J'ai déjà évoqué dans plusieurs billets la profonde crise de recrutement des enseignants en France, et j'ai déjà donné quelques pistes quant aux raisons profondes d'une désaffection durable.
Un article du Monde, datée du 13 juillet, enfonce le clou:
Une France sans "profs" ? L'image étonne, pour ne pas dire qu'elle révolte. Dans un pays qui depuis 1870 a très largement été fait par les enseignants du primaire et du secondaire, on ne trouverait plus de professeurs ? Dans un pays où le taux de chômage des jeunes dépasse les 22 % de la population active, on manque de candidats au métier d'enseignant ? Dans un pays où la salle de classe a été sacralisée par la littérature et la mythologie nationale, il y aurait une crise des vocations ?
Publiés cette semaine, les résultats 2012 du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du deuxième degré, ou Capes, sont sans appel. Il y avait peu de places ouvertes cette année : 4 847 postes à pourvoir. Près de 15 % sont restés vacants. Pas de candidats. Si l'on veut être optimiste, on relèvera que 2011 a été pire : 20 % de taux de vacance.
(...)
Sans entrer dans les raisons profondes de cette évolution, on notera que le métier de professeur a perdu de son attractivité, comme diraient les économistes : statut social et rémunération effondrés. Un enseignant "bac + 5" débute sa carrière à
1 580 euros mensuels ; dix ans plus tard, il empochera à peine 1 900 euros.
Ce sont des salaires inférieurs à la moyenne de l'OCDE (Amérique du Nord, Japon, Europe). La France sous-paye ses enseignants.
Même la CGT s'y met (si on m'avait dit que je citerais un jour la CGT!), et fait au passage un constat cruel quant à la qualité de notre enseignement supérieur:
On note, premièrement, que le nombre d'inscrits aux concours externes d'enseignants et CPE du second degré reste bien en-deçà des années précédentes : 69 000 pour la session 2012, contre plus de 115 000 en 2007 et encore 85 000 en 2010. L'introduction de la réforme du recrutement et de la formation des enseignant-e-s et CPE, couplée à une dévalorisation constante du métier, a provoqué une baisse importante du nombre de candidats.
Le nombre de candidats dans le premier degré continue lui aussi de baisser (-50 % entre 2010 et 2011 !) pour arriver à 42 000 inscrits et seulement... 18 000 présents aux épreuves pour 5 000 places aux concours.
En second lieu, et particulièrement dans le 2nd degré, on note que les jurys font le choix de laisser des postes non pourvus : alors que le nombre de postes non pourvus tournait généralement autour de 30 par an, en 2011 976 postes du 2nd degré ont été non pourvus, en 2012 pour les seuls CAPES plus de 700 le seront ! Les jurys refusent des candidats estimant qu'ils n'ont pas le niveau, alors même que ces candidats sont titulaires du Master donné par les universités qu'ils dirigent... on est donc en droit de s'interroger sur la valeur des diplômes ainsi créés dans les universités pour répondre à l'exigence d'un recrutement niveau Master (contre la licence auparavant) alors que ceux qui le délivrent considèrent ensuite que les étudiants n'ont pas le niveau !
Le nombre de candidats dans le premier degré continue lui aussi de baisser (-50 % entre 2010 et 2011 !) pour arriver à 42 000 inscrits et seulement... 18 000 présents aux épreuves pour 5 000 places aux concours.
En second lieu, et particulièrement dans le 2nd degré, on note que les jurys font le choix de laisser des postes non pourvus : alors que le nombre de postes non pourvus tournait généralement autour de 30 par an, en 2011 976 postes du 2nd degré ont été non pourvus, en 2012 pour les seuls CAPES plus de 700 le seront ! Les jurys refusent des candidats estimant qu'ils n'ont pas le niveau, alors même que ces candidats sont titulaires du Master donné par les universités qu'ils dirigent... on est donc en droit de s'interroger sur la valeur des diplômes ainsi créés dans les universités pour répondre à l'exigence d'un recrutement niveau Master (contre la licence auparavant) alors que ceux qui le délivrent considèrent ensuite que les étudiants n'ont pas le niveau !
Mais, disent les gens qui croient tout ce qu'on leur raconte, si on paye mieux les enseignants, ça va coûter des sous! Certes, il va falloir en dépenser. Mais j'ai déjà expliqué dans un autre billet que l'argent dépensé dans l'éducation est un investissement, pas une dépense à fonds perdus, malgré tout ce que peuvent raconter certains soi-disant économistes de bas-étage à l'entendement limité. Que feraient donc nos entreprises sans le personnel formé qui sort de nos écoles? Et chacun sait que les travailleurs français sont compétents et travailleurs. L'école française serait donc t-elle plus efficace que certains veulent le faire croire?
Le Café Pédagogique nous donne encore quelques pistes de réflexion:
La crise de recrutement est liée à la masterisation. En élevant le niveau de recrutement, on a raréfié le nombre des candidats potentiels et on a mis l'enseignement en concurrence avec d'autres métiers. A l'évidence ni en terme de salaire, ni en celui d'évolution de carrière, ni même maintenant en ce qui concerne les conditions de travail et l'autonomie, le métier d'enseignant ne peut se comparer avec les postes d'encadrement proposés par des entreprises privées ou d'autres
administrations. Est-il utile de rappeler que la France est le seul pays de l'OCDE où les salaires des enseignants ont reculé durant les 10 dernières années ? Et que, si le statut social a à voir avec l'expertise reconnue, la quasi suppression de la formation continue et initiale des enseignants n'incite pas à la reconnaissance sociale....
(...)
Comment fait-on ailleurs ? On se satisfait très souvent d'un fort turn over dans les métiers de l'enseignement. A Singapour, les futurs enseignants sont pré recrutés en université . Ils bénéficient d'un vrai salaire durant leurs études en échange d'un engagement de service de trois ans. En Angleterre, une politique identique porte ses fruits pour certains enseignants, comme en sciences physiques. Ailleurs le levier utilisé est différent. En Finlande, nous dit l'OCDE, les étudiants se ruent sur les postes d'enseignant. Ce n'est pas tant le salaire qui est attirant que le statut social du professeur. Bénéficiant d'une excellente formation, l'enseignant est traité comme un expert. Il bénéficie d'une grande liberté et de la reconnaissance de son expertise.
Je l'avais déjà écrit: le salaire est une chose -importante-, la reconnaissance sociale en est une autre. Mais elle va de pair. Il faut déjà attirer avec un salaire décent qui en lui-même porte une forte attractivité en ces périodes difficiles. A moins qu'on veuille refuser aux enseignants leurs qualités d'expertise! C'est si facile de les nier. Il faut dire que le système de l’Éducation Nationale lui-même est presque entièrement conçu aujourd'hui dans le sens de cette négation, puisqu'au lieu d'exalter le travail de terrain on ne fait depuis des lustres qu'en nier les compétences, et à tout faire venir du haut de la pyramide, du Ministre ou de la Direction des Écoles jusqu'aux Inspecteurs ou IEN de l'enseignement primaire qui ne pannent que couic à ce qui se passe dans les écoles de leur circonscription -quand ils s'y intéressent moindrement-.
"Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance." disait Derek Curtis Bok (et non Abraham Lincoln, comme je lis partout). J'ai trouvé des chiffres intéressants concernant l'investissement dans l'éducation. Je vous ai fait un petit tableau dans lequel j'ai mis particulièrement en exergue les pays nordiques dont on nous rebat les oreilles depuis plusieurs années, suite à leurs résultats aux tests internationaux (PISA). Voici donc les dépenses de quelques états en 2007 et en pourcentage du PIB (je ne m'intéresse qu'à l'école primaire, maternelle et élémentaire confondus ou non):
Vous remarquerez comment en toute simplicité la Finlande investit 5,91 % de son PIB dans son éducation, la Suède 6,69 %, le Danemark 7,83 %, et la France un ridicule 5,59 %. Vous remarquerez également que nous faisons mieux que la Finlande pour l’enseignement "préprimaire" (école maternelle), mais étant donné que seuls 50 % des enfants y sont scolarisés, il est clair que là aussi la Finlande fait mieux que nous. Enfin, vous regarderez avec profit le nombre d'élèves par enseignant... Comment, seulement 12 en Suède et 15 en Finlande? Contre 19 en France...
Bref, il est clair que notre investissement dans notre école est en France devenu ridicule. Nos enseignants ne sont pas assez nombreux, ils sont les plus mal rémunérés de l'OCDE, et considérés comme des moins-que-rien parce que depuis des décennies les gouvernements successifs leurs tapent dessus et rejettent sur eux tous les maux d'une société française malade de tout sauf justement... de son enseignement. Rien n'a été fait pour les aider, pour nous aider. La France dépense de moins en moins pour son école, et la Nation finira par le payer très cher, beaucoup plus cher que ce que ça nous coûterait aujourd'hui d'y investir massivement le budget de l’État. Alors ne croyez pas tous les bobards que vous lisez sur le net ou entendez dans les médias! Ne cédez pas aux idées toutes faites et idiotes du "c'était mieux avant" qui est faux et stérile. Je laisse le mot final à l'éditorialiste qui a écrit l'article du Monde par lequel débutait ce billet:
Il faut des professeurs bien formés, payés et considérés. Cela ne relève pas de la dépense publique, mais de l'investissement dans l'avenir. C'est une question morale autant que stratégique.
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