samedi 25 avril 2015

Mon papy...

Si j'avoue aujourd'hui mes trente-six ans de métier, c'est évidemment que mon âge est en rapport. Entré à l’École Normale à dix-huit ans, j'en accuse cinquante-quatre sur la balance de la vie. Mais même après toutes ces années à travailler avec de jeunes enfants, il m'arrive encore d'être touché par une déclaration d'amour inattendue.

J'ai dans ma classe une petite fille de famille pluri-culturelle. Une partie de ses proches vit en Afrique du Nord, une autre outre-Atlantique. Elle devait hier prendre l'avion pour traverser l'océan et rendre visite à de la famille qu'elle ne connait pas, et pendant quelques jours je l'ai sentie inquiète, de façon surprenante pour cette petite très sûre d'elle et d'ordinaire fort joyeuse. J'ai beaucoup pris de temps pour la rassurer, lui expliquer son voyage; j'ai montré à toute la classe sur un de nos ordinateurs -merci Google Maps!- le trajet qu'elle aurait à faire depuis l'école, ainsi que quelques bâtiments emblématiques du lieu où elle allait. Bref j'ai tâché de faire de mon mieux.

Elle m'a alors dit qu'elle n'avait pas, ou plutôt qu'elle n'avait plus de papy. Je l'ignorais. Elle m'a alors sorti cette phrase que je ne suis pas près d'oublier, dans laquelle elle mettait toute son affection et sa reconnaissance, et ce que je crois seule une enfant de six ans était capable d'exprimer:

- Mais toi tu es mon papy de Grande Section!

Il y a de ces instants où trois mots suffisent à vous récompenser d'années de dévouement. Même si, j'en ris encore, c'était aussi une façon de me dire que je n'avais plus vingt ans. J'avoue que j'ai rarement aussi bien accepté d'avoir vieilli.

Le directeur d'école maternelle que je suis est entré de plain-pied dans ces vacances avec pas mal de fleurs éclatantes dans le cœur.

jeudi 23 avril 2015

Y'a pas vraiment de raison de s'énerver...

Il règne en ce moment une certaine agitation dans l’Éducation nationale. Entre les propositions de nouveaux programmes pour le collège ou l'élémentaire, les "Assises" de la laïcité, les ouvertures et fermetures de classes, le "mouvement", et autres joyeusetés, ça s'agite et ça trépigne.

Moi je suis épuisé. Qu'on ne vienne pas me dire que la matinée supplémentaire du mercredi matin n'y est pas pour quelque chose, ni non plus les multiples réunions en soirée auxquelles j'ai dû assister, lors desquelles j'ai dû intervenir ou que j'ai dû animer comme directeur d'école. Jamais vu ça. Ce mois d'avril 2015 restera dans mes annales.

Si on y réfléchit sereinement, beaucoup est néanmoins intéressant, et va dans le bon sens. Les programmes, par exemple. Sauf que le ministère tient absolument à ce qu'ils soient appréhendés par le public, et inévitablement cela suscite une incompréhension dans laquelle s'engouffrent des gens qui ne veulent que critiquer. Dans un sens, qu'on s'attaque au jargon professionnel qui y est employé est plutôt bon signe, cela signifie qu'il n'y a trop rien à redire sur le fond.

Les "Assises" aussi sont intéressantes. J'ai été convié à intervenir lors de celles de mon département, j'ai réussi à y placer mon couplet sur les directeurs d'école qui exercent aujourd'hui un métier et non plus seulement une mission. J'éprouve donc une certaine satisfaction même si je ne suis pas dupe de la portée réelle de mes propos. Et puis j'ai entendu lors de ces débats des choses intéressantes qui pour une fois viennent de la base. Dommage que  mon impression générale néanmoins soit que le ministère, une fois de plus, réinvente l'eau chaude, car je n'ai rien entendu qui ne soit pratiqué depuis des lustres par de nombreuses écoles qui tentent sans défaillir de faire comprendre à des populations exclues l'intérêt et l'importance de l'école, les y font entrer, les y font accompagner la scolarité de leurs enfants... Bon, c'est bien, mais quid novi?

Sur les fermetures de classes, je regarde avec une certaine sérénité les parents d'élèves qui un peu partout défendent l'indéfendable qui en occupant une école, qui en en bloquant l'entrée avec les banderoles traditionnelles, qui en séquestrant une directrice plus ou moins complice. C'est le jeu. Il faudra quand même faire comprendre à la population, en particulier rurale quand il en reste, qu'aujourd'hui il est devenu ingérable et coûteux de conserver cinquante-mille écoles dans tout autant de bâtiments parfois délabrés. Regrouper élèves et moyens financiers, surtout lorsqu'ils deviennent rares, est indispensable en 2015 pour que les enseignants et les enfants aient de bonnes conditions de travail.

Le "mouvement"? Bon... j'avoue que je ne comprends pas vraiment pourquoi dans la première moitié de ma carrière il était si simple de trouver rapidement un poste fixe de bon aloi, alors qu'aujourd'hui c'est pratiquement devenu impossible. A part peut-être le fait que les vieux dans mon genre sont maintenant contraints de rester sur le pont jusqu'à soixante ans au moins, alors que tout le monde mettait les voiles à cinquante-cinq auparavant. C'est sûr, je ne suis pas près de lâcher ma direction d'école dans mon coin sympa.

Et puis il est vrai que mon IEN ne vient plus me "chercher" ni ne m'enquiquine en me racontant n'importe quoi. Elle sait que je suis au GDiD, elle sait ce que je pense de mon métier de directeur d'école et la très haute idée que j'en ai. Elle sait que mon école "tourne". Et elle sait que je sais: les textes qui régissent ma mission me sont bien connus, elle ne peut pas me raconter n'importe quoi. Parce que certains IEN le font encore, face à des directeurs d'école qui n'osent pas s'affirmer ou connaissent mal la législation. Je sens clairement de la part des IEN une certaine résistance au référentiel-métier des directeurs d'école. Mais je la comprends aussi tant je vois de directeurs maladroits qui se fâchent stupidement avec les familles ou avec leur partenaire municipal, simplement parce qu'ils ne savent pas rester à leur place ou faire preuve d'un minimum de diplomatie et de communication. Vous connaissez tous le principe: une histoire idiote qui s'envenime, un courrier du Maire ou d'une famille qui monte chez le DASEN, et le tout qui redescend chez un IEN chargé bien malgré lui de replâtrer la façade ou de jeter de l'eau sur le feu. Quel rôle désagréable! Alors il est certainement plus facile de tenter de tout contrôler pour éviter d'inutiles ennuis, et d'imposer une autorisation superfétatoire pour tout et n'importe quoi. Je le comprends parfaitement. Je comprends aussi qu'il est plus que largement temps que la formation adaptée et continue des directeurs d'école soit mise en place et efficiente. Comme les cellules juridiques, d'ailleurs. Et puis, dans mon for intérieur, je me dis aussi que ma mission de directeur d'école, aujourd'hui je le répète un vrai métier qui requiert des compétences spécifiques, ne soit plus donnée à n'importe qui n'importe comment au gré du "mouvement".

Allons, il faut rester zen. Finalement tout ça va dans le bon sens, celui d'une meilleure gestion locale des écoles, au profit de nos élèves. Il n'y a finalement pas vraiment de raison de s'énerver. En revanche, il est temps que mes vacances arrivent, parce que je pédale dans la mélasse...

dimanche 19 avril 2015

Retour à l'envoyeur...

Je viens de remplir ma déclaration d'impôts... Une hausse de 20 % de l'impôt à payer.

Pourtant mon traitement n'a pas augmenté dans cette proportion, même si j'ai changé d'échelon et touche désormais comme vous la fameuse "prime" de 400 € par an. Quant à la pension ridicule de mon épouse retraitée...

Étant mensualisé, j'ai augmenté en proportion le montant que je paye chaque mois. Je ne sais pas trop comment je vais finir mes mois à venir sans rogner sérieusement sur les dépenses. Et on va me dire que la consommation ne se relance pas? Tu parles!

Payé par l’État, avec ce que je donne à l’État, j'ai l'impression -une impression, vraiment?- d'un simple retour à l'envoyeur. Pourtant je n'aime pas le tennis. Ou du moins je ne suis pas joueur. Jouer me débecte.

Je pense à ceux qui payent beaucoup d'impôts dans ce pays: artistes, "journalistes" (je mets des guillemets tant peu d'entre eux méritent ce titre), hauts fonctionnaires... Il est clair qu'au-delà d'une certaine somme il est possible de vivre, et bien vivre, sans souci particulier. Il est vrai aussi que certaines dépenses sont liées à un train de vie nécessaire quand on a de la notoriété et ou des responsabilités. Quand j'entends certaines personnes expliquer qu'elles acquittent leurs impôts sans problème bien qu'étant taxées à 50 % ou plus elles donnent des sommes phénoménales à l’État, je comprends parfaitement qu'en fait elles expriment qu'elles aspirent à une vie relativement simple, avec un train de vie confortable néanmoins, et que leurs revenus leur permettent de le faire. Voilà un bon état d'esprit. Je ne sais pas ce que paye chaque année au fisc Jean-Jacques Goldman par exemple, alors que cet homme mène une vie retirée et simple, mais ce doit être assez stupéfiant pour un pékin comme moi. Comprenons-nous bien, cet homme m'a donné tant de bonheur musical que franchement je ne vois pas pourquoi je lui reprocherais de participer aussi bien au fonctionnement de la Nation! Au contraire je lui suis profondément reconnaissant qu'en fin de compte il ait mis son talent au service de son pays. C'est grâce à des gens comme lui qu'on me paye et que mes élèves ont de bonnes conditions de travail dans leur classe. Je vais pousser le bouchon encore plus loin, mais mes pitchounes lui doivent peut-être de nombreux sourires, à lui et à ses semblables. Cela vous parait bizarre?  Réfléchissez un peu.

Du moins, je ne vois pas pourquoi ce serait à lui que j'irais reprocher que moi, cadre A de la fonction publique, je tire la langue. Qu'on ne me dise pas, surtout pas, que je suis un nanti ou un enfoiré de fonctionnaire, ça ira mal. Je suggère aimablement aux abrutis de droite -et je suis de droite-, à la bande à Sarko et autres enfoirés qui se gobergent aux frais de la Nation, de sérieusement réviser leur argumentation et leurs fameux "éléments de langage" pour les temps qui vont suivre. Je le suggère aussi tout aussi aimablement aux "camarades" et autres joyeux drilles dits "de gauche". Je me sens ce matin assez vindicatif. Parce que bosser pour des prunes... J'ai beau aimer mon métier, le comble sera que bientôt dans cette logique je finirai par payer pour le faire.

Il est où, le fric? Dans quelles poches il passe? Où sont les milliards de la Nation? Dans les porte-monnaie de qui? Je vais vous dire, à côté de ma déclaration d'impôts, la réforme du collège ou les "assises" -couché!- de la Répoublique bananière dans laquelle je vis, je m'en fous, mais je m'en fous, mais vous n'imaginez pas à quel point je m'en fous.

dimanche 12 avril 2015

La "Fête des Profs"...

L'excellent blog "L'instit Humeurs" nous en parle dans son plus récent billet: la "Fête des Profs" tente une percée en France, à l'instigation de l'association SynLab, "un laboratoire citoyen de recherche-action focalisé sur le développement des compétences émotionnelles, sociales et civiques dans les systèmes éducatifs du monde francophone".

Les réactions sont peu diverses chez nous: moquerie, désintérêt, haussements d'épaules... Pourtant cette fête existe dans de nombreux pays, elle y est même une fête officielle; c'est le "National Teacher Day" aux États-Unis au mois de mai; c'est le 10 septembre en Chine; c'est le 15 octobre au Brésil depuis 1963; c'est le 5 septembre en Inde, le 5 octobre au Canada, le 9 mars au Liban... Vous en trouverez une liste sur cette page.

Pourquoi cette réaction en France? Je pense qu'il faut y voir l'effet de décennies de dénigrement systématique de la part d'un monde politique haineux, qui au cours du temps a réussi à convaincre la population que les enseignants sont... vous savez comme moi les adjectifs dont on nous affuble.

Pourtant, pourtant, tous nous gardons en mémoire un ou deux professeurs, un ou deux instituteurs, dont nous conservons un souvenir ému. Celui-ci m'a aidé, celui-là m'a soutenu, celle-ci m'a passionné... Combien d'entre nous ont suivi une voie professionnelle parce qu'un enseignant particulier était éblouissant? Combien sommes-nous ici devenus enseignants parce qu'un prof ou un instituteur a su nous montrer le meilleur de sa mission?

Et puis, il y a nos propres élèves, ceux qui quinze ou vingt ans après avoir quitté notre classe nous recontactent par le biais d'internet pour nous dire à quel point nous avons été importants pour eux. Cela m'est arrivé plusieurs fois: "... ça a été ma plus heureuse année d'école...", "... vous m'avez fait aimer la géométrie...", "... vous étiez toujours souriant, même quand je faisais une bêtise...". Il y a cette grande et fine blonde d'une vingtaine d'années qui m'a sauté au cou la semaine dernière alors que je faisais mes courses, et qui se rappelait des choses que j'avais oubliées, alors que l'avais eue comme élève en Grande Section quinze ans auparavant. Il y a ceux qui reviennent, régulièrement, pendant des années, vous dire un simple bonjour avec un grand sourire à l'heure de la sortie des classes. Il y a ceux qui sont fiers de venir procéder à l'admission de leur propre enfant, et alors même que vous ne les reconnaissez pas sont ravis de votre surprise lorsque vous découvrez leur nom sur la fiche d'inscription: ils ont été vos élèves, et après vingt-cinq années vous amènent avec une totale confiance leur propre progéniture. Là, j'avoue que la première fois que ça m'est arrivé, ben ça m'a fichu un sacré coup de vieux! Mais quel bonheur.

J'espère que ce greffon festif prendra en France. Pas pour recevoir un cadeau, je n'aime pas les cadeaux et je m'en tape. Mais pour nous remettre du baume au cœur, nous rappeler la beauté de notre métier, nous dire à quel point nous pouvons être importants dans la construction d'un être humain. Nous en avons besoin, j'en ai besoin.

Post-scriptum: je dédicace ce billet à M. Gilles, mon instituteur de CE1 et CE2, Gérard Poupée celui de CM2, Messieurs Charve et Vindy au collège... et tous les autres dont les noms m'échappent, hommes et femmes qui ont activement participé à ma construction individuelle, petite peste égoïste et grand casse-pied en recherche de reconnaissance que je fus. Je ne le dédicace pas à la salope intégrale qui fut ma prof de maths en 6ème.

samedi 11 avril 2015

La grande frustration du directeur de petite école...

Nous vivons une période chargée, en terme de travail. Par "nous", je pense bien sûr aux directeurs et directrices d'école. Que ce soit en élémentaire ou en maternelle, entre les admissions à prévoir, les CTSD qui ouvrent ou ferment nos classes, Affelnet et ses joies, les projets qui aboutissent, les autorisations de sortie -c'est la saison qui commence-, les dérogations et autres radiations, sans compter les diverses Assises des valeurs de la République auxquelles j'ai été allègrement invité pour y conter avec "mon" Maire nos pérégrinations PEDTesques... bref, je suis actuellement en mode "directeur d'école". Autant dire que ma casquette d'enseignant est bien effilochée.

Ce qui provoque chez moi une grande frustration. Bien entendu je sais que je ne suis pas incompétent, comme je pouvais en avoir l'impression il y a quelques semaines tant je me sentais déprimé. Mais j'ai le sentiment d'une vague déshérence envers mes élèves. Toute mon énergie est présentement absorbée par la gestion de l'école, et évidemment je dois faire des choix dans ma gestion de classe. C'est fort désagréable. On dit -je le sais- que la frustration est formatrice. Quand on a cinq ou dix ans certainement. Pas à mon âge. Avoir ma classe en charge à chaque heure de chaque jour me condamne à travailler lorsqu'ils sont partis, ou à courir entre la classe et le bureau, volant trois minutes par ci pour une urgence, deux minutes ailleurs pour une autre.

Ma classe tourne toute seule, j'ai suffisamment de bouteille pour, et toute mon organisation mise en place pour faciliter les apprentissages, cette routine qui apporte aux enfants la sécurité affective, géographique et temporelle nécessaires à des acquisitions régulières et confortées, fonctionne à plein régime. Mes élèves y trouvent leur compte, leur autonomie y est immense dans un cadre clair, et bien sûr, ils sont heureux. Mais ils ont grandi, bien grandi, ils ont ou auront bientôt tous six ans, ce ne sont plus des "maternelles", presque tous des "élémentaires" prêts à nous quitter et à passer à autre chose. Et moi je suis profondément frustré de ne pouvoir actuellement leur proposer d'autres démarches, sortir de la routine, emprunter des chemins de traverse, travailler sur la surprise... Je n'en ai ni le temps ni l'énergie. Alors que je l'avais lorsque je n'étais pas directeur d'école, ou lorsque directeur d'école de cinq ou quatre classes mes élèves étaient pris en charge par un adjoint une journée par semaine.

J'en discutais hier matin avec un parent d'élève -un collègue du secondaire d'ailleurs- qui me vantait le remarquable projet de classe en cours d'une instit de l'école. Il n'y avait aucune malice dans son discours enthousiaste, juste le désir de me faire connaître à quel point il trouvait ça bien. Je me suis senti très humain à cet instant, j'ai ressenti une pointe de jalousie à l'idée que je ne pouvais pas, moi, proposer à mes élèves une opportunité aussi intéressante et formatrice. J'ai bien écrit que je ne peux pas le faire, ce n'est pas un choix mais une contrainte apportée par ma double casquette. Je me suis très vite rassuré en me rappelant que si cette collègue pouvait travailler de façon aussi intéressante c'est bien parce qu'à elle aussi comme directeur je lui offrais un cadre de travail clair et dénué de problème. Mais pour autant... cela n'enlève rien à ma frustration.

L'an prochain, grâce aux avancées arrachées par le GDiD et certains syndicats, je bénéficierai d'une journée mensuelle lors de laquelle je ne serai pas en charge de classe. Ce sera largement plus que ce que je n'ai pas aujourd'hui. Ce ne sera certainement pas assez. Mais peut-être cela me permettra-t-il d'atténuer cette insatisfaction que je ressens de plus en plus profondément chaque année qui passe. Parce que finalement mon principal souci, et c'est un dilemme que je n'arrive pas à résoudre, c'est que j'aime autant mon boulot d'enseignant que mon boulot de directeur d'école.

lundi 6 avril 2015

Calculez votre indemnité GIPA 2015...

Voici un petit fichier Excel destiné au calcul de l'indemnité de Garantie Individuelle du Pouvoir d'Achat (GIPA) pour 2015. Quand sera-t-elle versée? Mystère... Mais faites le calcul, cela vous remontera peut-être le moral en ce lundi de Pâques ensoleillé! ... ou le fera s'effondrer encore un peu plus, c'est selon.


Inscrivez simplement dans la feuille votre indice au 31 décembre 2010, puis votre indice au 31 décembre 2014, la calcul est fait automatiquement (attention, montant brut! Pensez à la CSG, la retraite...).

dimanche 5 avril 2015

La Direction des Services Accessoires...

Direction des Services Accessoires de l’Éducation nationale
D.S.A.E.N.
Secrétariat perpétuel

- Bonjour Madame.
- Bonjour Monsieur, vous désirez?
- J'ai rendez-vous avec Monsieur le Directeur des Service Accessoires.
- Vous êtes... ?
- Monsieur Foutu-Dirlo.
- Ah oui, vous avez rendez-vous à 11h, vous êtes pile à l'heure, je vais prévenir Monsieur le Directeur. Asseyez-vous, je vous prie.
- Merci.

(...)

- Monsieur le Directeur est prêt à vous recevoir, veuillez entrer.
- Monsieur le Directeur, bonjour.
- Bonjour Monsieur... Foutu-Dirlo, c'est ça?
- Tout à fait.
- Vous vouliez me voir à quel sujet?
- J'aurais quelques suggestions à vous faire.
- Faites, faites! L'avantage d'une suggestion, c'est qu'elle n'engage personne, n'est-ce pas?
- Euh... Oui, je suppose.
- Je vous écoute.
- Voilà, je suis directeur d'une école maternelle de province...
- Comme c'est mignon! C'est chou à cet âge là!
- Ah? Oui, peut-être, enfin voilà. Depuis l'instauration de la semaine scolaire de quatre journées et demi consécutives, mes élèves sont exténués...
- Ah la la! Je vous arrête tout de suite, ce n'est pas possible!
- Pardon?
- Nous avons interrogé depuis trois ans une foule incommensurable de chrono-biologistes, ils sont tous d'accord pour dire que la nouvelle organisation de la semaine est éminemment favorable aux apprentissages, alors vous voyez bien! Vous les trouvez fatigués? Ils travaillent trop, faites-les jouer, les nouveaux programmes sont élaborés dans ce sens, et vous verrez comme ils seront reposés après une journée de classe.
- Euh... comment vous dire... nos élèves jouent beaucoup déjà, mais c'est la vie collective qui les épuise. J'en ai 80% qui fréquentent les nouvelles activités périscolaires, ce qui fait que leurs journées n'ont pas été raccourcies, et en plus ils viennent le mercredi matin...
- Je le répète, misez sur l'autogestion, la non-directivité, l'expression libérée des contraintes!
- Ben en lâchant la bride c'est encore pire, à cet âge ce sont des petits sauvages vous savez.
- Faites-leur exprimer leur inconscient dans des activités d'expression comme le théâtre, la création musicale! Ils y évacueront leur agressivité, vous verrez comme vous y gagnerez.
- Ah? Mais la vie collective...
- La vie collective est un leurre, il faut que les enfants deviennent des individus au sein du groupe. Ils y gagneront paix et repos de l'âme comme du corps.
- ... admettons... néanmoins ils sont plus fatigués. J'ai interrogé les parents d'élèves et...
- Pour quoi faire?
- Hein?
- Pourquoi diable demandez-vous leur avis aux parents? Le professionnel c'est vous, non?
- Ils ont tout de même leur mot à dire, c'est le sens des recommandations qui nous sont faites: communiquer avec les familles, les faire entrer dans l'école...
- Non.
- Comment ça, non?
- Écoutez... nous sommes entre nous, la porte est fermée. Les familles, on n'en a rien à foutre!
- Quoi?
- Mais oui! Tout ça c'est du discours, du tape à l’œil, de l'illusion! Vous êtes en maternelle, n'est-ce pas? Dites-moi donc ce qu'est l'école maternelle sinon une gigantesque garderie nationale!
- Ah pardon, les enfants y apprennent à vivre en société, ils développent de nombreuses compétences, augmentent leurs connaissances...
- Et alors? Nous gagnons sur tous les tableaux: les enfants sont pris en charge et les parents peuvent travailler, c'est à ça que ça sert! Rapporter des pépettes, des sous, des impôts directs et indirects. Croyez-moi, le boulot des parents nous rapporte largement plus que ce que ça nous coûte! Surtout que ce sont les communes qui raquent! Ce qu'on vous paye, à côté, c'est peanuts!
- Oui ça j'avais remarqué.
- N'est-ce pas? Vous pouvez me croire, la plupart des familles sont débarrassées de leurs gosses le mercredi matin et en sont ravies, comme les associations de parents d'élèves d'ailleurs, qui font croire qu'elles se battent pour le bien des gosses. Tu parles Charles! Tout ça ce sont des jeux de pouvoir. De toute façon, elles dépendent des subventions de l’État, alors..
- Mais pourtant...
- Oui, je sais, on vous dit que le travail effectué en maternelle est important pour la réussite scolaire. C'est la réalité. Mais croyez-vous vraiment que ça compte tant que ça pour nous? Réfléchissez. Votre boulot, c'est du long terme, sur vingt ou vingt-cinq ans. Vous vous rendez compte? C'est quatre ou cinq mandats présidentiels, ça! Il faut ce délai là pour que ça paye et que ça commence à faire rentrer de l'argent. Alors que le boulot des parents, lui, c'est tout de suite qu'il remplit les caisses de l’État! Recta!
- ...
- Vous me trouvez cynique? Écoutez, je vous parle en professionnel. L'avis des parents, on s'en tape. Je ne vous dirai pas le chiffre de ce que rapportent ces nouveaux rythmes, mais croyez-moi ce n'est pas négligeable. Et puis nous avons ainsi gardé le samedi libéré pour que les familles puissent partir en week-end ou faire des courses en famille, et je peux vous garantir que c'est loin d'être neutre financièrement. Bref, tout ça c'est de la monnaie sonnante et trébuchante et c'est bon pour  la France.
- Mais les enfants sont fatigués.
- Dites-vous que c'est leur effort pour la Nation. Vous avez une autre question?
- ... Euh, je suis un peu déstabilisé, là...
- Je le comprends. Alors?
- Oui... les vacances, les nouveaux calendriers...
- Et?
- Ben la règle "sept semaines de travail, deux semaines de vacances" n'est pas respectée du tout...
- Et alors? Vous êtes contre l'industrie du tourisme?
- Ah pas du tout, je n'ai pas les moyens de faire du ski, mais je comprends qu'il faille sauvegarder les emplois de cette industrie.
- Vous voyez quand vous voulez! Tout ça c'est du fric immédiat, du flouze, du pèze, de l'oseille! Tout ce qui rentre dans les caisses de la Nation, vous ne pouvez pas imaginer! Alors le reste, hein... du pipeau. C'est joli le pipeau quand c'est bien joué.
- Mais quand même la dernière période de travail! Onze semaines pour certaines zones... les enfants seront épuisés!
- Quels enfants? Ceux de maternelle? Allez zou, dehors, récré, pelles seaux et tamis. De toute façon vous n'aurez pas le choix, les enfants seront incapables d'autre chose. Non, ce qui compte, c'est le baccalauréat.
- Le bac?
- Oui, ça c'est un sujet qui motive les français! Regardez comme ils s'excitent sur le classement des lycées! Il faut simplement que le bac se fasse dans les meilleures conditions, et le plus tôt possible avant les vacances, parce que sinon...
- Sinon?
- Vous êtes en maternelle, vous êtes bien gentil, mais l'école primaire ne fait pas le poids. Quand le secondaire râle c'est autre chose.
- ...
- C'est injuste? Oui, mais c'est comme ça. Vous m'en voyez navré, mais les problèmes du primaire n'intéressent personne, alors que ceux du secondaire, voilà un sujet qui fâche et qui met les gens dans la rue: profs, ou étudiants, ou familles. Que voulez-vous, c'est ainsi je n'y peux rien. Alors vous êtes la dernière roue du carrosse et si vous trouvez la dernière période ahurissante vous ne pouvez vous en prendre qu'à vos représentants syndicaux qui ne pèsent rien face à ceux du secondaire. Fatalitas! Alors il est hors de question de raccourcir tout ça et de nous mettre à dos d'un côté l'industrie du tourisme, surtout que c'est costaud un montagnard, et de l'autre les syndicats du secondaire qui ne veulent pas qu'on touche à leurs vacances.
- Mais les enfants?
- Portion congrue. Ils sont accessoires.
- ...
- Ai-je satisfait votre demande?
- ...
- Allons, vous êtes directeur d'école, je suis sûr que vous comprenez, à défaut de l'accepter. Mais vous êtes un bon fonctionnaire, vous ferez ce qu'on vous dit de faire, n'est-ce pas?
- Oui.
- Alors haut les cœurs! Au revoir Monsieur Foutu-Dirlo, et bon courage dans votre apostolat. Nous comptons sur vous. Vous faites le plus beau métier du monde!
- ... Je vous remercie de m'avoir reçu...
- Je suis là pour ça.