dimanche 16 mars 2014

Il fait beau, je suis sec...


Je l'avoue: je suis sec. Depuis deux ans que sur ce blog je dénonce l'absence de statut des directeurs d'école primaire français, j'en ai tellement dit que je ne peux plus rien écrire sans avoir la cruelle impression de me répéter.

Ce n'est pas qu'une impression, d'ailleurs. Mes derniers billets m'ont amené à relire certains écrits plus anciens où j'exprimais la même idée sous des formes différentes. Pour en revenir à un simple et unique constat: les directeurs d'école ont besoin d'un statut, et ils ne l'ont pas. Les pesanteurs sont diverses: freins syndicaux, trouilles gouvernementales, budget de l’État en berne... Je sais bien, je l'ai moi-même écrit, que le projet Peillon nous concernant serait un pas en avant, mais avant de danser une bourrée détendue je dois bien reconnaître que pour l'instant ce projet est dans les limbes.

Pourquoi un statut? Parce qu'actuellement les directeurs d'école surchargés de tâches diverses et variées n'ont ni le temps ni les moyens ni la possibilité de toutes les mener correctement à bien. Ce qui en pâtit le plus est évidemment hélas la réussite des élèves, car même si nous nous décarcassons pour la placer en tête de nos préoccupations, il faut s’appeler Parvati ou Shiva Nataraja et avoir au moins quatre bras pour correctement assumer tant de rôles simultanés. Or je ne suis pas un dieu hindou! Chargé de classe à plein temps, comment voulez-vous que j'assume en parallèle un second métier? Surtout qu'en ce retour de vacances j'ai l'impression que les Men in Black ont fait un tour chez tous mes élèves...


Pour l'instant, sans statut et sans existence, sans reconnaissance juridique ou institutionnelle, je ne suis rien. Un directeur d'école n'est rien, c'est un enseignant chargé d'une mission supplémentaire -parfois à son corps défendant- qui souvent s'avère extrêmement ingrate. Pour quelques sourires, quelques remerciements, combien d'agressions ou d'insultes, de regards chargés de haine, de moqueries de collègues qui nous envoient promener alors que vainement on tente de leur rappeler les textes qui régissent leur fonction? Il suffit de parcourir les forums d'enseignants pour avoir une claire idée de ce qui attend un directeur d'école lorsqu'un de ses "adjoints" pète les plombs et n'en fait qu'à sa tête, quitte à bafouer les règles les plus élémentaires de la bienséance, du simple bon sens, de la bienveillance due à leurs élèves et leurs familles... Et le directeur d'école n'y peut rien faire, il n'a souvent comme ultime possibilité d'action que celle de se retourner vers son IEN, ce que d'ailleurs n'hésiteront pas à faire eux-mêmes parents d'élèves ou collègues. Vous savez quoi? Dans 90% des cas c'est le directeur qui prendra tout dans les dents, même s'il n'a fait que ce qu'il devait faire, simplement parce que l'IEN a sous la main un fusible facile qui ne peut pas se défendre; par principe, le directeur d'école est responsable de tout, y compris de ce qu'il n'a pas fait ni dit. Et voilà une ânerie ou une histoire stupide de plus qui va faire le tour de l'institution de l’Éducation nationale, démoraliser encore un peu plus un directeur désarmé, alors que tout se serait réglé simplement s'il n'avait que l'ombre d'une existence légale reconnue par tous. Aujourd'hui le directeur d'école n'a que des devoirs et des responsabilités, mais aucun droit ni le moindre pouvoir de coercition. Bon courage, amis directeurs d'école débutants. N'oubliez pas le clorazépate.

Alors je vais le redire, le répéter une fois de plus: les directeurs d'école ont besoin d'un statut clair et définitif. L'objectif en est simple: la réussite des élèves. Lorsque le directeur aura les moyens de son action, il pourra y consacrer le plus clair de son temps. Nous sommes des professionnels, beaucoup d'entre nous ont eu des carrières longues et variées, nous avons déjà rencontré tant d'enfants que nous avons souvent pu accompagner au bout de leurs études primaires, quitte parfois à tirer très fort pour les amener à mieux avancer. Nous savons quoi faire et comment le faire, chacun d'entre nous, localement, pour que chacun de nos élèves réussisse avec bonheur. Pourquoi le leur refuser?

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