jeudi 3 janvier 2013

La clé du succès...


"All evidence shows that supporting the professional development of school principals and leaders is a key to success in any reform aimed at improving the quality of education and transforming the school culture."

"Toutes les preuves montrent que le soutien au développement professionnel des directeurs d'école et des chefs d'établissement est une clé du succès de toute réforme visant à améliorer la qualité de l'éducation et transformer la culture de l'école."

C'est Irina Bokova, directrice générale de l'UNESCO, qui a prononcé ces mots. Tous ceux qui observent l'école, de l'intérieur de la structure comme de l'extérieur, ont conscience de cette évidence : le leadership exercé par le directeur d'école constitue un élément déterminant de la réussite scolaire. Les acteurs de l'école le savent, les observateurs et les penseurs le savent, les municipalités le savent, les parents d'élèves le savent. Les seuls qui l'ignorent en France sont malheureusement ceux qui gouvernent l'école.

J'ai abondamment exprimé sur ce blog le centralisme destructeur du ministère de l’Éducation nationale, ainsi que dénoncé son embonpoint paralysant. Cet embonpoint profite à une caste de hauts fonctionnaires traités avec déférence et payés à cette mesure, nababs dont l'intérêt persiste à occulter la vérité d'un fonctionnement déficient de l'institution scolaire à son plus haut niveau. Autant les agents de terrain, et en particulier les directeurs d'école, travaillent et dépensent au maximum leur énergie, essayant d'amener leurs élèves à l'excellence, autant la nomenklatura de l’Éducation nationale tresse au quotidien une profusion de voiles opaques qui cachent la réalité aux yeux du ministre. Cette danse des sept voiles à l'envers paralyse l'école depuis plusieurs décennies, avec l'active complicité des centrales syndicales. C'est ainsi qu'on a pu entendre en juillet 2012 un nouveau ministre aux œillères toutes neuves exprimer son dédain pour l'évidence, qui déclarait que "le statut des directeurs d'école n'était pas à l'ordre du jour de la refondation".

Quel aveuglement! Quel manque de conscience!

Il aura fallu de nombreuses déclarations lors de la concertation expliquant l'importance du rôle de la direction d'école, déclarations certes timides mais réelles; il aura fallu l'entregent particulier du GDiD dont les représentants se sont démenés pendant plusieurs mois; il aura fallu l'implication profonde de plusieurs syndicats d'enseignants -et en particulier du SE-Unsa- qui au cours des dernières années auront fait leur aggiornamento... pour que finalement le ministre se décide à dire que des discussions allaient avoir lieu dès le début 2013 -donc maintenant- quant à l'évolution de notre métier.

Cela signifie-t-il que l'évidence se soit imposée? Certes non, je n'y crois pas une seconde. Le ministre ne voit dans la question des directeurs d'école qu'un léger obstacle qu'il doit surmonter. Il laissera la gestion du problème à son cabinet, qui ignore tout de la question et pense certainement qu'il ne s'agit là que d'une difficulté mineure.

Et pendant ce temps au plus haut niveau les gestionnaires de l'école tâcheront d'apporter quelques retouches cosmétiques en agitant le chiffon des rythmes scolaires, en faisant de nombreuses déclarations lénifiantes quant à la volonté de bouger les lignes, en aménageant par ci par là quelques petites choses mais en ne surtout rien changeant des structures surannées du ministère afin de conserver intacte leur rente viagère, faisant semblant de croire et voulant faire croire que cela suffira pour rendre à l'école de France son efficience.

Comment peut-on être aveugle à ce point? Comment peut-on, lorsqu'on est comme Vincent Peillon Agrégé de philosophie, confondre la forme et le fond, le signifiant et le signifié? Comment peut-on imaginer, alors que tous les pays du monde s'escriment à donner à leurs directeurs d'école les armes nécessaires à l'exercice de leur mission, qu'une "refondation de l'école" puisse être efficace sans les directeurs des écoles publiques françaises? S'attaquer à la forme en nous faisant travailler le mercredi matin est certes une bonne chose -du moins personnellement je la considère comme telle-, mais il est illusoire de croire que cela sera nécessaire et suffisant pour remonter le niveau d'instruction des élèves de notre pays. Ce sont des femmes et des hommes épuisés, surchargés de responsabilités et de travail, sans reconnaissance et maltraités, qui font au quotidien l'école de la Nation. Les directeurs d'école sont au bord du gouffre, ils souffrent de ne pas pouvoir exercer sereinement leur mission, ils voient jour après jour malgré leurs efforts permanents leurs élèves s'enfoncer dans la médiocrité sans rien pouvoir y faire tant ils n'ont rien pour y remédier, tant on ne leur donne rien de qu'ils savent nécessaire pour y remédier. Le désir d'abandon est de plus en fort chez les directeurs d'école, un "après moi le déluge" désabusé de ceux qui sauraient quoi faire mais n'y peuvent pas grand chose, sans temps ni moyen, empêtrés dans les mesures contradictoires, les évaluations inutiles, les instructions comminatoires, les menaces institutionnelles violentes d'une administration sourde ou des potentats locaux que sont les IEN, j'en passe et des meilleures... relisez les autres billets de ce blog.


2013 sera-t-elle l'année des directeurs d'école? Dans de nombreux autres pays, oui : le Canada est en pleine réforme, les États-Unis, les pays émergents aussi... Partout on se pose la question d'une direction d'école efficiente et on y trouve la réponse, simple et structurante, d'un leadership institutionnalisé clair et affirmé. En France? Nous restons englué dans une vision passéiste d'un système jacobin centralisé aux petites mains méprisées. Alors je suis plus que dubitatif quant à la portée des fameuses discussions qui s'engageront bientôt. A moins que M. Peillon ait profité des fêtes de Noël pour se documenter sur la question et regarder ce que font les nations qui nous entourent en terme de statut de la direction d'école et de rémunération de la fonction enseignante... On pourrait alors espérer que notre ministre de l’Éducation nationale ait soudain pris conscience de l'importance du rôle du directeur d'école, et surtout qu'il serait vain de croire à l'efficacité de toute réforme dont nous ne serions pas les principaux acteurs.

Hélas, je ne crois plus au père Noël depuis longtemps.

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