M. Peillon, Ministre de l’Éducation nationale, veut rénover l'école française. C'est tout à son honneur, car celle-ci ne remplit plus son rôle. Il veut en particulier mettre l'accent sur l'école primaire, cette école que nos amis belges appellent "fondamentale". M. Peillon a raison, c'est au primaire, dès la maternelle, et au sein des écoles, que se joue l'avenir de nos enfants. Tous les enseignants qui n'ont pas d’œillères syndicales ou administratives le savent. Comme ils savent le rôle primordial que peuvent tenir les directeurs d'école dans la réussite éducative.
M. Peillon n'est pas seul à se poser des questions sur ce qu'il convient de faire pour rendre notre école plus efficace et plus équitable. D'autres pays, depuis quinze ans, ont entamé des réflexions similaires avec succès. Et leur première mesure a toujours été de donner à la direction d'école les moyens d'accomplir sa mission d'encadrement au plus près du terrain, en accordant d'abord aux directeurs un statut spécifique, ensuite en tâchant de leur donner les prérogatives nécessaires à leur rôle.
Ceci ne signifie pas que tout va sans heurts. Chaque pays y va en tâtonnant, et si en général les progrès observés sont rapides, on constate tout aussi vite que de nombreux aménagements ou changements -y compris dans les mentalités- sont nécessaires pour accompagner la mutation.
M. Peillon semble vouloir aborder désormais la question primordiale de la direction d'école. Tant mieux, une "refondation" de l'école telle qu'il la désire ne peut pas se faire sans les directeurs d'école. L'imaginer seulement relève d'une utopie que la France ne peut plus se permettre si elle veut conserver dans le concert des Nations la place qui fut la sienne depuis des siècles. Il n'y a guère d'ailleurs que dans notre pays que certains puissent encore imaginer une politique éducative sans le leadership local d'une direction d'école forte. De vieux relents autogestionnaires, sans doute issus de mai 1968, traînent encore leur odeur nauséabonde. Mais notre XXIème siècle qui a débuté de façon si difficile, entre conflits et crises économiques divers, ne peut se payer le luxe d'atermoiements périmés et d'états d'âme chimériques ou idéologiques.
Nos amis belges, que j'évoquais au début de ce billet, ont aussi leurs problèmes. Il semble qu'en 2007, lorsqu'ils ont donné à leurs directeurs d'école un statut spécifique, ils aient oublié que ce statut seul ne pouvait suffire, et de nombreuses mesures d'accompagnement allaient de pair au sein des écoles. Ainsi leur réforme s'est arrêtée en chemin. C'est pourquoi le Conseil de l’éducation et de la formation (Cef) de la Communauté française organisait en février 2012 un colloque intitulé "Le leadership pédagogique, mission essentielle de la direction d’école fondamentale", auquel plus de 500 chefs d’établissement, tous réseaux confondus, prirent part. Ce colloque était animé en partie avec une étude de McKinsey, organisme forcément indépendant donc logiquement neutre, étude dont l'intérêt dépasse largement le cadre de l'école belge. Je vais vous en donner quelques éléments qui sont parfaitement adaptés à notre école primaire française, mais si le sujet vous intéresse vous pouvez trouver ICI le document dans son intégralité.
La mission des directeurs d'école s’articule autour de trois axes: relationnel -avec les élèves, les enseignants, les familles, les municipalités et autres interlocuteurs institutionnels-, pédagogique -en France par le biais des projets d'école- et administratif. Mais au fil des années cette mission s'est "complexifiée", et le constat ci-dessous destiné aux directeurs belges pourtant statutaires s'applique pleinement aux directeurs français:
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Parallèlement, comme en France, le temps de travail que le directeur peut accorder au fonctionnement pédagogique de l'école comme à la réussite des élèves se réduit à sa portion congrue. Ce qui est un comble quand on sait que les directeurs d'école belges n'ont pas de mission d'éducation au sens strict -ils n'ont pas charge de classe-, contrairement à la grande majorité de leurs collègues français!
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On voit donc bien ici qu'accorder aux directeurs d'école un statut ne suffit pas. Certes les directeurs d'école belges ont depuis cinq ans, pour reprendre les termes du GDID, "l'être et l'avoir", c'est à dire un statut clair et le traitement salarial qui doit l'accompagner, mais la charge administrative ne s'est pas allégée, et leur reconnaissance publique n'est pas avérée. De plus, les directeurs d'école belges, qui ont dans leur mission l'évaluation des enseignants et l'amélioration des pratiques scolaires -pédagogiques ou matérielles-, n'ont pas les moyens de les effectuer.
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Manifestement la réforme belge de 2007 ne s'est pas accompagnée d'une affirmation de l'autonomie des écoles. Je milite pour cette autonomie affirmée depuis longtemps, je considère que les hommes et femmes de terrain que sont en France les directeurs et directrices d'école sont les plus à même de mener à bien une évolution qualitative significative des résultats scolaire des petits français. Mais j'ai bien peur qu'en France les réticences hiérarchiques et l'existence d'échelons intermédiaires comme la Direction des écoles, les DASEN et les IEN n'amènent une forte réaction. C'est bien pourquoi au fil de mes billets j'appelle continuellement à l'éradication des DASEN et des IEN, seuls resteraient les rectorats entre le ministère de l’Éducation nationale et les écoles, et cela suffirait largement.
Effectivement, McKinsey s'est attaché dans son étude à montrer les clefs du succès d'un système éducatif, après en avoir étudié une quarantaine, et l'importance que peuvent avoir des leaders locaux reconnus dans les écoles primaires ou fondamentales. Bien sûr, sur le terrain, c'est une évidence. Mais encore faut-il en convaincre notre ministre rénovateur!
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On peut donc dire qu'il est nécessaire d'accorder aux directeurs d'école français un vrai, un réel statut, qui affirme son importance aux yeux de tous, qui en fasse un interlocuteur juridiquement reconnu par tous. Ce statut doit être accompagné d'un salaire ou traitement particulier à la hauteur de sa mission. Mais il est absolument indispensable parallèlement d'affirmer l'autonomie des écoles dans leur fonctionnement pédagogique!
Quel pourrait être le rôle du directeur d'école dans un tel cadre? On a vu dans le tableau précédent que la priorité du directeur doit être évidemment la réussite des élèves de son école, et l'impact très fort qu'il peut avoir dans ce domaine. Les trois tableaux qui suivent montrent ce que McKinsey imagine pour nos amis belges. Je regrette que la France semble prendre la voie d'un statut non-hiérarchique. Je sais que M. Peillon veut ménager quelques syndicats arc-boutés sur une vision fraternelle du fonctionnement enseignant de l'école, et préfère ne pas déterrer la hache de guerre. Néanmoins il est nécessaire de se poser la question. Il est de bon ton de râler en France contre le "caporalisme", et on peut penser que le risque pourrait exister dans nos écoles primaires. Mais je dois rappeler ici que les directeurs d'école belges ne sont plus primus inter pares, qu'ils reçoivent une formation spécifique de deux ans, et qu'ils sont aujourd'hui de fait des directeurs à part entière et le supérieur hiérarchique des enseignants de leur école. La spécificité française dans ce domaine sera fatalement à terme un obstacle pour l'efficacité de toute réforme structurelle d'importance, et freinera toute réelle amélioration des résultats de nos élèves jusqu'à ce qu'on y mette fin, n'en déplaise aux tenants de la "gouvernance partagée" des écoles, qui n'a jamais existé que dans leur imagination. Je suis persuadé que si on demandait réellement leur avis aux enseignants de terrain, nombreux sont ceux qui ne verraient aucun inconvénient à avoir leur supérieur hiérarchique à portée de main.
Voici donc ci-dessous ce que McKinsey pense des missions prioritaires d'un directeur d'école efficace pour "améliorer les résultats des élèves". Vous n'y lirez que des mesures et des idées d'une imparable logique, dont il serait certainement séant de s'inspirer pour la France:
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J'ai voulu donner dans ce billet quelques pistes de travail et de réflexion pour ce qui va advenir -bientôt?- des directeurs d'école. Une quelconque "certification" telle que la réclame un syndicat comme le SNUipp est une plaisanterie qui ne changera rien au fonctionnement des écoles. C'est une réforme en profondeur qui est nécessaire, tous nous le savons, même ceux qui font semblant du contraire. Ce qui motive les directeurs d'école, en dépit de la difficulté croissante voire aujourd'hui quasi insurmontable de leur mission, c'est bien la réussite des élèves, et pas une quelconque volonté de pouvoir qui n'existe que l'imagination perverse de quelques attardés. Mais un statut ne suffira pas si on ne s'attaque pas au reste en même temps. C'est ce que j'ai tenté de montrer ici. J'espère être entendu.
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