L'ambiance générale n'est pas bonne dans l'enseignement aujourd'hui. Quand on discute un peu avec des collègues, à l'école ou lors d'une réunion, pendant une conférence quelconque, sur les réseaux sociaux, on peut constater un désenchantement généralisé qui n'est pas loin de la déprime.
Il faut dire que la transformation de l'école n'est pas facile. Les médias posent la question avec une régularité inquiétante: peut-on réformer l'école? La réponse varie évidemment selon le fond politique qui sous-tend la question. Pourtant...
Pourtant depuis vingt ans nous sommes sur la sellette. À raison. Je suis le premier à déplorer les faillites de notre système éducatif, qui laisse de nombreux élèves quitter l'école sans bagage sérieux, voire avec des lacunes monstrueuses et un avenir social compromis. Pour autant les enseignants n'en sont pas à mon sens responsables, c'est l'organisation de l'école française elle-même qui crée cet état de fait. Notre système éducatif est lourd, monstrueusement lourd, extrêmement centralisé, très directif; la pyramide institutionnelle est descendante, rien quasiment ne peut remonter, et les efforts quotidiens des agents de terrain sont totalement ignorés malgré une "innovation" dont on nous rebat constamment les oreilles. D'où d'ailleurs une désaffection de plus en plus grande de l'école publique au profit des écoles privées et surtout des écoles dites "alternatives" que je vois pousser comme champignons en automne. Je comprends totalement cet abandon des familles, du moins de celles qui ont les moyens de se tourner vers d'autres formes d'enseignement qui investissent plus l'équilibre éducatif que l'instruction. Mais il faut que chacun comprenne que les enseignants du public n'y sont pour rien! Nous n'avons pas dans ce pays de mauvais professeurs, loin de là. Je vois quotidiennement des gens intimement investis dans leur boulot, qui s'échinent pour leurs élèves, font du mieux qu'ils peuvent et cela en soi est déjà énorme. Les jeunes enseignants que je croise montrent une richesse extérieurement insoupçonnable d'idées et d'envie de faire progresser leurs élèves.
Tout est fait pour nous décourager. Depuis vingt ans les mesures, réformes, tentatives de changement se suivent et ne se ressemblent pas, ou se ressemblent trop. Tous les trois ans on nous pond un texte qui exprime plus ou moins le contraire de ce qui nous a été imposé trois ans auparavant. Si nous attendons un peu, nous sommes presque sûrs après huit ou dix ans de retrouver des textes similaires. Pour retomber peu ou prou dans les mêmes travers.
Car jamais ces instructions qui nous sont données ne tiennent compte de l'avis des agents de terrain. Nos gouvernants et nos législateurs se font le malin plaisir de chercher de soi-disant "spécialistes" ou "chercheurs" qui, s'ils ont enseigné, l'ont rarement fait dans le primaire ou le collège qui parait-il méritent que l'on s'y intéresse, et pas depuis vingt-cinq ans quand ils ne sont pas cacochymes. Tous les trois ans nos dirigeants nous pondent avec enthousiasme un bidule foireux "vous allez voir ce que vous allez voir", qui passé au crible des obsessions politiques de ceux qui tiennent la barre, devient vite un imbroglio incompréhensible et ingérable. Lequel devra néanmoins être mis en place sur le terrain par des gens comme moi qui n'en peuvent plus de constamment faire et refaire et refaire. Tenez, je viens de lire le nouveau "document de synthèse des acquis scolaires" qui devra être mis en place en fin de scolarité maternelle; il ressemble furieusement à celui que l'on m'avait imposé il y a quelques années, sauf que les items ont une forme légèrement différente. Mais voilà, moi qui avait réussi tant bien que mal à en automatiser la gestion grâce à l'informatique je vais devoir tout refaire. Ces gens-là s'en foutent.
Car le nœud gordien de l'affaire est là: si nos gouvernants se préoccupent de rendre l'école efficace pour tous, ce qui est une bonne préoccupation, jamais ils ne se posent la question de la façon dont les agents de terrain vont devoir s'emparer de nouvelles instructions, de nouveaux textes, de nouveaux documents de bilan ou de suivi. Cela réclame du temps, de l'attention, de la discussion, c'est un investissement lourd lorsqu'on a une classe plus ou moins facile à gérer avec parfois des effectifs imposants, une mission de direction à remplir, des familles à accueillir et rassurer.
Et puis, nous sommes si peu considérés. Quand on ne nous met pas des bâtons dans les roues! Les directeurs d'école d'aujourd'hui ont une foule de responsabilités nouvelles dont personne ne tient compte, en plus d'un labeur devenu écrasant. Les enseignants sur lesquels on fait porter le poids des échecs du système n'en peuvent plus d'être considérés comme des moins que rien ou des feignants, ou de n'être pas seulement rémunérés à la hauteur de leur tâche. On s'étonne que ce boulot soit en dernière place dans les visions d'avenir de la jeunesse de ce pays? Comme on s'étonne aussi souvent que les changements réclamés soient si lents à se mettre en place... Venez-y donc, venez le faire. Et on dira ensuite que l’Éducation nationale est irréformable, on le déplorera et on se lamentera, avant de nous sortir du chapeau un nouveau lapin.
Clairement, personne dans ce ministère, personne à la tête de l’État, personne chez les représentants de la Nation - ou si peu - ne se préoccupe des personnels. Huit cent mille enseignants laissés pour compte, dont on se contentera de pleurer la charge qu'ils représentent dans le budget de notre pays. Alors même que cette charge, d'ailleurs mal répartie, est inférieure à celle de certaines nations voisines et amies.
C'est tout de même étonnant, non? Quand les "nouveaux rythmes scolaires" sont arrivés, de nombreuses voix discordantes ont souligné que les profs du primaire allaient devoir se déplacer plus qu'avant et faire garder leurs mômes, ce qui représentait une charge financière supplémentaire importante dans le budget d'une jeune enseignante mal payée. Peine perdue. Et on retrouve aujourd'hui cette critique dans des rapports divers, de la Cour des Comptes ou autre. Pourquoi n'avoir pas écouté avant? Quand Xavier Darcos a imposé la suppression du travail le samedi matin une précédente année, les instits du primaire ont exprimé que les rapports avec les familles s'en trouveraient compromis. Peine perdue. Et on retrouve... Comment ne pas être désenchanté?
Il faudra un jour que la pyramide institutionnelle soit fortement tronquée. Pour d'une part que les remontées du terrain ne s'égarent pas dans les couloirs des Directions Académiques ou des Rectorats. Pour d'autre part que les instructions ministérielles ne soient pas dévoyées ou ignorées, comme peut l'être par exemple le "référentiel-métier" des directeurs d'école. Pour enfin que l'école publique et ses entités locales que sont les écoles prennent une autonomie qui seule aujourd'hui peut sauver nos élèves qui méritent mieux qu'un mammouth du XIXème siècle pour les aider à construire leur avenir.
Tout est fait pour nous décourager. Depuis vingt ans les mesures, réformes, tentatives de changement se suivent et ne se ressemblent pas, ou se ressemblent trop. Tous les trois ans on nous pond un texte qui exprime plus ou moins le contraire de ce qui nous a été imposé trois ans auparavant. Si nous attendons un peu, nous sommes presque sûrs après huit ou dix ans de retrouver des textes similaires. Pour retomber peu ou prou dans les mêmes travers.
Car jamais ces instructions qui nous sont données ne tiennent compte de l'avis des agents de terrain. Nos gouvernants et nos législateurs se font le malin plaisir de chercher de soi-disant "spécialistes" ou "chercheurs" qui, s'ils ont enseigné, l'ont rarement fait dans le primaire ou le collège qui parait-il méritent que l'on s'y intéresse, et pas depuis vingt-cinq ans quand ils ne sont pas cacochymes. Tous les trois ans nos dirigeants nous pondent avec enthousiasme un bidule foireux "vous allez voir ce que vous allez voir", qui passé au crible des obsessions politiques de ceux qui tiennent la barre, devient vite un imbroglio incompréhensible et ingérable. Lequel devra néanmoins être mis en place sur le terrain par des gens comme moi qui n'en peuvent plus de constamment faire et refaire et refaire. Tenez, je viens de lire le nouveau "document de synthèse des acquis scolaires" qui devra être mis en place en fin de scolarité maternelle; il ressemble furieusement à celui que l'on m'avait imposé il y a quelques années, sauf que les items ont une forme légèrement différente. Mais voilà, moi qui avait réussi tant bien que mal à en automatiser la gestion grâce à l'informatique je vais devoir tout refaire. Ces gens-là s'en foutent.
Car le nœud gordien de l'affaire est là: si nos gouvernants se préoccupent de rendre l'école efficace pour tous, ce qui est une bonne préoccupation, jamais ils ne se posent la question de la façon dont les agents de terrain vont devoir s'emparer de nouvelles instructions, de nouveaux textes, de nouveaux documents de bilan ou de suivi. Cela réclame du temps, de l'attention, de la discussion, c'est un investissement lourd lorsqu'on a une classe plus ou moins facile à gérer avec parfois des effectifs imposants, une mission de direction à remplir, des familles à accueillir et rassurer.
Et puis, nous sommes si peu considérés. Quand on ne nous met pas des bâtons dans les roues! Les directeurs d'école d'aujourd'hui ont une foule de responsabilités nouvelles dont personne ne tient compte, en plus d'un labeur devenu écrasant. Les enseignants sur lesquels on fait porter le poids des échecs du système n'en peuvent plus d'être considérés comme des moins que rien ou des feignants, ou de n'être pas seulement rémunérés à la hauteur de leur tâche. On s'étonne que ce boulot soit en dernière place dans les visions d'avenir de la jeunesse de ce pays? Comme on s'étonne aussi souvent que les changements réclamés soient si lents à se mettre en place... Venez-y donc, venez le faire. Et on dira ensuite que l’Éducation nationale est irréformable, on le déplorera et on se lamentera, avant de nous sortir du chapeau un nouveau lapin.
Clairement, personne dans ce ministère, personne à la tête de l’État, personne chez les représentants de la Nation - ou si peu - ne se préoccupe des personnels. Huit cent mille enseignants laissés pour compte, dont on se contentera de pleurer la charge qu'ils représentent dans le budget de notre pays. Alors même que cette charge, d'ailleurs mal répartie, est inférieure à celle de certaines nations voisines et amies.
C'est tout de même étonnant, non? Quand les "nouveaux rythmes scolaires" sont arrivés, de nombreuses voix discordantes ont souligné que les profs du primaire allaient devoir se déplacer plus qu'avant et faire garder leurs mômes, ce qui représentait une charge financière supplémentaire importante dans le budget d'une jeune enseignante mal payée. Peine perdue. Et on retrouve aujourd'hui cette critique dans des rapports divers, de la Cour des Comptes ou autre. Pourquoi n'avoir pas écouté avant? Quand Xavier Darcos a imposé la suppression du travail le samedi matin une précédente année, les instits du primaire ont exprimé que les rapports avec les familles s'en trouveraient compromis. Peine perdue. Et on retrouve... Comment ne pas être désenchanté?
Il faudra un jour que la pyramide institutionnelle soit fortement tronquée. Pour d'une part que les remontées du terrain ne s'égarent pas dans les couloirs des Directions Académiques ou des Rectorats. Pour d'autre part que les instructions ministérielles ne soient pas dévoyées ou ignorées, comme peut l'être par exemple le "référentiel-métier" des directeurs d'école. Pour enfin que l'école publique et ses entités locales que sont les écoles prennent une autonomie qui seule aujourd'hui peut sauver nos élèves qui méritent mieux qu'un mammouth du XIXème siècle pour les aider à construire leur avenir.