mercredi 19 juin 2013

On ze go...


Les discussions sur la direction d'école ont -enfin- commencé. Il s'agit bien de discussions, les négociations sont évidemment réservées aux organisations syndicales qui ont légalement le mandat pour le faire. Le GDiD a donc, comme seule association de directeurs d'école publique à envergure nationale, toute légitimité pour être écouté par le ministre et son cabinet. Ce sera le cas le jeudi 20 juin, alors qu'il avait déjà été convié à discuter à la DGESCO en préliminaire.

Mais je réitère mon interrogation du billet précédent: si le GDiD sera écouté, sera-t-il pour autant entendu?

Dans cette affaire, qui concerne directement toutes les directrices et tous les directeurs des écoles publiques de France, les intérêts et revendications sont divergents. Déjà les syndicats qui sont allés au ministère tentent de tirer la couverture à eux. C'est normal de la part du SE, qui a fait beaucoup pour que ces entretiens débutent rapidement. Cela l'est moins de la part du SNUipp qui, contrairement à ce qu'il clame aujourd'hui, a tout fait pour qu'elles n'aient pas lieu.

Nous recevons donc aujourd'hui des commentaires victorieux de partout, du style "nous avons été entendus", et patata. Or ces commentaires ne donnent pas l'impression que les directeurs d'école eux le soient.

Effectivement, la première mesure mise en avant par les centrales syndicales est celle du réemploi ou de l'emploi de 12000 postes d'EVS, et d'un certain nombre de contrats aidés, autre joyeuseté dont je perçois mal l'intérêt pour la direction d'école. Pire, j'y vois une façon parfaitement claire de détourner le problème, pour plusieurs raisons:

1) d'où sort cet argent? 12000 EVS, ce sont -je l'ai déjà écrit- 4000 postes d'enseignants, qui seraient certainement plus utiles dans les écoles que des bouche-trous qui, à part pour certains nostalgiques (ah les pauvres EVS, et ragnagna), ne remplaceront jamais un vrai secrétariat ou un "maître" supplémentaire apte à prendre une classe en charge; sans même parler de la formation de ces gens-là, qu'il va falloir pour les directeurs d'école assumer en plus de leurs deux métiers; n'ayant personnellement pas dans ma petite école la possibilité d'être parallèlement enseignant six heures par jour et directeur d'école, mission que je ne peux remplir que sur mon temps libre, où donc trouverais-je le temps et l'énergie de former un adulte? Je suis gentil, je ne donnerai pas une fois de plus le bilan désastreux du dispositif EVS de ces dernières années, autant en terme de formation d'adulte et de débouché, qu'en terme d'utilité dans les écoles... Alors si on ajoute maintenant des "contrats aidés", wouah, quel bonheur en perspective!

2) les EVS sont pour les syndicats un écran de fumée bien pratique pour cacher l'indigence de la direction d'école, dont plusieurs centrales ne veulent tout simplement pas voir reconnus le professionnalisme et l'originalité; je ne le répéterai jamais assez, être directeur d'école aujourd'hui est un métier à part de celui d'enseignant, il réclame des compétences particulières et un savoir-faire unique, de l'entregent, de l'enthousiasme; pourquoi certains refusent-ils de l'admettre?

3) les EVS ne servent à rien dans les écoles, je parle en connaissance de cause, sinon à entériner l'idée que le métier de directeur d'école serait uniquement et purement administratif, une sorte de super-secrétariat d'école au service des enseignants. C'est ce que nous serine le SNUipp depuis des lustres, qui nie -comme les syndicats d'extrême-gauche- ce qui aujourd'hui constitue les majeures et les meilleures parties de notre mission, celles qui motivent encore la plupart d'entre nous, soit l'organisationnel et la communication. Or ces deux tâches ne peuvent pas être déléguées! Personne d'autre que le directeur d'école, dont la connaissance globale de son école est unique, ne peut la représenter auprès d'une municipalité ou d'un organisme partenaire comme le Conseil général avec lequel nous avons de plus en plus souvent affaire. Personne d'autre que le directeur d'école ne peut représenter l'institution ou l’État auprès des familles. Personne d'autre que le directeur d'école ne peut organiser son établissement dans le respect des règles de sécurité et des textes officiels. Si le travail simplement administratif nous prend quelques heures, notre rôle d'organisateur et de communiquant nous prend 60 à 80 % de notre temps et de notre énergie. 80 %, c'est largement le cas dans ma petite école maternelle. Je ne suis pas le seul à dire, mais peut-être le criai-je plus fort, que les EVS traînent souvent comme des âmes en peine dans les écoles faute de travail à leur mesure, ou sont employés à des tâches qu'ils ne devraient pas remplir, et remplacent par exemple des ATSEM dont ils n'ont pas les droits, le salaire, et l'efficacité. Je le répète, les EVS ne servent à rien, qu'on crée plutôt quelques milliers de postes d'enseignants pour nous décharger -je ne le suis pas du tout- et la charge administrative disparaitra rapidement de nos préoccupations. Je veux qu'on me donne du temps pour la gérer, mais du temps à moi, pas celui d'un autre qui n'y panne que couic et dont de toute façon je devrai vérifier et rectifier le travail.

Qu'est-ce que je réclame aujourd'hui, moi, directeur d'une petite école publique française? Un peu de temps, mais du temps de professionnel. Qu'on me libère de diverses réunions et autres APC qui ne font que prendre du temps sur mon travail réellement utile. De la reconnaissance institutionnelle pour ma charge et ma responsabilité. Une vraie place dans l'organigramme de l'éducation nationale, place reconnue par tous, hiérarchie, municipalités, familles, enseignants. De l'autonomie pour les projets adaptés à mon école et à son public. Une existence juridique qui me laisse l'opportunité de certains choix et de les assumer face à nos partenaires locaux. Un peu d'argent, pourquoi pas, qui reconnaisse mon investissement personnel dans l'accomplissement de cette mission compliquée et si importante, ce qui peut passer certes par un salaire mieux adapté mais aussi par une carrière accélérée grâce par exemple à des points supplémentaires pour l'accès à la hors-classe. Qu'on me reconnaisse pour ce que je suis -zut!- soit souvent l'ultime représentant de l’État dans une commune, le point d'ancrage de l'école, l'interlocuteur unique et indispensable des partenaires de l'école qui comptent sur moi pour la réussite scolaire des élèves et l'efficience de mon établissement. Bref, qu'on reconnaisse que le directeur d'école a un métier à part, qu'il n'est plus un enseignant chargé d'une mission particulière mais un professionnel aux compétences parfaitement différenciées.

Je pense que nous aurons rapidement des échos de ce qui aura été dit à Alain Rei, président du GDiD. Espérons que notre attente -douze ans c'est long- n'aura pas été vaine. Le SE-Unsa avait posé une "alerte sociale": espérons donc aussi que les directeurs des écoles publiques de France n'auront pas à se lancer dans une grève spécifique dès la rentrée de septembre.

2 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord! L'aide administrative ne nous sera d'aucune aide. Quand il faut appeler le médecin scolaire, le CDAS, les parents d'élèves, lorsqu'il faut régler un conflit, rédiger le compte-rendu d'une réunion d'équipe éducative, préparer le conseil d'école, envoyer les invitations, organiser le service, décloisonner pour aider les élèves en difficultés... Que ferait un EVS ? Mis à part ranger la bibilothèque, mes collègues et moi sommes bien ennuyés pour leur confier des tâches qui nous semblent les nôtres! Vérifier tout son travail ? Quel gain de temps? Non ! Un peu de sérieux. Plus de temps de décharge et une revalorisation!

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  2. Je confirme que les evs demandent plus de travail que cela apporte du positif, voire des ennuis tout court, je sais de quoi je parle...
    De plus ils sont mis aujourd'hui et retirés demain, comme lors de la mise en place de base élève et leur disparition aujourd'hui: ré introduction avant de les renlever et avoir noyé le poisson.
    Décharge, revalorisation, et pas d'apc pour le directeur!

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