Après douze longues années d'efforts bénévoles mais constants, le GDiD a fini par gagner la "bataille des idées", comme on dit, même si je déteste les métaphores guerrières qui me rappellent fâcheusement le vocabulaire restreint des syndicats qui ne savent causer qu'en termes de "lutte" et autre "combat".
Le GDiD exprime depuis douze ans que la direction d'école s'enlise dans une voie sans issue. Sans autonomie, sans existence, sans reconnaissance, le directeur d'école publique français n'a aucun moyen d'adapter le projet de son école aux besoins réels de ses élèves. On en voit le résultat, pire d'année en année, depuis trois lustres.
Au cours des ans, nombreux sont ceux qui ont soutenu le GDiD et ses revendications, et persistent à le faire tant l'évidence qui s'est imposée à eux de la justesse de la cause ne peut être reniée une fois qu'on l'a admise. Les directeurs d'école, d'abord, de plus en plus nombreux chaque année au GDiD, mais aussi qui soutiennent l'association sans forcément y adhérer. Moi même ne l'ai rejointe que tardivement, lorsque soudain l'absurdité de la mission de direction exercée sans moyen m'a explosé à la figure. Saluons celles et ceux, directrices et directeurs d'école, qui ont animé l'association avec passion et abnégation avant de quitter la fonction de direction, par dégoût ou lassitude, ou simplement parce qu'ils prenaient leur retraite. Qu'ils soient remerciés de leur travail.
De nombreux adjoints aussi soutiennent le GDiD, parce qu'ils sont conscients des problèmes de la direction d'école et perçoivent l'intérêt d'un renouveau de la fonction avec de nouveaux moyens.
De nombreux élus également sont avec le GDiD, élus locaux d'abord, maires et conseillers municipaux, qui aimeraient avoir le loisir de discuter avec des directeurs reconnus et autonomes du fonctionnement d'une école qu'ils payent avec les deniers de leur commune. Les agents territoriaux aussi, directeurs de l'éducation ou secrétaires généraux, qui savent les directeurs d'école coincés dans leurs actions par des pesanteurs étatiques qui en France ont atteint ces dernières années des sommets.
Il y a pléthore de représentants de la Nation qui à l'Assemblée nationale martèlent depuis des années la nécessité d'un statut pour les directeurs d'école. Je ne citerai que le plus constant d'entre eux, le plus acharné, le plus fidèle à l'idée que la situation actuelle des directeurs d'école est ingérable, Monsieur Frédéric Reiss, qui il y a quelques jours encore à la chambre -le 5 juin pour être précis -, s'exprimait ainsi face au Ministre de l’Éducation nationale: "Comment peut-on vouloir refonder l’école sans reconsidérer la situation des pilotes que sont les directeurs d’école ? Ils sont les grands oubliés de cette réforme ! Leurs missions ne cessent de croître et de se complexifier, et ils seront en première ligne concernant la mise en place des nouveaux rythmes scolaires – réforme déstabilisante pour les élus locaux et les familles, qui ne concernera finalement que 20 % des élèves à la rentrée prochaine. (...) Priorité au primaire, oui ! Mais pas sans les directeurs !"
Les familles justement, parlons-en! Les parents d'élèves sont extrêmement surpris quand ils apprennent nos conditions de travail, le ridicule de notre salaire, notre absence de latitude quant au fonctionnement de notre école. Ils sont très étonnés quand ils apprennent que nous ne sommes pas les supérieurs hiérarchiques de nos adjoints, et que nous ne pouvons rien faire quand l'un d'entre eux s'avère incompétent, désagréable avec les familles, voire dangereux pour ses élèves, ou au contraire pour valoriser un collègue que nous voyons particulièrement efficace et dont nous souhaiterions tant propager les envies, connaissances, découvertes et innovations. Combien de directeurs d'école se sont trouvés aux prises avec un enseignant désagréable ou harceleur, sans rien pouvoir y faire ni même compter sur sa hiérarchie pour y remédier? Combien de directeurs d'école ont fini par quitter leur mission, dégoûtés, abîmés, atrocement désillusionnés tant par leur impossibilité d'action que par le désinvestissement de leur hiérarchie? Que de compétences perdues! Que de projets abandonnés!
Ainsi donc, enfin, après douze années d'efforts bénévoles, le ministère ouvre des "négociations" sur la mission de direction d'école. Pour ma part, le terme "négociations" me déplait, plus qu'il ne m'inquiète, car je considère qu'il n'y a rien proprement à négocier, du moins si on considère les revendications du GDiD. Le GDiD a toujours dit "Le statut d'abord, le reste ensuite", ce qui signifie que des négociations salariales doivent évidemment être engagées, mais que ce qui importe le plus est bien le statut des directeurs d'école et leur autonomie d'action. Je veux d'abord les moyens de ma mission, une existence et une reconnaissance juridique, institutionnelle et administrative, je veux un cadre d'emploi clair. Le salaire qui va avec peut à mon avis attendre quelques mois des négociations plus globales sur celui des enseignants du primaire, que chacun sait largement inférieur -sous quel prétexte à une époque ou les professeurs du primaire et du secondaire ont la même formation?- à celui de leurs collègues des collèges et lycées, et pire largement inférieur, de 30%, à celui des enseignants des grandes nations de l'OCDE.
Mais je peux comprendre le terme de "négociations" dans la mesure où ce seront surtout les "partenaires sociaux", auxquels le GDiD sera normalement associé, qui vont discuter le bout de gras avec le Ministre de l’Éducation nationale et le gouvernement à partir du 18 juin prochain. Il s'agit bien là de discussions institutionnelles, et on en utilise le vocabulaire. Juste une question: M. Jean-Paul Delahaye, directeur de la DGESCO, avait confirmé dernièrement que le GDiD serait "évidemment" partie prenante des discussions; M. Peillon, Ministre de l'Education nationale, a envoyé il y a deux jours un courrier encourageant à Alain Rei, président du GDiD; mais la participation du GDiD aux "négociations" a-t-elle été confirmée?
Il faut reconnaître que sans les syndicats la question de la direction d'école serait peut-être encore au point mort. Pardon, sans UN syndicat, le SE-Unsa pour être précis, qui depuis octobre 2012 suit une tactique propre et claire, et ne lâche pas le morceau. Je les en remercie, car malgré les efforts du GDiD on ne peut comparer le travail de ses bénévoles, déjà surchargés dans leur mission de direction quotidienne, avec celui que peut effectuer une centrale syndicale aux nombreux représentants déchargés. Encore faut-il avoir une idée claire de son objectif, et la constance de suivre la tactique élaborée. J'ai suffisamment tapé ici sur le SE-Unsa pour ne pas reconnaître son investissement dans le dossier, et surtout son efficacité. Je ne l'oublierai pas en 2014, lors des prochaines élections professionnelles, comme je n'oublierai pas l'acharnement mis par le SNUipp à nier mon existence et mes compétences de directeur d'école.
Car je dois dire un mot ici de la représentation professionnelle. Après des élections catastrophiques en 2011, lors desquelles seuls 38% des enseignants avaient voté, le SNUipp était sorti grand vainqueur, le SE-Unsa arrivant en seconde position. Le peu de représentativité des centrales syndicales de l’Éducation nationale, comme d'ailleurs leur peu d'adhérent -mais personne n'ose donner de chiffre!-, ne sont bien entendu que le fruit de leurs atermoiements et de leur constante négation des réalités du terrain. Les enseignants n'en peuvent plus de ces syndicats qui parlent et agissent en leur nom sans réellement mettre en avant leurs réelles difficultés, voire qui vont jusqu'à les nier, préférant nettement pour le SNUipp par exemple des convictions politiques surannées à l'étude des conditions de travail des enseignants. L'exemple des EVS, qu'on veut continuer à nous imposer en dépit des réticences ou du franc refus de la plupart des directeurs d'école qui préfèreraient nettement avoir le temps et les moyens de leur mission, est très parlant. Je ne parlerai pas de FO, SUD ou la CGT, qui n'existent que par la volonté de la centrale qui les coiffe, et n'imaginent pas une seconde qu'il existe des gens qui bossent chaque jour dans les écoles. Mais c'est aujourd'hui devenu un gros souci pour ces syndicats non-représentatifs que les revendications des directeurs d'école, initiées par le GDiD et reprises par le SE-Unsa. Car enfin dans les écoles les actes quotidiens de ces directrices et directeurs sont primordiaux pour l'image des centrales syndicales; sans les directeurs d'école, plus d'information passée aux adjoints, plus aucun moyen de les toucher -les magazines syndicaux ne sont plus déballés, les courriels syndicaux ne sont pas partagés-, plus aucun moyen de les convaincre ou simplement d'exercer une quelconque propagande. Et puis, l'aura et la parole d'un directeur d'école reste importantes dans une école, le nier serait nier l'évidence. Alors un directeur d'école qui ne suit pas une consigne syndicale, un directeur d'école qui ne se met pas en grève, un directeur d'école qui vante les positions d'un syndicat, ce n'est certes pas parole d'évangile, mais ça a valeur d'exemple. A bon entendeur...
C'est ainsi qu'aujourd'hui ce fameux train qui doit entraîner enfin la création d'un statut particulier pour les directeurs d'école s'est mis en marche. Le GDiD et le SE-Unsa sont dans le wagon de tête. Et on voit, avec une certaine curiosité entomologique, les autres syndicats essayer de monter en marche. Efforts dérisoires, certes. Il ne faut aucunement s'illusionner sur la volonté réelle d'un syndicat comme le SNUipp de travailler à la création d'un statut pour les directeurs d'école. Mais il ne faudrait pas non plus oublier la capacité de nuisance de ces gens-là, qui agiteront rapidement certains chiffons rouges au nom d'un "Ni Dieu ni maître" ridicule, feront bouger le spectre d'un statut hiérarchique qui fait peur aux adjoints, et crieront avec un bel ensemble à la "caporalisation" de l'enseignement -Bonaparte pas mort!- et aux "petits chefs" -pourquoi petits?-. Les centrales syndicales qui préfèrent crever dans le statu quo et la suffisance qu'évoluer aiment jouer sur la peur. On se demande bien pourquoi d'ailleurs les enseignants auraient peur de directeurs d'école supérieurs hiérarchiques, car dans une enquête récente qui nous vient de SUD -c'est un comble!- ils se plaignent amèrement de l'éloignement de leur hiérarchie et de son peu d'intérêt pour leurs préoccupations quotidiennes. Je connais la solution, moi. Pourtant elle n'est pas à l'ordre du jour car le mandat du GDiD l'amène à réclamer un statut non-hiérarchique, ménageant d'ailleurs de cette façon les IEN et leur principal syndicat, le SIEN, qui soutient le GDiD dans ses revendications.
Donc mes amis, chers collègues ou soutiens, si le train a démarré, il nous demande encore plus d'efforts aujourd'hui pour soutenir sa marche. Nous allons devoir éviter les chausse-trappes syndicales, enlever les bâtons que certains s'ingénieront à nous mettre dans les roues, et casser les freins qu'ils tenteront de poser. Je ne doute aucunement de la volonté du GDiD d'y parvenir. Mais sans votre soutien, partout sur le terrain, dans toutes les écoles de France, le travail sera beaucoup plus difficile! Adhérez au GDiD, parlez-en autour de vous, même si la période bousculée et stressante de juin est toujours peu propice à ce genre d'action. C'est ensemble, groupés, solidaires, que nous y arriverons enfin, à ce statut.
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