Aaaah oui, les élections des représentants des parents d'élèves au Conseil d'école... Pensum annuel, qui consomme son pesant de grattons en énergie, en temps, en argent. Simulacre de démocratie dont la seule utilité est de donner bonne conscience à l’État, qui peut de cette façon faire croire aux familles françaises qu'elles sont parties prenantes du fonctionnement de l'école. Piège à gogos. Piège pour les directeurs d'école, qui sont encore une fois les bons cons de la démarche...
Du temps, il en faut. Le directeur réunit une "commission électorale" destinée parait-il à organiser les détails d'un scrutin dont les dates et les modalités sont imposées nationalement.
Puis il est nécessaire de mettre les documents électoraux sous enveloppe. Avec un peu de chance, un ou deux parents candidats pourront se libérer pour donner un coup de main: à quelle heure? Pas avant dix-huit heures, oui bien sûr vous travaillez... Mais vous pouvez venir le samedi matin? C'est que du bol pour moi alors. Cette année, je l'ai fait tout seul, au moins il n'y aura pas d'oubli dans certaines des enveloppes kraft qui contiennent le tout.
Du temps, et de l'énergie. Photocopier les bulletins de vote, les modalités -texte imposé-, le courrier A4 que notre DASEN a cru bon cette année d'ajouter la veille de la remise du matériel de vote aux familles (merci Madame), les étiquettes avec les noms et adresses des parents... Qui c'est celui-là? Famille séparée, Abdoulaye XXX, au Sénégal. Il faut que j'envoie ça au Sénégal par courrier, je suis sûr qu'il va voter, s'il reçoit la lettre à Ourossogui à temps pour répondre. Imprimer autant d'enveloppes recto-verso que de votants, et ça coince dans mon imprimante au-delà de dix enveloppes dans le bac. Je ne compte pas celles qui tire-bouchonnent dedans. Allez, courage, vous avez 220 élèves dans l'école, ça ne fait que 440 enveloppes! Oui, n'oublions pas que les deux parents votent, au cas où ils ne penseraient pas la même chose.
La même chose? C'est dans le cas où vous auriez deux listes dans l'école, en général deux associations de parents d'élèves qui ne peuvent pas se voir, ou deux listes indépendantes non affiliées parce que le papa du petit Charles n'a qu'une envie, celle de faire ch[...] la maman de la petite Céline. Cela concerne peut-être 10% des écoles, mais ce n'est alors que du bonheur pour le directeur d'école qui est au milieu. Pour les autres 90% d'écoles, il n'y a qu'une liste, qui sera élue quoi qu'il advienne (ouragan, attentat...). Cela s'appelle un scrutin à la soviétique. J'ai écrit le mot "démocratie" quelque part? Je ris ou je pleure? Mais la quantité de boulot est la même, ou presque.
Vous avez contacté la Mairie? Ben oui, il vous faut une urne et un isoloir. L'isoloir, c'est si quelqu'un venait voter en personne. Dans la plupart des écoles françaises ce n'est plus le cas depuis longtemps, les parents votent tous par correspondance. Mais il faut tout de même tenir un bureau de vote! C'est le directeur qui s'y colle, pendant quatre heures, avec quelques pauvres candidats qui se morfondent pendant ce temps jusqu'au dépouillement avec un roman pour ceux qui savent lire, ou un iPod scotché aux oreilles.
Dans ma toute petite école, ce n'est que du bonheur. Que faire de mes élèves? Les coller aux collègues? J'en connais deux qui vont être contentes de choper chacune treize petits monstres de plus... J'ai depuis longtemps choisi de laisser le bureau de vote sans surveillance tout en gardant un œil distrait dessus, de toute manière en dix ans que je suis là jamais personne n'est jamais venu. Et puis mes trois candidats ne sont de toute façon pas disponibles. Le GDiD nous suggère cette année de ne pas tenir de bureau du tout, bonne idée. C'est de toute façon de la poudre aux yeux.
Mais au fait, combien ça coûte, toute cette ânerie pseudo-démocratique, ce faux-semblant de consultation? J'ai fait des calculs, pour voir, un petit tableau Excel pour avoir une idée. Allez, à la louche!
Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Dans ma petite école, sans compter le temps ni l'énergie que j'y dépense, ce simulacre de scrutin nous coûte un peu plus de trente-cinq euros. Ce n'est pas la mer à boire? Trente-cinq euros sur mon petit budget, ce sont sept paquets de feutres fins de qualité, ou une grande boîte de 144 crayons de couleur haut-de-gamme, ou... Bref pour moi c'est du fric jeté par la fenêtre. Pour moi, pour l'école, et pour la commune qui paye, car au final c'est bien de l'argent municipal.
Je chiffre au total en France sept millions d'écoliers et donc quatorze millions de parents. Oui, je vous l'ai écrit, c'est à la louche, je ne tiens pas compte des enfants issus de parthénogenèse ou d'immaculées conceptions, ni des familles brisées dont un parent n'aurait pas la responsabilité parentale. Pour les autres (séparés, divorcés...) nous devons faire parvenir aux deux parents les documents de vote, même si l'un d'eux habite le Sénégal ou le fin fond de la Yakoutie. D'où mon choix d'envisager le prix de revient avec ou sans envoi postal... Dans mon école les envois postaux représentent à peu près 5% des parents d'élèves, j'ai donc grossièrement appliqué ce pourcentage à toutes le pays.
Bref, si j'estime à 10% -c'est totalement gratuit, et je pense être largement au-dessus- le nombre de parents concernés par un scrutin à plusieurs listes, ce sont près de trois millions et demi d'euros qui partent en fumée chaque année rien que dans le primaire.
Je ne tiens pas compte, je le rappelle, du temps phénoménal ni de la quantité effarante d'énergie gaspillés par les directeurs d'école dans cette histoire. Il est bien connu que nous n'avons que ça à faire, surtout à la rentrée, surtout quand on a charge de classe à temps plein, et même sans.
Si le législateur tient tant aux Conseils d'école, et à la représentation parentale, il lui suffirait pourtant de préciser une petite chose:
"Si, après la date limite de dépôt des listes de candidats, il n'y a qu'une seule liste en présence, alors le scrutin est annulé et la liste unique est déclarée élue."
Compliqué? Anti-démocratique? Plutôt une piste supplémentaire pour la Cour des Comptes... Et que de temps et d'énergie sauvegardés pour les directeurs d'école! Voilà qui serait une vraie simplification administrative.
Bref, si j'estime à 10% -c'est totalement gratuit, et je pense être largement au-dessus- le nombre de parents concernés par un scrutin à plusieurs listes, ce sont près de trois millions et demi d'euros qui partent en fumée chaque année rien que dans le primaire.
Je ne tiens pas compte, je le rappelle, du temps phénoménal ni de la quantité effarante d'énergie gaspillés par les directeurs d'école dans cette histoire. Il est bien connu que nous n'avons que ça à faire, surtout à la rentrée, surtout quand on a charge de classe à temps plein, et même sans.
Si le législateur tient tant aux Conseils d'école, et à la représentation parentale, il lui suffirait pourtant de préciser une petite chose:
"Si, après la date limite de dépôt des listes de candidats, il n'y a qu'une seule liste en présence, alors le scrutin est annulé et la liste unique est déclarée élue."
Compliqué? Anti-démocratique? Plutôt une piste supplémentaire pour la Cour des Comptes... Et que de temps et d'énergie sauvegardés pour les directeurs d'école! Voilà qui serait une vraie simplification administrative.
Oh oui ! Je vous suis à 200% sur ce gâchis de temps et d'argent !
RépondreSupprimerMerci !
Et je croise les doigts pour que vous soyez entendu !!!