dimanche 11 septembre 2016

Désabusé...

Il est de notoriété publique que les enseignants français ne recommandent leur métier à personne, et surtout pas à leurs propres enfants. Directeur d'école, c'est encore pire, mais personnellement je n'ai même pas besoin de le dire, rien qu'à me voir chacun se détourne et je me demande bien qui voudra bien me succéder dans ma charmante petite école quand je prendrai ma retraite. Quant à mes enfants, cela fait belle lurette qu'ils font totalement autre chose.

Je rappelle à toutes fin utile que comme directeur de trois classes de maternelle je suis depuis deux ans "déchargé" de ma classe dix jours par an. Joie, félicité, Noël ! Cela signifie surtout que je l'ai en charge 170 jours. Et que je fais mon boulot de directeur en parallèle, ou avant ou après, mais beaucoup en parallèle parce qu'on ne me laisse pas le choix.

Ce fut comme directeur d'école, ces dernières semaines, ma quatorzième rentrée si je calcule bien. Fut-elle plus simple que les précédentes? Non. Loin de là. On m'a tellement parlé de simplification administrative, de confiance envers les directeurs d'école, que naïvement j'ai imaginé que peut-être, quand même, la rentrée serait aussi "apaisée" que notre Ministre a bien voulu l'exprimer aux médias. Je dois certainement avoir un fond de bêtise bienveillante pour y avoir cru ne serait-ce qu'une seconde.

C'est de pire en pire. On me réclame maintenant de prévoir des exercices divers, évacuation et confinement et incendie et je ne sais pas ce qu'il vont nous inventer, on m'en impose même la date pour soulager les services du 17 d'afflux inopinés d'appels "exercice exercice exercice", sans évidemment se préoccuper de la météo qu'il fera ce jour-là ni du fait que j'ai des élèves de deux à cinq ans qui n'ont aucunement ce type de préoccupation (déjà bien quand ils ne pissent pas dans leur froc). Bien entendu on me suggère - car pour le coup on n'ose pas me l'imposer - des scénarios catastrophes avec pétards ou parent cagoulé, histoire de durablement traumatiser une nouvelle génération de petits français.

J'ai reçu en trois semaines une quantité de paperasses ahurissante, par courrier électronique évidemment c'est plus simple et forcément comme toujours une pièce jointe manque puis on me renvoie une troisième fois la chose parce que le document était incomplet. Le "responsable sécurité" de mon académie bande comme un cerf en me faisant parvenir des listes imposantes ou des instructions qui ne me concernent pas, et surtout se permet "au nom du DASEN "des injonctions comminatoires comme je n'en avais pas vu depuis des années. Je dirais volontiers qu'il y a dans les multiples nouvelles et récentes strates de l’Éducation nationale (et je crois qu'il y a rarement eu autant de gens dans les bureaux) quelques personnes qui se la pètent, et surtout plus haut que leur cul.

Je passe sur la communication de mon numéro de téléphone personnel, qui n'est bien entendu pas obligatoire mais quand même si je ne le fais pas je suis un salaud qui facilite le terrorisme (on me l'a dit). Je passe parce que de toute manière je ne regarde pas mon téléphone ni n'y réponds quand je suis avec mes élèves, j'ai trop de respect pour ces derniers, et je suis navré de ne pas avoir le cul dans un fauteuil pendant mes heures de classe avec mes pitchounes. Cela me reposerait pourtant, à mon âge, et avec ce satané genou qui se déboîte.

Bref, comme le dit la chanson, "non non rien n'a changé, tout tout a continué, yeah yeah !". J'ai cinq semaines pour finaliser le PPMS - diabolique -, finaliser un projet d'école dont le contenu m'est quasiment imposé et que je n'avais pas fait parce que ma petite équipe changeait - satanique -, organiser et gérer de lourdes élections de représentants de parents d'élèves dont je n'ai qu'une liste qui sera élue quoi qu'il se passe, même si personne ne vote - méphistophélique -, et tout plein d'autres choses (and all those kinds of things). Le tout en "lançant" ma classe qui ne connait pas mes habitudes, et ceux qui lisent ce billet sauront de quoi je parle.

Alors, désabusé... J'ai comme l'impression que je me suis fait avoir.


5 commentaires:

  1. Merci pour vos publications qui sont toujours très pertinentes et bien écrites. Après 8 ans de direction en REP, j'ai fini par jeter l'éponge ... et je revis ! Je compatis !

    RépondreSupprimer
  2. Cher collègue directeur proche de la retraite, laisse moi te conter la mésaventure d'un collègue de ma circonscription.
    En juin dernier, il se décide à faire ses papiers pour que cette année 2016-2017 soit la dernière. Mi-juillet, mail de la dsden: on lui interdit de reprendre en septembre car il aurait dû partir en retraite en janvier 2015.
    Donc pas de "au revoir", ni de rassemblement d'anciens élèves...
    Pire! La dsden demande le remboursement du "trop perçu" depuis janvier 2015...
    Violent!!

    RépondreSupprimer
  3. je sais que les "je comprends" et les "je compatis" ne sont pas d'une grande aide dans les moments de découragement...
    Pourtant, je comprends et je compatis... les réunions de rentrée où je vais faire mon petit speech de dirlette en expliquant aux parents qu'on va faire des exercices mais que, vue l'école vitrée de partout que nous avons, le jour où un gars se pointe avec un flingue, on ne pourra pas faire grand chose... ben je me dis que j'avais pas signé pour ça...
    Bon, côté "pipi-culotte" on est déjà presque au bout, sont biens les petits de cette année ! tiens, ils ne nous demandent jamais ça dans les enquêtes : combien s'oublient et combien pleurent encore le 5ème jour, le 10ème jour...
    chut, faudrait pas que je leur souffle l'idée !
    Bon courage !
    ma retraite à moi est dans...pfiuuuu... je crois que je vais encore voir passer au moins 3 ministres (au mieux)...

    RépondreSupprimer
  4. Les gosses pissent, le responsable bande, quelques personnes (se la)pètent, plus haut que leur cul.
    Le "Je me suis fait avoir" final, ça sonne comme "je me suis fait enc****".
    C'est un peu freudien, tout ça ?
    Bon courage.

    RépondreSupprimer