mercredi 15 mai 2013

Pour en finir avec les âneries...


J'ai été saisi par plusieurs collègues effarés de deux polémiques qui agitent en ce moment le Landerneau enseignant, soit un pseudo-témoignage haineux d'une soi-disant prof de français dans le secondaire qui attaque de façon minable ses parents d'élèves, et une fielleuse déclaration en CDEN (Conseil Départemental de l’Éducation Nationale) de la FCPE de Seine-et-Marne dans laquelle des représentants des familles envoient des scuds lamentables contre les enseignants et les directeurs d'école.

Je ne comptais pas m'exprimer sur ces deux sujets, considérant qu'il s'agit d'épiphénomènes qui ne méritent pas qu'on s'y arrête, la vindicte elle-même épuisant tout argument raisonné pour y répondre. Mais j'ai beaucoup de collègues qui s'excitent là-dessus, et qui estiment que je dois pour le moins en dire un mot. Soit. Mais ce mot ne sera pas forcément celui qu'ils attendent.

Déjà je m'étonne de la quasi simultanéité de ces sorties agressives, de plus dans un organe de presse (rue89, pour ne pas le citer) dont la ligne éditoriale étrange fait plus de part aux controverses douteuses qu'à la réflexion de fond. C'est hélas d'ailleurs ce qui caractérise notre information aujourd'hui, plus évènementielle que réflexive, rejetonne tarée du mariage contre-nature d'une presse aux abois et d'un internet qui n'existe que dans l'immédiateté. Je n'ai jamais cru au hasard ("Dieu ne joue pas aux dés", disait Einstein), et certainement pas dans le domaine éducatif qui me concerne au premier chef.

L'Éducation nationale, nous le savons, est mal en point. Elle est malade de sa propre histoire: la méthodologie de l'enseignement appliquée dans notre pays comme les structures du système éducatif français datent du XIXème siècle et ne correspondent plus du tout à une société comme à des élèves qui ont pour le moins franchement changé depuis 150 ans. L'irruption de l'informatique et d'internet ont d'ailleurs plus fait en vingt ans pour en souligner l'obsolescence que toutes les tentatives de réforme qui se sont accumulées et dont j'ai personnellement fait l'expérience depuis le début de ma carrière. Aujourd'hui la multiplicité des sources d'information, leur facilité d'accès, comme la façon d'apprendre, ne peuvent plus s'accommoder d'un enseignement vertical du maître à l'élève. Et la structure pyramidale du système éducatif français a elle aussi vécu. Il est donc nécessaire de changer les méthodes d'enseignement, et le fonctionnement de notre école.

Bien sûr, c'est compliqué, c'est difficile, et sera certainement douloureux pour nombre d'enseignants. Mais c'est indispensable. Aussi indispensable que comprendre qu'est également nécessaire une adaptation de notre système scolaire au plus près des besoins des élèves, des familles, et des territoires. Il est fini depuis belle lurette le temps où la France rurale s'accommodait d'un système centralisateur et jacobin dans lequel l’État tout puissant détenait la connaissance et la transmettait uniformément à toute la nation.

Qui ce constat gêne-t-il? Ceux qui croient détenir LA vérité et ne veulent surtout pas la partager, ceux qui ne tiennent leur force que d'une unanimité de façade dans le refus systématique de toute évolution, qu'ils soient individus -de préférence anonymes-, partis politiques ou syndicats. Je vise bien entendu une extrême-gauche qui n'a jamais vu son avenir que dans une étatisation forcenée, centralisatrice, égalitaire (et non équitable), et forcément disciplinaire: je ne veux voir qu'une tête, rien ne doit dépasser, je sais ce qui vous convient et que vous ignorez nécessairement...

La simultanéité de ces attaques que j'évoquais en début de billet ne doit donc selon moi rien au hasard. Il s'agit de ranimer des guerres scolaires absurdes et qui ne profiteront à personne, de monter tous les acteurs de l'école -familles, enseignants, directeurs...- les uns contre les autres, de diviser pour régner, afin d'étouffer dans l’œuf tout velléité de changement, toute tentative d'évolution, quelle que soit sa forme et de qui qu'elle provienne. C'est ainsi que depuis plusieurs mois on observe des tentatives pour monter l'école publique contre l'école privée, les parents contre les enseignants, les enseignants contre les municipalités, et tout le monde contre les directeurs d'école qui persistent à réclamer la reconnaissance de leurs compétences et de leur métier spécifique, et osent réclamer un statut différencié. C'est ce qu'on appelle proprement de l' "agit-prop" (agitation-propagande), vieille technique trotskyste qui a fait ses preuves tant les individus restent facilement influençables même à l'époque de l'internet.

Heureusement pour nous, les tenants de ces techniques n'ont plus le savoir-faire de leurs aînés dans la carrière. J'ai bien connu les années 70 et leur cortège de rassemblements, revendications, sit-in, manifestations, "luttes" diverses, qui ont amené toute une génération à lire le "Petit livre rouge", à arborer des casquettes Mao, et à admirer les pires et les plus sanglants dictateurs que cette terre ait portés. Les gauchistes d'aujourd'hui n'ont pas le dixième des compétences et du machiavélisme des discrets leaders de l'époque.

Il faut donc dénoncer toutes ces tentatives d'intimidation et de levée de conflit. Notre école mérite mieux que de s'arrêter à des humeurs supposées ou à des maladresses, voire à de honteux détournements pour ce qui concerne la déclaration FCPE en CDEN. Ce qui nous motive doit rester nos élèves si on est enseignant, nos enfants si on est parent. Et rien n'interdit d'être les deux. Croire qu'il est possible de réformer l'école pour la rendre efficace sans les uns ET les autres est un contresens.

Le mieux placé pour en convenir reste bien entendu le directeur d'école. Certes il a le cul entre deux chaises, mais c'est justement sa force dans un tel moment. Interlocutrice privilégiée des municipalités, des parents d'élèves, des enseignants, la direction d'école est la mieux à même de faire l'école française publique d'un siècle déjà bien entamé. Encore faut-il lui reconnaître ses compétences et sa place de choix. Encore faut-il simplement reconnaître les directeurs d'écoles, leur donner le statut qui est indispensable pour que les changements nécessaires soient effectifs et efficaces. Un directeur d'école reconnu, au statut administratif et juridique clair, au salaire décent, est le seul à même de faire progresser l'école, et personne d'autre! Alors que les Plans Éducatifs Territoriaux (PEDT) vont être élaborés, ce n'est même plus une chance à saisir pour l’Éducation nationale et pour la Nation en général, c'est la seule et unique opportunité qu'a notre pays d'enfin faire un succès d'une volonté de changement et de "refondation" que je crois réelle. Monsieur le Ministre, la balle est dans votre camp.

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