samedi 6 avril 2013

Les directeurs d'école en deuil...


Une collègue directrice s'est donnée la mort ce matin, dans son école.

Au delà du drame qui frappe une famille et une école, et qui ne peut susciter que compassion et tristesse, c'est de la colère que je ressens.

De la colère parce que, comme il était prévisible, le premier réflexe du directeur académique du Territoire de Belfort a été de déclarer que notre pauvre collègue aurait «mis fin à ses jours pour des problématiques d'ordre personnel».

Oui, Monsieur Mellon, c'est forcément parce qu'on ne va pas bien qu'on se tue. Non, Monsieur Mellon, un enseignant, et plus encore une directrice d'école, surtout consciente de son devoir comme vous l'avez vous-même décrite, ne se suicide pas sur son lieu de travail par hasard. N'y voir qu'un malheureux hasard, c'est au mieux se voiler la face, au pire prendre les directeurs d'école de ce pays, les enfants, les parents d'élèves, pour des imbéciles. C'est nier le stress, la responsabilité délirante et perpétuellement croissante, toute la charge qui repose sur les épaules de la direction d'école, qui n'en peut plus depuis plusieurs décennies du poids de sa mission, des remises en cause, de l'absence de reconnaissance. C'est nier toute la force du dernier rapport de M. Fotinos. C'est nier l'évidence de l'absence totale de médecine de travail dans l’Éducation nationale, ou d'assistance psychologique pour le maillon faible du système qu'est le directeur d'école, qui supportera son apostolat sans aucun soutien institutionnel. C'est nier l'attachement que les directeurs d'école portent à leur mission, le temps qu'ils y passent, l'investissement qu'ils lui donnent. C'est nier enfin que ce métier, car c'est bien un métier particulier que celui de directeur d'école, mérite mieux que votre apitoiement de circonstance, ou que la façon déplorable dont ce ministère nous traite, nous qui sommes souvent dans les communes de France le premier ou le dernier relais de l’État.

Oui M. Mellon, je suis en colère contre vous. Mais vous n'êtes qu'un rouage de ce système qui exploite et broie les agents de terrain que nous sommes en regardant surtout ailleurs pour ne rien voir, qui nous dénie toute autonomie, qui nous ignore, et veille bien à protéger ses arrières en toute circonstance, même lorsque qu'il s'agit d'un acte aussi grave que celui de qui passant à l'acte commet l'irréparable en se pendant dans l'escalier de son école. Croyez-vous vraiment ce que vous dites quand vous récusez d'emblée, alors que notre collègue est à peine décédée, cette épouvantable démonstration de la totale et complète responsabilité de votre ministère?

C'est de la colère qui m'agite, M. Mellon, parce que cet aveuglement quant à la situation des directeurs d'école, qui a déjà tué, qui a tué ce matin, continuera à tuer alors que vos semblables continueront à nier l'évidence.

Je vais clore ce billet, la charge émotionnelle que je ressens est trop forte. J'adresse avec force et sincérité toutes mes condoléances et toute ma compassion à la famille de ma collègue, à ses élèves, à ses collègues, aux parents d'élèves de son école, à ses camarades syndicalistes.

J'appelle tous les directeurs et directrices d'école de France, tous les collègues enseignants qui veulent nous rejoindre, à porter lundi au travail, au moins aux heures d'accueil et de sortie, un brassard noir en signe de deuil.

3 commentaires:

  1. Entièrement d'accord, je porterai un brassard lundi.

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  2. Je suis retraitée, mais j'adhère complètement à vos idées. De tout cœur avec vous!

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  3. Nous ne sommes rien pour eux... On le voit bien et plus encore dans les moments difficiles où l'on ne recoit aucun soutien... Je suis triste et tellement en colere...

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