Dans son dernier numéro, le "Figaro Magazine" fustige comme à son habitude les fonctionnaires, ce en quoi il n'a pas complètement tort, à mon avis tout du moins. Mais au lieu de réclamer le nécessaire rasage gratis du haut fonctionnariat de la fonction publique -ce qui serait le minimum pour un barbier-, le "Figaro" tape comme de bien entendu et aussi bêtement que d'habitude sur les trimards de terrain, ce qui convient certainement à une grande partie de son lectorat, et bien sûr sur les enseignants, qui pour une raison qui me dépasse restent les bêtes noires d'une droite qui croit encore que les enseignants sont tous syndiqués et de gauche. Il serait peut-être temps que ces gens-là révisent les statistiques dont ils sont friands.
Bref, le "Figaro Magazine" nous assène les assertions suivantes:
(...) on y apprend que le nombre de journées d'absence dans le primaire a totalisé 5 570 000 en 2009-2010. Rapporté au nombre de professeurs des écoles (y compris l'enseignement privé), c'est 15 jours de congé maladie en moyenne par enseignant. Si l'on ne tient pas compte des congés maternité qui, précise le rapport, sont nombreux (38%) compte tenu de l'âge et de la féminisation du corps enseignant dans le primaire, on aboutit au chiffre de 9,5 jours d'arrêts de courte durée par instit'.
Le "Figaro Magazine" évoque le rapport de juin 2011 de l'IGAENR sur le "Remplacement des enseignants absents". Comme je suis de nature curieuse, je suis allé voir ce qu'il en était, parce que je vois plus souvent autour de moi des enseignants malades qui viennent travailler, quitte à refiler leur maladie à leurs élèves, que des enseignants absents.
Ce rapport nous dit effectivement qu'il y a eu 5 570 000 journées d'absence en 2009-2010. Le tableau de répartition des congés qui suit ce chiffre concerne l'année 2007-2008, mais on peut estimer qu'il y a peu de différence même si deux années séparent les chiffres du tableau. En revanche, il n'est question dans ce tableau uniquement que du 1er degré (école primaire) public, et non du privé, que notre magazine mélange allègrement. Ensuite, on apprend qu'il n'y que 43% de congés de maladie ordinaires, et non 62% comme le sous-entend le "Figaro Magazine". Effectivement, les autres congés que le "Figaro Magazine" considère comme abusifs sont des congés de longue maladie (à moins que dans cette rédaction les cancéreux aillent au boulot), les congés de formation, ou les congés du type "décès" (a moins que dans cette rédaction on n'assiste pas à l'enterrement de ses propres parents).
En résumé, 43% rapportés au nombre des absences en 2009-2010 représentent 2 395 100 journées de maladie ordinaires.
Le dernier rapport "Repères et références statistiques 2012" nous apprend qu'en janvier 2010 il y avait 334 928 enseignants dans le 1er degré public.
Si je ne m'abuse, et arrêtez-moi si je me trompe, ceci signifie 7,15 journées d'absence par enseignant, et non les 9,5 jours que le "Figaro Magazine", dans son élan purificateur, nous donne comme vérité vraie. Et on peut pour s'amuser rapporter ce chiffre à celui de 8 jours que le magazine susmentionné nous donne pour le secteur privé (mais si leur calcul est aussi juste, il y a du souci à se faire).
Bref, c'est n'importe quoi. Si le "Figaro Magazine" veut un jour apparaître comme une référence sérieuse dans le domaine du journalisme, et non un torchon partial, il va falloir qu'ils apprennent à leurs scribouillards à utiliser une calculette. Ou alors il s'agit d'un pur et simple mensonge partisan -je penche pour cette option, étant donné le ton général de l'article-, mais alors, pardonnez-moi, cela me semble le comble pour un barbier de mentir comme un arracheur de dents.
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