La question de "l'autonomie" de l'école est à la mode, suite à quelques déclarations dont n'est pas avare notre nouveau ministre de l’Éducation nationale en attendant les élections législatives. Mais soyons honnêtes, elle est de toute façon dans l'air du temps et d'une imparable logique. Face à l'excessive centralisation du système français, son paradigme injonctif et ses résultats désastreux, on a beau jeu de regarder nos voisins et de constater qu'ils ont depuis belle lurette saisi le problème à bras le corps et adopté des tactiques dont l'objectif premier est de donner aux entités locales le maximum de liberté quant à leurs choix et leurs fonctionnements.
Il faudra un jour que quelque courageux politique sache faire fi et passer outre le désastreux passif anarcho-syndicaliste des enseignants français pour imposer les mesures de liberté qui s'imposent. Quand j'entends l'ahuri gaucho-insoumis en chef, adorateur de Chavez ou de Castro, hurler à la "destruction" de l'école, je rigole après avoir eu très peur lors des présidentielles. Ouf, fini le bonhomme, vu son âge on va bientôt pouvoir le placer et libérer les lieux pour un autre qui n'alliera pas poujadisme et trotskysme.... ni surtout pour l'école un positionnement statique mortifère qui consiste à surtout ne rien faire, quels que soient les besoins d'enfants nés après l'an 2001, dans une ère informatisée en évolution rapide, et qui en rien ne sont concernés par de quelconques nostalgies tant ils ont soif d'apprendre et de devenir des adultes responsables en utilisant nos nouveaux outils extraordinaires.
On peut ne pas aller jusqu'aux "Free schools" anglaises, symboles du libéralisme le plus total mais dans le bon sens du terme à mon avis, dont le bilan reste à tirer car cela ne fait guère que six ans que le système existe. Il s'en est ouvert 250 depuis 2010, et 500 de plus sont attendues d'ici à 2020 :
" (...) Les fondateurs de ces écoles, souvent de simples parents désireux d'innover, décident eux-mêmes de leurs principes de gestion et de pédagogie, en respectant les grandes lignes définies par l'Etat sur le contenu de l'enseignement et les critères d'admission. Libres à eux d'établir le nombre d'heures de cours, de choisir les matières enseignées (la lutte gréco-romaine, le mandarin, le jardinage ou la robotique ont ainsi fait leur apparition), de recruter les enseignants qui leur semblent les mieux adaptés, indépendamment de leurs diplômes (qui peut se plaindre qu'un compositeur reconnu devienne prof de musique ?), d'introduire les MOOC et les iPad ou au contraire de revenir à la plume et à l'encrier. On peut ainsi espérer que, par expérimentation et émulation, les principes les plus efficaces soient progressivement plébiscités, tout en préservant la diversité de l'offre éducative. (...)"
Ces établissements ont une obligation absolue : n’effectuer aucune sélection à l’entrée. Les écoles publiques ont eu la possibilité de faire le même choix, et le nombre d'écoles publiques qui ont choisi de se convertir en unité indépendante - que les anglais appellent academy - est extraordinaire : 50 % des établissements secondaires et une école primaire sur cinq, soit près de 4 500 établissements ! Une révolution qui concerne quelque 3 millions d’élèves...
L'auteur de l'article clame que "(...) Comme l'ont montré plusieurs études, publiées par l'Institute of Education ou Public Exchange, elles se sont développées avant tout dans les quartiers les plus populaires et produisent des effets positifs sur l'ensemble des écoles adjacentes." Je reste dubitatif. Je ne doute pas une seconde que certaines de ces Free Schools sont des entités scolaires remarquables, mais j'ai pour ma part trouvé dans les compte-rendus anglais plus d'interrogations qu'autre chose. Il faudra encore cinq à dix ans pour espérer tirer un bilan honnête. Le temps de l'école - combien de fois cela a-t-il été dit ! - est un temps long, ce n'est qu'à moyen terme qu'on peut espérer des échos positifs ou négatifs. Les anglais auront au moins eu le culot d'essayer.
On peut simplement se pencher sur les réformes scandinaves. Notre système français est notoirement déresponsabilisant. Pourquoi diable continuer à lutter contre l'adversité quand on ne nous en donne ni les moyens, ni la récompense? Il m'est moi-même arrivé de dire "J'arrête, je ne serai pas payé moins cher." devant les obstacles posés sur ma route pour aider un enfant en difficulté : nombre d'élèves, regard institutionnel hostile, temps, énergie, formation... C'est humain. Et malheureusement très logique dans une organisation aussi pyramidale et sclérosée que la nôtre.
Beaucoup d'autres pays ont fait le choix de l'autonomie de leurs "établissements scolaires". Et si je mets des guillemets c'est bien parce que je ne m'arrête pas à ceux qui en ont officiellement en France la dénomination, soit le collège et le lycée. Encore eux-mêmes ne sont-ils autonomes que superficiellement : leurs choix sont limités, leur autonomie pédagogique reste à construire avec des chefs d'établissement pour certains éloignés du réel et du collectif, etc.
Nous ne devons pas nier l'élan qui bouscule notre vieux pays. Un sondage IFOP récent le rappelait:
* 78 % des Français interrogés se prononcent en faveur d’une plus grande autonomie laissée aux enseignants dans le suivi du programme et leur projet pédagogique;
* 71 % des Français interrogés sont favorables à ce que pouvoir soit donné aux chefs d’établissements de recruter leurs équipes enseignantes.
Les français ont soif de liberté et d'autonomie. Ils veulent avoir le choix de leur avenir, et surtout que leurs enfants aient de meilleures chances qu'eux. Ils veulent remettre en marche un ascenseur social qui a été détruit il y a quarante ans. Il est logique qu'ils fassent plus confiance aux enseignants et aux écoles qu'en un État dont ils ne voient depuis si longtemps que les faillites.... et hélas la corruption. Moi aussi je ressens la même pépie: pouvoir travailler au plus près des besoins des élèves de mon école, pouvoir assister chacun au mieux de ses besoins, les accompagner tous sur la route difficile qu'ils empruntent, sans devoir m'en justifier ni quémander ni paperasser...
Du coup moi je "roule pour le MEDEF".
Je deviens soudain un ennemi de classe. Le MEDEF a récemment fait des propositions pour l'enseignement. Je ne dirai rien de ce qui concerne le secondaire, car en toute honnêteté je ne m'y connais pas assez. Je ne voudrais pas non plus faire de procès d'intention, mais je ne doute pas une seconde que mes lecteurs y suppléeront. En revanche, j'agrée totalement et sans aucune retenue à ce qui est préconisé pour le primaire:
Donner des moyens supplémentaires à l’école primaire autour de trois axes :
Confiance envers les enseignants et autonomie des écoles :
Que voudriez-vous que j'ajoute à une telle feuille de route ? Tout le monde a beau brailler depuis des années l'importance du primaire, maternelle ou élémentaire, rien ne se passe sinon des mesurettes vite oubliées ou des "grandes réformes" absolument pas concertées ni efficaces, quand elles sont appliquées. La réforme des rythmes scolaires de Vincent Peillon restera dans les annales comme le prototype de la réforme imbécile. Les bons sentiments font les pavés de l'enfer... Allons, je vais être totalement sincère, cette réforme aura au moins eu le mérite de faire travailler ensemble, dans la plupart des communes, des enseignants et des municipalités qui parfois s'ignoraient, parce qu'il fallait bien le créer, ce PEDT. Un comble d'ailleurs, quand on sait à quel point l'intérêt de l'école et celui des élus est le même. Un comble aussi quand on veut bien se rappeler que nos écoles françaises sont des écoles communales. Mais Monsieur le Maire, pour le Directeur d'école, a souvent été "l'ennemi" au même titre il y a un siècle que Monsieur le curé. Certains en sont restés là, qu'ils s'y endorment avec leurs certitudes d'un autre âge.
Pourtant je ne veux - et je ne suis pas seul - que pouvoir travailler dans la sérénité, sans qu'une quelconque épée de Damoclès soit suspendue au-dessus de ma tête. Que connait mon administration des besoins de mes élèves ?
L'autonomie des écoles françaises reste un modèle à construire, loin des vieilles peurs ou des velléités extrémistes. La nécessité est réelle d'objectifs et de contrôle - le mot "évaluation" m'insupporte - car comme je l'ai déjà écrit l'autonomie n'est pas l'indépendance. Le besoin de faire évoluer la notion "d'équipe pédagogique" aussi est une nécessité, on ne peut concevoir un établissement autonome sans que chacun de ceux qui y travaillent élabore et participe au projet commun. Qui voudrait d'une gouvernance incompétente et aveugle ? Comme le dit le chef de tribu dans "La forêt d'émeraude" de John Boorman : "Si moi chef j'exige d'un homme qu'il fasse ce qu'il ne veut pas faire, alors je ne suis plus le chef !".
Mais nous ne pouvons plus désormais nous contenter d'un strict minimum syndical... L'avenir des enfants qui nous sont confiés est trop important pour en faire un enjeu personnel ou politique.
" (...) Les fondateurs de ces écoles, souvent de simples parents désireux d'innover, décident eux-mêmes de leurs principes de gestion et de pédagogie, en respectant les grandes lignes définies par l'Etat sur le contenu de l'enseignement et les critères d'admission. Libres à eux d'établir le nombre d'heures de cours, de choisir les matières enseignées (la lutte gréco-romaine, le mandarin, le jardinage ou la robotique ont ainsi fait leur apparition), de recruter les enseignants qui leur semblent les mieux adaptés, indépendamment de leurs diplômes (qui peut se plaindre qu'un compositeur reconnu devienne prof de musique ?), d'introduire les MOOC et les iPad ou au contraire de revenir à la plume et à l'encrier. On peut ainsi espérer que, par expérimentation et émulation, les principes les plus efficaces soient progressivement plébiscités, tout en préservant la diversité de l'offre éducative. (...)"
Ces établissements ont une obligation absolue : n’effectuer aucune sélection à l’entrée. Les écoles publiques ont eu la possibilité de faire le même choix, et le nombre d'écoles publiques qui ont choisi de se convertir en unité indépendante - que les anglais appellent academy - est extraordinaire : 50 % des établissements secondaires et une école primaire sur cinq, soit près de 4 500 établissements ! Une révolution qui concerne quelque 3 millions d’élèves...
L'auteur de l'article clame que "(...) Comme l'ont montré plusieurs études, publiées par l'Institute of Education ou Public Exchange, elles se sont développées avant tout dans les quartiers les plus populaires et produisent des effets positifs sur l'ensemble des écoles adjacentes." Je reste dubitatif. Je ne doute pas une seconde que certaines de ces Free Schools sont des entités scolaires remarquables, mais j'ai pour ma part trouvé dans les compte-rendus anglais plus d'interrogations qu'autre chose. Il faudra encore cinq à dix ans pour espérer tirer un bilan honnête. Le temps de l'école - combien de fois cela a-t-il été dit ! - est un temps long, ce n'est qu'à moyen terme qu'on peut espérer des échos positifs ou négatifs. Les anglais auront au moins eu le culot d'essayer.
On peut simplement se pencher sur les réformes scandinaves. Notre système français est notoirement déresponsabilisant. Pourquoi diable continuer à lutter contre l'adversité quand on ne nous en donne ni les moyens, ni la récompense? Il m'est moi-même arrivé de dire "J'arrête, je ne serai pas payé moins cher." devant les obstacles posés sur ma route pour aider un enfant en difficulté : nombre d'élèves, regard institutionnel hostile, temps, énergie, formation... C'est humain. Et malheureusement très logique dans une organisation aussi pyramidale et sclérosée que la nôtre.
Beaucoup d'autres pays ont fait le choix de l'autonomie de leurs "établissements scolaires". Et si je mets des guillemets c'est bien parce que je ne m'arrête pas à ceux qui en ont officiellement en France la dénomination, soit le collège et le lycée. Encore eux-mêmes ne sont-ils autonomes que superficiellement : leurs choix sont limités, leur autonomie pédagogique reste à construire avec des chefs d'établissement pour certains éloignés du réel et du collectif, etc.
Nous ne devons pas nier l'élan qui bouscule notre vieux pays. Un sondage IFOP récent le rappelait:
* 78 % des Français interrogés se prononcent en faveur d’une plus grande autonomie laissée aux enseignants dans le suivi du programme et leur projet pédagogique;
* 71 % des Français interrogés sont favorables à ce que pouvoir soit donné aux chefs d’établissements de recruter leurs équipes enseignantes.
Les français ont soif de liberté et d'autonomie. Ils veulent avoir le choix de leur avenir, et surtout que leurs enfants aient de meilleures chances qu'eux. Ils veulent remettre en marche un ascenseur social qui a été détruit il y a quarante ans. Il est logique qu'ils fassent plus confiance aux enseignants et aux écoles qu'en un État dont ils ne voient depuis si longtemps que les faillites.... et hélas la corruption. Moi aussi je ressens la même pépie: pouvoir travailler au plus près des besoins des élèves de mon école, pouvoir assister chacun au mieux de ses besoins, les accompagner tous sur la route difficile qu'ils empruntent, sans devoir m'en justifier ni quémander ni paperasser...
Du coup moi je "roule pour le MEDEF".
Je deviens soudain un ennemi de classe. Le MEDEF a récemment fait des propositions pour l'enseignement. Je ne dirai rien de ce qui concerne le secondaire, car en toute honnêteté je ne m'y connais pas assez. Je ne voudrais pas non plus faire de procès d'intention, mais je ne doute pas une seconde que mes lecteurs y suppléeront. En revanche, j'agrée totalement et sans aucune retenue à ce qui est préconisé pour le primaire:
Donner des moyens supplémentaires à l’école primaire autour de trois axes :
Confiance envers les enseignants et autonomie des écoles :
- accompagner et soutenir les enseignants du primaire (formation, moyens, etc.) et autonomie de décision et d’organisation aux écoles;
- Innovations : permettre et financer les innovations, qu’elles soient pédagogiques, organisationnelles, techniques;
- Personnalisation : mettre l’enfant au centre des démarches et adapter les enseignements à sa situation propre.
Que voudriez-vous que j'ajoute à une telle feuille de route ? Tout le monde a beau brailler depuis des années l'importance du primaire, maternelle ou élémentaire, rien ne se passe sinon des mesurettes vite oubliées ou des "grandes réformes" absolument pas concertées ni efficaces, quand elles sont appliquées. La réforme des rythmes scolaires de Vincent Peillon restera dans les annales comme le prototype de la réforme imbécile. Les bons sentiments font les pavés de l'enfer... Allons, je vais être totalement sincère, cette réforme aura au moins eu le mérite de faire travailler ensemble, dans la plupart des communes, des enseignants et des municipalités qui parfois s'ignoraient, parce qu'il fallait bien le créer, ce PEDT. Un comble d'ailleurs, quand on sait à quel point l'intérêt de l'école et celui des élus est le même. Un comble aussi quand on veut bien se rappeler que nos écoles françaises sont des écoles communales. Mais Monsieur le Maire, pour le Directeur d'école, a souvent été "l'ennemi" au même titre il y a un siècle que Monsieur le curé. Certains en sont restés là, qu'ils s'y endorment avec leurs certitudes d'un autre âge.
Pourtant je ne veux - et je ne suis pas seul - que pouvoir travailler dans la sérénité, sans qu'une quelconque épée de Damoclès soit suspendue au-dessus de ma tête. Que connait mon administration des besoins de mes élèves ?
L'autonomie des écoles françaises reste un modèle à construire, loin des vieilles peurs ou des velléités extrémistes. La nécessité est réelle d'objectifs et de contrôle - le mot "évaluation" m'insupporte - car comme je l'ai déjà écrit l'autonomie n'est pas l'indépendance. Le besoin de faire évoluer la notion "d'équipe pédagogique" aussi est une nécessité, on ne peut concevoir un établissement autonome sans que chacun de ceux qui y travaillent élabore et participe au projet commun. Qui voudrait d'une gouvernance incompétente et aveugle ? Comme le dit le chef de tribu dans "La forêt d'émeraude" de John Boorman : "Si moi chef j'exige d'un homme qu'il fasse ce qu'il ne veut pas faire, alors je ne suis plus le chef !".
Mais nous ne pouvons plus désormais nous contenter d'un strict minimum syndical... L'avenir des enfants qui nous sont confiés est trop important pour en faire un enjeu personnel ou politique.