Avec l'arrivée dans quelques 20% des écoles des nouveaux rythmes scolaires, on parle beaucoup du primaire dans les médias. De leur côté, les syndicats s'excitent, surtout dans la région parisienne. Tout ce joli monde piaille, râle, tape du pied. Nous avons droit à une profusion de témoignages -ou de prétendus tels-, de sondages biaisés, de récriminations diverses ou de louanges. Bref, voilà qui est très français.
Et les directeurs d'école, dans tout ça?
Notre situation a été effleurée par ci par là, mais avec parcimonie, et prudence. Si les syndicats admettent que notre barque est plus chargée qu'avant, ils le disent peu, ne le soulignent pas -à part la CFTC et le SE-Unsa si je suis honnête-, pour ne pas ajouter de billes dans l'escarcelle du ministère. Effectivement, des discussion préliminaires aux négociations à notre sujet ont lieu en ce moment, et les syndicats d'extrême-gauche comme ceux affiliés à la FSU ne voudraient surtout pas qu'on prenne prétexte de cette mission alourdie pour améliorer notre sort. Dans le genre le plus bel exemple est celui du SNUipp qui propose que le ministère élabore un vade-mecum de nos responsabilités... C'est tout? C'est tout. Et c'est fort de café.
Concrètement, qu'est-ce qui a changé pour nous en cette nouvelle année scolaire dont nous bouclons tant bien que mal la rentrée? En bien, rien. En mal, beaucoup. Nos devoirs et responsabilités sont strictement identiques, nos charges de rentrée n'ont pas évolué dans leurs injonctions et paperasses idiotes à remplir, nous sommes toujours aussi mal payés -j'y reviendrai-, nous sommes toujours aussi mal considérés par notre hiérarchie -regardez l'affaire Jacques Risso-, et nous n'avons toujours aucune existence institutionnelle ou juridique. En revanche, nous devons désormais en plus assurer des Activités Pédagogiques Complémentaires que nous avons aussi à organiser et à surveiller. Quant à la répartition de nos élèves entre TAP et APC après nos cours, c'est une jolie course à la liste incomplète, aux coups de téléphone imprévus, aux enfants qui partent alors qu'ils devraient rester et l'inverse, à ceux qu'on oublie de venir récupérer... Passe encore en élémentaire dont les élèves peuvent quitter l'école seuls, mais en maternelle que de temps et d'énergie dépensés bêtement! Et question confort affectif pour des enfants si jeunes, chapeau! Notez juste au passage que les APC se font aujourd'hui dans toutes les écoles de France. Merci pour les 48000 directeurs d'école de ce pays.
Pour ce qui concerne nos émoluments, j'aimerais rappeler pour mémoire la profonde compétence des services de l’État, qui ne respectent pas les lois de la République. Effectivement, j'ai reçu il y a quelques jours mes bulletins de salaire des mois de... juin, juillet, août et septembre. Oui, j'ai reçu ça mi-octobre, alors que nous devrions normalement les avoir chaque mois avant le dernier jour échu. J'aimerais également signaler à mes collègues qui ne s'en sont pas rendus compte que leurs indemnités de direction ne leur ont pas été versées fin septembre, car manifestement l’État est incapable de savoir qui est directeur d'école à la rentrée, même si vous l'êtes depuis quinze ans et dans le même lieu. Passons. Même si le blocage du point d'indice de la fonction publique depuis plusieurs années commence à faire sérieusement mal au portefeuille. Comprenez-le, chers collègues directrices et directeurs d'école, bien que fonctionnaires de catégorie A, nous ne sommes que des sous-fifres parmi les plus mal payés de toute l'OCDE. Soyons fiers d'être directeurs, c'est tout ce qui nous reste.
Si les syndicats font feu de tout bois sur les rythmes, ce n'est pas par hasard. Il leur faut faire oublier aux enseignants du primaire les négociations sur le statut des enseignants et celui des directeurs d'école. FO, SUD et la CGT veulent dans leur grande bonté d'âme que surtout rien ne change pour conserver vaguement quelque cohérence dans leur nihilisme; le SNUipp totalement inféodé à la FSU se laisse croquer par le SNES qui veut bouffer l'école primaire, et désire donc à son tour que surtout rien ne bouge. C'est à qui sortira les slogans les plus éculés ou les plus obscurs -pourvu que ça rime-. Joli ensemble et jolie cohésion pour faire oublier le désastre de la direction d'école en 2013. Au point d'ailleurs que je crains fort que M. Peillon, dégoûté, ne quitte prochainement le gouvernement pour se réfugier dans un mandat de député européen. Cela serait certainement une victoire pour les syndicats précités, cela serait une catastrophe pour les directeurs d'école. Car qui oserait récupérer le flambeau? Il est fort à craindre que dans un tel cas l’Éducation nationale échouerait à un quelconque personnage falot qui veillerait à ne pas faire de vague, du style Jack Lang dont nous nous sommes tout de même déjà tapés deux fois un ministériat amorphe.
Donc, chers collègues, réfléchissez bien à ce que vous voulez vraiment. Le propos de ce blog est d'attiser en permanence le feu du statut nécessaire de la direction d'école primaire publique en France. Nous voulons tous être reconnus institutionnellement, juridiquement, financièrement. Nous voulons gérer nous mêmes tout ce qui nous échoit, de la gestion des 108 heures au sein de l'école à la complète organisation interne de notre "établissement" qui n'en est pas un. Nous ne voulons plus être les otages de qui que ce soit, pris constamment entre deux ou trois feux -familles, municipalité, hiérarchie...-. Bref, nous voulons que la mission de direction d'école soit reconnue statutairement. Aujourd'hui l’Éducation nationale ne peut plus en faire l'économie, l'IGEN elle-même dans un récent rapport souligne le blocage du système qui y est lié:
"le rôle de chacun (recteur, DASEN, chef d'établissement, corps d'inspection, directeur, etc) n'est pas clairement défini".
"... les écoles privées [...] parviennent, semble-t-il, à une plus grande cohérence des équipes pédagogiques. On peut sans doute voir là l’effet de la différence de statut entre les directeurs."
Notons que le SNES a farouchement réagi à une autre suggestion de ce rapport visant à rapprocher ou uniformiser les statuts des enseignants du primaire et du collège. Le SNES considère que les instits sont de la merde, je les remercie de nous le rappeler aussi chaleureusement.
Le GDiD est parait-il aujourd'hui encore au ministère à discuter le bout de gras avec le cabinet de M. Peillon. Espérons qu'il en sortira quelque chose, et que les membres du bureau qui sur leur temps libre se décarcassent pour nous tous ne se retrouvent pas la queue basse. Nous savons que le temps n'est pas au beau fixe. Mais au moins pourrait-on espérer de l’Éducation nationale un début de reconnaissance. Le Ministère, en n'accordant pas au mois de juin dernier aux directeurs d'école la libération de leurs APC, en ne nous donnant pas la totale gestion des 108 heures, ou plus récemment en bloquant la décision rectorale à Tours visant à accorder aux dirlos une petite indemnité complémentaire, a gardé par devers lui quelques biscuits. Il serait peut-être temps qu'il nous ouvre la boîte.
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