Assistons-nous aujourd'hui à la triste fin d'un mauvais feuilleton? Ce que j'avais appelé dans un billet de ce blog "l'affaire Risso" semble arriver à sa conclusion, épilogue désagréable et inconfortable pour son principal protagoniste qui ne méritait pas ça, mais épilogue hélas logique si on se rapporte à la situation des directeurs d'école aujourd'hui.
Jacques, qui signe ses dessins et caricatures JAC et nous fait sourire depuis si longtemps, a donc été accusé par l'institution de n'avoir pas su gérer une douteuse affaire de harcèlement qui serait survenue dans l'école qu'il gérait depuis plus de vingt ans, vingt années de direction sans tache et assorties de rapports d'inspection élogieux. Le DASEN (Directeur Académique des Services) du Vaucluse, nouvellement nommé en septembre, a suivi logiquement les réquisitions de ses services, sans connaître ni se renseigner plus avant sur le dossier d'accusation. Dossier qui s'est rapidement avéré truffé de pièces qui n'avaient rien à voir avec l'accusation portée mais plutôt avec les activités picturales de JAC, qui dénonçait régulièrement en particulier les difficultés des directeurs d'école aujourd'hui. Les responsables en étaient semble-t-il une IEN et un adjoint au DASEN qui -sur ordre du précédent DASEN ou de leur propre chef?- s'étaient ingéniés à monter un dossier à charge comprenant tout et n'importe quoi, y compris des pièces portant atteinte à la liberté d'expression des fonctionnaires.
Il était normal que se lèvent alors de nombreux boucliers. Syndicaux avec l'investissement immédiat de FO-Vaucluse, associatifs avec les protestations du GDiD, professionnels avec les collègues de Jacques Risso, directeurs ou enseignants qui ont tout de suite mis en doute la qualité du dossier d'accusation, amicaux et populaires avec en particulier et hélas la scission du village de Rustrel.
J'imagine que l'IEN du secteur ne s'attendait pas à de telles réactions. Joli résultat! Qui mieux que des éloges de la part de notre hiérarchie commune mériterait certainement une mise à l'écart. Nous verrons. Rapidement la défense de JAC a été organisée et répartie entre action syndicale et comité de soutien, défense qui a finalement mais récemment abouti à la quasi disparition de ce dossier ridicule dont l'histoire de harcèlement s'était d'elle-même semble-t-il effondrée, et au retour de Jacques dans le giron du métier, mais temporairement éloigné de son village et de sa direction d'école, à la condition de son renoncement à une action en justice qu'il avait lancée.
J'utilise beaucoup de conditionnels et je prends des gants pour ce résumé lapidaire de l'affaire qui nous a tous secoués depuis le début de l'année, car finalement de l'extérieur j'en sais peu de détails. Heureusement pour Jacques qui peut ainsi conserver une part d'intimité malgré le retentissement national du harcèlement dont lui a été réellement victime. Mais il faut ne pas oublier que tout cela a commencé à la fin août 2013! Ce qui fait de longs mois de défense et de doute. Je ne voudrais pas avoir connu cela.
Jacques pouvait penser être désormais blanchi, et reprendre normalement sa mission dans son village de Rustrel dès septembre prochain, d'autant que les tensions semblent s'y être apaisées -laisseront-elles des séquelles?- et que la municipalité a récemment changé. Était-ce souhaitable? Ce n'est pas à moi de faire ce choix, et je peux comprendre qu'après plus de vingt ans dans la même commune on n'ait pas forcément envie de la quitter. Mais c'était sans compter sur la perversité d'un système qui s'ingénie à broyer les directeurs d'école. Nous ne sommes rien dans l'organigramme de l’Éducation nationale sinon de mignons esclaves bons à exploiter et tout aussi bons à jeter lorsque cela arrange notre administration. Jacques Risso en est la meilleure illustration hélas, qui s'est vu récemment signifier un blâme malgré les épreuves qu'il a subies. Qui dit blâme dit évidemment retrait de fonction, et c'est ce qui vient d'arriver et d'être confirmé d'une part par l'obligation faite à Jacques de participer au mouvement en tant qu'adjoint -sa mission de direction lui est retirée- et la parution marquée "vacante" du poste de directeur de l'école de Rustrel dans la liste des postes au mouvement dans le Vaucluse, comme vous pourrez vous-mêmes le constater en consultant le fichier .doc de cette page.
Évidemment, on sait que des erreurs apparaissent souvent sur les listes de postes, erreurs qui sont souvent rectifiées par des documents ultérieurs. Mais peut-on réellement croire que ceci en est une? Ce serait s'illusionner.
Le comité de soutien à Jacques Risso demande aux enseignants du Vaucluse ou à ceux qui arrivent dans le département de ne surtout pas demander le poste, par principe évidemment parce que quelqu'un y sera forcément nommé d'office pour la rentrée. Mais il s'agit de sauver l'honneur de JAC et pour le milieu enseignant de marquer sa désapprobation des méthodes utilisées par une administration aveugle contre un simple petit fonctionnaire de terrain qui jamais n'a démérité. Je ne peux que soutenir cette demande, c'est pourquoi je la relaie ici.
Maintenant, que peut-on dire de toute cette affaire? J'en tire quatre conclusions qui ne vont pas plaire à tout le monde, mais tant pis j'assume, comme d'habitude.
Tout d'abord le dossier originel visait à condamner JAC pour sa libre expression sur son site personnel et ses petits dessins accusateurs qui ne décrivent que la réalité du terrain. De ce point de vue c'est une faillite d'une administration qui se voudrait exemplaire mais n'aime pas qu'on dénonce ses nombreux travers ou son incompétence, et préfère la censure à la liberté. Mais Jacques Risso reprendra-t-il ce travail? J'en doute, je le comprends, je compatis sincèrement à ce que notre hiérarchie ait tout de même quelque part réussi à briser un homme honnête.
Ensuite l'administration voulait pour Jacques un blâme et un retrait de fonction. Jacques a reçu un blâme et se voit retirer sa mission de direction. C'est donc à mes yeux une faillite syndicale cinglante, malgré l'investissement personnel louable et fort de l'ancienne secrétaire générale du syndicat FO du Vaucluse. Je ne m'en réjouis pas. Et je remercie pour son travail le comité de soutien de Jacques qui l'a tant soutenu et continue à le faire en dépit de ses possibilités limitées ou de la place qui lui a été laissée.
Puis pointe à mes yeux, malgré que nous soyions sensés vivre dans une démocratie, l'évidence de la nécessité de l'anonymat lorsqu'on veut pointer du doigt les ratés et les perversités du système. J'ai personnellement connu des affres similaires à Jacques dans une autre vie, pour des raisons semblables, c'est bien pourquoi vaille que vaille je veillerai à maintenir du mieux que je peux mon anonymat pour que ce blog persiste. Certains savent mon identité, je les remercie humblement de leur discrétion.
Enfin se pose la question de la position des directeurs d'école au sein de l'administration de l’Éducation nationale. Nous ne sommes rien, je l'ai écrit plus haut, s'il en fallait une illustration la voilà pleine et entière. Corvéables à merci, tout autant bons à jeter lorsque le fruit est pressé. Nous n'avons aucune existence institutionnelle ni légale, nous sommes de bons esclaves d'inspecteurs qui n'hésiteront pas à nous exploiter ou à nous sacrifier pour leur plus grand profit. Méprisés et dénués de possibilités d'initiative, tiraillés entre municipalité, collègues, élèves et administration, nous ne pouvons concrètement pas faire grand chose pour aider les enfants qui nous sont confiés et leurs familles. Est-ce cela que veut la Nation? Qu'elle persiste alors à nier notre mission, et je garantis que rien ne changera de l'efficacité de notre école, que ce soit dans le nombre de ceux qui la quittent sans qualification comme des tests internationaux. Mais si la situation réellement n'est pas satisfaisante et doit être changée, alors il est temps de reconnaître le métier de directeur d'école pour ce qu'il est comme son importance, et de nous donner les moyens de notre action.
Je ne peux qu'abonder à tous ce que tu écris. En tant que directeur d'école depuis maintenant 12 ans, j'ai poussé de nombreux coup de gueule dont aucun n'a jamais porté, les IEN ayant la tête beaucoup plus dure que moi. Du coup, maintenant, je ne dis plus rien, je travaille dans mon école qui tourne impeccablement, je fais de la résistance passive du style attendre la 4ème relance pour remplir un tableau excel ou une enquête. Mais si j'ai appris quelque chose, c'est que pour vivre heureux, il faut vivre caché, se faire oublier, disparaître des radars, bref ne pas faire la moindre vaguelette. Je soutiens Jacques à fond, j'ai signé la pétition, je vais envoyer ma participation pour l'aider à payer sa défense. Mais hélas, dans la France d'aujourd'hui, il faut savoir rester anonyme.
RépondreSupprimer"Mais si j'ai appris quelque chose, c'est que pour vivre heureux, il faut vivre caché, se faire oublier, disparaître des radars, bref ne pas faire la moindre vaguelette."
RépondreSupprimerDoit-on comprendre qu'être directeur reviendrait à passer les plats, pour pouvoir durer???
Spartacus