Josette Théophile fut, sous le pontificat de Nicolas Sarkozy, DRH de l’Éducation nationale, fonction nouvelle à l'époque, signe frappant de la façon entrepreneuriale dont le gouvernement souhaitait diriger le ministère.
Elle a récemment signé dans Le Monde un article étonnant qui montre le fonctionnement sclérosé d'une institution qui a conservé des réflexes et des habitudes des XIXème et XXème siècles parfaitement hostiles à toute velléité de modernisation.
Je ne sais si, lorsqu'elle était DRH, Mme Théophile a montré autant d'empressement auprès de Luc Chatel pour dénoncer l'enlisement du système. Quelques discrètes déclarations de sa part, à l'époque, semble montrer qu'elle avait assez bien cerné les difficultés qu'elle avait à surmonter. Mais que faire contre un diplodocus de cette taille? Surtout lorsqu'on sait que la taille de l'animal arrange bien un certain nombre de hauts fonctionnaires qui vivent sur la bête.
Mme Théophile emploie aujourd'hui des mots terribles, mais justes, et dénonce l'aveuglement, en grande partie volontaire, des élites du ministère:
" L'institution, ainsi, rêve d'un monde spontanément vertueux. Mais quand le rêve ne se réalise pas, elle s'énerve et s'en prend aux enseignants, ce qui lui évite de se remettre en question.
Faute d'avoir donné au système les moyens de s'adapter, l'éducation nationale est aujourd'hui paralysée devant l'ampleur, l'imbrication et la complexité des changements nécessaires.
Les élèves en premier, les profs ensuite, paient cher le prix de ce manque continu de courage et de professionnalisme auquel l'opinion publique et le conservatisme des parents ne sont pas étrangers.
Chaque jour, sur le terrain, des équipes dynamiques font des prouesses ; mais aucune organisation ne peut améliorer durablement sa performance par la seule convergence des bonnes volontés ! "
Voilà qui est fort clairement dit, et rejoint ce que j'ai exposé ici dans plusieurs billets. Il va falloir couper la lourde tête de l'hydre si on veut un jour que la machine redémarre. Il va falloir donner aux agents de terrain -enseignants, directeurs d'école...- l'autonomie qui leur est nécessaire pour qu'ils puissent travailler efficacement au plus près des besoins de leurs élèves. Sinon l'idée que tout peut continuer à tomber du sommet de la pyramide enfoncera un peu plus encore l'école française.
Alors Monsieur le Ministre, vous avez une exceptionnelle opportunité. Ne cédez pas aux récriminations syndicales venues d'une extrême-gauche sur le sentier de la guerre, mais sachez écouter ce qu'elles recouvrent aussi de justes revendications de la part de nombreux agents quotidiennement confrontés à d'insurmontables difficultés. Soyez celui qui donnera aux directeurs d'écoles le statut qui leur nécessaire pour travailler dans la sérénité. La direction d'école, garante de la réussite des élèves, peut réaliser ce que vous souhaitez pour l'école de la République, à condition qu'on lui octroie enfin les moyens nécessaires à sa mission.
" Réformer n'est pourtant pas impossible. L'enjeu de réduire l'échec scolaire pour faire réussir tous les élèves étant à peu près partagé aujourd'hui, il faut avoir l'audace d'une réforme d'ensemble.
Définir les objectifs et, au lieu de rédiger sans fin des modes d'emploi sur la manière de les atteindre, distinguer les quelques principes en nombre restreint qui relèvent du national de ce qui relève du niveau régional ou de l'autonomie des établissements.
Aujourd'hui, l'éducation nationale est une institution à l'arrêt. Pour la délivrer de cet immobilisme imposé, l'administration doit se mettre au service des équipes qui sont en première ligne auprès des élèves, et le tout, de grâce, sans circulaires ! "
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