Un récent article de L'Express nous alerte sur l' "épuisement des inspecteurs de l'éducation nationale", alerte relayée opportunément sur Facebook, mais qui hélas ne semble pas soulever l'enthousiasme des foules malgré son importance et sa signification, et à quel point elle montre l'état de déliquescence du système.
Les IEN aujourd'hui ne sont plus ce que j'ai connu à mes débuts dans le métier. Je me rappelle en particulier l'un d'entre eux, ancien militaire reconverti à sa retraite, qui avait une fois profité de ses accointances pour survoler les écoles de sa circonscription en hélicoptère afin de vérifier les heures de récréation. Le même voulant inspecter un camarade l'avait trouvé à 16h jouant de la guitare pour faire chanter ses élèves, était reparti aussi sec et dans un rapport à l'Inspecteur d'académie l'avait dénoncé comme "jouant de la mandoline pendant les cours" (je ne blague pas!)... Il faut de tout pour faire un monde.
Cette époque est révolue. Aujourd'hui la plupart des IEN sont issus du vivier instits/professeurs des écoles, et ont travaillé plupart années "sur le carreau", comme on dit dans la grande distribution. Ils connaissent le métier, savent ses difficultés, et font le maximum pour aider les enseignants à progresser dans leur pratique quotidienne et leur réflexion pédagogique, comme ils aident les Directeurs d'école à gérer les conflits avec des municipalités récalcitrantes ou des parents agressifs.
Oh, bien sûr, je vous entends d'ici, il reste des brebis galeuses. Je connais suffisamment l'affaire Risso - qui s'est récemment définitivement terminée à l'honneur de notre collègue diffamé et maltraité - et d'autres qui ne font pas la une des quotidiens, pour savoir qu'il reste sur le territoire des abrutis des deux sexes qui se croient investis d'une mission divine. Mais la vérité n'en reste pas moins qu'aujourd'hui les IEN sont certainement tout autant dans la mouise que les Directeurs d'école.
La raison en est fort simple. Autrefois nos IEN avaient quasiment une simple et unique mission, celle d'inspecter les enseignants pour d'une part vérifier leur application des programmes et d'autre part les noter en vue d'une éventuelle promotion. Puis sont arrivés les "projets d'école" et autres "projets de circonscription", basés normalement sur les résultats d'évaluations diverses plus ou moins représentatives, qui réclamaient de la part des IEN venant pour beaucoup du secondaire une expertise qu'ils n'avaient pas, et apportaient des besoins en formation auxquels la plupart étaient bien incapables de répondre tant ils ne connaissaient pas grand chose du terrain.
J'aurais beaucoup à écrire sur la catastrophe évaluationniste, et sur le mal que cet état d'esprit provoque dans l’Éducation nationale. On nous a interdit il y a cinquante ans le "classement" de nos élèves - avec raison -, on veut désormais limiter l'impact des notes - qui effectivement ne représentent pas grand chose, et sont démotivantes -, on essaye d'inculquer aux enseignants l'idée que chacun est susceptible de réussir, et que chacun mérite de réussir, ce qui nécessite un investissement fort et individualisé. Je suis le premier à pousser dans cette voie. Et que constate-t-on? On note les collèges, les lycées, on les classe en fonction de leurs "résultats", on aimerait bien le faire pour les écoles mais comment? On note et on classe les académies, les régions, voire les Nations avec ce classement PISA ridicule: comment diable peut-on avoir l'idée de comparer une France de 67 millions d'habitants, avec sa diversité de populations et de territoires, et une Finlande aux 5 millions de ressortissants homogènes, ou les Pays-Bas, ou je ne sais quel autre pays asiatique dans lequel les enfants étudient cinquante heures par semaine? C'est ridicule, ces statistiques qui sont intéressantes pour les professionnels sont devenues publiques et amènent des "classements" absurdes ou on compare des carottes et des choux. On m'avait pourtant appris à l'école élémentaire qu'il ne fallait pas les additionner... Le pire restant qu'en France on sort les chiffres de leur contexte - surtout temporel - pour en faire des arguments électoraux qui ne reposent sur rien sinon la propre incompétence de ceux qui les manipulent. Bref.
J'aurais beaucoup à écrire sur la catastrophe évaluationniste, et sur le mal que cet état d'esprit provoque dans l’Éducation nationale. On nous a interdit il y a cinquante ans le "classement" de nos élèves - avec raison -, on veut désormais limiter l'impact des notes - qui effectivement ne représentent pas grand chose, et sont démotivantes -, on essaye d'inculquer aux enseignants l'idée que chacun est susceptible de réussir, et que chacun mérite de réussir, ce qui nécessite un investissement fort et individualisé. Je suis le premier à pousser dans cette voie. Et que constate-t-on? On note les collèges, les lycées, on les classe en fonction de leurs "résultats", on aimerait bien le faire pour les écoles mais comment? On note et on classe les académies, les régions, voire les Nations avec ce classement PISA ridicule: comment diable peut-on avoir l'idée de comparer une France de 67 millions d'habitants, avec sa diversité de populations et de territoires, et une Finlande aux 5 millions de ressortissants homogènes, ou les Pays-Bas, ou je ne sais quel autre pays asiatique dans lequel les enfants étudient cinquante heures par semaine? C'est ridicule, ces statistiques qui sont intéressantes pour les professionnels sont devenues publiques et amènent des "classements" absurdes ou on compare des carottes et des choux. On m'avait pourtant appris à l'école élémentaire qu'il ne fallait pas les additionner... Le pire restant qu'en France on sort les chiffres de leur contexte - surtout temporel - pour en faire des arguments électoraux qui ne reposent sur rien sinon la propre incompétence de ceux qui les manipulent. Bref.
En CE1, j'étais le "premier", j'avais la médaille. Un système absurde qui récompensait les "facilités"
dues à un milieu familial intellectuel, au lieu de récompenser le travail et les efforts accomplis...
Si je me rappelle quelques moments de cette période de mon enfance avec plaisir, pour autant je n'en
accepte pas tous les aspects destructeurs que je veille bien à ne pas reproduire aujourd'hui dans ma pratique.
Le vivier des IEN s'est alors recentré sur les anciens instituteurs. On ne pouvait plus gérer une circonscription comme avant, le temps était fini des reconversions ridicules ou de l'incorporation d'anciens profs du secondaire certainement très forts dans leur domaine mais totalement incompétents dans la gestion des écoles et totalement ignorants de la réalité de l'enseignement primaire. D'autant que parallèlement les inspections "maternelle" ont disparu, leurs IEN spécialisés avec. La connaissance de la petite enfance et de ses besoins n'est pas donnée à tous. Il y eut une période compliquée, avec des inspecteurs issus du secondaire totalement éberlués devant des enfants de trois ans qui leur dégobillaient ou leur éternuaient dessus. J'ai deux ou trois souvenirs hilarants que je partagerai un jour.
Et puis en même temps on a "ouvert" les écoles. Aaah, cette ouverture. J'ai autant de bien à en écrire que de mal, je le crains. Car ce qui fonctionne avec des gens intelligents et conscients peut s'avérer une catastrophe avec des imbéciles. Vous me répondrez que c'est une réflexion qu'on peut facilement généraliser: donnez de la confiture aux cochons... Si de nombreuses familles sincèrement intéressées par l'éducation de leurs enfants et l'école ont pu s'y investir pour le plus grand intérêt de tous, d'autres ont cru pouvoir en profiter pour s'approprier un espace qu'ils ne comprennent pas, récuser ou exiger des méthodes d'enseignement qui leur restent au fond totalement absconses mais qu'ils ont eux-mêmes connues ou non dans leur propre enfance - lecture, techniques opératoires...-, espionner littéralement les enseignants ou les Directeurs d'école à grand renfort de jumelles et de chronomètres (tel jour, la récréation a commencé à telle heure pour se finir à telle heure, je ne plaisante pas ici non plus) et s'arroger un pouvoir de police ou de jugement parfaitement ahurissant... Je recommande aux enseignants en général de ne pas habiter trop près de leur lieu d'exercice s'ils ne veulent voir leur vie privée décortiquée en place publique. Beaucoup de parents ont vu leur respect pour notre métier s'accroître à mesure de leur connaissance de sa difficulté, j'en rencontre quotidiennement qui nous soutiennent avec amitié et confiance. D'autres se croient aujourd'hui chez eux et traiteront les enseignants avec méfiance et mépris, j'en croise aussi. Les insultes, gifles, coups de poing ou de couteau ont logiquement suivi, des adultes d'abord, des enfants ensuite auxquels ont été transmis des valeurs défaillantes et l'irrespect.
Vous trouvez cette analyse trop simpliste? Certainement, en partie. Je crois profondément que nous avons tous besoin du sacré, d'espaces ignorés ou inconnus, voire même de la crainte. Croyez-vous que les gens du commun, que vous et moi, nous pénétrons dans une enceinte de justice avec la même arrogance que nous pourrions le faire dans un établissement ou une école? Certainement pas. Je constate simplement qu'une grande partie de notre énergie aujourd'hui est consacrée à gérer des conflits inutiles, des incivilités agaçantes, une impolitesse régulière. Les IEN sont aussi dans ce bateau, qui passent une partie de leur temps désormais à apaiser des conflits aberrants qui leur sont communiqués par un abondant courrier aujourd'hui électronique mais parfois encore postal, ou à répondre au téléphone à des parents furieux pour des raisons quelquefois obscures. Je me rappelle cette famille que j'avais reçue il y a quelques années et dont je n'arrivais pas à saisir l'objectif, donc à éventuellement y répondre; ils s'étaient tournés vers notre IEN qui m'avait contacté, d'où ce dialogue ubuesque:
IEN: - Mais qu'est-ce qu'ils veulent?
Directeur: - Je ne sais pas, je n'ai rien compris.
IEN: - Vous non plus? Vous me rassurez...
Voilà donc une partie des nouvelles tâches de nos inspecteurs en cette seconde décennie des années 2000. Je peux y ajouter, ce qui est certainement pour ceux-ci beaucoup plus intéressant mais reste chronophage, la gestion des rapports avec les Municipalités. Avec les nouveaux besoins d'un matériel devenu indispensable dans les écoles - informatique, vidéo-projection... -, de nouvelles normes qui imposent parfois d'importants travaux - sanitaires, accessibilité -, le changement des rythmes scolaires qui leur a apporté de nouvelles et inattendues responsabilités - PEDT, NAP...-, les besoins sécuritaires des écoles en cette période troublée, elles ont dû faire face à une envolée de leurs coûts budgétaires. Heureusement elles sont nombreuses à aimer l'école et à vouloir sincèrement y investir, considérant avec raison son importance au sein d'une commune comme dernière représentation de l’État. Mais il faut néanmoins leur expliquer ou les convaincre, c'est un rôle récent et important de nos IEN qui de nos jours passent de nombreuses heures auprès des élus. Quand ils ne gèrent pas les conflits avec certains fonctionnaires territoriaux qui curieusement pour certains se croient investis d'une divine mission et auraient tendance à envoyer dans les choux des Directeurs d'école stupéfaits de se voir aussi mal considérés.
Inspection et notation des enseignants qui bien qu'encadrée va fortement influer sur leur carrière, gestion des projets d'école, gestion technique des divers agréments sportifs, évaluations diverses, changements fréquents des programmes d'enseignement et de ce qui les accompagne, sécurité des écoles, rapports avec les familles, rapports avec les élus... j'en oublie certainement. Pour être inspecteur aujourd'hui il est de bon ton d'être extrêmement bien organisé dans son travail comme dans sa tête. Et il n'y a rien d'étonnant, à une époque où la tendance est à agrandir inconsidérément les circonscriptions et donc à augmenter pour chaque IEN la quantité d'écoles et d'enseignants sous sa responsabilité, à ce que nos inspecteurs n'en puissent plus et s'effondrent sous la surcharge de travail. J'ai un camarade qui en a fait un AVC, ce que je ne souhaite à personne.
Il est raisonnable de constater que cette inflation de charges est parallèle à celle des Directeurs d'école, sur la plupart desquels heureusement les IEN peuvent compter, à condition qu'ils aient été formés et puissent éventuellement se tourner vers d'autres collègues pour gérer leur petit domaine. Mais il faut pas se faire d'illusion, le temps d'un Directeur chargé de classe n'est pas extensible, son expérience ne lui permet pas forcément de faire face à certaines situations en un temps où la plupart des Directeurs chevronnés prennent leur retraite et où leur mission difficile, énergivore, chronophage, mal payée et peu considérée, n'attire pas grand-monde sinon quelques débutants maladroits qui y voient un moyen comme un autre de se rapprocher de leur domicile. Je ne leur jette pas la pierre, loin de là, certains y trouveront leur compte et seront d'excellents praticiens. Mais la majorité abandonnera dégoûtée après deux ou trois ans, imposant dans les écoles un roulement qui n'est pas sain, car l'éducation a besoin de stabilité.
Une stabilité que feraient bien de prendre en compte nos politiques, qui dans leur obsession que "tout était mieux avant" ou que "il faut tout changer", s'ingénient à inventer tout et n'importe quoi tous les cinq ans, que ce soit pour flatter leur électorat ou pour marquer leur territoire, tels des hippopotames répandant joyeusement leur fumier avec leur queue. Au point que nous n'avons sur le terrain même plus le temps d'appliquer les plus récentes décisions ou les tout nouveaux programmes que nous en voyons arriver de nouveaux. C'est si démoralisant que finalement, subrepticement mais fort logiquement, la tendance est à traîner les pieds systématiquement voire à ne rien appliquer du tout, en attendant la suite. Pourquoi passer des heures à organiser ou à élaborer si c'est pour tout refaire dans quelques mois? Finalement, notre boulot, c'est enseigner, pas suivre la mode. Alors...
Le système est à bout de souffle. Ubuesque et illusoire, à la merci des lubies, l'école est de nos jours un enjeu politicien au lieu d'être un enjeu de société. Chaque enseignant n'a qu'une envie, celle de faire réussir chacun de ses élèves. Mais la pyramide institutionnelle, intangible, s'enlise dans des tâches qu'elle a elle-même inventées pour justifier son existence. Mais nos politiques, au lieu de se poser la question de "pourquoi l'école?", vont juste se poser la question du "comment?". Et ça coince, forcément, nécessairement. Inspecteurs, Directeurs d'école, chefs d'établissement, enseignants, réunis dans une volonté commune d'accompagner au mieux les élèves, tentent quotidiennement de sauver les meubles d'une structure obsolète et obèse malmenée par de tristes apprentis-sorciers qui ne sont pas loin d'avoir la peau de l’Éducation nationale. Mais peut-être était-ce leur objectif.
Vous trouvez cette analyse trop simpliste? Certainement, en partie. Je crois profondément que nous avons tous besoin du sacré, d'espaces ignorés ou inconnus, voire même de la crainte. Croyez-vous que les gens du commun, que vous et moi, nous pénétrons dans une enceinte de justice avec la même arrogance que nous pourrions le faire dans un établissement ou une école? Certainement pas. Je constate simplement qu'une grande partie de notre énergie aujourd'hui est consacrée à gérer des conflits inutiles, des incivilités agaçantes, une impolitesse régulière. Les IEN sont aussi dans ce bateau, qui passent une partie de leur temps désormais à apaiser des conflits aberrants qui leur sont communiqués par un abondant courrier aujourd'hui électronique mais parfois encore postal, ou à répondre au téléphone à des parents furieux pour des raisons quelquefois obscures. Je me rappelle cette famille que j'avais reçue il y a quelques années et dont je n'arrivais pas à saisir l'objectif, donc à éventuellement y répondre; ils s'étaient tournés vers notre IEN qui m'avait contacté, d'où ce dialogue ubuesque:
IEN: - Mais qu'est-ce qu'ils veulent?
Directeur: - Je ne sais pas, je n'ai rien compris.
IEN: - Vous non plus? Vous me rassurez...
Voilà donc une partie des nouvelles tâches de nos inspecteurs en cette seconde décennie des années 2000. Je peux y ajouter, ce qui est certainement pour ceux-ci beaucoup plus intéressant mais reste chronophage, la gestion des rapports avec les Municipalités. Avec les nouveaux besoins d'un matériel devenu indispensable dans les écoles - informatique, vidéo-projection... -, de nouvelles normes qui imposent parfois d'importants travaux - sanitaires, accessibilité -, le changement des rythmes scolaires qui leur a apporté de nouvelles et inattendues responsabilités - PEDT, NAP...-, les besoins sécuritaires des écoles en cette période troublée, elles ont dû faire face à une envolée de leurs coûts budgétaires. Heureusement elles sont nombreuses à aimer l'école et à vouloir sincèrement y investir, considérant avec raison son importance au sein d'une commune comme dernière représentation de l’État. Mais il faut néanmoins leur expliquer ou les convaincre, c'est un rôle récent et important de nos IEN qui de nos jours passent de nombreuses heures auprès des élus. Quand ils ne gèrent pas les conflits avec certains fonctionnaires territoriaux qui curieusement pour certains se croient investis d'une divine mission et auraient tendance à envoyer dans les choux des Directeurs d'école stupéfaits de se voir aussi mal considérés.
Inspection et notation des enseignants qui bien qu'encadrée va fortement influer sur leur carrière, gestion des projets d'école, gestion technique des divers agréments sportifs, évaluations diverses, changements fréquents des programmes d'enseignement et de ce qui les accompagne, sécurité des écoles, rapports avec les familles, rapports avec les élus... j'en oublie certainement. Pour être inspecteur aujourd'hui il est de bon ton d'être extrêmement bien organisé dans son travail comme dans sa tête. Et il n'y a rien d'étonnant, à une époque où la tendance est à agrandir inconsidérément les circonscriptions et donc à augmenter pour chaque IEN la quantité d'écoles et d'enseignants sous sa responsabilité, à ce que nos inspecteurs n'en puissent plus et s'effondrent sous la surcharge de travail. J'ai un camarade qui en a fait un AVC, ce que je ne souhaite à personne.
Il est raisonnable de constater que cette inflation de charges est parallèle à celle des Directeurs d'école, sur la plupart desquels heureusement les IEN peuvent compter, à condition qu'ils aient été formés et puissent éventuellement se tourner vers d'autres collègues pour gérer leur petit domaine. Mais il faut pas se faire d'illusion, le temps d'un Directeur chargé de classe n'est pas extensible, son expérience ne lui permet pas forcément de faire face à certaines situations en un temps où la plupart des Directeurs chevronnés prennent leur retraite et où leur mission difficile, énergivore, chronophage, mal payée et peu considérée, n'attire pas grand-monde sinon quelques débutants maladroits qui y voient un moyen comme un autre de se rapprocher de leur domicile. Je ne leur jette pas la pierre, loin de là, certains y trouveront leur compte et seront d'excellents praticiens. Mais la majorité abandonnera dégoûtée après deux ou trois ans, imposant dans les écoles un roulement qui n'est pas sain, car l'éducation a besoin de stabilité.
Une stabilité que feraient bien de prendre en compte nos politiques, qui dans leur obsession que "tout était mieux avant" ou que "il faut tout changer", s'ingénient à inventer tout et n'importe quoi tous les cinq ans, que ce soit pour flatter leur électorat ou pour marquer leur territoire, tels des hippopotames répandant joyeusement leur fumier avec leur queue. Au point que nous n'avons sur le terrain même plus le temps d'appliquer les plus récentes décisions ou les tout nouveaux programmes que nous en voyons arriver de nouveaux. C'est si démoralisant que finalement, subrepticement mais fort logiquement, la tendance est à traîner les pieds systématiquement voire à ne rien appliquer du tout, en attendant la suite. Pourquoi passer des heures à organiser ou à élaborer si c'est pour tout refaire dans quelques mois? Finalement, notre boulot, c'est enseigner, pas suivre la mode. Alors...
Le système est à bout de souffle. Ubuesque et illusoire, à la merci des lubies, l'école est de nos jours un enjeu politicien au lieu d'être un enjeu de société. Chaque enseignant n'a qu'une envie, celle de faire réussir chacun de ses élèves. Mais la pyramide institutionnelle, intangible, s'enlise dans des tâches qu'elle a elle-même inventées pour justifier son existence. Mais nos politiques, au lieu de se poser la question de "pourquoi l'école?", vont juste se poser la question du "comment?". Et ça coince, forcément, nécessairement. Inspecteurs, Directeurs d'école, chefs d'établissement, enseignants, réunis dans une volonté commune d'accompagner au mieux les élèves, tentent quotidiennement de sauver les meubles d'une structure obsolète et obèse malmenée par de tristes apprentis-sorciers qui ne sont pas loin d'avoir la peau de l’Éducation nationale. Mais peut-être était-ce leur objectif.