Il règne en ce moment une certaine agitation dans l’Éducation nationale. Entre les propositions de nouveaux programmes pour le collège ou l'élémentaire, les "Assises" de la laïcité, les ouvertures et fermetures de classes, le "mouvement", et autres joyeusetés, ça s'agite et ça trépigne.
Moi je suis épuisé. Qu'on ne vienne pas me dire que la matinée supplémentaire du mercredi matin n'y est pas pour quelque chose, ni non plus les multiples réunions en soirée auxquelles j'ai dû assister, lors desquelles j'ai dû intervenir ou que j'ai dû animer comme directeur d'école. Jamais vu ça. Ce mois d'avril 2015 restera dans mes annales.
Si on y réfléchit sereinement, beaucoup est néanmoins intéressant, et va dans le bon sens. Les programmes, par exemple. Sauf que le ministère tient absolument à ce qu'ils soient appréhendés par le public, et inévitablement cela suscite une incompréhension dans laquelle s'engouffrent des gens qui ne veulent que critiquer. Dans un sens, qu'on s'attaque au jargon professionnel qui y est employé est plutôt bon signe, cela signifie qu'il n'y a trop rien à redire sur le fond.
Les "Assises" aussi sont intéressantes. J'ai été convié à intervenir lors de celles de mon département, j'ai réussi à y placer mon couplet sur les directeurs d'école qui exercent aujourd'hui un métier et non plus seulement une mission. J'éprouve donc une certaine satisfaction même si je ne suis pas dupe de la portée réelle de mes propos. Et puis j'ai entendu lors de ces débats des choses intéressantes qui pour une fois viennent de la base. Dommage que mon impression générale néanmoins soit que le ministère, une fois de plus, réinvente l'eau chaude, car je n'ai rien entendu qui ne soit pratiqué depuis des lustres par de nombreuses écoles qui tentent sans défaillir de faire comprendre à des populations exclues l'intérêt et l'importance de l'école, les y font entrer, les y font accompagner la scolarité de leurs enfants... Bon, c'est bien, mais quid novi?
Sur les fermetures de classes, je regarde avec une certaine sérénité les parents d'élèves qui un peu partout défendent l'indéfendable qui en occupant une école, qui en en bloquant l'entrée avec les banderoles traditionnelles, qui en séquestrant une directrice plus ou moins complice. C'est le jeu. Il faudra quand même faire comprendre à la population, en particulier rurale quand il en reste, qu'aujourd'hui il est devenu ingérable et coûteux de conserver cinquante-mille écoles dans tout autant de bâtiments parfois délabrés. Regrouper élèves et moyens financiers, surtout lorsqu'ils deviennent rares, est indispensable en 2015 pour que les enseignants et les enfants aient de bonnes conditions de travail.
Le "mouvement"? Bon... j'avoue que je ne comprends pas vraiment pourquoi dans la première moitié de ma carrière il était si simple de trouver rapidement un poste fixe de bon aloi, alors qu'aujourd'hui c'est pratiquement devenu impossible. A part peut-être le fait que les vieux dans mon genre sont maintenant contraints de rester sur le pont jusqu'à soixante ans au moins, alors que tout le monde mettait les voiles à cinquante-cinq auparavant. C'est sûr, je ne suis pas près de lâcher ma direction d'école dans mon coin sympa.
Et puis il est vrai que mon IEN ne vient plus me "chercher" ni ne m'enquiquine en me racontant n'importe quoi. Elle sait que je suis au GDiD, elle sait ce que je pense de mon métier de directeur d'école et la très haute idée que j'en ai. Elle sait que mon école "tourne". Et elle sait que je sais: les textes qui régissent ma mission me sont bien connus, elle ne peut pas me raconter n'importe quoi. Parce que certains IEN le font encore, face à des directeurs d'école qui n'osent pas s'affirmer ou connaissent mal la législation. Je sens clairement de la part des IEN une certaine résistance au référentiel-métier des directeurs d'école. Mais je la comprends aussi tant je vois de directeurs maladroits qui se fâchent stupidement avec les familles ou avec leur partenaire municipal, simplement parce qu'ils ne savent pas rester à leur place ou faire preuve d'un minimum de diplomatie et de communication. Vous connaissez tous le principe: une histoire idiote qui s'envenime, un courrier du Maire ou d'une famille qui monte chez le DASEN, et le tout qui redescend chez un IEN chargé bien malgré lui de replâtrer la façade ou de jeter de l'eau sur le feu. Quel rôle désagréable! Alors il est certainement plus facile de tenter de tout contrôler pour éviter d'inutiles ennuis, et d'imposer une autorisation superfétatoire pour tout et n'importe quoi. Je le comprends parfaitement. Je comprends aussi qu'il est plus que largement temps que la formation adaptée et continue des directeurs d'école soit mise en place et efficiente. Comme les cellules juridiques, d'ailleurs. Et puis, dans mon for intérieur, je me dis aussi que ma mission de directeur d'école, aujourd'hui je le répète un vrai métier qui requiert des compétences spécifiques, ne soit plus donnée à n'importe qui n'importe comment au gré du "mouvement".
Allons, il faut rester zen. Finalement tout ça va dans le bon sens, celui d'une meilleure gestion locale des écoles, au profit de nos élèves. Il n'y a finalement pas vraiment de raison de s'énerver. En revanche, il est temps que mes vacances arrivent, parce que je pédale dans la mélasse...
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