M. Jean-Claude Carle, à l'époque vice-président du Sénat, avait déposé le 21 juin 2011 un rapport d'information fait au nom de la "Mission commune d'information sur le système scolaire". M. Carle y prône "l'école du socle commun", que pour ma part je dénonce comme une dangereuse utopie qui donnerait à l'école de notre Nation un ultime coup de poignard. L'idée de mettre les écoles primaires à la solde des principaux de collège, qui n'y pannent que couic, me semble le comble de l'absurdité! Faire l'inverse aurait plus de sens.
En revanche, M. Carle, en ce qui concerne la direction d'école, voit clairement ce qui coince à notre niveau d'enseignement. Le constat comme la solution sont clairvoyants.
En voici en extrait:
La question du pilotage local de la politique éducative est cruciale tant pour la réussite de la réforme entreprise que pour l'avenir à plus long terme de l'accroissement des performances, de l'équité et de l'efficience financière du système éducatif.
L'OCDE indique ainsi, en s'appuyant sur de récents travaux valant aussi bien pour le primaire que le secondaire, que : « la direction d'établissement joue un rôle clé dans la qualité de l'enseignement scolaire, en créant les conditions organisationnelles et éducatives propices à l'efficacité et à l'amélioration.» (...)
La direction des écoles maternelles et élémentaires est assurée actuellement par un directeur d'école appartenant au corps des instituteurs ou à celui des professeurs des écoles. Les directeurs d'école sont régis par les dispositions du décret n° 89-122 du 24 février 1989 modifié. Primus inter pares, le directeur est un professeur comme les autres qui n'exerce pas de pouvoir hiérarchique. L'un des maîtres de l'école est nommé dans l'emploi de directeur par l'inspecteur d'académie, en principe après son inscription sur une liste d'aptitude. La seule autorité hiérarchique est l'IEN de la circonscription, dans un milieu dont M. Bruno Racine, président du Haut Conseil de l'éducation, a relevé « la culture individualiste très prégnante ».
Le directeur d'école exerce des missions très diverses : il doit non seulement veiller à la bonne marche de l'école et au respect de la règlementation, assurer la coordination entre les enseignants et animer l'équipe pédagogique, mais il est aussi l'interlocuteur des autorités locales, des parents d'élèves, du monde économique et des associations périscolaires. Pour faire face à l'ensemble de ses tâches, le directeur dispose de peu de moyens. Les témoignages de responsables académiques du rectorat de Caen sont à cet égard très éclairants. L'IA-DSDEN du Calvados estime que « son efficacité repose sur son charisme, son engagement, sa bonne volonté, donc limitée dans un univers restreint dominé par un fort « égalitarisme ». Il n'incarne pas une autre culture susceptible de mettre en question les représentations dominantes freinant l'innovation et le changement. Dépourvu de toute autorité hiérarchique, il n'est pas en mesure de faire valoir efficacement les intérêts, les besoins et les orientations des politiques éducatives, d'où la lenteur du changement observé dans le premier degré (par exemple, la politique des cycles) (...). Par ailleurs, la multiplication des charges et responsabilités dévolues au directeur, sans modification du régime de décharge, atteint sa limite et contribue à la « sous-organisation » du 1er degré, cause de son déficit d'efficacité. »
Son homologue de la Manche confirme les inconvénients de la faiblesse structurelle des directeurs et les difficultés concrètes qu'elle fait surgir au quotidien, indépendamment de leur engagement personnel : « L'absence de chef d'établissement (ou de statut de directeur) suppose avec l'IEN et l'équipe de circonscription un travail en lien très étroit, voire sous le signe de ce qui peut être considéré comme une certaine « dépendance », mal vécue dans certains cas. Dans une équipe dynamique, qui accepte d'être pilotée, l'absence de relation hiérarchique peut parfois favoriser, d'une certaine manière, la cohésion du groupe. Mais, on en voit aussi les limites : tout enseignant peut, en l'absence de « supérieur » au sens strict, user d'une liberté qui peut éventuellement nuire à un fonctionnement optimisé de l'école. Par ailleurs, pour les partenaires, les parents, notamment, il y a là un manque de lisibilité et donc de compréhension : un directeur est quelqu'un qui dirige, et qui a donc autorité sur les adjoints. (...) Une clarification du statut, demandée depuis longtemps, constituerait sans nul doute une avancée à bien des égards. »
L'extension importante des responsabilités qui sont confiées aux directeurs d'école avec la mise en oeuvre de la réforme du primaire depuis 2008 vient aggraver une situation déjà difficile qui se traduisait notamment par une pénurie de candidats. Selon les statistiques fournies par le ministère de l'Éducation nationale à la Cour des comptes, 4 196 directions d'école étaient vacantes à la rentrée 2005, la continuité du service étant assurée, par un enseignant chargé de l'intérim. Pour les écoles de deux à quatre classes, souvent situées en zones rurales, les vacances représentaient 70 % des postes.
(...) Les directeurs d'école bénéficient d'un quart de décharge entre quatre et neuf classes, et d'une demi-décharge pour dix à treize classes. Au-delà, ils sont totalement déchargés de leur enseignement. Le problème demeure cependant et la désaffection persiste. 42 % des directeurs ne bénéficient d'aucune décharge spécifique, que ne compense pas la décharge de rentrée scolaire de deux jours fractionnables à prendre dans les quinze jours qui suivent la rentrée des élèves. Les inspections générales relèvent que « le système de décharges devient obsolète et sans doute inéquitable du point de vue de l'adaptation de la décharge à la réalité des fonctions exercées.»
(...) Le régime indemnitaire des directeurs comprend, outre l'ISS revalorisée, une nouvelle bonification indiciaire uniforme de 8 points et une bonification indiciaire d'un montant de 3, 16, 30 ou 40 points, selon le nombre de classes dans l'école.
À l'heure actuelle, le régime indemnitaire total annuel des directeurs d'école s'échelonne donc de 2 100 euros environ pour les directeurs d'école d'une classe à environ 4 540 euros pour ceux qui dirigent une école de 10 classes et plus.
En conséquence, votre mission estime que la rénovation du statut des directeurs d'école devrait être très rapidement entreprise, afin de leur attribuer un plein statut de chef d'établissement en adéquation avec leurs nouvelles responsabilités.
C'est moi qui ai mis en gras cette dernière phrase. Comme je l'écrivais dans un autre billet, on sait les problèmes de l'école, on en connait l'une des solutions. Pourquoi ne pas l'admettre et enfin accorder leur dû aux directeurs d'école? C'est, comme l'écrivait M. Carle il y a plus d'un an, une question cruciale pour la rénovation de notre système scolaire, dont le directeur d'école est la pierre angulaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire