J'ai reçu ce courriel récemment, et son auteur m'a autorisé à le publier in extenso. Je crois ce témoignage important au sens où il pointe de façon assez juste la lassitude que nous autres vieux enseignants du primaire pouvons ressentir aujourd'hui. J'ai bien entendu anonymisé les propos. Bonne lecture!
Bonjour,
Éducation Nationale mon (dés)amour...
J'ai lu attentivement plusieurs billets de votre blog, très bien rédigés, clairs, précis, concis. Efficaces...
Nous avons plusieurs points communs: bientôt quatre décennies de carrière, directeurs d'écoles, (ex dans mon cas, j'ai préféré fuir dès que possible stress permanent, délires ubuesques, lâcheté, chronophagie aigüe et tutti quanti...), 11 ans au total, 4 écoles, sans fuir mes engagements et responsabilités. A ce niveau, je pense avoir (très) largement assumé, quitte à me faire taper sur les doigts. Pas de vagues, surtout pas de remous...
Les travaux de Stanley Milgram sur la soumission à l'autorité ont été publiés en ... 1963. On n'a pas fait mieux depuis, avec toute la rigueur et la précision scientifique requises. Je pourrai également citer les travaux du professeur Henri Laborit, plus récents, mais datant des années 70.
Force est de constater qu'on n'a pas fait beaucoup de progrès depuis, en matière de connaissance et d'intelligence des relations humaines. Surtout pas dans l'éducation nationale!!! Ce serait remettre en cause un modèle dominant, sclérosé, obsolète, complètement à bout de souffle... prodigieusement inefficace. Il faut une abnégation, une énergie, une volonté terribles de la part des vrais acteurs de terrain, pour espérer encore avancer dans un maelström d'injonctions et de méconnaissances toutes plus contradictoires les unes que les autres.
Je n'ai jamais connu EVS, AVS, décharge de direction... et pourtant, j'exerçais les fonctions d'enseignant et de directeur d'école avec plusieurs classes. J'ai assumé jusqu'à m'épuiser en en payant le prix, pas tout de suite, mais quelques années plus tard... processus classique d'un bon burn-out. Ce que je ne souhaite à personne, parce qu'il faut arriver à recoller les morceaux après pour pouvoir (espérer) se reconstruire...
Les formes de harcèlement moral insidieuses, j'en ai connu pas mal. Ce système favorise les personnalités au narcissisme exacerbé, ces fameux et redoutables pervers narcissiques, au sens psycho-pathologique du terme.
La sortie est pour bientôt, pour ne plus jamais y revenir (j'ai déjà prévenu, pas de D.D.E.N. ou autre faribole à l'horizon, je revendique la notion de "confort intellectuel", je souhaite enfin penser différemment, en dehors de carcans de plus en plus lourds et ineptes). Je n'attends qu'une chose: pouvoir faire enfin autre chose de ma vie. Enseignant je suis, avec plaisir jusqu'au bout auprès des élèves qui me sont confiés, mais plus dans les conditions actuelles d'exercice. Pédagogie, oui, délires de contrôles tous azimuts, de rentabilité... non!
Je n'invente rien: ci-dessous une très bonne analyse du LSU: http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/12/02122016Article636162595130415560.aspx
Il y a de quoi en attraper des sueurs froides.
J'y ai laissé une partie de ma santé, définitivement, de mes illusions.
La bienveillance envers les élèves, oui! Celle de l'institution envers ses agents, où se cache donc t'elle? Et pourtant... que d'aventures, de projets, de réussites au cours de ma vie d'enseignant! Avec quelques belles revanches par rapport aux stéréotypes, au prêt à penser.... l'élève est et reste toujours un apprenant, quel que soit son niveau, il est donc toujours en évolution, en progrès, en réussite.... si on sait lui en laisser le temps.
Et pourtant... je continue à chercher, à me poser des questions, à préparer ma classe, avec beaucoup moins d'investissements administratifs, je privilégie la clarté et l'efficacité pédagogiques. Je ne suis toujours sûr de rien. La pédagogie du doute constructif, pas au sens de l'angoisse qui serait contre-productive, le doute, celui qui ouvre les portes de l'imagination et de la création.
Quelques réflexions, humeurs, billevesées...
Bien à vous.
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