Dans les propositions du ministre de l’Éducation nationale que les syndicats d'enseignants discutent en ce moment, il est proposé la création d'un "grade" spécifique à la direction d'école, un GRAF, ou "GRade à Accès Fonctionnel".
De quoi s'agit-il donc? D'abord, clairement, indiscutablement, indubitablement, c'est une reconnaissance de la spécificité du métier de directeur d'école. Une autre proposition du ministre, celle de la création d'un "référentiel métier" définissant proprement la mission des directeurs, va dans le même sens: le directeur d'école n'est plus un enseignant "comme les autres", ce qui correspond à la réalité des faits depuis largement plus de quinze ans maintenant. Il est de bon ton chez certains syndicats d'extrême-gauche de le nier, mais ces braillements dans le vide ne serviront pas à grand chose tant les principaux syndicats d'enseignants ne nient plus cette réalité.
Le ministre veut donc reconnaître la direction d'école comme un métier particulier, ce qui correspond aux voeux du GDiD. Dans ce sens, la lutte engagée depuis quinze ans porte aujourd'hui ses fruits. Il aura fallu batailler et convaincre, c'est une réussite. Bien sûr la teneur des propositions reste floue, bien sûr nous n'aurons pour l'instant que peu de changements dans notre immédiat bousculé, mais les perspectives sont bonnes. Oui, un petit directeur comme je le suis se sent lésé par le peu d'avancées concrètes qui pourraient nous soutenir dans l'accomplissement quotidien de notre mission, comme l'abandon des APC qui ne se fera que partiellement et seulement au-dessus de quatre classes, ou la quasi-inexistence de temps supplémentaire accordé (et quand on a comme moi une charge d'enseignement à 100%, on sait le soulagement qu'une simple demi-journée de temps à autre pourrait représenter). Mais soyons conscients qu'avec ces propositions les directeurs d'école sont enfin reconnus.
Qu'est-ce donc qu'un GRAF?
La base du fonctionnement de la fonction publique française est le "corps"; dans l’Éducation nationale nous avons un corps de professeurs des écoles, un corps d'agrégés, etc. Chaque corps correspond à une catégorie (A,B,C) selon son type de recrutement (pour la catégorie A, c'est bac+3). Mais chaque corps a sa propre échelle de rémunération qui ne correspond pas à la réalité de sa catégorie: les professeurs des écoles français sont par exemple moins bien payés que certains emplois de catégorie B! C'est d'ailleurs ce que dénonce régulièrement l'OCDE depuis de nombreuses années.
Les corps comprennent des grades ou des classes. La différence entre le grade et la classe est que le grade correspond théoriquement à l'exercice de fonctions ou de responsabilités de niveau différent, ce qui n'est pas le cas d'une classe à l'autre. Ainsi, les corps des professeurs des écoles, des professeurs certifiés et des professeurs agrégés comportent une classe normale et une hors-classe. S'il est effectivement créé un Grade de directeur d'école, ce sera une totale nouveauté pour le corps des professeurs des écoles, car cela signifiera que la fonction de direction est reconnue comme un exercice différent avec des responsabilités particulières.
Normalement, un grade comportant une échelle spécifique, il devrait en être donc créée une pour le GRAF de directeur d'école. Les règles de la fonction publique veulent qu'un fonctionnaire soit classé, dans son nouveau grade, à l'échelon comportant un indice égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui qu'il détenait précédemment. Ce que sera l'échelle indiciaire du grade de directeur d'école, nous l'ignorons pour l'instant.
Normalement, le fonctionnaire qui atteint un grade particulier le conserve même s'il quitte son emploi, et il en conserve également les avantages et l'ancienneté. Avec le GRAF, ce n'est pas le cas. Ce qui fait la spécificité d'un GRAF, ou grade à accès fonctionnel, c'est que le grade est attribué au fonctionnaire tant qu'il exerce sa mission, mais que ce grade ne lui appartient pas. Le GRAF est contingenté et le fonctionnaire qui abandonnerait sa mission de direction d'école perdrait le grade en question au profit du nouveau directeur pour retrouver son grade d'origine. C'est un double avantage et un double inconvénient: un avantage d'abord pour le directeur d'école, qui peut retourner sans difficulté à sa simple mission d'enseignement si la mission de direction ne lui convient pas ou ne lui convient plus; un avantage ensuite pour le ministère, qui connait ainsi clairement le contingent d'agents qui peuvent avoir ce grade; un inconvénient pour le directeur d'école, qui peut être viré de sa fonction du fait du Prince, même si techniquement ce genre de chose doit se faire en CAPD (le directeur d'école est donc hélas avec ce système toujours à la merci des petits potentats locaux); un inconvénient encore pour le directeur d'école qui en quittant sa mission perd son échelon dans le grade. Comment se ferait ensuite le reclassement dans le grade d'origine? Nul ne le sait.
Je dois également préciser que l'accès à un nouveau grade se fait normalement soit par promotion soit par concours. Qu'en sera-t-il du grade de directeur d'école? Tous les directeurs actuels y accèderont-ils? Dans quelles conditions (ancienneté dans la mission, taille de l'école...)? Ce n'est pas non plus précisé, et le champ de discussion est vaste pour les syndicats qui reprendront la discussion le 5 décembre prochain, à moins qu'ils ne soient dans la rue... Mais cela ferait mal si certains directeurs d'école étaient exclus de l'accès à ce nouveau grade pour des raisons discriminatoires de taille d'école ou d'ancienneté alors que le travail est le même, alors déjà que les allègements et facilités de mission ne sont dans les propositions ministérielles accordées qu'aux directeurs de "grosses écoles", soit la moitié seulement des écoles françaises (25000 écoles ont quatre classes ou moins, pour 23000 avec cinq classes ou plus). J'espère que le SE-Unsa ou le SGEN-Cfdt, qui travaillent avec le GDiD, contreront d'emblée des idées de ce genre. J'ai toujours le protocole de 2006 en travers de la gorge.
Bref, tout cela est encore bien flou. Et si la reconnaissance de la direction d'école semble bien actée, il ne faudrait pas pour autant laisser dans le fossé les écoles de quatre classes ou moins qui font la majorité du système scolaire primaire. Outre le danger d'avoir des écoles "à deux vitesses" dont la facilité de gestion serait encore plus disproportionnée qu'aujourd'hui, cela amènerait également une scission particulière au sein d'un même grade qui ne pourrait occasionner que rancœurs et conflits. Je sais que la tentation est grande, comme la facilité d'y succomber, même pour des directeurs d'école qui se pensent ouverts et équitables. Restons-y attentifs et n'oublions personne.
Salut Salinator,
RépondreSupprimer"Facilité de gestion" !! Un écrit malheureux ? Je lis tout ce que tu écris, d'accord, ou pas... Je suis membre du GDID depuis 6 ans, directeur à 8 classes depuis 6 ans, maternelle élémentaire, CLIS, 23 adultes dans l'école, 4 AVS/EVS, etc, etc, pour 1/4 de décharge... Facilité de gestion ? Je m'en suis jamais aperçu durant mes longues heures de présence dans ma chère école...(semaines entre 60 et 50 heures...) Alors voilà, je pouvais pas m'empêcher de réagir, même si je connais la charge des directeurs des petites écoles... Je me sens pas privilégié...
Philippe, Pontarlier (25)
J'ai connu d'autres circonstances que celles de ma petite école actuelle, et je sais par expérience qu'une journée sans charge d'enseignement vaut mieux que pas de journée du tout. J'ai moins de temps aujourd'hui que j'en avais quand j'avais beaucoup plus de classes. Alors oui, facilité de gestion... ou du moins moins mauvaises conditions. Au fait, ce pauvre Salinator n'a rien à voir avec ce blog, il a bien assez à faire à gérer les sites du GDiD, mais merci pour lui il se sentira certainement flatté. :-)
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