Ce blog est pour moi un acte militant. Si je me donne la peine d'écrire et d'y poster avec la plus grande régularité possible des billets sur les divers aspects de nos métiers de directeurs d'école, c'est parce que, je l'ai déjà maintes fois écrit, je ne veux pas que perdure la situation absurde dans laquelle nous nous trouvons: décideurs sans pouvoir de décision, organisateurs sans moyens, au service de tout et de tous sans en récolter les fruits.
Je fais de temps en temps un petit tour sur les forums Enseignants du primaire, forums que je trouve particulièrement pratiques pour les "jeunes" directeurs d'école qui peuvent y poser questions diverses et états d'âmes, et généralement reçoivent rapidement une ou plusieurs réponses. Ce qui est frappant à chaque période du mouvement, c'est la façon dont plusieurs viennent exposer leur dilemme: dois-je demander une direction d'école? Pour beaucoup d'entre eux la question du métier de directeur ne se pose même pas, il s'agit surtout de se rapprocher de son domicile, ou de quitter une situation désastreuse dans une campagne quelconque. Je comprends parfaitement qu'on puisse envisager de prendre la direction d'une école en fonction de besoins de ce genre. Mais il est étonnant de constater à quel point ces jeunes gens ignorent dans quel guêpier ils vont se fourrer. Oh, les premières années se passent généralement bien, je suppose d'ailleurs que ce fut notre lot à tous, directrices et directeurs aujourd'hui chevronnés. Mais il arrive fatalement plus ou moins tôt une crise, avec une famille, avec des collègues, avec la municipalité, avec la hiérarchie. Crise qui hélas remet durement voire cruellement les pendules à l'heure quant à notre position réelle dans la société et dans l'organigramme de l’Éducation nationale, et quant à nos réelles possibilités d'action ou de réponse. Peut-on sortir indemne d'une telle crise? Certainement non. Même si notre capacité de résilience est importante, il restera toujours dans un coin obscur de notre conscience un regret, un chagrin, ou de la rage de n'avoir pu faire ou dire ce que nous aurions souhaité dire et faire. J'ai connu cela, bien entendu, j'évoque cette situation en connaissance de cause, et je sais que je garderai toujours un poids certes caché mais bien présent.
Tiens? Dans mon premier paragraphe de ce billet j'ai écrit "nos métiers de directeurs d'école". C'est amusant comme notre inconscient fait surgir parfois des vérités qui peut-être ne verraient pas consciemment le jour. Un discussion récente avec un collègue pourtant comme moi en maternelle me montrait qu'il y a autant de pratiques de direction d'école que d'écoles. Certes le fond de notre action reste le même partout: application des textes, organisation, communication. Mais qui peut croire que les pratiques seront les mêmes entre un direction élémentaire et une direction maternelle? Entre une grosse école de douze classes et une petite de trois? Untel devra accentuer la communication au sein de son établissement, son voisin lui devra être particulièrement attentif à l'aspect organisationnel de sa mission, etc. Notre métier, mon métier, c'est directeur d'école. Mais je reste conscient qu'on ne pourra pas appliquer les mêmes recettes selon l'équipe d'enseignants avec laquelle nous devrons travailler, selon le public auquel nous aurons à faire, selon l'encadrement institutionnel qui sera le nôtre, selon la municipalité avec laquelle nous serons en contact étroit, selon... Si seulement notre métier de directeur d'école était à la base lui-même clair, avec un cadre précis, avec une existence juridique et une reconnaissance installée!
Sur les mêmes forums que j'évoquais plus haut, une quelconque andouille syndiquée prétendait dans une discussion récente que le travail du directeur d'école est uniquement un travail administratif. J'aurais pu penser "Quel aveuglement!' si cette personne n'avait pas été représentant syndical d'une centrale qui depuis des lustres nie notre existence. Malheureusement, colporter de telles idées ne peut amener un jeune directeur d'école, qui méconnait en général les étroites frontières de notre mission, qu'à de cruelles désillusions, quand il aura constaté le changement d'attitude de ses collègues envers lui, le mépris de certains, l'animosité d'autres qui le considéreront curieusement comme un soudain ennemi, la charge des familles, le poids de l'administration, la fragilité des rapports avec la commune...
Je me donne comme tâche de continuer à tenir ce blog dans la mesure de mes moyens. J'admets qu'il est aussi une distraction dans le déroulement de mon quotidien, car j'aime écrire. D'autres joueront aux boules, feront du maquettisme ou du sport. Chacun son truc, chers collègues. A chacun sa façon de relâcher la tension de la fin d'année.
Là, comme vous, je suis surbooké. Bien que mon école soit petite, j'accumule comme vous les obligations et les devoirs en vrac: questions administratives multiples, admissions et passages, les élèves à tenir bien qu'excités et épuisés, les joyeusetés de fin d'année que sont voyages, sorties, manifestations festives diverses, dernier conseil d'école, commandes de matériel et fournitures, livrets scolaires et bilans de toutes sortes, échanges avec d'autres écoles, et patati et patata, et autres choses que je ne décrirai peut-être pas pour ne pas me dévoiler trop. J'ai un agenda de ministre, je vis au jour le jour, me félicitant chaque soir d'être arrivé au bout des tâches que je m'étais données pour la journée.
J'aimerais bien quand même ne pas avoir à y passer mes dimanches, mes mercredis, mes soirées. Rien à faire, car trop à faire! N'ayant avec ma petite école aucune décharge, je suis bien contraint de prendre les heures nécessaires à ma mission sur mon temps libre. Nombreuses, les heures en question, en ce moment. En toute franchise, une fois bouclées la ou les réunions extrascolaires du jour, je passe entre deux et trois heures chaque soir en ce moment à travailler pour ma direction. Et j'y passe mes journées de congé. Tiens, cet après-midi de dimanche, j'ai un gros boulot à commencer qui doit être bouclé au plus tard mercredi soir.
Ministre et syndicats sauront-ils tenir compte de cette charge lors des discussions qui débutent la semaine prochaine? Je fais confiance au GDiD pour exprimer à quel point nous sommes exploités, mais le GDiD, s'il sera écouté, sera-t-il entendu? Je n'attends pas le lune, car depuis trente-cinq ans que je fais ce boulot j'ai plus connu d'atermoiements, de renoncements et de désillusions que de réelles avancées pour faciliter ma tâche. Quant à la reconnaissance de la Nation, bernique. Il suffit d'ailleurs de lire sur les sites des médias les commentaires iniques de la population sur la fonction publique en général et les enseignants en particulier pour se rendre compte à quel point depuis toutes ces années les organisations syndicales qui parait-il nous représentent nous ont plus fait du mal qu'autre chose. Mais allez donc l'exprimer, vous serez traité de fasciste par ceux-là même qui nient votre existence. Au passage, être traité de fasciste par un extrémiste de gauche serait plutôt pour moi un gage de bonne conduite, une sorte de "bon point"... ou tout au moins un régal de fin gourmet.
Allons, il va falloir que j'y retourne. Au service de mes élèves, au service de mon école, au service de mes familles et de ma municipalité. Au service de mon administration aussi, ce qui est moins plaisant dans le sens ou celle-ci n'exprime sa reconnaissance que quand vous ne faites pas votre boulot. Bof, j'ai l'habitude, j'ai pris le pli de mépriser ceux qui me méprisent. Mais ce n'est pas moi qui ai commencé!
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