samedi 19 octobre 2013

Direction d'école: l'heure du choix...


Les vacances de Toussaint débutent aujourd'hui. La rentrée est faite. Quand j'écris cela, directrices et directeurs d'école savent bien ce que ça signifie: base-élèves est à jour, les APC sont organisées, les élections des représentants des parents sont terminées, beaucoup d'entre nous ont fait leur premier Conseil d'école... Il nous reste pour novembre nos prévisions d'effectifs, mais le plus difficile est passé. Comme chaque année nous avons rempli notre mission sans compter notre temps ni notre énergie. Pourquoi? Simplement parce que nous sommes des femmes et des hommes de terrain, et que nous savons que c'est notre plus grand intérêt de voir "tourner" correctement nos écoles. Alors nous continuons à le faire, avec dignité et abnégation, dans de grandissantes difficultés, mais avec conscience. Combien de temps pourrons-nous continuer ainsi? Notre métier est difficile, notre charge alourdie un peu plus chaque année. Nombreux sont ceux d'entre nous qui malheureusement craquent, que ce soit de fatigue ou à la suite d'une agression, que celle-ci vienne de l'extérieur -famille, municipalité...- ou de l'intérieur même de notre institution. Nous sommes tout à la fois respectés ou craints par certains, appréciés voire aimés, méprisés par d'autres, conspués parfois, ignorés souvent. Mais nous sommes le passage obligé du bon fonctionnement de l'école.

Depuis plusieurs semaines le GDiD discute avec le ministère. Des propositions sont faites de part et d'autre, des idées sont avancées, d'autres abandonnées. Nous savons que les circonstances, budgétaires entre autres, ne permettront pas immédiatement ce pour quoi nous militons activement depuis plus d'une décennie, soit l'obtention d'un statut pour la direction d'école. D'autant que de nombreuses réticences existent, nous ne pouvons le nier, et que ce sont les syndicats qui légalement peuvent et doivent négocier avec le gouvernement. Soit. Nous, directeurs des écoles publiques, n'abandonnerons pas cette revendication. Mais nous devons aussi être pragmatiques. Un pas est fait dans notre direction, nous ne devons pas entraver la marche.

Car nous pouvons nous attendre à ce que l'importance de notre rôle soit reconnue. De nombreux signes en attestent: l'intérêt des centrales syndicales pour notre mission, intérêt soudain pour certaines, certainement intéressé pour la plupart; la volonté du ministère d'avancer sur cette question, qui est régulièrement levée depuis deux décennies par divers rapports, commissions, questions de députés ou sénateurs; les échos médiatiques réguliers qui sont faits de notre charge; l'existence même du GDiD qui milite et fait du lobbying depuis des années à notre sujet.

Après cette période de discussions va débuter celle des négociations. Le GDiD n'en sera pas, il n'est pas statutairement propre à le faire. Ce qui ne lui interdit pas de peser dessus. Certains syndicats avec lesquels le GDiD a de bons rapports peuvent être de bons relais de nos besoins et de notre volonté.

C'est donc l'heure du choix. Que peut-on accepter? Que devons-nous contrer? Déjà il est clair que nous ne saurions opposer un refus systématique de toute proposition qui pourrait améliorer notre sort sous prétexte que nous voudrions un statut et uniquement un statut. Le "tout ou rien", volontiers pratiqué par certaines centrales syndicales, ne peut nous convenir. En revanche, il est évident que certaines idées exposées plus ou moins clairement ces dernières années ne sauraient nous satisfaire, qu'il s'agisse du statu quo ou d'un vague vade-mecum de nos devoirs et responsabilités, comme d'une plus ou moins franche mise sous la coupe des principaux de collège... Directeurs d'école nous sommes, directeurs d'école nous voulons rester! Nous aimons notre mission, nous la connaissons par cœur, personne d'autre que nous pourrait mieux la remplir au plus grand bénéfice de nos élèves. Car le nœud gordien de l'affaire est bien là: c'est la réussite scolaire des enfants de nos écoles qui est en jeu. Direction d'école? La belle affaire! C'est de l'avenir de ce pays qu'il est question. Car un ministre qui veut "refonder l'école" doit bien comprendre qu'il ne peut mener son projet à bien sans nous. L'heure du choix, c'est aussi celle du ministère de l’Éducation nationale.

La considération qui nous est portée va donc certainement changer. Jusqu'à quel point? Il faudra attendre encore quelques semaines pour le savoir, en espérant que M. Peillon ne tarde pas trop après les négociations à dévoiler ce qui en aura été tiré. A trop attendre on exacerbe inutilement les crispations. Trop de directrices et directeurs compétents quittent leur charge chaque année dégoûtés et aigris. Aurons-nous enfin une reconnaissance institutionnelle? Ou ne s'agira-t-il que de vaguement améliorer ce que nous connaissons déjà -indemnité, temps de décharge...-? Il ne faudrait pas que le ministère et les syndicats s'arrêtent à cette dernière possibilité, qui ne contenterait aucun d'entre nous, et surtout ne résoudrait rien. Comment les directeurs d'école pourraient-ils alors accompagner correctement le changement des rythmes scolaires et les autres nouvelles charges qui sont les nôtres dans la "refondation"? Nous devrions en être les piliers, si on nous fragilise un peu plus l'édifice tout entier qui s'effrite déjà finira par s'effondrer. Je ne suis malheureusement pas certain que le ministère en ait conscience.

Nous devrons donc peser sur les négociations, même alors que le GDiD n'en sera pas partie. L'arme ultime d'une grève des directeurs d'école, quelle que soit la forme qu'elle pourrait prendre, ne peut être exclue. Mais pour l'instant c'est auprès des syndicats et du ministère que doit peser un GDiD puissant du nombre de ses membres, de son audience, de son intelligence, de sa fidélité à l'institution. Certes nous aimerions voir celle-ci évoluer, mais c'est en respectant ses structures que nous pouvons la changer. C'est de l'intérieur que nous devons convaincre, et montrer que si les directeurs d'école n'ont pas les mêmes idées politiques ou les mêmes engagements syndicaux, nous avons tous la volonté de faire progresser l'école et de faire grandir nos élèves, et la conviction que nous sommes les mieux placés pour y réussir.

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