La grande tambouille française prend ses aises dans les médias. PISA par ci, PISA par là... Tout le monde s'est bien excité en amont sur les prévisibles résultats de l'enquête "Programme for International Student Assessment", le PISAiolo en chef Vincent Peillon déminant avec dextérité le terrain avant l'assaut des cuisines par les politiques; tout le monde en aval s'excite dessus en y allant de son commentaire le plus idiot, l'ancien PISAiolo en chef Luc-Marie Chatel dégoisant avec une mauvaise foi confondante... et demain on passera à autre chose, peut-être pas les rythmes scolaires qui commencent à lasser le pékin, mais je fais confiance aux médias pour nous dénicher un bon salmigondis franco-français, entre deux chocolats et trois bouchées de foie gras.
Si on peut tirer quelque enseignement de ce comparatif de l'OCDE, c'est que pour y avoir de bons résultats il est préférable d'être une petite nation -même minuscule, le Liechtenstein est excellemment placé-, à la population peu nombreuse et très homogène, à l'image familiale forte et incontestée qui fait la part belle à une éducation cadrée... Pour comprendre ça, franchement, il n'est pas besoin d'évaluations internationales. On peut constater également qu'il est nécessaire d'avoir un système éducatif structuré et peu pyramidal -tout le contraire de chez nous donc-, des enseignants de terrain très bien formés bénéficiant d'une formation continue de qualité -tout le contraire de chez nous donc-, et surtout des établissements autonomes auxquels est accordée une confiance sans limite... tout le contraire de chez nous donc.
Il est étonnant de voir à quel point les résultats de la France à PISA sont bons. Il est de bon ton d'écrire ou de brailler à tous les vents qu'ils sont catastrophiques, mais nous n'avons franchement pas à rougir de la participation de nos élèves de quinze ans à ces tests. Il suffirait de peu de chose pour que nous reprenions une des premières places qui est en réalité la nôtre. Bien sûr me direz-vous -suivant en cela les commentaires des "spécialistes" de la question qui se sont arrêtés à ce symptôme-, les laissés-pour-compte du système sont nombreux. Pour reprendre la métaphore culinaire, je pourrais rétorquer que, dans les émissions de cuisine qui fleurissent sur nos écrans plats, les cadors martèlent continuellement que pour faire de bons plats il faut de bons ingrédients: "de bons produits, vertuchou!" Il est clair qu'on ne fera jamais de polytechnicien dans certains lieux tant qu'on y concentrera des tombereaux d'élèves sans repère, sans limite, sans culture, sans discipline, sans parents, sans... (je sens que je vais me faire taxer des adjectifs les plus horribles). Ce n'est pas non plus en clamant d'un ton indigné qu'il faut mettre les enseignants les plus compétents dans les écoles les plus horribles (et comment vous les y forcerez, hein?).
Comme il est difficilement envisageable de déporter les populations les plus fragiles de notre hexagone dans les quartiers les plus riches, et vice-versa, pour y favoriser la mixité sociale, comme nous pouvons également difficilement faire abstraction du fait que nous sommes plus de 65 millions (Liechtenstein: 36000 âmes), nous devons donc agir sur les leviers qui sont à notre portée: former les enseignants, raser la pyramide institutionnelle -en plus ça fera des économies-, et donner aux écoles et établissements l'autonomie qui leur est nécessaire pour adapter totalement leur enseignement à leur public, dans un cadre librement consenti de projets spécifiques choisis par l'équipe enseignante. Pour cette autonomie, il est évidemment nécessaire que les directeurs d'école soient des "chefs d'établissement" (ou une autre appellation si celle-ci vous défrise) indépendants et reconnus, à l'autorité morale suffisamment forte pour accompagner sans état d'âme leur équipe sur la voie de la réussite des élèves. C'est ce que fait la Nouvelle-Zélande par exemple, qui laisse à ses écoles une autonomie qui laisse rêveur, avec des injonctions réduites au minimum mais des exigences de résultat fortes.
Nous sommes sur la bonne voie en donnant aux directeurs d'école un "grade à accès fonctionnel", première étape d'une reconnaissance et d'une autonomie qui devront être autrement plus fortes. Mais il faudra plus d'ambition si on veut dans quelque années un PISA quatre fromages donc typiquement français d'une qualité autre que ce qu'on tente aujourd'hui de nous faire ingurgiter. Les enseignants français sont travailleurs et efficaces -oui, contrairement à ce qu'on lit partout-, fidèles, attachés à la réussite de leur élèves; ils sont les piliers d'un système éducatif qui peut devenir un exemple pour le monde entier, à condition certainement d'en avoir réellement la volonté et la vision.
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