Ainsi donc, en ce mois d'août pourtant destiné au repos et à la récupération d'une énergie qui à mon âge est difficile à renouveler, de prétendues "nouvelles" instructions ont été transmises aux Recteurs quant à la sécurité des écoles face au terrorisme. Je ne doute pas une seconde que ces grands commis de l’État ne tarderont pas à les faire descendre sur nos têtes en les aménageant à leur sauce voire en les durcissant plus qu'il serait raisonnable de le faire, et je m'attends à la rentrée, lors de la traditionnelle réunion des Directeurs d'école, à en entendre pis que pendre quant à "mon rôle", "mes responsabilités", et gna gna gna. Comme si je ne connaissais rien de mon métier!
Nous avons vécu une année scolaire 2015-2016 anxiogène. Des personnes bien intentionnées nous ont inondés d'instructions diverses et variées dont pour elles la forme importait plus que le fond. Cela m'inquiète énormément. Depuis quand le signifiant est-il plus important que le signifié? Nos politiques et leurs administratifs font depuis trente ans plus de cas des documents que nous pouvons leur transmettre que de la façon dont nous enseignons. Les discours réitérés sur l'école des candidats potentiels à la future présidentielle sont ainsi conçus, qui mettent en avant la forme nécessaire que notre métier doit présenter plutôt que l'importance de la réussite de chacun: obéissance - de l'élève mais aussi du fonctionnaire -, tenue, programmes, méthodes... La réussite de nos élèves, si elle est réclamée, ne passe pour ces gens-là que par ce qu'ils considèrent comme des impondérables nostalgiques d'époques révolues où pourtant chacun était laissé dans son jus, et où 80% d'une classe d'âge ne réussissait même pas le Certificat d'étude.
L'école est-elle menacée par le terrorisme? Oui. Clairement. L'école française laïque, qui réunit dans une dualité diabolique l’État français et la laïcité, est une cible de choix qui a été nommément désignée. Et nous nous rapprochons forcément, mathématiquement, du temps où une école sera la cible d'un acte pervers. Devons-nous nous protéger? Évidemment. Mais devons-nous le faire de cette façon-là?
Je devrais, comme Directeur d'école, limiter l'accès des familles et fouiller leurs sacs, interdire les rassemblements sur la voie publique, j'en passe et des meilleures. L’État me donne l'autorisation de fouiller les sacs, mais le Droit lui ne me le donne pas! Je ne suis pas officier de police judiciaire, et j'ai du mal à m'imaginer réclamer chaque matin la présence du Maire de ma commune qui l'est par son mandat, ou de l'un de ses adjoints. L’État me demande d'agir contre les rassemblements devant l'école, mais la voie publique ne relève pas de mes prérogatives qui se circonscrivent aux locaux scolaires! On ne peut pas, ce n'est pas légalement possible, me donner des droits qui ne sont pas prévus dans les textes. Quant à limiter l'accès des familles... ma petite école maternelle et mes élèves ne s'en relèveraient pas. C'est idiot, ces demandes sont idiotes, illégales et contre-productives. Pire, elles renient tout ce qui fait la spécificité de l'école maternelle en France, notre tradition d'accueil et d'ouverture. Quand on sait les difficultés des parents d'élèves pour accéder aux écoles élémentaires, aux collèges ou aux lycées... Les Fédérations ne disent rien, je ne comprends pas. Et puis, ces demandes ne font non plus aucun cas de la géographie de nos écoles, aérées, ouvertes, lumineuses. Fariboles.
Bien entendu, je comprends pleinement les difficultés de nos gouvernants, qui savent que l'école est une cible potentielle voire probable. Ils en savent même peut-être plus. Mais pour autant devons-nous renoncer à tout? Devons-nous laisser des terroristes religieux fascisants, sexistes, pédophiles et meurtriers nous dicter notre façon de vivre, nous enlever nos aspirations à un monde équitable qui reconnaisse la valeur et le potentiel de chacun? Certainement pas. Je me rappelle le désarroi de Mme Aubry contrainte d'annuler la braderie de Lille qui pourtant remonte au XIIième siècle, pour la première fois depuis les années sombres de l'Occupation. Si cela pouvait faire admettre à certains que notre pays est réellement en guerre... Mais pour autant je refuse de céder à la peur.
Je serai attentif, je serai responsable, lors de cette nouvelle année scolaire, comme je l'ai été l'année dernière. Je suivrai les consignes qui ne seront imposées, car c'est le verbe qui convient. Même si je sais qu'elles n'empêcheront jamais une personne déterminée de commettre chez moi un massacre dont je serais certainement une des premières victimes.
Mais clairement je refuse de vivre une nouvelle année dans l'anxiété et le stress. Je pense à 2016-2017 mais aussi à 2017-2018, puis 2018-2019, et... Nous irons où ainsi? Jusqu'à quand? Dans mon travail quotidien, dans mon devoir d'amener chacun des élèves de mon école du mieux que nous pouvons à son épanouissement personnel, le stress est le pire des conseillers, qui désarme et qui épuise. Alors je veux bien qu'on me resserve le plat de la sécurité "nécessaire", des mesures "indispensables", des exercices de sécurité "inévitables", mais qu'on me laisse le faire comme je l'entends, et surtout qu'on ne vienne pas me brailler aux oreilles quelque consigne ridicule ou traumatisante pour les pitchounes que j'ai en charge. Parce que je crois que je deviendrais mauvais.
oh oui ! comme je souscris ! Tout pareil !
RépondreSupprimerMarre du stress et de l'anxiété !
Et je repense à cette page facebbok où j'ai été discuter un peu (avant de tout enlever parce que bon, ils faisaient peur) qui prône le boycott de la rentrée parce que "nos enfants ne sont pas protégés"...
Bon courage à nous tous pour que l'année ne soit pas trop anxiogène pour nos petiots !