mercredi 10 octobre 2012

Quand le directeur est contraint de sacrifier ses élèves...


Tous les directeurs d'école le savent: accomplir correctement sa mission de direction d'école amène quotidiennement à sacrifier l'enseignement apporté aux élèves. Le directeur est directeur 24h/24, et surtout quand quelqu'un a besoin de lui, qu'il s'agisse d'un fournisseur, d'un élu, d'un agent municipal, d'un parent, que ce soit en contact direct ou au téléphone...

Vous voulez un exemple récent? Les élections des représentants des parents d'élèves sont vendredi prochain, et le bureau de vote doit être ouvert quatre heures de suite. Voici ce que je viens de recevoir de mon administration:

En pratique, le directeur ne pouvant être déchargé de sa classe pour tenir en permanence le bureau de vote, sauf si son jour de décharge éventuel coïncide avec le jour du scrutin, il convient de confier la tenue du bureau de vote aux membres de la commission (parents d'élèves, DDEN...). Toutefois lorsqu'un électeur se présente au bureau de vote, le directeur devra être en mesure de se rendre rapidement sur place pour veiller à la régularité du vote et éviter toute contestation ultérieure.

Difficile de faire plus clair: le directeur doit laisser sa trentaine d'élèves se dépatouiller seuls pendant qu'il observe avec un intérêt certain un parent d'élève mettre sa petite enveloppe dans l'urne... Je me demande tout de même, en cas d'accident à ce moment-là (coup de ciseaux, crayon de papier dans l’œil, simple chute...), ce que diraient l’Éducation nationale, les familles ou la justice en sachant que le directeur n'était pas en présence de ses élèves -dont la surveillance doit être effective et continue- mais assistait contraint et forcé à cette opération purement démagogique que sont les élections des parents d'élèves...

Je crains fortement, au lu des préconisations de la commission pour la "rénovation de l'école" et à l'entendu du discours du président de la République mardi matin, que la prochaine loi d'orientation fasse un vague pssschittt sommaire avant de lamentablement s'effondrer devant la réalité du fonctionnement catastrophique du ministère de l’Éducation nationale. Entendre les syndicats trépigner de bonheur à l'énoncé de mesurettes ridicules est tout aussi déprimant. Je n'évoquerai également que pour mémoire la profonde ignorance des médias, ou leur indifférence, voire l'exaltation qu'ils mettent à répéter tels de joyeux mainates les propos du ministre ou du Président de la République, sans la moindre once d'esprit critique.

Je ne suis pas sûr que mettre trois pansements sur la jambe de bois de l'école publique la fera avancer plus vite.

1 commentaire:

  1. En matière d'indifférence, celle des médias ne peut entrer en concurrence avec celle des enseignants qui, pour la très grande majorité d'entre eux, n'ont ni suivi ni ne se sont intéressés au déroulement de la concertation ! Quant aux propos du Président de la République, aux conclusions de la Consultation les laissent visiblement inertes ! (j'évoque ceci à partir du personnel de mon établissement : pas moins de 13 adjoints, tout de même ! la projection à l'ensemble des enseignants d'une telle attitude est-elle impossible ou sujette à caution ?)
    C'est dire la distance qui sépare le "pouvoir", quel qu'il soit, des citoyens !
    C'est dire le déni de Démocratie que cela suppose, lorsque les voix des personnels de terrain ne sont ni sollicitées (ou tout au moins pour la forme) ni, lorsqu'elles le sont, entendues !
    C'est dire le désenchantement que tout cela entraîne impitoyablement !
    C'est dire enfin combien l'ensemble du monde enseignant va poursuivre sa tâche en en connaissant fatalement les impasses, les échecs, et regrettant l'absence de réelle volonté politique de (re)fonder quoi que ce soit...

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