Serons-nous interpellés par nos élèves lundi? Pourrions-nous croire que les conversations de cour de récré ne tourneront pas autour des évènements qui dans la nuit de vendredi à samedi ont une fois de plus secoué notre vieux pays? Nous entendrons des opinions toutes faites, des résumés haineux, colportages de propos des familles en colère. C'est compréhensible, c'est humain, l'émotion est telle, la douleur si intense... Je suis en colère aussi, parce que le temps n'est plus à la peine.
Il nous faudra expliquer, commenter, dans le calme, avec raison. Il nous faudra tenter de faire comprendre que nous Français payons très cher le prix de notre attachement à la tolérance et à la laïcité. Il nous faudra tenter d'expliquer que les extrémistes n'aiment pas les femmes et les hommes qui veulent rester libres de leurs opinions ou de leur éventuelle Foi. Il nous faudra tenter d'expliquer l'inexplicable, soit comment des êtres humains nés dans une nation fière et indépendante qui tente depuis des siècles de faire de sa devise une manière de vivre, instruits par une école qui se veut éloignée des passions, peuvent tuer au nom de Dieu. Moi je ne le comprends pas. Comment pourrais-je l'expliquer?
Mes élèves à moi sont encore petits, et leur intérêt restera lundi à leurs jeux et aux apprentissages, ils resteront joyeux et heureux d'être avec leurs camarades, sans qu'il soit question de couleur de peau ou de religion. Il est rassurant de penser qu'à cinq ans l'égalité et la fraternité ne posent jamais problème. Il est gênant de constater que nous ne savons pas garder cette foi enfantine. Cela m'affecte, moi qui passe mon temps à les accompagner pour qu'ils grandissent... Est-ce une fatalité? Je ne crois pas à la fatalité. Alors où est la faillite? Pour que puissent survenir de telles abominations, que faisons-nous ou que ne faisons-nous pas, à l'école ou dans nos familles, dans notre société que nous imaginons héritière des Lumières et si détachée des émotions?
Depuis minuit, la France est en "état d'urgence", les frontières sont fermées. Nous avons été Charlie, aujourd'hui peut-être sommes-nous en guerre. Trois jours après nos commémorations du 11 novembre 1918, celle qui devait être "la der des der. Trois jours après avoir eu une pensée émue pour nos soldats qui ont récemment donné leur vie sur les divers fronts contre le terrorisme. C'est pour moi le comble du cauchemar.
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