J'ai déjà ici-même plusieurs fois exprimé mes doutes, pour ne pas dire plus, quant à la "concertation" voulue et impulsée par M. Peillon, récent ministre de l’Éducation Nationale. Dans un article sur Educavox, M. Frackowiak, bien connu de mes lecteurs, exprime également sa perplexité. Le témoignage est plus qu'intéressant car il vient de l'intérieur de cette pseudo "concertation" -Dieu, que je déteste ce mot!-. Voici un premier extrait:
Tout le monde semble d’accord, aujourd’hui, sur la nécessité d’une refondation de l’école. Pourtant, une bonne proportion des intervenants dans les différents groupes défend vigoureusement de fait le maintien du système en l’état, ou le retour au système antérieur à 2005/2007, en l’améliorant aux marges, en le corrigeant, en le dépoussiérant formellement, en lui restituant les moyens qui ont été supprimés
massivement au cours des années passées.
Dans certains débats, on en viendrait à se demander si l’on parle encore de refondation. Dans la matinée de cette journée, par exemple, le recteur de l’académie de Clermont Ferrand et les élus régionaux et départementaux de la région Auvergne, s’auto-déclarant pionniers dans le domaine du numérique, ont expliqué longuement qu’en fait, ils avaient commencé à refonder l’école en 2002, donc dans le cadre des politiques que l’idée de refondation remet en cause… fondamentalement.
Il faut ajouter au tableau noir toutes les interventions dans tous les groupes qui tentaient de démontrer qu’il n’est pas nécessaire de toucher aux missions des enseignants, aux sacro saintes disciplines scolaires universelles et éternelles, à l’architecture des établissements, au modèle pédagogique dominant – celui de la
transmission magistrale - au scolaro centrisme traditionnel, etc.
Voilà qui n'a rien de bien étonnant. A partir du moment où l'on regroupe un certain nombre de hauts fonctionnaires, ceux-ci défendront avec vigueur leur pré carré, attendu qu'il sera difficile pour certains d'entre eux de retourner aussi allègrement leur veste et clamer haut et fort l'inverse de ce qu'ils ont braillé pendant ces dernières années. Au passage, cela va être pire sur le terrain! J'attends avec une certaine impatience les déclarations de rentrée de mon IEN...
Second extrait:
Le second paradoxe est que pour refonder, il faut mobiliser les acteurs du terrain.
Or la base n’est pas du tout associée réellement au débat et la procédure choisie renforce en elle-même le fonctionnement pyramidal du système qui est pourtant l’une des fondations anciennes à abattre pour laisser la place à la démocratie participative dans le système et sur les territoires, et à la force de l’intelligence collective des acteurs.
Pour les enseignants dans les écoles, par exemple, le sentiment général est que rien ne change et rien ne changera. Rien ou presque n’a été suspendu ou abrogé. Mieux ou pire, pour ne prendre que cet exemple, alors que le ministre a renoncé à la remontée des résultats des évaluations nationales, les inspecteurs ont très majoritairement exigé de les recevoir, pour leur permettre –ont-ils dit- de piloter le système.
Insuffler l’idée de la refondation sans mettre un terme clair aux pratiques hiérarchiques autoritaristes et sans associer les acteurs sera un obstacle majeur au changement éventuel.
Il est vrai qu’il est difficile aux cadres d’affirmer aujourd’hui le contraire de ce qu’ils ont imposé durant 4 ans.
Nous voilà donc bien d'accord. Cette "concertation" n'est que poudre de perlimpinpin et gesticulations inutiles. Tant que le ménage n'aura pas été fait dans la haute administration de l’Éducation Nationale -comme elles se fait pourtant dans d'autres administrations comme la police ou le corps préfectoral- et que la mini-hiérarchie de terrain n'aura pas été mise au pas, au profit des propositions de la base et des écoles, rien ne bougera; tant qu'on ne donnera pas aux directeurs d'école le statut qui leur est nécessaire pour faire bouger les choses et rendre à l'école son efficacité, rien ne changera; tant qu'on n'aura pas rendu aux enseignants la confiance que leur doivent l’État et la Nation, les grands discours n'apporteront rien.
Je citerai pour finir une réponse à l'article de M. Frackowiak. M. Boso y exprime en partie ce que je pense:
La suppression de l’aide personnalisée et des stages de remise à niveau dont le rapport Guillarmé à démontré l’inefficacité (tout au moins la relative efficacité puisque seulement pour un élève sur cinq), est urgente et nécessaire.
Dans le même temps, je n’ai lu nulle part, dans le cadre de la concertation, qu’une réflexion aurait été engagée sur l’aide et l’accompagnement des élèves en difficulté(s). Quels dispositifs ? Quels personnels ? (faut-il supprimer les RASED pour les remplacer par autre chose ou leur donner enfin les moyens de leurs actions ?).
Il semblerait donc qu’on reparte tout au moins pour cette année scolaire en reconduisant l’aide personnalisée et les stages de remise à niveau alors qu’on sait qu’ils sont inefficaces, qu’ils stigmatisent les élèves qui sont supposés en bénéficier, et que dans le cadre de la réflexion sur les rythmes scolaires, ces deux dispositifs vont justement à l’encontre de ce qui est preconisé par tous afin de respecter les rythmes biologiques des enfants. L’annonce de la suppression de ces deux dispositifs, à l’instar de celle des évaluations nationales CE1 et CM2, aurait été un signal fort donné en direction des enseignants qui vont donc, contraints et forcés, devoir pendant une année supplémentaire mettre en place une aide qu’ils savent inefficace.
Certaines décisions auraient été faciles à prendre dès le mois de juin dernier, je suis d'accord avec M. Boso, et effectivement auraient été un vrai et fort signal d'une réelle volonté de changement. Mais que peut-on attendre d'une gauche qui depuis deux décennies n'a su montrer que sa frilosité, ou parfois se montrer plus réactionnaire que les pires de ses adversaires politiques dans certains domaines? Il est pourtant simple de mettre fin à une ânerie. Encore faut-il avoir une vague idée de ce qu'est l'école.
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