, il va falloir que les directeurs d'école s'emparent des commissions académiques qui vont y réfléchir, en court-circuitant si nécessaire les syndicats. Cela aussi va être une demande du GDiD, que les agents de terrain puissent prendre la parole. A condition d'avoir quelque chose à dire, et là aussi je suis parfois dubitatif quant aux capacités de mes collègues directeurs à imaginer ce qui pourrait leur faciliter la vie. Wait and see...

Pour l'instant je garde la tête dans le guidon. Pas le choix, voir à long terme avec des gosses de cinq ans surexcités quand Noël pointe à l'horizon est difficile. Cela me fait aujourd'hui franchement marrer quand l'institution me demande dès septembre jusqu'en novembre ce qui va se passer au cours de l'année, voire l'an prochain, alors que ma courte vue se limite aux diverses épreuves et manifestations de ces mois pluvieux, brumeux, froids et finalement festifs. Vite un verre de vin chaud à la cannelle et quelques pumpernickels. De toute façon, qu'est-ce que j'en sais, moi, dix mois à l'avance, combien j'aurai d'élèves à la rentrée de septembre 2015? J'ai bien ma formule de calcul personnelle adaptée à la commune dans laquelle j'exerce depuis une dizaine d'années, mais elle relève plus de l'ésotérisme qu'autre chose: état des naissances, moins 10% de départs, plus 15% d'arrivées, plus moyenne des dérogations des quatre dernières années, plus... moins.. De combien j'en ai besoin en fait? De toute façon je me plante toujours, et je suis toujours en dessous.

Bon, allez, je retourne à mon veau en matelote. Lui, c'est à midi que je vais le déguster, pas en septembre prochain.


dimanche 23 novembre 2014

Mou du genou...

Oui, je n'écris pas beaucoup de billets en ce moment. Comme la majorité d'entre nous, je suis fatigué, je suis débordé de travail, mou du genou quoi... et je m'enfonce doucement dans une torpeur hivernale qui n'est pas totalement désagréable, mais ralentit autant mes gestes que mon acuité intellectuelle. Un pâle soleil rase mon clavier, il fait frais, les dernières feuilles tombent. J'aime assez cette période qui précède décembre et les fêtes de fin d'année, il y traîne comme une odeur de sapin, de feu de cheminée, de bougies... Mais vous savez comment sont les gamins de maternelle à ce moment de l'année, alors je garde le peu d'énergie qui me reste pour mes élèves, le directeur d'école lui est au point mort -je fais le mort-. Pour ne rien dire du pamphlétaire...

J'attends aussi que passent ces élections professionnelles qui gavent ma boîte de courriel académique indécent: "Votez pour nous!". Tu parles. Le dirlo n'est pas fou, il votera pour ceux qui défendent sinon le statut, du moins une pleine et entière reconnaissance de sa mission. J'aimerais bien avoir deux ou trois retours institutionnels au pied du sapin. Vivement la fin des élections, qu'on passe à autre chose: le référentiel, le GRAF...

Tout ça pour dire qu'il n'est pas utile que pendant quelques semaines vous attendiez de moi monts et merveilles, billets brillants ou logorrhées emphatiques. Je n'ai même plus envie de taper sur qui que ce soit. Dur! Allez, je mets le dernier album de Cat "Yusuf" Stevens et je retourne m'enfoncer dans mes rêves de bonheur directorial, quand je serai considéré, bien payé, et que j'aurai le temps de faire mon boulot. Bon week-end!

samedi 15 novembre 2014

Mon soutien au SE-UNSA et au SGEN-CFDT...


Le mois de novembre approche à grands pas, et avec lui les élections professionnelles. Elles n'ont lieu que tous les quatre ans, et pendant les quatre années qui suivent on en subit les résultats, localement ou nationalement. Pour ces élections, en tant que directeur d'école, j'apporte mon soutien total au SGEN-CFDT, ainsi et surtout qu'au SE-UNSA, et je vais vous expliquer pourquoi. Mais en préalable je dois également vous exhorter à surtout ne pas oublier de voter! C'est primordial.

Pourquoi il faut voter.

Je vous entends d'ici: bof, les syndicats ne représentent plus rien, ils me dégoûtent, je ne vote pas c'est nul, aucun intérêt, etc... Si vous avez cette impression, c'est bien justement parce que plus personne ne vote aux élections professionnelles! Seuls 38% des électeurs enseignants ont participé au scrutin en 2011. Et 5% étaient des bulletins blancs ou nuls...

Le problème majeur avec un tel taux de participation, c'est qu'il ouvre un boulevard aux "petits" syndicats, en général extrémistes et ennemis des directeurs d'école qu'ils considèrent comme des commis ou les larbins des équipes d'école. C'est ainsi que nationalement FO, SUD et la CGT ont pu réunir ensemble 14% des voix en 2011. Voilà une jolie minorité anti-directeurs.

Le second problème, c'est qu'un taux de participation aussi lamentable ouvre un second boulevard au syndicat majoritaire, soit le SNUipp, lui aussi farouchement et ataviquement anti-directeurs d'école, bien qu'il ait frénétiquement dansé la rumba il y a deux ans pour nous faire croire le contraire. Avec plus de 49% des voix...

Nous voilà donc avec 63% des suffrages phagocytés par les adversaires du statut nécessaire des directeurs d'école. Ce n'est plus un boulevard, c'est une autoroute offerte à nos adversaires qui tiennent envers et contre tout à un statu quo mortifère qui finira par avoir notre peau. Et vous vous étonnez du peu d'écho qui s'offre à nos appels frénétiques? Le GDiD peut bien s'égosiller, il sait qu'il ne sera relayé que par deux centrales syndicales, certes importantes, mais minoritaires. Qui le ministre écoutera-t-il prioritairement lors des discussions? Car ce sont bien les instances syndicales qui sont légalement consultées lorsqu'il s'agit de faire bouger le diplodocus; si le GDiD est attentivement écouté, c'est quand même la Commission Paritaire Nationale (CAPN) qui tient le manche du marteau...

Il est donc indispensable de voter! Comme directrice et directeur d'école vous avez aujourd'hui un double devoir, celui de voter vous-même (et de voter "bien" pour votre avenir), et celui d'inciter fortement à voter vos collègues et adjoints. Rien ne vous interdit non plus de faire de la retape pour les deux centrales syndicales dont je vais vous parler dans le point suivant...

Pour voter, il faut vous créer un compte, et c'est urgent: https://vote2014.education.gouv.fr/emg-portal-webapp/frontend/#/login

Pour qui il faut voter.

J'ai déjà expliqué pour qui il ne faut pas voter: le SNUipp, FO, SUD, la CGT.  Oubliez-les, ils n'en valent pas la peine. On peut éventuellement laisser une chance départementalement (CAPD) à FO, qui localement fait souvent sinon du bon boulot, du moins s'investit beaucoup. Mais surtout pas en Comité Technique ni à la Commission Nationale (CTMEN et CAPN)!

Squizzez surtout complètement aussi le SNUipp, qui se déconsidère avec ses propres contradictions, et qui va finir en quenouille et se scinder en factions ennemies, comme le défunt SNI-pegc il y a vingt ans. C'est -je me répète- un adversaire déclaré du statut des directeurs d'école, et de par son audience il est le frein principal à l'évolution indispensable de notre mission.

Il reste le SGEN-CFDT et le SE-UNSA qui sont tous deux hautement fréquentables pour un directeur d'école soucieux de son avenir. Je ne vais pas vous détailler les projets précis des deux syndicats, mais simplement rappeler qu'en ce qui concerne la mission de direction d'école, ce sont ces deux grandes centrales qui ont le plus fait ces dernières années pour que nous ne soyons pas encore et toujours les éternels cocus du système. Car tout le monde a droit à un statut dans l'enseignement: les psychologues, les CPC... voire les EVS! Combien de fois ai-je lu ces dernières années dans des tracts gauchistes qu'il était indispensable que les EVS aient un statut? Tout le monde, vous dis-je, sauf les directeurs d'école. Alors j'ai été bien heureux que le SGEN et le SE nous soutiennent. Le SE surtout, qui est mieux représenté nationalement, le SGEN ayant été un grand perdant des dernières élections.

Il existe aussi une myriade de "petits" syndicats qui soutiennent l'idée d'un statut différencié pour les directeurs d'école, mais ils n'ont aucune chance d'être nationalement représentatifs. Il ne faut donc pas disperser nos votes! C'est primordial si nous voulons aller au bout de la logique qui sous-tend l'action du GDiD.

Vous savez ce qui vous reste à faire. Il faut motiver vos collègues, il faut qu'ils votent, et qu'ils votent pour le SE ou le SGEN. Pas de chichis, pas d'états d'âme! Soyez prosélytes! Après tout nous sommes submergés depuis deux mois dans nos boîtes académiques de courriels appelant à voter pour untel ou untel, qui se gobergent de succès divers et avariés. Qu'est-ce qui vous empêche, vous directrice, vous directeur, de faire la même chose? Vous êtes les mieux placés, vous êtes à leur contact quotidien, vous êtes appréciés, pour une fois sautez sur l'occasion. Et ne laissez pas nos adversaires prendre le pas sur nos alliés, nous nous le reprocherions tous par la suite.

Courage! Nous ne sommes plus très loin du but.

samedi 8 novembre 2014

Le miroir aux alouettes...

J'en ai marre de lire partout des articles sur l'usage scolaire de l'informatique, des ordinateurs, des tablettes, des tableaux numériques, du "code", et des supposés miracles que ces outils sont sensés faire. Les sites spécialisés dans l'éducation en sont quotidiennement truffés, les autres médias aussi, au point que j'en ai la nausée.

Pourquoi? Parce que j'enseigne depuis trente-cinq ans, que je fais partie de ceux qui ont utilisé ou utilisent l'informatique en classe depuis très longtemps, et parce que j'ai l'impression fâcheuse qu'on m'agite un hochet sous le nez. L'école a des ratés? Voici quelques milliards pour combler les prétendus "retards" français, voilà de jolis appareils -fabriqués en Corée ou ailleurs- qui nous permettront de faire croire que "nous faisons tout" pour aider les petits français. Sans se poser d'autres questions plus cruciales comme celle de la formation des enseignants, comme celle de l'aide qu'on peut donner individuellement à nos élèves, ou en y apportant des solutions bâtardes. C'est de la poudre aux yeux, c'est de la fumisterie, une baguette magique qui fait de jolies étoiles colorées. Nous vivons dans une époque Walt Disney, gloire aux fées! Votre enfant est perdu à l'école, voici un joli jouet, l'universelle panacée!

Chaque époque a eu son lot de nouveautés qui allaient sauver le monde. En 1881, 52 000 fusils ont été distribués dans les écoles, avant que soient créés des " bataillons scolaires " où les élèves portaient un uniforme. Ils durèrent dix ans, et ont certainement très bien préparé l'abominable catastrophe de 1914. Un autre exemple, l'arrivée des "cahiers de devoirs" en 1884:

Enfant ! Ce cahier vous est remis pour être le compagnon et le témoin de vos études durant tout le temps que vous passerez à l'école.
Tous les mois environ, vous y remplirez quelques pages seulement ; vous y écrirez le devoir que l'on vous aura donné à faire (...). Et vous continuerez ainsi jusqu'à votre sortie de l'école, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de treize ans ou jusqu'à ce que vous ayez obtenu le certificat d'études. (...)
Ces devoirs mensuels ainsi réunis ne formeront ensemble qu'un bien petit volume. Cependant, ils seront en quelque sorte le résumé de toute votre enfance, l'histoire sommaire de vos six ou sept années d'étude. (...)
Enfant ! faites en sorte de pouvoir un jour regarder cet abrégé de votre vie scolaire sans avoir à en rougir ! (...)
Appliquez-vous, enfant ! Le cahier est là sous vos yeux, encore tout blanc, prêt à recevoir tout ce que vous saurez y mettre de bon, tout ce qui peut vous faire honneur et en même temps faire plaisir à vos parents et à vos maîtres : de belles pages d'écriture, de bonnes dictées, des devoirs soignés d'histoire, de géographie, de calcul. (...)
Faire toujours des efforts, afin de faire toujours des progrès : c'est la loi de l'école parce que c'est la loi de la vie ; les hommes y sont soumis tout comme les enfants. (...)
Enfant ! songez encore à ceci : On ne travaille pas pour soi seul dans ce monde, on travaille aussi pour les autres. Les petits enfants eux-mêmes sans y penser travaillent pour leur pays. Car les bons écoliers feront les bons citoyens.

Pendant ce temps, le WISE de Doha pose à ses 1800 participants la question suivante: « Do schools kill creativity ? » (Les écoles tuent-elles la créativité ?). Et pour moi la mise en parallèle est cruelle. J'observe depuis des décennies dans ce pays l'obsession des manuels scolaires ou des fichiers photocopiés à tire-larigot par des enseignants qui y trouve un facile refuge, sans se poser la question de leur opportunité, de leur adaptation à leurs élèves, de leur efficacité. On remplace la qualité de l'enseignement par la quantité, plus il y a de "fiches" ou de cahiers remplis, de lignes écrites, mieux ça vaut, ça prouve qu'on travaille. Dans le vide, pour rien, mais on travaille. Mes propres élèves de cinq ans sont déjà atteints par le syndrome, qui me disent le jour où nous n'avons pas laissé de trace écrite que "nous n'avons pas travaillé aujourd'hui". Et on me parle de créativité?

Notre enseignement est fermé sur lui-même, il ne vise qu'à se reproduire, et qu'à reproduire ses travers historiques. Travers qui font d'ailleurs que beaucoup d'adultes croient qu'ils pourraient facilement enseigner puisqu'ils ont été eux-mêmes à l'école et qu'ils ne voient dans ce que leurs enfants leurs rapportent que ce que déjà eux-mêmes ils avaient connu.

Pour moi l'usage de l'informatique tel que l'institution le conçoit relève de la même méprise. C'est un outil, précieux, d'une utilité indéniable quand on le maîtrise. Mais apporte-t-il quelque chose à nos élèves? Je l'ai déjà écrit, rien ne remplace le lien de communication tressé entre l'adulte et l'enfant pour les apprentissages, voire les liens tissés entre élèves. L'ordinateur -ou la tablette, ou...- est un enfermement supplémentaire, une émanation magique qui est sa propre destination, son propre objectif. Surtout lorsqu'on utilise un clavier ou un TBI pour en fin de compte compliquer sous un prétexte technique un enseignement qui pourrait être très simple. Rien ne remplacera jamais la découverte manuelle et la manipulation pour l'acquisition de compétences ou de notions mathématiques, rien ne remplacera jamais la langue parlée et la discussion pour l'acquisition du langage, rien ne remplacera jamais les jeux de construction, le dessin, l'écriture manuelle, pour la construction du cerveau. Copernic, Newton, Lavoisier, Marie Curie, étaient des manipulateurs, ils inventaient leurs propres outils, les fabriquaient. Créer, c'est imaginer, et on n'imagine rien avec un ordinateur, qu'on joue ou qu'on travaille, qui n'y soit déjà inscrit, cheminé, tracé. Je me rappelle une gamine de CM2, il y a une quinzaine d'années, qui disait-elle "n'aimait pas la géométrie"; je lui avais fait découvrir le bonheur du dessin tracé à la règle et au compas uniquement. Elle m'avait écrit quelques années plus tard: "... vous m'avez fait aimer la géométrie...". Capucine, je t'embrasse.

Dans le même esprit, notre ministère vient enfin de sortir une circulaire sur la simplification des tâches des directeurs d'école. Mais pour ce ministère, "simplifier" signifie "mettre en ligne"... tout en conservant les documents écrits sur papier. C'est ainsi que notre Base-Elèves fait double emploi avec le toujours obligatoire fameux Registre-matricule, et nous faisons le boulot deux fois. C'est ainsi que nous devons désormais remplir en ligne le PV des élections des représentants des parents d'élèves, mais nous l'imprimons, le faisons signer, l'envoyons par courrier, et nous faisons le boulot deux fois. C'est ainsi que nous envoyons par courrier mais aussi désormais par courriel la liste d'émargement pour les élections professionnelles, et nous faisons le boulot deux fois. L'informatique quel bonheur! Internet quelle délivrance! La machine libère l'homme. Ou le contraire.

Je vous rassure: j'ai deux ordinateurs chez moi, sur lesquels je prépare en partie mon boulot -mais j'utilise toujours des stylos, des feutres, des ciseaux, de la colle...-. J'ai un ordinateur dans mon bureau de directeur. J'ai six ordinateurs dans ma classe, que mes élèves apprennent à manipuler. Je n'en fais par pour autant une obsession, surtout pas, et j'aime voir mes élèves se précipiter pour se déguiser avec de vieilles robes et d'abominables chapeaux sortis de la malle à déguisements -voilà du vrai jeu de rôle!-, ou bâtir avec les jeux de construction des véhicules futuristes. Oui, pour moi les ordinateurs que j'ai en classe sont au même rang d'intérêt qu'un vieux sac à commission ou une boîte de Clipos.

Mais le miroir aux alouettes est bien en place.

jeudi 6 novembre 2014

"Simplification", qu'ils disent...

Il fut un temps où, pour les élections professionnelles, le directeur renvoyait à son IEN la liste d'émargement signée, et éventuellement les enveloppes personnelles non remises. Bon, ça coûtait un timbre, mais ça ne mangeait pas de pain.

Aujourd'hui, les protocoles de simplification sont en marche. Qu'ils disent. Parce que dans les faits...

J'ai reçu du rectorat des consignes claires, transmises par courriel. Pour simplifier la chose, le rectorat nous demande de renvoyer la liste émargée et les enveloppes non remises au rectorat. Bon, comme avant, mais... maintenant il faut en plus numériser la liste et l'envoyer par courriel. Je suppose que pour le rectorat "simplifier" consiste à doubler le boulot.

Admettons.

Si vous n'avez pas de scanner vous pouvez toujours bêler dans le vide institutionnel.

J'ai bêtement fait ce qu'on me demandait. Pourquoi n'ai-je pas attendu? Je le sais pourtant bien que c'est le souk dans ce ministère... Je reçois un courriel ce soir me disant que finalement ce n'est pas la peine de renvoyer l'original s'il est complet, mais qu'en revanche je dois envoyer une seconde copie par courriel, à la DSDEN cette fois.

Moi qui non déchargé avais réussi à faire le boulot dans les temps, je vais devoir faire un nouveau courriel. Ridicule. Encore une chance, j'avais conservé mon pdf, je devais renifler l'embrouille, un vague instinct je suppose. Parce que l'original, je ne l'ai évidemment plus puisque je l'ai bêtement posté comme on me le demandait.

Croyez-vous que ces gens se réunissent régulièrement dans un bureau pour chercher comment ils pourraient emmerder le monde? Croient-ils que je n'ai que ça à foutre, entre ordres et contrordres, et j'attends la suite parce que rien ne dit que c'est fini? J'ai des élèves, moi, 24 heures par semaine, plus des heures de réunion et d'APC et autres billevesées dont je me passerais bien.

"Simplification", qu'ils disent... Aaaah ça, pour causer.

samedi 1 novembre 2014

Il se déguise en directeur d'école pour faire peur...


De notre envoyé spécial.

Après les clowns, les dirlos? Sous le prétexte d' Halloween, fête païenne anglo-saxonne, tout est bon aujourd'hui pour effrayer autrui. M. Réforme, un enseignant de l'école élémentaire de XXX, s'est récemment déguisé en directeur d'école, et a réussi à durablement traumatiser élèves et enseignants.

Grégoire, dix ans, témoigne: "Ben on l'a vu arriver le matin, il avait une cravate et l'air fatigué. Il avait des rides sur le front et des poches bleues sous les yeux, ça nous a fait un peu peur. Et pis il a apporté un téléphone qu'il a posé sur son bureau. A chaque fois que ça sonnait ça nous faisait tous sursauter, il arrêtait de nous parler et discutait bizarrement au téléphone, on ne comprenait rien. La troisième fois que ça a sonné y'a Solène qui s'est mise à pleurer. Pourtant elle est costaude Solène, c'est la première de la classe! Même Thomas qui fait tout le temps l'andouille il osait plus bouger, il est resté toute la journée vissé sur sa chaise."

Les enseignants de l'école aussi y ont cru. Comme l'explique Mme Eval-Cognit, qui enseigne à l'école de XXX depuis sept ans: "Quand je suis arrivée à 7h30, il trifouillait le photocopieur avec un tournevis. Il m'a dit qu'il était désormais directeur de l'école. Je l'ai cru, pourquoi pas, c'est quelqu'un de sérieux d'habitude, et puis on n'y comprend plus rien au fonctionnement de l’Éducation nationale. Il a distribué le courrier, après il a demandé à vérifier les pourcentages de présence sur les cahiers d'appel et il les a signés. On y a tous cru."

M. Rythmescol est dans l'école depuis cinq ans: "Il a refusé de signer mon autorisation de sortie, en me disant de la refaire. Il a aussi renvoyé le bus qui devait emmener les CE2 au Musée, M. Plannumeric qui avait travaillé toute la semaine sur cette visite en était tout retourné. Il a aussi fait pleurer une des femmes de ménage, en lui disant que le couloir du premier étage était dégueulasse, que c'était une honte et qu'il allait en informer la municipalité. A la récréation il a confisqué tous les ballons, les cordes à sauter, les billes... Il y a eu beaucoup de larmes parmi nos élèves."

Mme Method-Global: "Il n'a pas voulu signer mon bon de commande, il l'a même jeté à la poubelle en disant qu'il n'y avait plus d'argent pour les fournitures, et que je n'avais qu'à mieux gérer mon budget! Je n'ai pourtant rien dépensé depuis la rentrée. Il a fait la même chose à Mme Logicurricul qui a fondu en larmes dans le bureau."

La municipalité de XXX a été également jouée. M. Norme, directeur des services, nous raconte: "M. Réforme est arrivé à midi à la Mairie pour réclamer un nouveau photocopieur, un projecteur vidéo et douze ordinateurs neufs. Il nous a expliqué qu'il était le nouveau directeur de l'école. Pourquoi pas, nous ne comprenons plus rien nous non plus au fonctionnement de ce ministère, et la DASEN est injoignable entre midi et deux. Nous avons donc transmis sa demande à M. le Maire. Nous avons également signé sa commande de 600,00 € de bonbons sur les crédits fongibles, commande qui nous a un peu surpris, mais nous ne voulons pas empiéter sur des responsabilités pédagogiques qui ne sont pas les nôtres!"

Nous avons demandé à Mme Bienveillante, qui est la véritable directrice de l'école de XXX, comment une telle usurpation a pu fonctionner: "J'ai fait mon travail habituel en arrivant à 7h le matin, mais c'était une journée qui s'annonçait calme, alors je suis allée dans ma classe. Personne ne m'a rien demandé de la journée, ce qui est inhabituel mais j'ai pensé qu'enfin j'aurais peut-être pour la première fois depuis six semaines une journée un peu tranquille. En plus ma classe est à l'arrière de l'école alors ça explique que je n'aie rien vu. Même le téléphone n'a pas sonné de la journée et pour cause, M. réforme avait débranché la prise! Mais mes petits CP ont eu une bonne journée."

Les syndicats que nous avons contactés n'ont pas souhaité s'exprimer, à part un représentant de FO qui sous couvert d'anonymat nous a fait un long discours sur les "petits chefs" qui tyrannisent leurs collègues et la nécessité d'une direction d'école collégiale. La Direction Académique que nous avons également jointe nous a expliqué qu'une enquête était en cours pour déterminer clairement les faits et les responsables, mais que de toute façon l’Éducation nationale ne pouvait être mise en cause.

De nombreux enfants sont rentrés chez eux ce soir là en pleurant -sauf les CP qui étaient ravis-, et plusieurs plaintes ont été déposées. M. Réforme a été interpellé par la gendarmerie à son arrivée à l'école le lendemain matin. Il aurait dit que "ce n'était qu'une blague, mais c'est pas drôle d'être dirlo." M. Réforme a présenté des excuses et a été orienté sur un centre spécialisé de soins pour les enseignants.