Pour nous directrices et directeurs d'école, qui sommes quotidiennement sur le terrain et avons pour beaucoup continué notre travail largement au-delà du 6 juillet, les enjeux de la reconnaissance de notre métier spécifique dépassent largement celui d'une simple revendication catégorielle. C'est une vision d'avenir que nous proposons, une autre façon de considérer notre mission, qui fait la part belle à une action proche des besoins de nos élèves et correspond à la réalité du terrain. Sur le fond il s'agit concrètement, en réclamant un statut pour les directeurs d'école et l'autonomie de nos écoles, de mettre fin au centralisme jacobin qui certes a créé il y a 150 ans l'école publique française, mais n'est plus adapté à notre siècle. Nous voulons chacun d'entre nous donner à tous nos élèves, quelles que soient leurs origines sociale ou géographique, sans condition de couleur ni de sexe, les clés d'une réussite individuelle qui en feront les adultes responsables et autonomes de demain. C'est le rôle de l'école publique, celui que jamais elle n'aurait dû perdre, mais qu'elle ne remplit hélas plus. Ce n'est pas une vision égoïste, plus d'argent, plus de reconnaissance, qui nous motive, même si ces revendications sont certainement part de notre demande, mais bien une autre vision de l'école telle qu'elle pourrait être si les directeurs d'école avaient effectivement les moyens techniques et juridiques de leur action.
L'année 2013 pourrait-elle être de ce point de vue une année décisive? Certainement. Encore faut-il aller au-delà de l'acte politique à court terme. Nous devons faire comprendre que l'école publique mérite mieux que des mesures ponctuelles, et qu'une vision politique à long terme est largement nécessaire. Depuis des décennies on nous explique que "l'ascenseur social ne fonctionne plus". Il est temps de le mettre aux normes.
M. Peillon, présent ministre de l’Éducation nationale, semblait partisan de ce point de vue, je n'en veux pour preuve que la concertation de la mi-année 2012. Ce qui en est pour l'instant résulté n'est en partie que poudre aux yeux, pour le reste atermoiements, demi-mesures ou abandons. C'est certainement compréhensible, ce n'est pas forcément pardonnable, tant l'écart est grand entre les déclarations d'intention et les échos sur le terrain. Avouons tout de même que l'ambiance a changé depuis un an, et que l'écoute semble meilleure. C'est bien pourquoi je continue et continuerai à écrire ici le fond de ma pensée, même si je ne m'illusionne aucunement quant à la portée de mes écrits.
Il faut admettre que la question de la direction d'école est éminemment politique, dans le mauvais sens du terme. Pour nous directeurs d'école qui en avons une vision surtout technique, il est rageant de ne voir que si peu les choses avancer, et nos conditions de travail ne guère changer. Mais pour autrui les enjeux sont tout autres! Effectivement la direction d'école est au point de rencontre de quatre sphères d'influence distinctes, qui ne peuvent s'ignorer, et doivent se ménager. En voici un rapide schéma:
Quels sont donc ces acteurs, quelles sont leurs contraintes, et comment peuvent-ils dialoguer?
1) le ministère de l’Éducation nationale:
Le ministère de l’Éducation nationale a d'abord un problème structurel. Conçu pour une France essentiellement rurale, il a conservé depuis sa création une forme extrêmement centralisée répondant aux besoins d'une République naissante qui voulait scolariser tous les petits français et imposer sur le territoire national un certain nombre de règles communes, mettre fin aux anciennes rivalités territoriales, éliminer les patois et langues régionales, etc. Les écoles communales elles-mêmes furent à l'époque bâties à partir de plans dessinés à Paris. Si le France a beaucoup changé en 150 ans, le ministère est resté quasiment identique, avec une forte structure hiérarchique pyramidale -que j'ai déjà dénoncée ici- et une bureaucratie outrancière. La décentralisation entamée il y a quelques décennies, comme la création des instances Européennes, n'ont amené aucun changement dans le fonctionnement du ministère, l'éducation restant une fonction régalienne. Seule la gestion financière des bâtiments et du fonctionnement de l'enseignement secondaire a été dévolue aux départements et aux régions, comme celle de l'école primaire dépend des communes. On ne peut pas s'en plaindre d'ailleurs, les "territoires" sont plus attentifs à leur bonne santé que l’État ne l'a jamais été. Et contrairement à d'autres responsabilités locales qui ont vu enfler les effectifs de leurs fonctionnaires territoriaux et s'empiler de nouvelles strates administratives, l'enseignement en est resté à peu près indemne.
Aujourd'hui il serait logique et nécessaire de donner aux écoles primaires une autonomie qui leur a toujours été refusée, alors que leur fonctionnement est forcément très proche des besoins du territoire où elles sont implantées, ne serait-ce que par le public auquel elles ont à faire qui diffère énormément selon qu'il s'agit d'une école rurale ou urbaine, d'une zone à population dense ou non, selon le milieu socio-professionnel des familles, etc. Un enseignant et un directeur d'école travailleront de façon sensiblement différente en fonction de critères totalement externes à l'enseignement mais adaptés au territoire, ce qui n'était aucunement le cas au XIXème siècle quand il fallait unifier le système.
Mais donner aux écoles primaires -à l'école communale!- l'autonomie qui dans un cadre précis élaboré par l’État pourrait garantir la réussite de tous les élèves, signifierait un nettoyage à grande échelle des structures du ministère, gigantesques écuries d'Augias: la disparition de certains étages de la pyramide, l'abandon d'un fonctionnement très hiérarchique aujourd'hui incompétent et sclérosé, une décentralisation de la gestion des personnels, la suppression d'un certain nombre de Commissions et autres Directions totalement éloignées des réalités du métier et du terrain... Claude Allègre avait dit en son temps qu'il fallait "dégraisser le mammouth". Que n'a-t-il pu le faire à l'époque! Je reste stupéfait que 20% des effectifs de ce ministère soient confinés dans des bureaux, avec une efficacité dans la gestion que l'on devine, inversement proportionnelle au nombre des fonctionnaires qui s'y consacrent, et qui empire au fil des années. On a ainsi vu un DASEN demander à un directeur d'école où était sa secrétaire! Ces gens-là n'ont aucune conscience du fonctionnement réel des écoles, des contraintes de la mission ni des obstacles portés à son accomplissement. Pire, plus personne dans les étages de ce ministère ne veut ou ne peut prendre de responsabilité, il n'y a plus d'esprit d'initiative, tout doit venir d'en haut. Bref, la bête est figée, les pattes prises dans la fange, le cerveau minuscule envoie des ordres qui doivent parcourir une telle distance pour être entendus qu'il n'est même pas certain qu'ils seront compris ou appliqués aux extrémités. C'est ainsi que sont morts les dinosaures. Le ministre est-il conscient de ce problème? Ou le ministère sait-il astucieusement cacher ses propres défaillances au point que la tête ne voie plus la queue?
En dehors de cette question structurelle, l’Éducation nationale est confrontée au problème de la gestion éminemment politique de l'école. L'école, tous les français y passent, y passeront, y sont passés. C'est dans notre pays une question sensible. Chaque français croit la connaître, croit savoir ce qui s'y fait, comment elle fonctionne, comment elle devrait fonctionner... Lire dans les médias les articles et les commentaires consacrés à la question est de ce point de vue édifiant. Terrifiant aussi, d'ignorance souvent, de bêtise parfois. Les parti-pris y sont nombreux, les idées toutes faites, poncifs, rumeurs, y courent comme des puces dans la toison d'un chien. Un ministre qui voudra sincèrement changer le fonctionnement de l'école ne pourra avancer qu'à pas de loup, en veillant à n'écraser aucune brindille dont le bruit pourrait éveiller l'attention. Il faudra être attentif voire attentionné, d'une prudence démesurée. Il faudra communiquer, expliquer, ménager les susceptibilités. C'est ce qui a fait hélas disparaître Claude Allègre il y a une quinzaine d'années: ses sabots étaient trop gros, son verbe trop grossier.
Troisième contrainte pour le ministre, et ce n'est pas la moindre, celle du budget. Cette question est étroitement liée à celle du mandat de cinq ans aujourd'hui dévolu au Président de la république. Cinq années, c'est très court pour mettre en place une politique efficace, c'est trop court pour une vision à long terme. Michel Debré, lorsqu'il avait élaboré la Constitution en 1958, avait prévu sept années afin de laisser au chef de l’État le temps nécessaire à son action. Le choix du quinquennat en 2000 fut certainement une erreur -même Martine Aubry se demandait en 2010 s'il était possible de changer une société en seulement cinq ans- qui nous met en campagne électorale permanente. Héritant en 2012 d'une situation financière catastrophique, en dépit des dénégations de ses prédécesseurs, le présent gouvernement n'a guère de latitude quant à ses choix budgétaires pour changer quoi que ce soit dans les quatre courtes années qui lui restent. Le premier poste de dépense reste la charge de la dette de la France (22,9 %), et si le ministre de l’Éducation nationale doit gérer la part de budget la plus importante après la dette (22,36 %), il n'en voit pas moins 72% partir d'emblée en salaires, pensions et charges. ce qui lui laisse peu de marge. Comme je le suggérais plus haut, il est plus que nécessaire de réformer cette bureaucratie désespérante et inefficace en supprimant plusieurs étages de la pyramide et en purgeant les bureaux du ministère, ce qui d'une part allègera la charge salariale et d'autre part la charge bureaucratique inutile et lourde qui tombe avec une régularité de métronome sur les agents de terrain. J'ai déjà abondamment expliqué à longueur de billet sur ce blog comment un haut fonctionnaire justifie son existence en pondant avec force caquètements les circulaires les plus absurdes. Le nettoyage que je préconise, et qui ne peut être seulement de surface, ne pourrait se faire que pour le plus grand profit des personnels enseignants et directeurs d'école, lesquels verraient leur charge de travail allégée alors qu'elle n'a fait que s'alourdir depuis quinze ans. Cela permettrait peut-être aussi de rehausser le niveau actuel ridicule des rémunérations dans l’Éducation nationale, dénoncé régulièrement par tous jusqu'à la Cour des Comptes, et qui ne serait digne que si la France était un pays du tiers-monde en voie de développement. Cela permettrait également de réfléchir sérieusement, enfin, à l'opportunité de transformer efficacement la direction d'école publique, dont chacun -usagers, élus, praticiens...- dénonce depuis trois lustres les obstacles posés à sa mission. Car soyons clair: quelle marge de manœuvre a aujourd'hui M. Peillon? J'ai longuement exprimé par ailleurs que certaines mesures urgentes (la dispense des APC pour les directeurs d'école, par exemple, ou l'affirmation de l'autonomie des écoles) ne coûteraient rien. Mais il est certain que d'autres mesures, comme la généralisation des décharges de direction ou leur augmentation, ne seront pas indolores budgétairement. Il ne faut donc pas imaginer que les négociations avec les syndicats du prochain trimestre scolaire apporteront beaucoup aux directeurs d'école. Le statut est encore loin, hélas. Même si je le crois inéluctable.
2) les syndicats:
Évoquer les syndicats de l'école publique, c'est faire de la poésie. Mais on sera plus proche du "Corbeau" d'Edgar Poe que d'un poème bucolique!
Techniquement, l'activité syndicale est destinée à la défense des personnels contre l'arbitraire, le harcèlement, et autres joyeusetés inhérentes au monde du travail. L'homme est un loup pour l'homme, c'est aussi le cas dans la fonction publique. J'ai précédemment évoqué les cas de harcèlement dont pouvaient être victimes les directrices et directeurs d'école, je ne reviendrai pas dessus.
Mais contrairement au syndicalisme allemand, pour prendre un exemple réputé constructif et partenarial, le syndicalisme français a pris le mauvais pli depuis longtemps de vouloir passer outre son rôle premier pour faire de l'action politique. Je suppose que ceci est le fruit des rapports étroits entre le Parti Communiste français et la CGT, qui fut un syndicat omniprésent et omnipotent, quand l'Union soviétique manipulait à grande échelle ses séides à l'étranger pour déstabiliser les nations occidentales. Aaah, le magnifique "Mouvement pour la Paix"... En bref, disons que les syndicats français ont malheureusement abandonné en partie leur rôle social au profit de considérations qui devraient être réservées aux partis politiques et autres groupements d'idées. C'est ainsi que, loin de penser à gérer et organiser le temps et les conditions de travail des salariés qu'ils sont sensés représenter avec les créateurs d'emploi que sont les chefs d'entreprise, la plupart des centrales syndicales françaises préfèrent parler en termes de "lutte", de "combat", de "patronat", arc-boutées sur des considérations manichéennes héritées d'une "lutte des classes" marxiste pourtant totalement battue en brèche depuis longtemps et aujourd'hui largement abandonnée... sauf par une grande partie des syndicats français qui ne se conçoivent que dans l'antagonisme: moi avoir raison, toi avoir tort (et en plus toi être un salaud, ne lésinons pas!).
Nous avons donc un paysage syndical français qui depuis des décennies ressemble à un terrain de combat parcouru de tranchées. D'autant qu'en dehors de l'ennemi commun représenté par -au choix- la bourgeoisie, le patronat, le MEDEF, les directeurs d'école, les chefs, les "petits chefs", j'en passe et des meilleurs "ennemis de classe"-, l'activité favorite des centrales syndicales françaises consiste à se taper dessus les unes les autres avec allégresse et décision. Tout est bon: bombardement massif, étranglement, bâtons dans les roues, vampirisation, et surtout mauvaise foi, arme favorite des incompétents.
C'est explicable. Dans sa grande bonté, le législateur a cru bon de permettre aux syndicats de se libérer des contraintes de travail afin d'avoir le temps nécessaire à la défense des salariés. Concrètement, après les élections professionnelles, les syndicats les plus représentatifs -donc ceux pour lesquels les salariés ont voté- reçoivent un volant d'heures libérées qui leur permettra d'assister un collègue en difficulté. C'est un système logique et honnête, mais qui favorise, même après la réforme de 2008, les grandes centrales au détriment des "petits" syndicats moins présents et mal représentés. Certes de cette façon le nombre d'interlocuteurs des employeurs est plus réduit, mais le pluralisme en prend un coup.
Il est donc indispensable pour un syndicat d'attirer le maximum de suffrages lors des élections professionnelles, afin d'obtenir le maximum d'heures de décharge ETP (équivalent temps plein). Avoir à son service un "permanent" payé par l'employeur est pour un syndicat un souffle d'air irremplaçable. D'où une lutte sans merci entre centrales syndicales, lutte qui s'intensifie logiquement lorsqu'approchent les élections professionnelles. Il est alors très drôle de voir surgir des organes syndicaux inconnus, monstres étranges surgis des abysses, ou mieux encore d'entendre certaines centrales syndicales investir des domaines ou évoquer des sujets qui en temps normal sont au mieux ignorés et au pire farouchement combattus.
Dans l’Éducation nationale, contrairement à ce que clament régulièrement certains médias "de droite" volontairement ou non mal informés, il y a plutôt moins de "représentants syndicaux", en ETP, que dans d'autres branches de la fonction publique. Le député Dominique Tian avait réclamé en 2012 des chiffres précis au ministre de l’Éducation nationale, chiffres qui lui ont été communiqués en avril dernier avec une transparence qu'il faut souligner et reconnaître à M. Peillon, transparence à laquelle également nous n'étions pas habitués de la part des précédents gouvernements. Les voici:
"Le total des crédits de temps syndical attribué, pour l'année scolaire 2012-2013, à l'ensemble des syndicats dont la représentativité a été constatée ainsi qu'il a été indiqué, se monte à 1990 ETP, dont le détail est donné (...) ci-dessous.
FSU 817,462
UNSA 443,808
FNEC-FP-FO 165,845
SGEN-CFDT 156,011
FERC-CGT 123,018
SUD Education 116,696
CSEN 79,934
FAEN 41,934
SCENRAC-CFTC 14,578
CFE-CGC 10,133
UDAS 4,311
STC 2,735
SNCA-EIL 3,709
ASAMEN 1,489 (...)"
On constate donc que l'enjeu des élections professionnelles -les prochaines auront lieu en 2014- n'est pas léger pour les organisations syndicales enseignantes. Pour la FSU, née de l'éclatement de la FEN en 1992, et dont font partie les syndicats enseignants les plus importants (SNUipp, SNES, SNEP, etc), les "équivalents temps plein" représentent en moyenne 8 postes de permanence par département, et ce n'est pas rien! Pour l'UNSA-Education (ex-FEN) , dont font partie le SE et le SIEN, ce sont quatre postes. On comprend mieux les enjeux, et la retape éhontée dont certains font preuve depuis quelques mois... Concrètement aujourd'hui, pour ne parler que des "grandes" centrales, la FSU (et le SNUipp majoritaire dans le primaire) ont tout à perdre face à un SE-Unsa très offensif qui s'était pris une claque en 2008 et 2011. Le SGEN-CFDT également a tout à gagner, distancié qu'il fut lors des dernières élections. Car la fonction publique présente une particularité: la représentation syndicale n'est pas identique dans toutes les instances où siègent les syndicats, et certains qui auront une forte présence en Commission paritaire dans un département ou une académie peuvent très bien n'être que peu ou pas du tout représentés dans les instances nationales comme le CTMEN. Il faut donc faire feu de tout bois.
C'est ainsi que la majorité des grandes centrales syndicales se sont saisies de la question de la direction d'école.
Les syndicats d'extrême-gauche (FO, CGT, SUD), historiquement et tactiquement restent sur un "non" catégorique pour toute mesure qui vise à changer quoi que ce soit; c'est leur fond de commerce, nous sommes tous frères, ni Dieu ni maître, pas de "petits chefs", et patati, j'ai fait suffisamment de billets sur ce sujet (dont un particulièrement virulent) pour y revenir. Ces syndicats n'ont aucun intérêt, même si ensemble ils peuvent peser lourd: n'oublions pas que nationalement la CGT et FO restent dans le peloton de tête de la représentativité, avec une CFDT plus émiettée. Leur capacité de nuisance est donc énorme, quand bien même ils restent faibles dans l’Éducation nationale.
Le SGEN-CFDT, laminé lors des dernières élections professionnelles, a tout à gagner à soutenir l'action du GDiD qui veut obtenir un statut pour les directeurs d'école. L'influence des directeurs d'école sur le plan local et auprès des enseignants est loin d'être négligeable, certains ont pu le comprendre à leurs dépens. L'audience nationale du GDiD n'est pas à ignorer non plus. Le SGEN-CFDT a longtemps tergiversé, ce n'est que récemment qu'il s'est clairement prononcé pour un statut des directeurs d'école, même si quelques points restent dans l'ombre. Leur position reste donc à confirmer.
Les "petits" syndicats n'ont rien à perdre, tout est bon pour faire des voix et sortir de l'anonymat. Sans compter que certains d'entre eux (FAEN, CFTC...) sont historiquement depuis longtemps partisans d'un statut pour la direction d'école. Il ne leur suffit que de le rappeler régulièrement. Mais comment faire avec une audience aussi faible? Avec aussi peu de permanents pour faire passer le message? Le système donne une prime claire aux centrales syndicales importantes.
Le SE-Unsa mène la danse depuis longtemps. Controversé lors de la signature du célèbre "Protocole de mesures pour les directeurs d'école" de 2006, il n'en faut pas moins reconnaître que le syndicat apporta alors quelques améliorations à notre mission, certaines fort légères il est vrai comme l'augmentation ridicule de l'indemnité (ISS) que perçoivent les directeurs, d'autres plus importantes comme la décharge jusqu'alors inexistante des directeurs de quatre classes. Qu'avons-nous obtenu depuis? Rien. Qu'avions-nous obtenu avant? Rien. Aujourd'hui le SE-Unsa a fait de la question de la direction d'école un des fers de lance de ses revendications pour l'école. Il faut leur en être gré, d'autant plus que leur action est efficace et leur tactique redoutable. Soyons clair: sans ce syndicat, la démarche du GDiD ne serait pas aujourd'hui soutenue par tous ceux pour lesquels l'école mérite mieux que la façon dont elle est traitée, qu'il s'agisse d'enseignants ou d'élus. Ce qui n'interdit pas de rester vigilant, bien sûr. Mais la sincérité de la démarche du SE n'est plus à mettre en doute. Je laisse en suspens dans cette affirmation la question des EVS, dont j'ai déjà écrit tout le mal que j'en pense, et qui sert de cache-misère à beaucoup de ceux qui n'ont pas la vision que j'ai de ce que pourrait être une direction d'école efficace et responsable. Il est dommage que le SE continue à soutenir ces absurdes sous-emplois.
Reste la délicate question du SNUipp. Syndicat majoritaire dans le primaire, héritier direct du défunt SNI-PEGC roué et écartelé en 1992, le SNUipp a les défauts et les pruderies d'une grande centrale syndicale partagée entre de nombreuses tendances qu'il est déjà difficile de faire cohabiter, dont les deux principales et historiques, "Unité et Action" et "École émancipée". De plus, le SNUipp, qui a contribué à la création de la FSU, n'y est pas le syndicat le plus important, distancié par un SNES de l'enseignement secondaire nettement plus orienté "à gauche", au point d'ailleurs de se prononcer lors des dernières présidentielles contre la réélection de Nicolas Sarkozy, ce qui est un comble pour une organisation syndicale qui devrait rester neutre. Observerions-nous au sein de la FSU la résurgence des mauvaises habitudes qui avaient tué la FEN: copinage, trafic d'influence, luttes intestines sans merci? Souvent le SNUipp et le SNES se sont affrontés, et le SNES a toujours gagné. Or le SNES n'en a clairement rien à faire de l'enseignement primaire, qu'il a toujours considéré avec condescendance. Certaines déclarations récentes vont encore dans ce sens, refusant la priorité au primaire que veut instaurer M. Peillon. Notons également que le SNES verrait avec plaisir le dernier cycle de l’enseignement primaire mis sous la coupe des collèges, ce qui étendrait sa zone d'influence au détriment d'un SNUipp qui semble aujourd'hui avoir du mal à se trouver. C'est ainsi que le SNUipp depuis quelques mois concède que la direction d'école est peut être un problème réel, et que la déprime profonde qui a saisi les directeurs d'école n'est peut-être plus à dédaigner. Se saisir de la question, c'est pour le SNUipp se rapprocher d'un terrain longtemps négligé, des directeurs d'école longtemps délaissés. C'est admettre que les revendications du GDiD sont maintenant quasi unanimement soutenues, que les directeurs d'école ont une influence au sein des écoles qui ne peut plus être écartée. Nous n'en sommes pas encore à la reconnaissance du besoin d'un statut pour les directeurs, ni à dire que la mission de direction est aujourd'hui un "métier" à part entière -quoiqu'il soit arrivé récemment que le SNUipp utilise ce terme-, mais nous n'en sommes plus non plus au "Conseil des maîtres décisionnaire" ni au directeur d'école "enseignant comme les autres". La dialectique du SNUipp est compliquée, tributaire des sensibilités qui s'expriment en son sein. Ce semblant d'avancée dans notre reconnaissance passera-t-elle les caps difficiles des négociations de septembre prochain? C'est évidemment difficile à dire. Mais ce sera intéressant, très intéressant. Le SNUipp ne peut plus se permettre de louvoyer, il doit calculer au plus juste pour prendre une position claire qui, à défaut de lui apporter des voix supplémentaires lors des élections professionnelles de 2014, ne lui en enlèvera pas. Car perdre une partie de sa représentativité serait une catastrophe face à un SNES qui deviendrait alors surpuissant au sein de la FSU, et face au frère ennemi SE-Unsa qui en serait certainement le principal bénéficiaire.
Évoquer les syndicats de l'école publique, c'est faire de la poésie. Mais on sera plus proche du "Corbeau" d'Edgar Poe que d'un poème bucolique!
Techniquement, l'activité syndicale est destinée à la défense des personnels contre l'arbitraire, le harcèlement, et autres joyeusetés inhérentes au monde du travail. L'homme est un loup pour l'homme, c'est aussi le cas dans la fonction publique. J'ai précédemment évoqué les cas de harcèlement dont pouvaient être victimes les directrices et directeurs d'école, je ne reviendrai pas dessus.
Mais contrairement au syndicalisme allemand, pour prendre un exemple réputé constructif et partenarial, le syndicalisme français a pris le mauvais pli depuis longtemps de vouloir passer outre son rôle premier pour faire de l'action politique. Je suppose que ceci est le fruit des rapports étroits entre le Parti Communiste français et la CGT, qui fut un syndicat omniprésent et omnipotent, quand l'Union soviétique manipulait à grande échelle ses séides à l'étranger pour déstabiliser les nations occidentales. Aaah, le magnifique "Mouvement pour la Paix"... En bref, disons que les syndicats français ont malheureusement abandonné en partie leur rôle social au profit de considérations qui devraient être réservées aux partis politiques et autres groupements d'idées. C'est ainsi que, loin de penser à gérer et organiser le temps et les conditions de travail des salariés qu'ils sont sensés représenter avec les créateurs d'emploi que sont les chefs d'entreprise, la plupart des centrales syndicales françaises préfèrent parler en termes de "lutte", de "combat", de "patronat", arc-boutées sur des considérations manichéennes héritées d'une "lutte des classes" marxiste pourtant totalement battue en brèche depuis longtemps et aujourd'hui largement abandonnée... sauf par une grande partie des syndicats français qui ne se conçoivent que dans l'antagonisme: moi avoir raison, toi avoir tort (et en plus toi être un salaud, ne lésinons pas!).
Nous avons donc un paysage syndical français qui depuis des décennies ressemble à un terrain de combat parcouru de tranchées. D'autant qu'en dehors de l'ennemi commun représenté par -au choix- la bourgeoisie, le patronat, le MEDEF, les directeurs d'école, les chefs, les "petits chefs", j'en passe et des meilleurs "ennemis de classe"-, l'activité favorite des centrales syndicales françaises consiste à se taper dessus les unes les autres avec allégresse et décision. Tout est bon: bombardement massif, étranglement, bâtons dans les roues, vampirisation, et surtout mauvaise foi, arme favorite des incompétents.
C'est explicable. Dans sa grande bonté, le législateur a cru bon de permettre aux syndicats de se libérer des contraintes de travail afin d'avoir le temps nécessaire à la défense des salariés. Concrètement, après les élections professionnelles, les syndicats les plus représentatifs -donc ceux pour lesquels les salariés ont voté- reçoivent un volant d'heures libérées qui leur permettra d'assister un collègue en difficulté. C'est un système logique et honnête, mais qui favorise, même après la réforme de 2008, les grandes centrales au détriment des "petits" syndicats moins présents et mal représentés. Certes de cette façon le nombre d'interlocuteurs des employeurs est plus réduit, mais le pluralisme en prend un coup.
Il est donc indispensable pour un syndicat d'attirer le maximum de suffrages lors des élections professionnelles, afin d'obtenir le maximum d'heures de décharge ETP (équivalent temps plein). Avoir à son service un "permanent" payé par l'employeur est pour un syndicat un souffle d'air irremplaçable. D'où une lutte sans merci entre centrales syndicales, lutte qui s'intensifie logiquement lorsqu'approchent les élections professionnelles. Il est alors très drôle de voir surgir des organes syndicaux inconnus, monstres étranges surgis des abysses, ou mieux encore d'entendre certaines centrales syndicales investir des domaines ou évoquer des sujets qui en temps normal sont au mieux ignorés et au pire farouchement combattus.
Dans l’Éducation nationale, contrairement à ce que clament régulièrement certains médias "de droite" volontairement ou non mal informés, il y a plutôt moins de "représentants syndicaux", en ETP, que dans d'autres branches de la fonction publique. Le député Dominique Tian avait réclamé en 2012 des chiffres précis au ministre de l’Éducation nationale, chiffres qui lui ont été communiqués en avril dernier avec une transparence qu'il faut souligner et reconnaître à M. Peillon, transparence à laquelle également nous n'étions pas habitués de la part des précédents gouvernements. Les voici:
"Le total des crédits de temps syndical attribué, pour l'année scolaire 2012-2013, à l'ensemble des syndicats dont la représentativité a été constatée ainsi qu'il a été indiqué, se monte à 1990 ETP, dont le détail est donné (...) ci-dessous.
FSU 817,462
UNSA 443,808
FNEC-FP-FO 165,845
SGEN-CFDT 156,011
FERC-CGT 123,018
SUD Education 116,696
CSEN 79,934
FAEN 41,934
SCENRAC-CFTC 14,578
CFE-CGC 10,133
UDAS 4,311
STC 2,735
SNCA-EIL 3,709
ASAMEN 1,489 (...)"
On constate donc que l'enjeu des élections professionnelles -les prochaines auront lieu en 2014- n'est pas léger pour les organisations syndicales enseignantes. Pour la FSU, née de l'éclatement de la FEN en 1992, et dont font partie les syndicats enseignants les plus importants (SNUipp, SNES, SNEP, etc), les "équivalents temps plein" représentent en moyenne 8 postes de permanence par département, et ce n'est pas rien! Pour l'UNSA-Education (ex-FEN) , dont font partie le SE et le SIEN, ce sont quatre postes. On comprend mieux les enjeux, et la retape éhontée dont certains font preuve depuis quelques mois... Concrètement aujourd'hui, pour ne parler que des "grandes" centrales, la FSU (et le SNUipp majoritaire dans le primaire) ont tout à perdre face à un SE-Unsa très offensif qui s'était pris une claque en 2008 et 2011. Le SGEN-CFDT également a tout à gagner, distancié qu'il fut lors des dernières élections. Car la fonction publique présente une particularité: la représentation syndicale n'est pas identique dans toutes les instances où siègent les syndicats, et certains qui auront une forte présence en Commission paritaire dans un département ou une académie peuvent très bien n'être que peu ou pas du tout représentés dans les instances nationales comme le CTMEN. Il faut donc faire feu de tout bois.
C'est ainsi que la majorité des grandes centrales syndicales se sont saisies de la question de la direction d'école.
Les syndicats d'extrême-gauche (FO, CGT, SUD), historiquement et tactiquement restent sur un "non" catégorique pour toute mesure qui vise à changer quoi que ce soit; c'est leur fond de commerce, nous sommes tous frères, ni Dieu ni maître, pas de "petits chefs", et patati, j'ai fait suffisamment de billets sur ce sujet (dont un particulièrement virulent) pour y revenir. Ces syndicats n'ont aucun intérêt, même si ensemble ils peuvent peser lourd: n'oublions pas que nationalement la CGT et FO restent dans le peloton de tête de la représentativité, avec une CFDT plus émiettée. Leur capacité de nuisance est donc énorme, quand bien même ils restent faibles dans l’Éducation nationale.
Le SGEN-CFDT, laminé lors des dernières élections professionnelles, a tout à gagner à soutenir l'action du GDiD qui veut obtenir un statut pour les directeurs d'école. L'influence des directeurs d'école sur le plan local et auprès des enseignants est loin d'être négligeable, certains ont pu le comprendre à leurs dépens. L'audience nationale du GDiD n'est pas à ignorer non plus. Le SGEN-CFDT a longtemps tergiversé, ce n'est que récemment qu'il s'est clairement prononcé pour un statut des directeurs d'école, même si quelques points restent dans l'ombre. Leur position reste donc à confirmer.
Les "petits" syndicats n'ont rien à perdre, tout est bon pour faire des voix et sortir de l'anonymat. Sans compter que certains d'entre eux (FAEN, CFTC...) sont historiquement depuis longtemps partisans d'un statut pour la direction d'école. Il ne leur suffit que de le rappeler régulièrement. Mais comment faire avec une audience aussi faible? Avec aussi peu de permanents pour faire passer le message? Le système donne une prime claire aux centrales syndicales importantes.
Le SE-Unsa mène la danse depuis longtemps. Controversé lors de la signature du célèbre "Protocole de mesures pour les directeurs d'école" de 2006, il n'en faut pas moins reconnaître que le syndicat apporta alors quelques améliorations à notre mission, certaines fort légères il est vrai comme l'augmentation ridicule de l'indemnité (ISS) que perçoivent les directeurs, d'autres plus importantes comme la décharge jusqu'alors inexistante des directeurs de quatre classes. Qu'avons-nous obtenu depuis? Rien. Qu'avions-nous obtenu avant? Rien. Aujourd'hui le SE-Unsa a fait de la question de la direction d'école un des fers de lance de ses revendications pour l'école. Il faut leur en être gré, d'autant plus que leur action est efficace et leur tactique redoutable. Soyons clair: sans ce syndicat, la démarche du GDiD ne serait pas aujourd'hui soutenue par tous ceux pour lesquels l'école mérite mieux que la façon dont elle est traitée, qu'il s'agisse d'enseignants ou d'élus. Ce qui n'interdit pas de rester vigilant, bien sûr. Mais la sincérité de la démarche du SE n'est plus à mettre en doute. Je laisse en suspens dans cette affirmation la question des EVS, dont j'ai déjà écrit tout le mal que j'en pense, et qui sert de cache-misère à beaucoup de ceux qui n'ont pas la vision que j'ai de ce que pourrait être une direction d'école efficace et responsable. Il est dommage que le SE continue à soutenir ces absurdes sous-emplois.
Reste la délicate question du SNUipp. Syndicat majoritaire dans le primaire, héritier direct du défunt SNI-PEGC roué et écartelé en 1992, le SNUipp a les défauts et les pruderies d'une grande centrale syndicale partagée entre de nombreuses tendances qu'il est déjà difficile de faire cohabiter, dont les deux principales et historiques, "Unité et Action" et "École émancipée". De plus, le SNUipp, qui a contribué à la création de la FSU, n'y est pas le syndicat le plus important, distancié par un SNES de l'enseignement secondaire nettement plus orienté "à gauche", au point d'ailleurs de se prononcer lors des dernières présidentielles contre la réélection de Nicolas Sarkozy, ce qui est un comble pour une organisation syndicale qui devrait rester neutre. Observerions-nous au sein de la FSU la résurgence des mauvaises habitudes qui avaient tué la FEN: copinage, trafic d'influence, luttes intestines sans merci? Souvent le SNUipp et le SNES se sont affrontés, et le SNES a toujours gagné. Or le SNES n'en a clairement rien à faire de l'enseignement primaire, qu'il a toujours considéré avec condescendance. Certaines déclarations récentes vont encore dans ce sens, refusant la priorité au primaire que veut instaurer M. Peillon. Notons également que le SNES verrait avec plaisir le dernier cycle de l’enseignement primaire mis sous la coupe des collèges, ce qui étendrait sa zone d'influence au détriment d'un SNUipp qui semble aujourd'hui avoir du mal à se trouver. C'est ainsi que le SNUipp depuis quelques mois concède que la direction d'école est peut être un problème réel, et que la déprime profonde qui a saisi les directeurs d'école n'est peut-être plus à dédaigner. Se saisir de la question, c'est pour le SNUipp se rapprocher d'un terrain longtemps négligé, des directeurs d'école longtemps délaissés. C'est admettre que les revendications du GDiD sont maintenant quasi unanimement soutenues, que les directeurs d'école ont une influence au sein des écoles qui ne peut plus être écartée. Nous n'en sommes pas encore à la reconnaissance du besoin d'un statut pour les directeurs, ni à dire que la mission de direction est aujourd'hui un "métier" à part entière -quoiqu'il soit arrivé récemment que le SNUipp utilise ce terme-, mais nous n'en sommes plus non plus au "Conseil des maîtres décisionnaire" ni au directeur d'école "enseignant comme les autres". La dialectique du SNUipp est compliquée, tributaire des sensibilités qui s'expriment en son sein. Ce semblant d'avancée dans notre reconnaissance passera-t-elle les caps difficiles des négociations de septembre prochain? C'est évidemment difficile à dire. Mais ce sera intéressant, très intéressant. Le SNUipp ne peut plus se permettre de louvoyer, il doit calculer au plus juste pour prendre une position claire qui, à défaut de lui apporter des voix supplémentaires lors des élections professionnelles de 2014, ne lui en enlèvera pas. Car perdre une partie de sa représentativité serait une catastrophe face à un SNES qui deviendrait alors surpuissant au sein de la FSU, et face au frère ennemi SE-Unsa qui en serait certainement le principal bénéficiaire.
3) les élus:
La plupart des élus soutiennent les revendications du GDiD, qu'il s'agisse des élus locaux, régionaux ou départementaux, ou des représentants de la Nation à la Chambre ou au Sénat, si j'abstrais bien entendu quelques forcenés d'extrême-gauche ou pseudo-écolos qui par pure démagogie flattent leur électorat. Quasiment aucun ne met en doute l'idée que la République a besoin de directeurs d'école statutaires. Les élus locaux bien entendu sont les premiers à réclamer un responsable clairement et juridiquement défini pour l'école ou les écoles de leur commune. Il en est certes quelques-uns qui aimeraient en profiter pour imposer leur point de vue sur certains fonctionnements, je ne peux le nier. C'est un danger que nous ne pouvons ignorer ni passer sous silence, car tant il existe des directeurs d'école incompétents, tant il existe des maires aux velléités dictatoriales. Heureusement, dans un cas comme dans l'autre, ce ne sont que des épiphénomènes qui restent faciles à dénoncer tant que l'éducation reste nationale dans son organisation générale comme dans les textes et programmes.
Quand une école fonctionne bien, les rapports entre la municipalité et la direction sont étroits. Pour le maire d'une commune, il est évident qu'il est plus intéressant de pouvoir bénéficier d'une prise de décision et de responsabilité rapide auprès d'un directeur d'école qu'il connait bien, sans avoir à attendre d'un IEN qu'il fréquente peu et qui ignore le terrain. Mais ceci implique que les devoirs du directeur, ses responsabilités, ses prérogatives et leurs limites, soient clairement définis. Le flou qui entoure aujourd'hui certains aspects de la mission des directeurs d'école ne peut perdurer si on veut que les rapports avec les élus soient sans équivoque. De ce point de vue, l'élaboration depuis cette année des Plans Éducatifs Territoriaux (PEDT) sera un passionnant test "grandeur nature", qui verra certainement émerger d'intéressants projets communs ou parallèles, mais aussi hélas risque de dévoiler un certain nombre de conflits larvés entre l'école et la commune. Il est donc absolument indispensable de définir avec précision et justesse la mission du directeur d'école.
Les représentants de la Nation, députés ou sénateurs, sont de plus en plus nombreux à ouvertement soutenir les revendications du GDiD, ou du moins à réclamer un statut pour les directeurs d'école. Certains sont des convaincus de longue date, comme M. Reiss, Maire, Conseiller général et député du Bas-Rhin. Son mandat municipal n'y est certainement pas pour rien. Il faudrait se poser la question de l'opportunité de la Loi sur le non cumul des mandats: qu'un député ne puisse plus être maire l'éloignera un peu plus de la vie des citoyens de son pays, comme si la Loi pouvait être élaborée dans l'absolu, sans prise sur le réel. C'est peut-être un autre débat, mais j'y vois pour ma part une régression qui approfondira encore, s'il en était besoin, le fossé entre les Français et les parlementaires. C'est une dramatique erreur dont nous verrons le résultat après 2017.
D'autres représentants de la Nation réclament que la question de la direction d'école soit enfin abordée avec franchise et esprit de décision. Certains le font avec conviction, nous l'avons vu, d'autres par opportunisme sans vraiment connaître le sujet -mais si cela peut servir "la cause", pourquoi pas!-, d'autres enfin parce qu'ils sont dans l'opposition, alors qu'ils avaient placé le problème sous le boisseau tant qu'ils gouvernaient le pays... L'important reste à la Chambre ou au Sénat le rappel constant de l'intérêt et de l'importance de donner aux directeurs des écoles publiques de France un statut clair et une reconnaissance juridique comme administrative, les moyens de leur mission, de l'autonomie, pour le plus grand bénéfice et la réussite de leurs élèves.
La plupart des élus soutiennent les revendications du GDiD, qu'il s'agisse des élus locaux, régionaux ou départementaux, ou des représentants de la Nation à la Chambre ou au Sénat, si j'abstrais bien entendu quelques forcenés d'extrême-gauche ou pseudo-écolos qui par pure démagogie flattent leur électorat. Quasiment aucun ne met en doute l'idée que la République a besoin de directeurs d'école statutaires. Les élus locaux bien entendu sont les premiers à réclamer un responsable clairement et juridiquement défini pour l'école ou les écoles de leur commune. Il en est certes quelques-uns qui aimeraient en profiter pour imposer leur point de vue sur certains fonctionnements, je ne peux le nier. C'est un danger que nous ne pouvons ignorer ni passer sous silence, car tant il existe des directeurs d'école incompétents, tant il existe des maires aux velléités dictatoriales. Heureusement, dans un cas comme dans l'autre, ce ne sont que des épiphénomènes qui restent faciles à dénoncer tant que l'éducation reste nationale dans son organisation générale comme dans les textes et programmes.
Quand une école fonctionne bien, les rapports entre la municipalité et la direction sont étroits. Pour le maire d'une commune, il est évident qu'il est plus intéressant de pouvoir bénéficier d'une prise de décision et de responsabilité rapide auprès d'un directeur d'école qu'il connait bien, sans avoir à attendre d'un IEN qu'il fréquente peu et qui ignore le terrain. Mais ceci implique que les devoirs du directeur, ses responsabilités, ses prérogatives et leurs limites, soient clairement définis. Le flou qui entoure aujourd'hui certains aspects de la mission des directeurs d'école ne peut perdurer si on veut que les rapports avec les élus soient sans équivoque. De ce point de vue, l'élaboration depuis cette année des Plans Éducatifs Territoriaux (PEDT) sera un passionnant test "grandeur nature", qui verra certainement émerger d'intéressants projets communs ou parallèles, mais aussi hélas risque de dévoiler un certain nombre de conflits larvés entre l'école et la commune. Il est donc absolument indispensable de définir avec précision et justesse la mission du directeur d'école.
Les représentants de la Nation, députés ou sénateurs, sont de plus en plus nombreux à ouvertement soutenir les revendications du GDiD, ou du moins à réclamer un statut pour les directeurs d'école. Certains sont des convaincus de longue date, comme M. Reiss, Maire, Conseiller général et député du Bas-Rhin. Son mandat municipal n'y est certainement pas pour rien. Il faudrait se poser la question de l'opportunité de la Loi sur le non cumul des mandats: qu'un député ne puisse plus être maire l'éloignera un peu plus de la vie des citoyens de son pays, comme si la Loi pouvait être élaborée dans l'absolu, sans prise sur le réel. C'est peut-être un autre débat, mais j'y vois pour ma part une régression qui approfondira encore, s'il en était besoin, le fossé entre les Français et les parlementaires. C'est une dramatique erreur dont nous verrons le résultat après 2017.
D'autres représentants de la Nation réclament que la question de la direction d'école soit enfin abordée avec franchise et esprit de décision. Certains le font avec conviction, nous l'avons vu, d'autres par opportunisme sans vraiment connaître le sujet -mais si cela peut servir "la cause", pourquoi pas!-, d'autres enfin parce qu'ils sont dans l'opposition, alors qu'ils avaient placé le problème sous le boisseau tant qu'ils gouvernaient le pays... L'important reste à la Chambre ou au Sénat le rappel constant de l'intérêt et de l'importance de donner aux directeurs des écoles publiques de France un statut clair et une reconnaissance juridique comme administrative, les moyens de leur mission, de l'autonomie, pour le plus grand bénéfice et la réussite de leurs élèves.
4) l'opinion publique:
Aaah, l'opinion publique... Avec son lot inénarrable d'anonymes aigris et/ou suffisants, ses idées toutes faites, sa jalousie incommensurable et sa bêtise également partagée... Ce qu'il y a, c'est qu'il est difficile d'en faire abstraction, de l'opinion publique. Tant la rumeur a vite fait de courir, la pseudo-pensée de se répandre comme un pus malodorant. Café du Commerce, brèves de comptoir, propos d'alcooliques, abondamment colportés et entretenus par une presse et des médias -internet en tête, joie, Noël, félicité!- qui ne subsistent aujourd'hui que par le fait divers et le marronnier, mal écrit en plus, pourri d'erreurs de grammaire et d'orthographe, au style déplorable -pour rester aimable- et au fond parfaitement incolore, inodore, sans saveur et surtout sans réalité. Tenez, l'idée que l'école, "c'était mieux avant". Avant quoi?
Aujourd'hui encore l'école primaire française ne scolarise pas tous les enfants, puisque contrairement aux idées reçues nous atteignons péniblement 99% là où l'Allemagne, l'Espagne, la Grèce, le Japon, le Mexique et le Royaume-Uni atteignent 100% de scolarisation. Faire moins bien que le Mexique...
Dans les années 1920/1930, 50% d'une classe d'âge obtenait le Certificat d’Études Primaires, et seuls 10% des enfants dans cette même classe d'âge poursuivaient leurs études au lycée. Au début des années 1960 encore -c'est si proche!-, 12% seulement d'une classe d'âge obtenaient le bac! Dans les années 1960-1970, on a fait monter le pourcentage à 15 ou 20%. Puis après 1986 les effectifs de bacheliers ont plus que doublé, pour atteindre aujourd'hui 70% d'une classe d'âge. Il est évident pour qui réfléchit un peu que le niveau n'a pas changé, et qu'aujourd'hui on trouvera toujours dans une classe d'âge 10% d'enfants avec des compétences au niveau de celles de leurs condisciples des années 1930.
Mais de quel baccalauréat parle-t-on, en fait? Il y en existe près de 70! Et le bac général -L, ES ou S-, le seul comparable au diplôme originel, n'est "décroché" aujourd'hui que par... 36% d'une classe d'âge! Les portes des études supérieures ne sont encore qu'entrouvertes.
Aaah, l'opinion publique... Avec son lot inénarrable d'anonymes aigris et/ou suffisants, ses idées toutes faites, sa jalousie incommensurable et sa bêtise également partagée... Ce qu'il y a, c'est qu'il est difficile d'en faire abstraction, de l'opinion publique. Tant la rumeur a vite fait de courir, la pseudo-pensée de se répandre comme un pus malodorant. Café du Commerce, brèves de comptoir, propos d'alcooliques, abondamment colportés et entretenus par une presse et des médias -internet en tête, joie, Noël, félicité!- qui ne subsistent aujourd'hui que par le fait divers et le marronnier, mal écrit en plus, pourri d'erreurs de grammaire et d'orthographe, au style déplorable -pour rester aimable- et au fond parfaitement incolore, inodore, sans saveur et surtout sans réalité. Tenez, l'idée que l'école, "c'était mieux avant". Avant quoi?
Aujourd'hui encore l'école primaire française ne scolarise pas tous les enfants, puisque contrairement aux idées reçues nous atteignons péniblement 99% là où l'Allemagne, l'Espagne, la Grèce, le Japon, le Mexique et le Royaume-Uni atteignent 100% de scolarisation. Faire moins bien que le Mexique...
Dans les années 1920/1930, 50% d'une classe d'âge obtenait le Certificat d’Études Primaires, et seuls 10% des enfants dans cette même classe d'âge poursuivaient leurs études au lycée. Au début des années 1960 encore -c'est si proche!-, 12% seulement d'une classe d'âge obtenaient le bac! Dans les années 1960-1970, on a fait monter le pourcentage à 15 ou 20%. Puis après 1986 les effectifs de bacheliers ont plus que doublé, pour atteindre aujourd'hui 70% d'une classe d'âge. Il est évident pour qui réfléchit un peu que le niveau n'a pas changé, et qu'aujourd'hui on trouvera toujours dans une classe d'âge 10% d'enfants avec des compétences au niveau de celles de leurs condisciples des années 1930.
Mais de quel baccalauréat parle-t-on, en fait? Il y en existe près de 70! Et le bac général -L, ES ou S-, le seul comparable au diplôme originel, n'est "décroché" aujourd'hui que par... 36% d'une classe d'âge! Les portes des études supérieures ne sont encore qu'entrouvertes.
Si les idées reçues doivent être combattues, il n'en est pas moins évident qu'on ne peut ignorer "la brutalité de certains constats", comme l'écrivait Luc Ferry en 1997:
En dictée, les élèves d'aujourd'hui commettent en moyenne 2,5 fois plus de fautes que ceux des années 20 : « Une copie sur deux contient moins de 3 fautes dans les années 20, pas moins de 7 ou 8 fautes aujourd'hui. » En calcul, près de 70 % des élèves de 1920 proposent « une démarche correcte et complète pour résoudre les problèmes », contre seulement un tiers des élèves de la meilleure moitié de 1995. La rédaction paraît seule échapper à cette contre-performance, selon la conclusion prudente de la DEP : « Les élèves de 1995 ont tendance à mieux réussir que ceux des années 20 si l'on compare les résultats sur l'ensemble de la génération. » Un soupçon, cependant : les résultats présentés comme positifs ne peuvent-ils donc être obtenus que dans un domaine non mesurable et par un artifice de présentation qui nous offre une reconstitution « virtuelle » de la génération de 1920 ? Même en tenant compte de l'évolution des programmes et des contenus d'enseignement ainsi que de l'allongement des études qui a sans doute déplacé le niveau d'exigence des acquisitions pour des élèves de 12-13 ans, on est bien obligé de constater, selon l'expression même de la DEP, une « baisse marquée » en connaissance de la langue et en calcul. Ces résultats sont d'autant plus inquiétants qu'ils touchent les « fondamentaux » et qu'ils manifestent une notable aggravation de l'écart entre les meilleurs élèves de 1995 et ceux que l'on qualifie aujourd'hui de « moyens-faibles ». Au reste, il est encore une réalité que ne traduisent pas les chiffres, mais qui a pourtant son poids : lorsqu'on regarde physiquement les copies, la différence saute aux yeux. Celles des années 20, même les plus mauvaises, sont calligraphiées et présentées avec soin, celles d'aujourd'hui ressemblent souvent à des torchons. C'est toute une forme de respect pour la chose écrite, mais aussi, sans doute, pour le maître, et plus généralement la vie scolaire, qui s'est probablement effondrée.
Nous, directeurs d'école et enseignants, praticiens de terrain, savons bien ce qu'il en est réellement. Oui, certains de nos élèves restent en marge du système. Oui, malgré tous nos efforts quotidiens, nous voyons dès l'école maternelle des enfants dont nous savons pertinemment qu'ils auront des difficultés scolaires, et que leur réussite est aléatoire. J'utilise le terme "aléatoire" de manière parfaitement consciente, bien que ce terme soit difficile à lire et à admettre. Mais l'école n'a pas aujourd'hui les moyens d'aider efficacement un enfant en difficulté. Certes il existe divers dispositifs d'aide... qui concrètement sur le terrain depuis quinze ans n'ont démontré que leur inefficacité. Alors les enfants "passent" de façon quasi automatique dans la classe supérieure, en situation d'échec patente, et sans les bases nécessaires à la compréhension de nouvelles notions et à l'acquisition de nouvelles compétences.
L'opinion publique, pour laquelle l'école aujourd'hui ne remplit plus sa mission avec équité, n'a donc pas tort. Le nier serait inutile et contre-productif. Et c'est bien à l'école primaire, dès la maternelle, que le problème se fait jour. En revanche, cela n'est pas lié aux enseignants d'aujourd'hui, qui contrairement à l'idée répandue chez certains aigris qui ont dû se faire taper dessus quand ils étaient petits, sont des gens travailleurs et consciencieux, qu'ils soient débutants ou chevronnés. Ils sont mal payés aussi, c'est aujourd'hui de notoriété publique, ce que leur statut de fonctionnaire et leurs vacances si enviées mais si nécessaires ne compensent aucunement. A propos des vacances d'ailleurs, je rappelle que ce sont les enfants qui sont en congé, alors que les enseignants sans élèves vaquent par nécessité. La plupart d'ailleurs ne se formaliseraient pas de voir les vacances d'été raccourcies si les semaines de travail n'étaient pas si lourdes. Les directeurs d'école quant à eux font facilement deux semaines de travail supplémentaires pendant ces mêmes vacances pour arriver à "boucler" leur année scolaire et préparer la suivante...
L'école aujourd'hui est organisée et efficace pour les enfants qui n'ont pas de difficulté de compréhension, ceux qui acquièrent facilement -"normalement"- compétences et notions, qui sont soutenus par leurs parents, ne connaissent pas de drame familial ou arrivent à l'oublier dans une école qui leur sert de refuge. Ceux-ci sauront se contenter d'une aide sommaire, accordée parcimonieusement par un enseignant submergé sous les besoins d'une classe nombreuse et hétérogène, et qui bien qu'attentif et désireux d'accompagner tous ses élèves ne pourra pas se partager plus qu'il le fait déjà pour aider tous ceux qui en auraient besoin. D'autant que les programmes d'un volume démentiel, surchargés de notions difficiles ou surannées, parasités de joyeusetés qui dépendent normalement de l'éducation familiale, ou issues d'effets de mode, doivent absolument être couverts dans l'année... Dois-je ajouter les diverses évaluations normatives qui ne servent qu'à compléter des statistiques nationales inutiles, et font perdre encore plus d'un temps rare et précieux?
Combien sont-ils, ces élèves sacrifiés par le système? Dans un secteur porteur, voire favorisé, 10% ? Et dans d'autres territoires 20%, 30%, 50%... noyés, suffoquant dans des classes aux effectifs pléthoriques qui se sont nettement alourdis pendant le précédent quinquennat, parce que le chef de l’État estimait qu'il y avait trop d'enseignants. Par essence, un "maître d'école" est seul dans sa classe, unique responsable de son enseignement et de ses méthodes de travail. Face à de nombreux élèves difficiles ou en échec, sa bonne volonté ne peut suffire. C'est bien pourquoi chaque année la répartition des élèves en "Conseil des maîtres" donne lieu à tant d'empoignades, chacun voulant, c'est humain et incompréhensible, s'épargner certains enfants difficiles ou déphasés. Qui aura Kevin l'année prochaine? Faute d'accord, c'est finalement le directeur qui décide, car le législateur lui a accordé -à défaut d'une autorité incontestée- le rôle de garde-chiourme.
L'équation "un maître = une classe" a vécu, elle n'est plus en adéquation avec l’hétérogénéité qui règne dans nos écoles. Si on excepte les deux mesures d'envergure nationale que sont le nettoyage des programmes au profit des bases essentielles et la diminution des effectifs, seule une organisation d'école différente, adaptée aux besoins du territoire et de son public, peut restaurer l'équité de traitement à laquelle chacune des familles aspire et chacun de nos élèves à droit. Seule une gestion proche des besoins peut y parvenir. Cette gestion existe dans certaines écoles, où s'est créée une synergie propre à la réussite de tous les élèves. Mais elle ne tient que par la grâce de quelques personnes qui acceptent de sacrifier certains conforts personnels au bien commun. Elle est fragile. Il suffit qu'une seule personne refuse d'entrer dans le "jeu" pour que l'édifice parfois patiemment construit pendant des années s'effondre d'un coup. Je le sais, j'ai connu cette situation.
Pour favoriser des fonctionnements de ce type, la solution existe, celle de donner au directeur d'école les moyens de son action. Le directeur d'école doit pouvoir imposer des fonctionnements autres, des groupes de niveaux qui ne tiennent pas compte de l'âge, des classes déstructurées aux effectifs variables, du travail en ateliers, en grands ou en petits effectifs. Il doit pouvoir imposer une action différente, plus éloignée du pseudo-psychologique et plus proche du scolaire, aux membres des réseaux d'aide présents dans son école. Bref il doit pouvoir répondre aux besoins, qu'en soit d'accord ou non les enseignants présents dans l'école. Gageons qu'après quelques mois d'un fonctionnement commun effectif la plupart, enthousiastes, refuseront de revenir en arrière. Car je crois fortement que la grande majorité d'entre eux sont extrêmement attachés à la réussite des élèves, qui reste notre première motivation. On ne fait pas ce métier pour la "paye"...
Curieusement, pour en revenir au propos de l'opinion publique, la population croit fermement que le directeur d'école possède déjà ces prérogatives. Il faut dire que le terme "directeur" prête à confusion. Le public ignore qu'un directeur d'école ne dirige rien, qu'il n'a pas le temps nécessaire à sa mission, ni le salaire afférent, ni aucun des droits qui lui permettrait de l'accomplir avec efficacité. Forcément, si l'école "ne tourne pas" -comme on dit dans le métier-, c'est à lui qu'on le reprochera, alors qu'il n'y peut rien. Combien de directeurs d'école "débarqués" comme des malpropres, au gré des lubies d'un IEN qui ne veut "pas de vague", d'un Maire persuadé que l'école lui appartient, de collègues à l'égoïsme forcené ou au comportement outré, de syndicalistes lâches ou partisans? Combien de directeurs dégoûtés quittent chaque année leur fonction?
Si la population croit que le directeur possède déjà les prérogatives qui lui sont nécessaires, et va donc lui reprocher de ne pas les exercer, c'est bien parce qu'elle y aspire! C'est exactement ce que soulignait encore récemment la PEEP lors de son congrès -je préfère ignorer la FCPE, engluée dans ses contradictions gauchisantes, qui un jour dit blanc et l'autre noir-. Qui peut imaginer une école communale vaguement pilotée à distance par un inspecteur incompétent? C'est pourtant bien ce qui se passe. L'opinion publique exige aujourd'hui des directeurs d'école reconnus, au droits et devoirs clairement définis, un interlocuteur compétent et constructif: les français aussi veulent que la direction d'école soit statutaire.
En dictée, les élèves d'aujourd'hui commettent en moyenne 2,5 fois plus de fautes que ceux des années 20 : « Une copie sur deux contient moins de 3 fautes dans les années 20, pas moins de 7 ou 8 fautes aujourd'hui. » En calcul, près de 70 % des élèves de 1920 proposent « une démarche correcte et complète pour résoudre les problèmes », contre seulement un tiers des élèves de la meilleure moitié de 1995. La rédaction paraît seule échapper à cette contre-performance, selon la conclusion prudente de la DEP : « Les élèves de 1995 ont tendance à mieux réussir que ceux des années 20 si l'on compare les résultats sur l'ensemble de la génération. » Un soupçon, cependant : les résultats présentés comme positifs ne peuvent-ils donc être obtenus que dans un domaine non mesurable et par un artifice de présentation qui nous offre une reconstitution « virtuelle » de la génération de 1920 ? Même en tenant compte de l'évolution des programmes et des contenus d'enseignement ainsi que de l'allongement des études qui a sans doute déplacé le niveau d'exigence des acquisitions pour des élèves de 12-13 ans, on est bien obligé de constater, selon l'expression même de la DEP, une « baisse marquée » en connaissance de la langue et en calcul. Ces résultats sont d'autant plus inquiétants qu'ils touchent les « fondamentaux » et qu'ils manifestent une notable aggravation de l'écart entre les meilleurs élèves de 1995 et ceux que l'on qualifie aujourd'hui de « moyens-faibles ». Au reste, il est encore une réalité que ne traduisent pas les chiffres, mais qui a pourtant son poids : lorsqu'on regarde physiquement les copies, la différence saute aux yeux. Celles des années 20, même les plus mauvaises, sont calligraphiées et présentées avec soin, celles d'aujourd'hui ressemblent souvent à des torchons. C'est toute une forme de respect pour la chose écrite, mais aussi, sans doute, pour le maître, et plus généralement la vie scolaire, qui s'est probablement effondrée.
Nous, directeurs d'école et enseignants, praticiens de terrain, savons bien ce qu'il en est réellement. Oui, certains de nos élèves restent en marge du système. Oui, malgré tous nos efforts quotidiens, nous voyons dès l'école maternelle des enfants dont nous savons pertinemment qu'ils auront des difficultés scolaires, et que leur réussite est aléatoire. J'utilise le terme "aléatoire" de manière parfaitement consciente, bien que ce terme soit difficile à lire et à admettre. Mais l'école n'a pas aujourd'hui les moyens d'aider efficacement un enfant en difficulté. Certes il existe divers dispositifs d'aide... qui concrètement sur le terrain depuis quinze ans n'ont démontré que leur inefficacité. Alors les enfants "passent" de façon quasi automatique dans la classe supérieure, en situation d'échec patente, et sans les bases nécessaires à la compréhension de nouvelles notions et à l'acquisition de nouvelles compétences.
L'opinion publique, pour laquelle l'école aujourd'hui ne remplit plus sa mission avec équité, n'a donc pas tort. Le nier serait inutile et contre-productif. Et c'est bien à l'école primaire, dès la maternelle, que le problème se fait jour. En revanche, cela n'est pas lié aux enseignants d'aujourd'hui, qui contrairement à l'idée répandue chez certains aigris qui ont dû se faire taper dessus quand ils étaient petits, sont des gens travailleurs et consciencieux, qu'ils soient débutants ou chevronnés. Ils sont mal payés aussi, c'est aujourd'hui de notoriété publique, ce que leur statut de fonctionnaire et leurs vacances si enviées mais si nécessaires ne compensent aucunement. A propos des vacances d'ailleurs, je rappelle que ce sont les enfants qui sont en congé, alors que les enseignants sans élèves vaquent par nécessité. La plupart d'ailleurs ne se formaliseraient pas de voir les vacances d'été raccourcies si les semaines de travail n'étaient pas si lourdes. Les directeurs d'école quant à eux font facilement deux semaines de travail supplémentaires pendant ces mêmes vacances pour arriver à "boucler" leur année scolaire et préparer la suivante...
L'école aujourd'hui est organisée et efficace pour les enfants qui n'ont pas de difficulté de compréhension, ceux qui acquièrent facilement -"normalement"- compétences et notions, qui sont soutenus par leurs parents, ne connaissent pas de drame familial ou arrivent à l'oublier dans une école qui leur sert de refuge. Ceux-ci sauront se contenter d'une aide sommaire, accordée parcimonieusement par un enseignant submergé sous les besoins d'une classe nombreuse et hétérogène, et qui bien qu'attentif et désireux d'accompagner tous ses élèves ne pourra pas se partager plus qu'il le fait déjà pour aider tous ceux qui en auraient besoin. D'autant que les programmes d'un volume démentiel, surchargés de notions difficiles ou surannées, parasités de joyeusetés qui dépendent normalement de l'éducation familiale, ou issues d'effets de mode, doivent absolument être couverts dans l'année... Dois-je ajouter les diverses évaluations normatives qui ne servent qu'à compléter des statistiques nationales inutiles, et font perdre encore plus d'un temps rare et précieux?
Combien sont-ils, ces élèves sacrifiés par le système? Dans un secteur porteur, voire favorisé, 10% ? Et dans d'autres territoires 20%, 30%, 50%... noyés, suffoquant dans des classes aux effectifs pléthoriques qui se sont nettement alourdis pendant le précédent quinquennat, parce que le chef de l’État estimait qu'il y avait trop d'enseignants. Par essence, un "maître d'école" est seul dans sa classe, unique responsable de son enseignement et de ses méthodes de travail. Face à de nombreux élèves difficiles ou en échec, sa bonne volonté ne peut suffire. C'est bien pourquoi chaque année la répartition des élèves en "Conseil des maîtres" donne lieu à tant d'empoignades, chacun voulant, c'est humain et incompréhensible, s'épargner certains enfants difficiles ou déphasés. Qui aura Kevin l'année prochaine? Faute d'accord, c'est finalement le directeur qui décide, car le législateur lui a accordé -à défaut d'une autorité incontestée- le rôle de garde-chiourme.
L'équation "un maître = une classe" a vécu, elle n'est plus en adéquation avec l’hétérogénéité qui règne dans nos écoles. Si on excepte les deux mesures d'envergure nationale que sont le nettoyage des programmes au profit des bases essentielles et la diminution des effectifs, seule une organisation d'école différente, adaptée aux besoins du territoire et de son public, peut restaurer l'équité de traitement à laquelle chacune des familles aspire et chacun de nos élèves à droit. Seule une gestion proche des besoins peut y parvenir. Cette gestion existe dans certaines écoles, où s'est créée une synergie propre à la réussite de tous les élèves. Mais elle ne tient que par la grâce de quelques personnes qui acceptent de sacrifier certains conforts personnels au bien commun. Elle est fragile. Il suffit qu'une seule personne refuse d'entrer dans le "jeu" pour que l'édifice parfois patiemment construit pendant des années s'effondre d'un coup. Je le sais, j'ai connu cette situation.
Pour favoriser des fonctionnements de ce type, la solution existe, celle de donner au directeur d'école les moyens de son action. Le directeur d'école doit pouvoir imposer des fonctionnements autres, des groupes de niveaux qui ne tiennent pas compte de l'âge, des classes déstructurées aux effectifs variables, du travail en ateliers, en grands ou en petits effectifs. Il doit pouvoir imposer une action différente, plus éloignée du pseudo-psychologique et plus proche du scolaire, aux membres des réseaux d'aide présents dans son école. Bref il doit pouvoir répondre aux besoins, qu'en soit d'accord ou non les enseignants présents dans l'école. Gageons qu'après quelques mois d'un fonctionnement commun effectif la plupart, enthousiastes, refuseront de revenir en arrière. Car je crois fortement que la grande majorité d'entre eux sont extrêmement attachés à la réussite des élèves, qui reste notre première motivation. On ne fait pas ce métier pour la "paye"...
Curieusement, pour en revenir au propos de l'opinion publique, la population croit fermement que le directeur d'école possède déjà ces prérogatives. Il faut dire que le terme "directeur" prête à confusion. Le public ignore qu'un directeur d'école ne dirige rien, qu'il n'a pas le temps nécessaire à sa mission, ni le salaire afférent, ni aucun des droits qui lui permettrait de l'accomplir avec efficacité. Forcément, si l'école "ne tourne pas" -comme on dit dans le métier-, c'est à lui qu'on le reprochera, alors qu'il n'y peut rien. Combien de directeurs d'école "débarqués" comme des malpropres, au gré des lubies d'un IEN qui ne veut "pas de vague", d'un Maire persuadé que l'école lui appartient, de collègues à l'égoïsme forcené ou au comportement outré, de syndicalistes lâches ou partisans? Combien de directeurs dégoûtés quittent chaque année leur fonction?
Si la population croit que le directeur possède déjà les prérogatives qui lui sont nécessaires, et va donc lui reprocher de ne pas les exercer, c'est bien parce qu'elle y aspire! C'est exactement ce que soulignait encore récemment la PEEP lors de son congrès -je préfère ignorer la FCPE, engluée dans ses contradictions gauchisantes, qui un jour dit blanc et l'autre noir-. Qui peut imaginer une école communale vaguement pilotée à distance par un inspecteur incompétent? C'est pourtant bien ce qui se passe. L'opinion publique exige aujourd'hui des directeurs d'école reconnus, au droits et devoirs clairement définis, un interlocuteur compétent et constructif: les français aussi veulent que la direction d'école soit statutaire.
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Nous allons avoir dès le début du prochain trimestre scolaire des discussions sur la "direction d'école". Redéfinition de la mission, droits, devoirs, reconnaissance juridique et institutionnelle, temps, salaire... statut? Le chantier est vaste, et chacun des interlocuteurs va y aller avec ses propres contraintes. Il faudra discuter, ne fâcher personne, tenir compte des budgets. Voilà qui n'est pas simple. Le GDiD n'y sera pas partie prenante, puisque le GDiD n'étant pas un syndicat il ne peut participer légalement à des négociations de ce type. Il y sera néanmoins convié en amont, le ministère lui en a fait la promesse, reconnaissant de facto sinon de jure sa légitimité en tant que seule association de directeurs d'école d'envergure nationale.
Le GDiD n'a rien abandonné de ce qui a amené sa création: il veut un statut clair pour les directeurs d'école. Dans cette démarche, il sera soutenu par le SE-Unsa et le SIEN, un peu par le SGEN, du bout des lèvres peut-être par le SNUipp, pas du tout par FO, la CGT et SUD.
Le GDiD a pour lui la logique et la qualité de sa démarche. Il est soutenu par une opinion publique qui hélas ne le connait pas, et par des médias relais de cette opinion qui le connaissent peu. Au moins une fédération de parents d'élèves, la PEEP, soutient le GDiD (la FCPE, elle, n'a aucune pensée propre).
Le GDiD est largement soutenu par les élus, représentés nationalement par une AMF forte et crainte par l’État. L'ANDEV, représentant les fonctionnaires territoriaux qui travaillent en relation étroite avec les directeurs d'école, soutient également le GDiD sans état d'âme.
Le Ministère de l’Éducation nationale a des soucis budgétaires, c'est pour lui le principal obstacle à l'autonomie réclamée. En revanche, j'ignore s'il veut sincèrement alléger sa prégnance centralisatrice.
Voilà en gros l'état de l'art. Jamais depuis que le GDiD existe sa reconnaissance n'avait été aussi affirmée, ni ses revendications aussi soutenues. Il faut dire qu'elles n'ont pas changé, peut-être un peu évolué, ce qui est confortable pour un interlocuteur sérieux. Quel sera le résultat de ces discussions? Nul ne peut le dire, mais j'ai du mal à imaginer l'octroi immédiat d'un statut pour les directeurs d'école, même si je l'appelle de tous mes vœux. En revanche, un calendrier clair peut être élaboré, car il reste presque quatre ans à ce gouvernement pour aller au bout de son action. La compréhension de ce que nous voulons et nos explications vont donc être primordiales. 2013 sera bien une année décisive. Je souhaite bon courage aux membres du GDiD qui seront amenés à travailler avec le ministère, et je croise les doigts pour qu'il n'en reviennent pas découragés. On y croit!
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