La DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), organe interne à l’Éducation nationale chargé comme son nom l'indique d'évaluer le fonctionnement du diplodocus, fait paraître régulièrement -sauf si on l'en empêche comme le faisait avec allégresse certain gouvernement récent "de droite"- des études et autres "notes d'information" dont l'intérêt et la pertinence varient selon la connaissance du sujet et le sérieux de la recherche.
La DEPP a fait paraître mi-juillet une note sur le temps de travail des enseignants du 1er degré. Le public, les politiques et les médias étant persuadés que les professeurs du primaire baguenaudent avec insouciance en profitant d'incommensurables loisirs, je ne peux que saluer l'initiative.
Néanmoins, lecture faite, je reste très dubitatif quant aux chiffres présentés par cette note, et fort circonspect quant à la pertinence des observations concernant les directeurs d'école. Oui, la direction d'école étant mon cheval de bataille, je suis évidemment très pointilleux sur le sujet.
D'abord la méthode empirique utilisée pour connaître le temps de travail, celle du sondage, ne me parait pas convenable. Basée sur le ressenti des enseignants, elle amène à fortement surestimer les heures hors élèves passées à la préparation, la correction, ou l'accueil des familles. Quand j'écris "surestimer", je suis gentil, je devrais utiliser le terme "exagérer". Mais curieusement la moyenne de 44 heures de travail que la DEPP met en avant correspond à peu de chose près aux chiffres avancés par les centrales syndicales, ce qui en cette période de négociations marque une synchronicité certainement louable mais qui me laisse dubitatif...
Baste! Admettons. De toute façon il est clair que les enseignants du primaire font largement plus que leur temps de travail en présence des élèves, beaucoup doivent approcher les trente-cinq heures, voire plus. Plus d'abord pour les débutants dans la carrière, la DEPP enfonce là une porte ouverte, car il est évident que l'âge et l'expérience amènent une meilleure efficacité. Mais peut-être était-il nécessaire de l'écrire.
En revanche, ce qui me fait fortement râler, c'est la façon dont est exprimé le temps de travail des directeurs d'école. La note de la DEPP présente avec assurance que (je cite)
Pour faire face aux missions d’animation de l’équipe pédagogique, de lien avec les parents d’élèves et les partenaires extérieurs à l’école, ils bénéficient de décharges de service, dont la quotité est fonction du nombre de classes.
et enfonce le clou en précisant
Les directeurs d’école bénéficient d’une décharge complète, d’une demi-décharge ou d’un quart de décharge selon le nombre de classes et le type d’école où ils exercent.
Mais bien sûr, Madame la Marquise! C'est un peu léger en besogne. Que le public croie que tous les directeurs d'école sont les supérieurs hiérarchiques de leurs adjoints et sont payés comme les chefs d'établissement, c'est une chose; mais qu'un organe interne à l’Éducation nationale colporte l'idée que tous les directeurs d'école bénéficient d'un temps de décharge, c'est un peu léger! Il faut être la DEPP pour oser occulter ainsi 40 % des directeurs d'école, qui n'ont aucun temps de décharge sinon deux jours en début d'année royalement accordés par l'administration du haut de sa magnificence... quand ils les ont!
Bref, la note de la DEPP noie absolument le poisson, mixant et broyant tous les enseignants du primaire dans le même bol, directeurs compris, et veut faire accroire que les directeurs d'école travaillent autant que leurs adjoints, mais certainement pas plus. Que mes collègues, qui ont passé largement une ou deux semaines de leurs grandes vacances dans leur école à boucler leur année scolaire dernière et à préparer la présente, qui depuis cette rentrée sont dans leur bureau jusqu'à 19h au mieux, qui s'arrachent les cheveux depuis quinze jours à galoper dans tous les sens, sachent bien que pour ma part je ne suis pas dupe de ce genre de document qui accrédite l'idée que les directeurs d'école sont "des enseignants comme les autres", et qu'il n'y a aucune raison de considérer la mission de direction d'école comme un métier à part. Oui, être directeur d'école en 2013, c'est faire un métier particulier, spécifique, indispensable et précieux, un métier qui mérite mieux que quelques prétendus et fort légers avantages ou de vagues indemnités chichement consenties. Qui peut croire, si je ne prends que mon cas, que je ne travaillerais pas plus que mes collègues alors que sans aucune décharge je dois faire classe six heures par jour, préparer le travail de mes élèves, et par-dessus le marché gérer l'école? Rencontrer les partenaires, prévenir les dangers, organiser le temps de travail de tous -dont maintenant les APC-, etc, cela se ferait donc par l'opération du Saint Esprit? Allons donc, soyons sérieux voulez-vous...
Je n'aime pas ce genre de document au moment où les négociations sur le statut des directeurs d'école et leur mission vont débuter, alors que parallèlement le GDiD est officiellement convié à travailler en amont avec le ministère -et dès le 19 septembre prochain si je ne m'abuse-. Je n'aime pas quand on cherche à manipuler l'opinion et celle des enseignants à la veille d'un si important rendez-vous, juste pour brosser les centrales syndicales dans le sens du poil...
C'était ma râlerie du dimanche.
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