Les trois-quarts des écoles de ce pays viennent de passer aux "nouveaux" rythmes scolaires. Je suis dans le tas. Ne nous leurrons pas, ça coince.
Moi j'en tiens pour travailler le mercredi matin, je l'ai déjà écrit ici, je réclame ça depuis mes débuts dans le métier il y a trente-cinq ans. Et après deux semaines d'essai cela me convient pleinement, surtout que les journées de travail scolaire de mes élèves ont été raccourcies. Pas les miennes, je suis dirlo, donc sur le pont de toute façon. Et j'écris bien pour mes élèves les heures "scolaires", parce que le reste...
Dans ma commune, les NAP sont assez sympas pour mes gamins de maternelle: pas mal de sport ou assimilé, des activités calmes. Mais ça reste de la collectivité, même en petits groupes, et des activités dirigées donc forcément contraignantes. C'est un rythme à prendre, c'est bien encadré, les enfants ne se plaignent pas. Nous verrons plus tard pour la fatigue. En tout cas le jeudi matin mes disciples sont bien moins excités qu'ils l'étaient dans la précédente mouture... Et puis je peux faire le mercredi matin dans le calme des activités qui devenaient difficiles à organiser comme des gros ateliers graphiques ou de travail manuel, cela fait une pause au milieu de semaine dans le boulot habituel, et c'est agréable pour moi comme pour eux.
Non, si j'écris que ça coince, c'est parce qu'il me revient aux oreilles des situations aberrantes ou effarantes dans certaines communes. Je n'évoquerai pas Marseille qui est exemplaire dans le n'importe quoi précipité et dont le plains mes collègues directeurs d'école. Je ne parlerai même des ultimes réfractaires dans leur combat d'arrière-garde qui ont voulu se la jouer politique et perso pour se faire une réputation d'électron libre à coups de cadenas ou de serrures changées. Mais bien simplement de communes qui ont pourtant travaillé sur leur PEDT et ont organisé ça n'importe comment: horaires d'école ou de NAP ahurissants, contraintes exercées sur les enseignants et les directeurs, activités lamentables... Comment a-t-on pu laisser faire ça?
J'ai bien une réponse, mais elle ne va pas faire plaisir.
Je l'ai écrit ici de nombreuses fois, mais si quelqu'un connait bien son école, ses besoins et ses contraintes, c'en est bien le directeur ou la directrice. Pourquoi n'avoir pas donné aux directeurs une voix prépondérante sur le sujet, au lieu de laisser ça aux mains de certaines municipalités incompétentes -elles sont heureusement une minorité- avec une validation institutionnelle par des IEN et des DASEN qui ne voulaient voir que le respect des textes? On me parle de bien-être de l'enfant, et dans certaines communes les organisations arrêtées et validées vont à son encontre, ou à l'encontre du fonctionnement serein des écoles. Ahurissant. Tout cela parce que souvent les avis des directeurs ou des CE ont été ignorés, ou méprisés, et le sont encore. Il y a des endroits où ça va péter! Volonté de sabotage? Certainement dans quelques communes. Simple ignorance? C'est possible. Mépris des enseignants et de leurs compétences? Probable.
Dois-je aussi évoquer le fait que PERSONNE n'a daigné imaginer que les écoles maternelles et élémentaires ont des besoins spécifiques et différents? Dois-je évoquer le fait que JAMAIS on n'a simplement pensé qu'un enfant de trois et un enfant de dix ans n'ont pas les mêmes besoins ni les mêmes compétences? On égalise tout, on rase gratis, rien ne doit dépasser... et surtout pas les tout-petits qui n'ont pas voix au chapitre ni leurs enseignants qu'on ignore superbement.
Quand reconnaitra-t-on aux directeurs d'école leurs compétences spécifiques? Le directeur est au-dessus des contingences personnelles, des desiderata de ses adjoints ou d'autres lorsqu'ils portent préjudice au bon fonctionnement global de son "établissement". En général le directeur d'école voit l'ensemble de ses élèves dans leur globalité, et n'a en tête que leur réussite, et forcément pour cela leur bien-être, leur plaisir de venir à l'école. C'est primordial, ça, bien au-delà de nombreuses contingences externes et des revendications politiques. Quand saura-t-on faire confiance aux directeurs d'école?
On me dit que le "référentiel" va sous peu être proposé aux représentations syndicales. J'ai personnellement du mal à imaginer que la DGESCO puisse proposer un texte qui aille à l'encontre de sa propre sécurité institutionnelle, et du confort de la hiérarchie. Nous verrons sous peu. Mais il ne m'étonnerait pas que soit par exemple conforté le rôle validateur, répressif, harceleur, tatillon, ubuesque, des IEN, au détriment de directeurs d'école qui resteront redevables envers leur IEN de divers tableaux de contrôle et autres calendriers impossibles à respecter dans les faits. La gestion des 108 heures dues par les enseignants hors présence des élèves est exemplaire dans ce domaine, qui répartit de la même façon partout les heures en question, sans seulement pouvoir imaginer que les besoins sont parfaitement dissemblables même au sein des écoles d'une même commune, comme entre maternelles et élémentaires.
Bref c'est quand même un peu le bordel, je le dis crûment mais je le pense. Les changements de ministre intempestifs n'y sont peut-être pas non plus pour rien. Sur le terrain, nous voyons un ministère qui coule, et nous continuons à tenter d'exercer notre mission vaille que vaille. Zut, c'est quand même l'avenir de nos élèves qui est en jeu! Alors merci d'avance de nous donner, à nous directeurs d'école, les moyens de sauvegarder ce qui peut encore l'être qui en vaille la peine, et de faire avancer l'école vers la pleine réussite scolaire de nos pitchounes, sans persister à nous accumuler les obstacles et les contrôles qui ne servent à rien sinon à perturber notre travail... et notre bien-être aussi. Enseigner réclame de la sérénité, chacun s'ingénie à nous l'enlever. Et vous vous étonnez du mal-être de la profession?
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