mercredi 20 mars 2013

J'accuse !


J'accuse le Ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon de vouloir avec "l'école du socle" supprimer les directeurs d'école en inféodant l'école primaire aux collèges. Les écoles élémentaires et maternelles vont être administrées matériellement et pédagogiquement par des Principaux qui n'ont aucune idée de ce qu'est un enfant entre deux et cinq ans. "L'école du socle" est le coup de grâce donné à l'école primaire, la mort programmée d'un enseignement individualisé au plus proche des besoins des élèves et des caractéristiques des communes, la disparition totale et définitive du peu d'autonomie qui restait aux écoles, l'ultime étape de l'étatisation extrême et mortifère de l'enseignement débutée par les gouvernements Sarkozy.

J'accuse de vacuité le ministère de l’Éducation nationale, mastodonte à la tête pesante et surpayée, préférant ses certitudes aux faits, niant l'intérêt de demander aux personnels comment l'école pourrait mieux se porter, ignorant ce qu'est un enfant, ignorant des réalités du fonctionnement du terrain, ignorant des problèmes de pilotage de l'école par des directeurs qui depuis des lustres réclament un statut qui leur permettrait de remplir avec efficacité et sérénité leur mission.

J'accuse les syndicats d'extrême-gauche FO, SUD et CGT, qui ne pensent qu'à exalter une idéologie surannée et pernicieuse qui de longue date a pourtant démontré sa profonde bêtise et son éloignement des réalités, de nier l'évidence au nom de la Révolution et du Grand soir que le plus efficace pour l'avenir des élèves de France est l'autonomie des écoles et le statut de leurs directeurs.

J'accuse les syndicats dit "modérés" de ne pas remplir leur rôle de défense des personnels, et de ne penser qu'à la conservation de leurs privilèges syndicaux et la préservation d'un statu-quo qui n'existe que dans leur imagination puisque la situation des élèves, des enseignants et des directeurs d'école n'a fait qu'empirer depuis vingt ans.

J'accuse les syndicats du secondaire, collèges et lycées, d'abandonner avec hypocrisie et dans la joie les enseignants du primaire, et de se frotter les mains par avance de tout ce qu'ils vont récupérer de pouvoir lorsque "l'école du socle" sera définitivement en place.

J'accuse l'extrême-gauche française de n'évoquer la question de l'école que lorsque ça l'arrange, de préférence lors de divers scrutins locaux ou nationaux, et au fond de profondément mépriser les directeurs d'école.

J'accuse l'extrême-droite française de n'évoquer la question de l'école que lorsque ça l'arrange, de préférence lors de divers scrutins locaux ou nationaux, et au fond de profondément mépriser les directeurs d'école.

J'accuse la droite française de vouloir, sous n'importe quel prétexte et en particulier de libéralisme, faire disparaître l'école primaire au profit d'officines sélectives qui pourraient faire entrer encore plus d'argent public dans les poches privées.

J'accuse les élus et édiles qui se réclament du "centre" de ne jamais savoir ce qu'ils veulent, et de volontiers abandonner leurs prétendues convictions, idées et envies, dès lors qu'un quelconque strapontin leur est offert.

J'accuse la gauche française d'avoir abandonné tous ses idéaux pour le pouvoir et l'argent.

J'accuse les enseignants du primaire comme du secondaire d'égoïsme, de lâcheté, de bêtise; des enseignants du secondaire qui restent inertes et silencieux face aux problèmes du primaire et à la paupérisation de leurs collègues; des enseignants du primaire qui suivent tels les moutons de Panurge n'importe quel mot d'ordre absurde du moment qu'il est question de leurs vagues petits privilèges, de leur petite personne, de leur nombril; des enseignants du primaire qui ont peur de leur ombre et qui alors même qu'ils ont raison se dégonflent tels de vilaines baudruches au moindre froncement de sourcil de leur administration de tutelle; des enseignants qui en général se désintéressent totalement de la question du pilotage des écoles et des problèmes des directeurs d'école, quand ils ne les accablent pas plus qu'ils ne le sont déjà sous des reproches ineptes destinés à excuser leur propre incompétence ou leurs propres âneries.

J'accuse les directeurs d'école de masochisme, de se laisser tondre sans réagir, de ne surtout rien faire, de ne pas bouger le petit doigt pour améliorer leur sort. On les crucifie, ils se laissent faire, et en redemandent.

J'accuse les Français de totalement et royalement se foutre de l'école, et de la laisser crever tout en l'accusant d'être responsable de tout ce qui ne va pas dans ce pays, sans jamais bien sûr balayer devant leur propre porte.

Voilà bien des maux typiquement français: lâcheté, couardise, irresponsabilité, égoïsme, cynisme... Je pourrais certainement en ajouter d'autres. L'école primaire française, celle que tout le monde exalte à longueur de romans ou d'essais, celle qu’avec nostalgie on évoque partout, celle des mémoires de Marcel Pagnol ou des photos de Robert Doisneau, celle d'aujourd'hui, moderne mais désespérée, qui essaye de faire son travail tant bien que mal en dépit des obstacles toujours plus nombreux... cette école meurt... elle est morte? Une seule chose pourrait encore la sauver, au plus grand bénéfice des élèves, des enfants de notre Nation: une autonomie affirmée et forte pilotée par des directeurs d'école statutaires. Je veux croire que tout n'est pas perdu, je vais continuer à me battre en ce sens. Mais sans la population et ses représentants, sans les politiques, sans les enseignants, sans les syndicats, sans aucun soutien d'où qu'il vienne, sans les directeurs d'école eux-mêmes qui restent inertes, invisibles et silencieux, le combat n'est-il pas perdu d'avance? S'il n'en reste qu'un, je serai celui-là. Par dignité. Et parce que je suis convaincu que la vérité finit toujours par surmonter le mensonge.

2 commentaires:

  1. C'est aux parents d'élèves de réagir. Ils sont les principaux concernés, puisqu'ils confient leurs enfants aux enseignants.
    Sur nos bulletins de salaire, il est écrit généralement "Enseignant sans spécialité".
    Nous sommes donc des exécutants, et si nous n'avons pas les moyens matériels financiers et humains de remplir notre mission, ce sont les enfants de ces parents passifs qui en seront les principales victimes.
    Nous n'avons donc pas à culpabiliser, ni à faire seuls les frais d'une lutte inégale.
    Nous devons faire 108 heures hors élèves : n'en faisons pas une de plus. C'est déjà un bon début pour montrer notre mécontentement.

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  2. Je crois aussi que cela passera nécessairement par les parents, mais crois aussi que les parents ne bougeront que s'ils sont orientés (pas aptent à réfléchir efficacement autre que par la lorgnette de leur nombril: "chouette, on s'occupe de mon enfant, je peux me décharger!"). Je cotise au GDID, suis prêt à toute action efficace et organisée! Me fiche de mon nombril et sait l'intérêt de ce que nous revendiquons.
    Quelle(s) action(s) concrète(s)? Maintenant!

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