dimanche 13 avril 2014

Six anecdotes...


Suite à mon précédent billet, voici six anecdotes personnelles, qui illustreront peut-être l'image désastreuse de l'enseignement en général, de l'école primaire en particulier, le peu de considération que nous porte notre institution, et aussi en partie pourquoi je n'ai souvent que mépris pour le monde syndical enseignant.

Concours...

J'ai eu mon baccalauréat de philo, j'en ai appris la nouvelle par ma mère qui m'a téléphoné pendant le repas du centre de vacances où j'encadre ma première "colo" (j'en ferai pendant dix ans). J'ai préparé avant mon départ le dossier du concours de l’École normale, que ma mère n'a plus qu'à déposer. Ce concours, je le passe en septembre, j'y arrive second au classement, et très content de moi j'annonce la nouvelle à ma mère qui me regarde d'un œil dubitatif et légèrement réprobateur:

" - Mais... tu ne feras pas ça toute ta vie? "

Rentrée...

C'est la rentrée des élèves de la nouvelle promotion d' "élèves-maîtres" dont je fais partie. L'école normale n'est pas encore mixte, et comme il fait beau nous nous retrouvons pour faire connaissance sur les marches de l'ENG (École Normale de Garçons), superbe bâtiment du XIXème siècle qui va abriter nos études quelques années. Les élèves de seconde année ont eux déjà fait leur rentrée, et quelques-uns sortent justement des locaux par une autre porte pour aller picoler au café voisin surnommé "l'annexe". L'un d'eux se retourne, nous regarde de loin, comprend qui nous sommes et hurle:

" - Signez pas! C'est un piège! "

Rencontre...

L’École normale est à proximité immédiate du lycée où j'ai fait mes études classiques secondaires. Je croise un jour mon professeur de français/latin/grec de terminale, qui m'interroge:

" - Et vous faites quoi maintenant?
- Je suis entré à l’École normale. "

Mon ancien professeur esquisse un sourire narquois et dit d'un ton gouailleur:

" - Avec vos capacités... Z'êtes bien un sacré feignant! "

Grève...

Je suis jeune enseignant "brigade-stage", je remplace des collègues en formation continue, ce qui dans ces années-là dure de une à trois semaines. Je travaille déjà principalement en maternelle, j'aime ça, je m'y sens chez moi. Le SNI, centrale syndicale qui à l'époque regroupe 80% des enseignants syndiqués -et presque tous le sont, moi pas-, organise une journée de grève et de manifestations. Je ne suis pas d'accord avec le mot d'ordre, je décide donc de ne pas faire grève. Sur tout le groupe scolaire de onze classes je suis seul à travailler ce jour-là.
Le lendemain, la directrice de l'école élémentaire vient voir la directrice de la maternelle pour une raison quelconque, et comme nous nous préparons pour la récréation elle vient nous dire bonjour. Elle serre la main de mes collègues en souriant, puis arrive devant moi... et passe vent debout en disant d'un air froid et l'œil noir:

" - Toi, je ne te salue pas. "

Autre grève...

Bien plus tard, une autre école maternelle dans laquelle je suis à temps plein. C'est la troisième ou quatrième grève de l'année pour un motif quelconque, grève qui sera comme d'habitude sans aucun effet sinon celui de priver mes collègues d'une journée de traitement. Je suis seul à travailler, et j'aperçois avec surprise à l'accueil des élèves un père que je n'avais jamais vu. Je sais qu'il est chef d'entreprise, une PME dans laquelle il travaille douze ou quatorze heures par jour, d'où ma surprise. Bien habillé, belle montre (j'adore les montres!), il arrive souriant avec son fils très fier de venir avec son papa, et je comprends pourquoi il est venu ce matin-là lorsqu'il me serre la main avec vigueur et me dit simplement:

" Merci d'être là! "

 Directeur d'école...

Après quinze années de remplacement et tribulations diverses, je travaille depuis six ans dans la même école maternelle. J'y ai été adjoint trois ans puis ai pris la suite du collègue directeur. Six années de projets constructifs et pleinement réussis axés sur la parentalité dans cette école de Zone Urbaine Sensible dont une partie de la population est en-dessous ou à la limite du seuil de pauvreté. L'école a reçu deux fois durant ces six années une reconnaissance extérieure, d'abord avec le prix de la revue "L'éducation enfantine", puis avec un prix de la Fondation de France.
Avec la nomination de deux nouvelles collègues la guerre entre à l'école. Je décide de partir, car j'estime notre métier suffisamment difficile pour n'avoir aucune envie de me battre. En six années je n'ai été inspecté qu'une fois, la première. J'attends l'inspection que mon IEN m'a enfin promise pour le mois de juin, j'ai besoin de remonter ma note car mon "retard" handicape sérieusement ma promotion. Et puis le travail effectué dans l'école m'autorise à penser que je mérite amplement un rapport d'inspection louangeur.
Je reçois un courrier de mon inspectrice: pour X raison dont je me souviens plus, 

" ...je ne pourrai venir vous inspecter avant la fin de l'année. Je vous remercie de votre implication dans votre école, et vous souhaite de réussir dans votre prochaine affectation. "

1 commentaire:

  1. Comme tes six anecdotes le prouvent, le bateau Education Nationale dérivait ....... Aujourd'hui il coule normalement..... et chacun le regarde sombrer en écopant avec des cuillères à café alors qu'il faudrait le renflouer en cale de font en comble!!
    Spartacus

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