Lisant sur le site de la graaaande concertation les contributions des internautes ou celles des participants, j'y découvre sans surprise que les propositions concernant les directeurs d'école partent dans tous les sens. J'y découvre aussi, sans surprise non plus, quelques forfaitures, quelques avancées masquées, et constate que les contributions mettant en avant le rôle primordial de la direction d'école primaire restent clairsemées.
On y trouve très peu par exemple les simples mots "directeurs d'école". Pudeurs de jeune fille? Ou plus simplement les contributeurs n'ont-ils aucune conscience du fonctionnement réel d'une école? Je penche pour cette hypothèse, au lu de quelques propositions fumeuses et bariolées. Mais entrons un peu dans le détail.
Au titre du SE-Unsa, nous constatons une forfaiture supplémentaire, après celle que je n'ai toujours pas digérée du "protocole" de 2006 qui nous a valu ces dernières années une lente agonie du système. Cette centrale syndicale balance d'un côté et de l'autre sans réellement se prononcer. Après un court rappel assez juste:
Les missions du directeur sont nombreuses. Elles recouvrent la gestion administrative, la responsabilité du bon fonctionnement de l’école notamment en termes de réglementation et de sécurité. Le directeur est aussi l’interlocuteur privilégié des partenaires de l’école. Mais c’est son rôle d’animateur pédagogique qui a émergé plus récemment sans pour autant être affirmé. Pour la réussite des élèves, cette mission doit être reconnue et accompagnée. Elle doit aussi être assortie de la capacité à gérer un budget afférent.
... le SE-Unsa se contente de réclamer un peu plus de décharges de direction, un peu plus de sous, une déclaration claire du rôle du directeur d'école, et... un secrétariat. Bref, le Se rejoint son ennemi juré le SNUipp dans son refus d'un statut clair de chef d'établissement primaire. Autant dire que les propositions en question vont bien faire rigoler les autres centrales syndicales, mais que les directeurs d'école vont rester sur leur fin. Ridicule. Adieu le SE.
Second point flagrant des contributions mises en exergue par le site de la "refondation" -j'ai toujours des sueurs froides quand j'écris ce mot-, la mise en avant de l'école du socle, c'est à dire concrètement la prise de pouvoir des principaux de collège sur l'école. Il faut dire que le gâteau est tentant, le gouvernement insistant lourdement sur l'idée de miser financièrement sur le primaire. Je demande déjà à voir la concrétisation de cette belle formule. Les principaux de collège ont partie belle à vouloir croquer l'école primaire, celle-ci remonterait certainement sérieusement leurs statistiques de réussite... avant de faire s'effondrer tout le château. Car si maillon faible il y a, c'est bien du collège qu'il s'agit, celui-ci exacerbant les difficultés des élèves faibles pour mieux les laminer, tout cela bien sûr en rejetant la faute sur l'école primaire avec la traditionnelle formule qui consiste à dire que "tant d'enfants sortent du primaire sans savoir ni lire ni écrire"; l'idée est tellement acceptée que personne ne se pose la question de savoir si c'est vrai, sur quoi on s'appuie pour le dire, et s'il ne serait pas possible de prendre mieux en charge ces enfants au collège... par exemple en travaillant avec eux comme travaille l'école primaire! Je m'insurge totalement contre l'idée qu'un enfant de dix ans puisse être déjà à cet âge condamné par la société et le monde enseignant à ne plus se voir offrir la possibilité de grandir. Mais c'est tellement pratique pour le collège de ne pas se remettre en cause...
Ce phagocytage de l'école primaire par les principaux de collège s'avance souvent masqué. Il suffit de lire le nombre de fois que "l'école du socle" est vantée, tant par le Ministre Peillon, qui aimerait bien se débarrasser du problème de la direction d'école, que par les autres contributeurs, institutionnels ou non. C'est ainsi que Maya Akkari, militante active dans des cercles de réflexion sur l'enseignement proches du pouvoir, jette discrètement ces mots:
Il est également évident que la réflexion sur le collège est intimement liée à celle sur le primaire et le socle commun. Nous travaillons donc sur la question de la liaison primaire/collège.
Vous n'y voyez pas grand mal? Grossière erreur, c'est de cette façon que l'explorateur se fait bouffer. Tenez, encore une contribution:
Le président François Hollande veut rapprocher l’école du collège, il faut aller beaucoup plus loin et rassembler dans un même établissement scolaire, l’école maternelle, l’école primaire et le collège qui constituent la scolarité initiale obligatoire. L’enseignement doit être structuré dans ce cursus unique avec une équipe pédagogique unique qui va suivre l’élève tout au long de ce cursus.
Et qui dirigera cette équipe, hmmm? Croyez-vous vraiment que les enseignants du collège, qui dans leur immense majorité méprisent les enseignants du primaire, accepteront de travailler sous l'autorité d'un directeur d'école? Allons, soyez réaliste.
Bref, les mots "directeurs d'école" et "statut" sont sur le site de la concertation des mots tabous. Sauf peut-être pour l'ANDEV, l'Association Nationale des Directeurs de l’Éducation des Villes, qui connait bien la question pour avoir quotidiennement des échanges constructifs avec la direction d'école primaire publique. Ces spécialistes au sein des municipalités savent très bien eux ce qu'ils perdraient à n'avoir plus comme contact que des principaux de collège parfaitement éloignés des réalités du terrain et du contact avec les familles. Voici ce qu'écrit l'ANDEV:
La nécessité d’une nouvelle gouvernance.
Il est nécessaire de refonder le système de pilotage et de gestion de l’éducation, en dépassant l’organisation de l’éducation et ses différents niveaux de collectivités locales, trop nombreux, aux compétences mal définies et mal articulées avec celles de l’État, pour revenir sur un projet reposant sur un intérêt éducatif local, s’inscrivant dans l’espace d’un territoire. L’établissement public ne doit cependant pas être une simple déconcentration de l’Éducation nationale, basée sur le bassin d’un collège, qui verrait l’établissement public local d’enseignement constituer la base d’un regroupement premier et second degré : il doit être l’expression d’un partenariat équilibré dans lequel l’État et la collectivité mettent en commun des moyens au service de la réussite scolaire et éducative.
L’articulation entre le directeur et l’équipe éducative est à construire dans un équilibre efficacité/implication de tous. Le rôle spécifique du directeur doit être reconnu comme celui d’un chef de file fédérant les différentes composantes et assurant la cohérence de l’ensemble.
Le statut et l’appartenance métier du directeur d’établissement fait débat : si l’on considère qu’il n’est pas souhaitable d’avoir des regroupements trop importants, la séparation des fonctions entre un directeur d’école et un directeur EPEP n’est pas possible pour des raisons économiques évidentes. L’ANDEV juge logique que le poste de directeur revienne à un directeur d’école complètement déchargé qui doit toutefois faire preuve d’aptitude à une fonction managériale et bénéficier des formations complémentaires lui permettant d’exercer cette fonction.
On doit passer progressivement de l’enseignant isolé à l’équipe pédagogique et à l’équipe éducative. L’école a besoin de tous ses professionnels dont les rôles complémentaires sont reconnus
Voilà qui est clair, propre, et précis. Merci à l'ANDEV de garder la tête froide et de rester consciente des enjeux de la question. Il serait souhaitable que tous les directeurs d'école de France soient aussi conscients. Parce qu'il sera peut-être bientôt trop tard.
Commentaire pour commentaire de refondons le machin..... j'en ai un qui est complètement hallucinant de bêtise, mais sa signature vaut son pesant d'or......Un ex IA-IPR
RépondreSupprimer"Une solution simple et peu coûteuse pour améliorer la formation continue des enseignants serait de rendre OBLIGATOIRE la directive suivante : tout enseignant (primaire, secondaire) doit rendre visite, dans sa classe, à un collègue et recevoir un collègue dans sa classe une demi-journée par année scolaire.
Cette réflexion m’est inspirée par mon ex-activité d’IA-IPR. Seul l’inspecteur fait des progrès en pédagogie car il voit plusieurs fois la même leçon conduite par des professeurs différents."
Après cette lecture, je comprends pourquoi le système est malade.... Il est pourri à la tête......
Cyril