J'ai longtemps fustigé les syndicats qui, dans les années 90, réclamaient des "moyens" pour l'école, alors que l'investissement de la Nation pour l'école publique était à l'époque au plus haut. Mais je dois reconnaître que c'est aujourd'hui un leitmotiv que je dois reprendre à mon compte.
Dominique Gambier, universitaire et Conseiller régional de Haute-Normandie, a commis sur son blog un excellent article, court mais clair, pointant les faiblesses structurelles du système. Il y reprend ces lignes de la fondation Terra Nova:
« La réduction continue des moyens alloués à l’école primaire est un contre-sens sur tous les plans: elle est injuste moralement (l’école primaire accueillant tous les élèves dans une même filière démocratisée), désastreuse scolairement (les élèves en difficulté dans le primaire sont sujet à l’échec scolaire dans le secondaire), et contre-productive financièrement (la prise en charge de l’échec scolaire est moins coûteuse si elle est précoce ). »
En fait, les chiffres de l'OCDE sont clairs: depuis quinze ans la France investit de moins en moins dans son éducation publique, contrairement aux pays que régulièrement les exaltés qui veulent abattre l'école française nous citent en exemple en brandissant les chiffres de PISA. Et depuis longtemps notre pays commet aussi la dramatique erreur de moins investir dans son école primaire que dans le secondaire ou le supérieur, ce qui revient, pour ceux qui considèrent -avec raison- que l'école est un "ascenseur social", à en bloquer l'accès au rez-de-chaussée...
Il faut l'avouer, le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été sur ce plan une catastrophe, au point d'ailleurs que pour cacher la cruelle vérité du désinvestissement public et des monstrueuses erreurs des gouvernements Fillon, le ministre Chatel était obligé de cacher les rapports de plus en plus alarmants concoctés par son propre ministère pourtant à la botte. Ce qui permettait aux plus monstrueux menteurs que l'UMP ait jamais portés de persister à brailler en dépit de la plus claire évidence les plus éhontés mensonges quant aux dépenses publiques de la France dans l'éducation. Aujourd'hui la part de PIB que notre pays y investit n'est plus qu'une mauvaise plaisanterie. Merci à ces messieurs qui ont si longtemps cherché à nous faire croire le contraire.
Monsieur Gambier, dans son billet, reprend un clair graphique de l'OCDE, que je vous livre également:
Les commentaires que fait M. Gambier de ce graphique sont parlants, les voici:
Le graphique ci-joint, qui retrace la dépense moyenne par élève de l'école élémentaire, l’illustre cruellement, et on comprend que le gouvernement en face aujourd’hui une priorité dans la refondation de l’école. Dépenser près de deux fois moins pour un écolier que pour un lycéen est une marque de fabrique typiquement hexagonale : en France, le "coût" d'un élève de primaire est inférieur de 17 % à celui de la moyenne des pays de l'OCDE, alors que le "coût" d'un lycéen est, à l'inverse, supérieur de 15 %.
Le nombre d'élèves par enseignant est de 21,5 en maternelle, 18,7 en élémentaire, 15 au collège et 9,7 au lycée. Dans l'Union européenne, en revanche, il y a en moyenne huit élèves par enseignant de moins qu'en France en maternelle, quatre de moins en élémentaire, trois de moins au collège et trois de plus au lycée.
On voit combien il est nécessaire d'inverser la tendance, et de réinvestir dans l'école primaire ce qu'on lui a enlevé depuis deux décennies:
- vous voulez des enseignants de qualité à l'école primaire? Commencez par mieux les payer! N'oublions pas que la France est le seul pays de l'OCDE dont les enseignants se sont paupérisés depuis quinze ans (avec le Japon il est vrai, mais les enseignants japonais sont nettement mieux payés qu'en France!); donner un traitement de misère après Bac+5 n'est pas forcément le meilleur moyen d'attirer ceux qui deviendront des enseignants de qualité.
- vous voulez une école à l'écoute des besoins des élèves et des familles? Donnez aux directeurs d'école un statut clair et aux écoles l'autonomie qui n'existent pas actuellement: comment voulez-vous qu'une école gouvernée à distance par des IEN incompétents fonctionne? Qui mieux qu'un directeur, acteur local par excellence, saura ce qui est le plus efficace pour les élèves de son école? Et comment voulez-vous qu'un directeur d'école sans statut, qui n'a aucune autonomie et encore moins d'autorité sur quiconque, puisse faire ce qui convient pour que TOUS les élèves acquièrent les compétences qui leur sont nécessaires, et à la vitesse qui leur correspondra individuellement le mieux?
Il semble que M. Peillon, après quelques atermoiements et hésitations, et malgré les difficultés budgétaires du pays, veuille prendre la bonne voie. Faut-il rappeler, ce que j'ai déjà fait dans d'autres billets, que l'éducation est un investissement et non une dépense à fonds perdus comme l'UMP a voulu le faire croire aux français pendant des années? La Nation doit investir massivement dans l'éducation, au mieux à hauteur de ce que font les pays les plus avancés en la matière. Et ne pas hésiter à aller au-delà des desiderata syndicaux qui n'ont jamais fait qu'amplifier les problèmes de l'école publique française. Il faut un statut pour les directeurs d'école, qui leur permettra d'exercer sereinement leur mission. Il faut arrêter de sous-payer les enseignants du primaire (maternelle et élémentaire), qui ne connaissent pas les heures sup' mais en font pourtant à satiété. Il faut rendre aux écoles leur autonomie en limitant le rôle des IEN voire en les supprimant -ils ne servent à rien!-. Il faut refaire de la sacrifiée école maternelle ce qu'elle fut il y a trente ans (j'ai connu, c'était une merveille, ça ne l'est plus). Il faut... il faut... Relisez les billets de ce blog -celui-ci est le centième-, vous y trouverez largement de quoi faire!
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