Certains propos récents du ministre de l’Éducation nationale, le ci-devant Vincent Peillon, sont plutôt inquiétants pour des directeurs d'école préoccupés par leur avenir. Effectivement, défendant sa graaaande Loi d'orientation face à des députés virulents, après une graaaande concertation qui a défaut d'être suivie d'effets a fait couler beaucoup d'encre, M. Peillon a le 13 mars dernier commis ces mots:
"Si le directeur d’école a un statut particulier de chef d’établissement, vous transformez les écoles en établissements, auquel cas elles ne sont plus rattachées au collège. Vous devez faire un choix. Le choix que nous avons fait pour nous inscrire dans une continuité que vous aviez développée, c’est d’articuler ensemble ce qui n’était pas le cas jusque là, soit le travail entre l’école et le collège."
Je sais bien que Monsieur le Ministre doit être un peu exaspéré de devoir se battre pied à pied, pour chaque mot, avec des députés peu convaincus. Néanmoins, rayer d'un trait de plume -pardon, d'une réplique cinglante- la direction d'école au profit d'une collégialisation que je suspectais il y a quelques mois (relisez ce billet du 3 octobre 2012), c'est tresser la corde pour se faire fouetter. Je me cite moi-même:
"La quatrième possibilité, celle qui se dégage des propos récents de M. Peillon, est de créer des "écoles du socle". Sous cette terminologie étrange se cache l'idée de donner la responsabilité des écoles aux collèges de secteur. J'utilise volontairement le verbe "se cache", car jamais dans aucun discours personne ne dit clairement que la disparition des directeurs d'école en est le corollaire. Bien sûr, en même temps que la direction d'école, disparaîtrait également la dimension locale du fonctionnement des écoles. Je ne suis donc pas certain que les communes françaises, souvent attachées à leur école dont les enseignants sont dans de nombreuses communes les derniers représentants de l’État, seront favorables à une telle proposition. Encore faudrait-il qu'elles aient voix au chapitre!
Qu'implique l' "école du socle"? Pour M. Peillon, ministre de l’Éducation Nationale, il s'agit de se débarrasser de cette question primordiale de la "gouvernance" des écoles en supprimant les directeurs d'école qui deviendraient des "coordinateurs" des écoles primaires. Au passage, cela lui permettrait également d'y casser le monopole historique du syndicat SNUipp. Sous couvert de favoriser la liaison primaire/collège (ne vous méprenez pas, ce n'est qu'un prétexte), le principal du collège de secteur deviendrait le responsable administratif des écoles, ainsi que le responsable des projets des écoles, ce qui lui donnerait la haute main sur les crédits afférents... et forcément aussi sur les méthodes d'enseignement des professeurs des écoles qui ne seraient plus maîtres de leurs projets! Le gâteau est appétissant pour les principaux de collège, qui se précipitent tous tête baissée dans la crème qui leur est offerte sur un plateau. C'est aussi pourquoi ce projet est aujourd'hui activement soutenu par le SE-UNSA et le SGEN-CFDT, qui lorgnent sur les professeurs syndiqués du collège et aimeraient bien croquer une part des effectifs des syndicats du secondaire."
Ainsi donc Monsieur Peillon va utiliser semble-t-il ce que j'appellerai la tactique du rasoir: la direction d'école est un problème; je ne peux le résoudre faute d'argent/de courage/de volonté (rayez la mention inutile, s'il y en a une); alors je supprime le problème... Monsieur le Ministre veut, c'est clair désormais, supprimer les directeurs d'école.
On aurait pu supposer une réaction syndicale outrée de tels propos. Même pas peur! En fait, les centrales syndicales, engluées dans leur problèmes internes suite à l'affaire idiote des rythmes scolaires, et les yeux rivés sur les rivalités inter-centrales, sont bien incapables de faire attention à ce qui est en train de se passer. Ou si elles s'en sont rendues compte, peut-être pour certaines est-il de leur intérêt de ne rien dire. Ne parlons pas du SNUipp, grand perdant de ces dernières semaines, qui ne réalise même pas qu'il est en train de se faire phagocyter par la FEN au sein de la FSU. Adieu le SNUipp, requiescat in pace.
Monsieur Peillon pense que rattacher les écoles primaires aux collèges, ce qui est déjà en marche avec Affelnet puisque les directeurs d'école sont désormais devenus les factotums des principaux, permettra de nous faire disparaître de la carte. Que l'attachement local des écoles soit leur principale force, et à mes yeux le meilleur moyen de favoriser la réussite scolaire des élèves, ne parait pas effleurer le moins du monde l'esprit du ministre, qui manifestement préfère le jeu politique à l'efficience, quitte à sacrifier sur l'autel d'une vision ahurissante de l'école plusieurs générations d'élèves à venir. Alors que tout le monde réclame depuis des mois voire des années l'autonomie des écoles, et préconise comme première mesure le statut pour les directeurs d'école, Monsieur le Ministre préfère botter en touche. Soit. C'est d'autant plus facile que les syndicats ne réagissent pas, et que les directeurs d'école eux-mêmes se laissent tondre panurgesquement sans rien dire -à part ceux du GDiD, bien entendu-. Quant aux municipalités, on leur a tendu un os à ronger avec les rythmes scolaires, et cet os cache la forêt (quelle image! Je suis navré.); bientôt elles devront payer les écoles communales sans plus avoir aucun contact ni interaction avec elles. Mais il sera trop tard quand elles s'en rendront compte.
Si depuis de nombreuses années les résultats de nos élèves s'effondrent, c'est bien en grande partie parce que nous n'avons aucune autonomie dans notre fonctionnement ni dans nos choix. Il est peut être temps pour les directeurs d'école de montrer qu'ils existent, qu'ils sont indispensables au fonctionnement et à la réussite de l'école de la Nation. Il est peut-être temps pour nous de taper du poing sur la table. Avoir un statut, devenir autonomes pédagogiquement, est la seule manière pour sauver ce qui reste de l'école primaire après plusieurs décennies de gabegie. Peut-être alors devenir directeur d'école sera pour les jeunes enseignants un choix raisonné de mission, au service du pays, au service des élèves et de la réussite scolaire, et non plus une opportunité comme une autre pour se rapprocher de chez soi, sans aucunement penser à la responsabilité primordiale qu'elle représente.
A l'unique condition, qui malheureusement ne pourra être résolue: il faut sur le site de l'école un responsable ne serait-ce que pour la sécurité.
RépondreSupprimerA moins de rattacher physique les écoles aux collèges (en étant dans les mêmes locaux), je crois que notre ministre à fait fausse route dans sa réponse et qu'il va bien falloir résoudre le pb que nous sommes